Campus adventiste du Salève Faculté adventiste de théologie L’ordalie au Mont Carmel Vers l’hénothéisme ou le monothéisme ? Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master en théologie adventiste par Leandro LOPEZ RODRIGUEZ Directeur de recherche : Marcel LADISLAS Assesseur : Rivan DOS SANTOS Collonges-sous-Salève Mai 2014 Remerciements J’aimerais avant tout remercier Dieu pour son accompagnement tout au long de mon travail malgré mes doutes et mes difficultés. J’ai pu sentir sa présence à mes côtés. Je loue le Seigneur pour les capacités, la persévérance et les grâces particulières qu’il m’a accordées pour faire ce travail. Je Le remercie car il s’est révélé progressivement pendant tout mon parcours à la Faculté de théologie ; il m’a fait mûrir dans ma foi. Je remercie d’une manière toute particulière ma chère femme, Karen, pour son soutien permanent durant ces cinq années d’études, pour sa patience, ses attentions et ses remarques qui m’ont été bien utiles pour aller jusqu’au bout de mes rêves. Mes remerciements vont aussi à mon directeur de recherche, Marcel LADISLAS, pour sa disponibilité, pour sa passion pour la Parole de Dieu, pour ses connaissances qui m’ont énormément apporté et parce qu’il a su m’accompagner dans les moments difficiles. En outre, je le remercie pour m’avoir aidé à arriver au bout de mon travail. Je tiens à remercier également Rivan DOS SANTOS, pour tous ses conseils lors de la réalisation de ce travail et pour sa disponibilité. Il a partagé avec moi, au long de mon parcours académique, son amour pour l’étude de la Bible et pour l’histoire. Je tiens à remercier les professeurs qui, d'une manière ou d'une autre, ont contribué à l’accomplissement de ce travail. Car celui-ci est le fruit de tout un parcours et non pas seulement des quelques mois de recherche. Merci à tout le corps enseignant. Je remercie également la Fédération Suisse romande et du Tessin pour son soutien et ses prières. Je remercie également tous mes amis. Les personnes qui mon aidé dans la correction de mon travail, Matatini REIA et Geneviève MONTÉGUT. Je remercie également Mireille TREIYER-LIÉNARD, d’avoir relu avec attention ce travail et m’avoir apporté ses remarques et son soutien. Finalement, merci YHWH pour cette étude que tu m’as permis d’achever et parce que tu t’es révélé une fois de plus dans ma vie ! ~ 1 ~ Introduction ~ 2 ~ Introduction Un jour, Térah, le père d’Abram, demanda à son fils de rester dans la boutique familiale d’idoles qu’il possédait pour répondre aux besoins des clients pendant qu’il s’absentait. Une femme âgée entra. Elle était très triste et déprimait parce que des voleurs avaient pénétré dans sa maison et dérobé ses dieux. Abram dit à la vieille femme : « Si les dieux sont incapables de se protéger eux- mêmes des voleurs, comment peuvent-ils vous protéger ? » Elle baissa la tête, réfléchit, puis répondit : « Vous avez raison. Mais qui devons-nous servir alors ? » Abram répliqua immédiatement : « Le Créateur du ciel et de la terre, qui nous a créés, vous et moi. » Ainsi, la vieille femme sortit de la boutique sans idole. Plus tard dans la journée arriva une femme avec un vase rempli de farine pour les offrir aux dieux. Après son départ, Abram prit une hache et commença à briser toutes les idoles de la boutique, sauf la plus grande aux pieds de laquelle il déposa la hache. Plus tard, son père revint au magasin et vit le gâchis. Il demanda à son fils Abram ce qui s'était passé. Abram répondit : « Une femme est venue offrir de la farine aux dieux. Chacun d’eux voulait être le premier à recevoir l’offrande. Alors, le plus grand se fit insulter et se mit en colère. Il prit une hache et cassa tous les autres dieux. » Térah fut bouleversé et répondit immédiatement : « Quelle absurdité ! Tu sais très bien qu'ils ne parlent ni ne se déplacent. » Alors Abram lui dit : « Ah non ? Alors, père, je vous demande de réfléchir à ce que vous venez de dire. Pourquoi les servez-vous ? », Midrash Rabbah, Genèse vol. 1, 38.131. Cette belle histoire de la Midrash invite à réfléchir sur l’idolâtrie. L’Ancien Testament (désormais cité par son abréviation AT) emploie plusieurs mots pour parler du culte des faux dieux. Parmi ceux- ci figurent les mots lyla et Nwa qui, quand ils sont utilisés pour parler de l’idolâtrie, expriment l’idée de néant ou de vanité, c’est-à-dire littéralement des choses de rien. Pour les prophètes de Dieu, les idoles sont considérées comme « rien », comme quelque chose qui n’existe pas en tant qu’être vivant (Es 44.6-20), comme une simple construction humaine (Es 2.8) dont la fabrication proclame la futilité (Es 40.18-20 ; 41.6-7). Malgré cela, il faut dire qu’il existe des forces spirituelles mauvaises avec lesquelles l’être humain peut être mis en contact par la pratique de l’idolâtrie (Dt 7.25). Bref, il est clair que depuis l’appel d’Abraham, YHWH a toujours suscité des prophètes pour qu’ils demandent au peuple de rejeter tout type d’idoles. Mais, dans la réalité, le peuple d’Israël arrivait-il à adorer un seul Dieu, à savoir YHWH ? L’histoire des religions anciennes me passionnait bien avant que je vienne étudier la théologie à Collonges-sous-Salève. C’est le cours de Bible et archéologie qui a renforcé l’intérêt et la curiosité que je porte à l’histoire, à la mythologie, aux divinités, à l’archéologie et aux textes vétérotestamentaires. Voilà pourquoi je me suis proposé d’étudier le problème de l’idolâtrie, qui se 1 The Midrash Rabbah. Translated into english with notes, glossary and indices under the editorship of Rabbi : FREEDMAN H., Maurice SIMON, EPSTEIN Isidore (éd.), Genesis vol. 1, London, The Soncino Press, 1977. ~ 3 ~ présente à plusieurs reprises dans le corpus de l’AT, plus précisément l’adoration d’une des divinités les plus suivies par le peuple d’Israël, Baal. À maintes reprises, depuis l’entrée en Canaan jusqu’à l’exil en Babylone, les Israélites sont tombés dans l'idolâtrie de ce dieu païen. « Ils avaient abandonné tous les commandements du Seigneur, leur Dieu, [...] Ils s’étaient prosternés devant toute l’armée du ciel et ils avaient servi Baal », 2 R 17.16. C’est pourquoi, d’une part, les prophètes luttèrent intensément contre ceux qui l’invoquaient. D’autre part, les fils d'Israël firent malgré tout ce qui est mal aux yeux du YHWH et ils servirent les Baals. On est en présence d’une sorte de cercle vicieux, idolâtrie-réforme-idolâtrie, dont le peuple ne veut ou ne peut s'extirper. Le nom de Baal figure 90 fois dans l’AT. C’est la deuxième divinité la plus citée après YHWH. Son nom évoque aussi l’idolâtrie ou l’apostasie. Le dieu ainsi nommé est surtout connu pour son rôle sur le climat, pour sa capacité à contrôler les éléments naturels : l’eau, le feu, la terre et l’air. Les nombreux attributs de Baal font de lui une divinité très populaire et très répandue dans tout le bassin méditerranéen. Les Israélites se sont largement tournés vers son culte. Le texte vétérotestamentaire contient plusieurs récits opposant Baal à YHWH (Jg 6.25-32 ; 1 R 18.20-40 ; 2 R 1.2-17 ; 2 R 10.18- 28 ; 2 R 23), ce qui souligne l’importance de la lutte contre l’idolâtrie. Parmi ces différentes confrontations entre YHWH et Baal, la péricope d’Élie au mont Carmel est l’une des plus violentes, des plus marquantes et des plus révélatrices. Ce récit est le seul texte biblique contenant une description relativement vaste des attributs de Baal (là où Élie se moque des prophètes). Voici la traduction littérale de 1 R 18.20-40 : « 20Et Achab manda [envoya chercher] tous les fils d’Israël et il rassembla les prophètes à la montagne du Carmel. 21Élie s’approcha de tout le peuple et dit : jusqu’à quand boiterez-vous sur les deux jarrets ? Si YHWH est le Dieu, allez derrière lui, si c’est Baal, allez derrière lui. Et le peuple ne lui répondit mot. 22Élie dit au peuple : moi, je suis resté prophète pour YHWH, moi seul, mais les prophètes du Baal sont quatre cent cinquante hommes. 23Donnez-nous deux jeunes taureaux ; qu’ils choisissent pour eux un jeune taureau, qu’ils le dépècent et qu’ils placent sur les bois, mais qu’ils n’y mettent pas le feu ; moi, je préparerai l’autre jeune taureau et je le mettrai sur les bois et je n’y mettrai pas le feu. 24Vous invoquerez le nom de votre dieu et moi, j'invoquerai le nom de YHWH, le dieu qui répondra par le feu, c'est lui qui est le Dieu. Tout le peuple répondit et dit : la parole est bonne. 25Élie dit aux prophètes du Baal : choisissez pour vous un jeune taureau et faites-le en premier car vous êtes les plus nombreux. Invoquez le nom de votre dieu mais vous ne mettez pas le feu. 26Et ils prirent le taureau qu’on leur avait donné et ils le firent [préparèrent] et ils invoquèrent au nom du Baal, depuis le matin jusqu'à midi, en disant : Baal réponds-nous. Mais il n'y eut ni voix ni réponse ; et ils boitaient [ou dansaient] devant l'autel qu'ils avaient fait. 27Et voici, à midi, Élie se moqua d'eux et dit : appelez d’une voix forte, car c'est un dieu : il a des soucis ou des affaires ou bien il est en voyage ; peut-être, il dort et il se réveillera ! 28Et ils crièrent avec une voix forte et ils se firent des incisions, selon leur coutume, avec des épées et des lances jusqu'à ce que coule le sang sur eux. 29Quand midi fut passé, ils se mirent à vaticiner jusqu'à ~ 4 ~ l'heure de la présentation de l'offrande, mais il n'y eut aucune voix, ni réponse, ni signe d'attention. 30Élie dit à tout le peuple : Approchez-vous de moi. Et tout le peuple s’approcha de lui. Et il [Élie] répara l’autel de YHWH qui avait été démoli. 31Élie prit douze pierres, selon le nombre des tribus des fils de Jacob, à qui la parole de YHWH avait été dite : ton nom sera Israël. 32Et il construisit un autel de pierres au nom de YHWH, et il fit un fossé d’une contenance de deux mesures de semence autour de l’autel. 33Il arrangea les bois, et il dépeça le taureau et il le plaça sur les bois. 34Puis il dit : Emplissez quatre jarres d'eau et versez-les sur l'holocauste et sur le bois, et il dit : faites une deuxième fois, et ils firent une deuxième fois ; faites une troisième fois, et ils firent une troisième fois. 35Les eaux allèrent autour de l’autel et aussi le fossé fut remplit d’eau. 36Au moment de faire monter l'offrande, Élie le prophète s’approcha et dit : YHWH, Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, en ce jour fait connaître que toi, tu es Dieu en Israël, et moi, ton serviteur, et que selon ta parole j’ai fait toutes ces choses. 37Réponds-moi YHWH, réponds-moi et qu’ils connaissent, ce peuple, que toi YHWH, tu es le Dieu, et que tu fais retourner en arrière leurs cœurs. 38Et le feu de YHWH tomba et il dévora l’holocauste, les bois, les pierres et la poussière, et il absorba l’eau qui était dans le fossé. 39Et tout le peuple vit ; ils tombèrent la face contre terre et ils dirent : YHWH, c’est lui le Dieu, YHWH, c’est lui le Dieu ! 40Élie leur dit : Saisissez les prophètes du Baal, qu’aucun homme parmi eux ne s’échappe. Et ils les saisirent. Elie les fit descendre vers le torrent du Qishôn, et là, il les égorgea. » Cette péricope fait partie d’une unité littéraire (chapitres 17 à 18) qui relate la sécheresse imposée par Élie dans le royaume du Nord (17.1). Elle prendra fin environ trois ans plus tard (18.45). Or, le retour de la pluie semble être une conséquence de l’affirmation du peuple « YHWH, c’est lui le Dieu, YHWH, c’est lui le Dieu ! », v. 39. Introduire la problématique de ce travail passe par l’explication du choix du titre dont la première partie est : L’ordalie au mont Carmel. Le mot ordalie a ici un sens légèrement différent que celui de sa définition classique, à savoir une épreuve judiciaire employée au moyen âge pour établir l'innocence ou la culpabilité de l'accusé en recourant au jugement de Dieu. Nous taxons le récit du mont Carmel d’ordalie dans le sens que l’intervention divine décide qui des deux sujets en litige a raison, Élie ou les prophètes de Baal. Le dieu qui répondra par le feu prouvera qu'il est serviteur de Dieu (v. 36) et que les autres sont des imposteurs. Mais le paradoxe consiste dans le fait qu’on attend le feu de deux divinités différentes. Ainsi, le litige entre les prophètes n’est que la doublure d’un duel entre YHWH et Baal dont le témoin, et peut-être le juge, sera le peuple. Chacune des divinités doit prouver sa puissance au mont Carmel pour pouvoir être reconnue comme Dieu en Israël. La deuxième partie du titre est « vers l’hénothéisme ou le monothéisme ? » Quand Élie dit au peuple : « Jusqu’à quand boiterez-vous sur les deux jarrets ? Si YHWH est le Dieu, allez derrière lui, si c’est Baal, allez derrière lui. Et le peuple ne lui répondit mot. », v. 21. Ce verset révèle l’enjeu de l’ordalie : sortir du syncrétisme et mettre fin à un double jeu. Car le silence du peuple montre qu’il tenait à cette confusion : soit on adore les deux divinité, chacune agissant dans un domaine précis (selon leurs attributs et selon les territoires), soit on utilise les deux noms pour une même divinité (comme dans ~ 5 ~ le livre d’Os 2.18 : « Déclaration du Seigneur, tu m’appelleras “mon Mari”, tu ne m’appelleras plus “mon Baal”. »). Le duel commence. C’est d’abord le tour des prophètes du Baal qui n’obtiennent aucune réponse. Puis Élie prie : « […] en ce jour fais connaître que toi, tu es Dieu en Israël », v. 36, et le feu de YHWH tomba et il dévora l’holocauste (v. 38). Le texte dit : « Et tout le peuple vit, ils tombèrent la face contre terre et ils dirent : YHWH, c’est lui le Dieu, YHWH, c’est lui le Dieu ! », v. 39. Cette histoire entraîne plusieurs questions : Qui était le dieu Baal ? Pourquoi ce dieu a-t-il pris tant d’essor en Israël ? Que s’est-il passé pour que l’on assiste à un développement si important de son culte ? Comment le peuple a-t-il été attiré par ce dieu ? Qu’est-ce que l’hénothéisme et le monothéisme ? Le but d’Élie était-il de montrer que Baal n’existe pas ou simplement que YHWH est le Dieu d’Israël ? Bref, voici notre problématique : l’ordalie au mont Carmel a-t-elle pour but d’amener le peuple à l’hénothéisme ou au monothéisme ? Pourquoi cette problématique ? Quelques textes de l'AT qui font référence à d'autres dieux (p. ex. Ps 82.1-2) ont conduit certains spécialistes à considérer que la religion des anciens Israélites était au départ hénothéiste (croyance en un seul Dieu, sans pour autant nier l’existence d’autres dieux), qui s'est transformé plus tard en monothéiste (croyance qu’il n’existe qu’une seule divinité). Le récit de l’ordalie au mont Carmel est l’un des récits utilisés soit pour : 1. Prouver le message monothéiste des prophètes ; 2. Expliquer l’invention du monothéisme ; 3. Expliquer que l'histoire du monothéisme biblique n'est pas une histoire linéaire, mais plutôt un processus de maturation qui est le fruit d'une somme d'influences, de traditions et d'évènements qui mèneront à l'élaboration de l'expression d'une foi monothéiste régionale originale. Alors, comment se positionner en tant qu’Adventiste du septième jour par rapport à ces types d'interprétations ? Pourrons-nous croire que cela fait partie d’une révélation progressive, c’est-à-dire que Dieu s’est révélé à son peuple progressivement après la sortie d’Égypte jusqu’à nos jours ? Nous n’avons pu répondre à ces questions qu’en fonction de quelques contraintes. D’abord viennent des limitations temporelles dues aux exigences professionnelles, à la charge horaire de notre travail, et aussi au fait que nous avons voulu finir ce mémoire pour la fin de l’année académique 2014. Vient ensuite la limite textuelle, circonscrite à une seule péricope malgré que le sujet soit beaucoup plus vaste. Ce choix se justifie par le volume du travail fixé à un certain nombre de pages. Vient enfin une limite linguistique qui concerne les lectures de travaux et articles publiés sur le sujet : nous n’avons recouru qu’au français, à l’espagnol et à l’anglais alors que l’allemand aurait été un bon outil dans cette étude. Pour être cohérent tout au long de cette recherche, nous avons suivi le Guide méthodologique2. 2 Gabriel MONET, Guide méthodologique. Vade-mecum à l'usage des étudiants de la Faculté adventiste de théologie, Collonges- sous-Salève, Faculté adventiste de théologie, 2010. ~ 6 ~ Quant aux citations et aux noms bibliques, ce seront ceux de la NBS3 sauf indication contraire. Voici maintenant une brève description de la méthodologie suivie dans cette étude. Le sujet a été divisé en trois parties. 1. L’étude synchronique commence par l’exégèse du passage en question (1 R 18.20-40). Elle permet (à travers la traduction littérale du texte) de faire une analyse du contexte large, proche et immédiat, et puis de passer à l’analyse narrative de la péricope dont on tirera quelques constats. 2. L’étude diachronique procède à l’analyse théologique et historique de l’ordalie au mont Carmel. Elle permet de découvrir le profil du dieu Baal vu sous l’angle de divers témoins, la religion cananéenne, et comment ces derniers ont pu affecter la mentalité des Israélites au point d’en arriver à un si grand syncrétisme. 3. L’étude sémantique du vocabulaire moderne des termes monothéisme, hénothéisme et polythéisme permet, elle, de faire le point sur les différentes théories concernant le « naissance du monothéisme ». 4. Enfin viennent la réponse à la problématique du départ, une tentative de thèse, une prise de position en tant qu’Adventiste du septième jour et une application pratique pour notre vie quotidienne. 3 NBS, La Nouvelle Bible Segond édition d'étude, Paris, Alliance biblique universelle, 2002. ~ 7 ~ Étude exégétique 1 Rois 18.20-40 ~ 8 ~ 1. Étude exégétique : 1 Rois 18.20-40 Pour essayer de répondre aux questions posées dans l’introduction, et comprendre quel est le but de l’ordalie (1 R 18.20-40), il faut vérifier l’état du texte tel qu'il se trouve aujourd’hui dans les manuscrits. C’est pourquoi, dans cette première partie, nous ferons une étude exégétique de la péricope de 1 R 18.20-40. Dans un premier temps, nous présenterons une introduction du livre des Rois, suivie de la traduction et de l'établissement du texte. Dans un troisième temps, nous procéderons à une analyse du contexte proche et immédiat du passage pour en tirer quelques clés. 1.1 Introduction au livre des Rois Pourquoi disposons-nous de deux livres des Rois au lieu d’un ? Les auteurs s’accordent pour expliquer que dans sa forme première, la Bible hébraïque a considéré 1 et 2 Rois comme un seul livre4. Le nom de l’ouvrage, en hébreu, est Myklm, Rois. Les Juifs d’Alexandrie réunirent les livres de Samuel et des Rois et les appelèrent les livres des Royaumes, partagés en quatre livres pour des raisons pratiques5. La Vulgate revint à la distinction hébraïque entre Samuel et Rois. Quant à la division des Rois en deux livres faite par la LXX6, elle ne fut introduite dans les manuscrits hébreux qu’à partir du XVe siècle ap. J.-C7. Nous parlerons donc dans cette introduction des deux livres des Rois en les considérant comme formant un seul ouvrage. Quels sont les thèmes développés dans ce livre ? La LXX a classé l’ouvrage des Rois parmi les livres historiques. Sûrement parce qu'ils couvrent une longue période de l’histoire des royaumes d’Israël et Juda8, une période d’environ quatre cents ans9. Mais le livre des Rois n’est-il qu’un livre 4 Lucien GAUTIER, Introduction à l’Ancien Testament, Paris, Bridel, 1906, p. 337-338. Roland de VAUX, Les livres des Rois, Paris, Cerf, 1949, p. 7. Roland Kenneth HARRISON, Introduction to the Old Testament. With a comprehensive review of Old Testament studies and a special supplement on the Apocrypha, Grand Rapids, Eerdmans, 1969, p. 719. Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », in Henri CAZELLES (éd.), Introduction critique à l’Ancien Testament, vol. 2, Paris, Desclée, 1973, p. 245. Humberto RASI (éd.), Josué a 2 Reyes, vol. 2 de Comentario biblico adventista del septimo dia. La Santa Biblia con material exegético y expositorio, trad. Victor AMPUERO MATTA, Nancy VYHMEISTER, Mountain View, Pacific Press, 1985, p. 715-722. Gleason ARCHER, Introduction à l'Ancien Testament, Saint-Légier, Emmaüs, 1991, p. 322. Pierre BUIS, Le Livre des Rois, Paris, Gabalda, 1997, p. 9-10. Mordechai COGAN, 1 Kings. A new translation with introduction and commentary, vol. 10 de The Anchor Bible, New York, Doubleday, 2001, p. 84. Ernst Alex KNAUF, « 1 et 2 Rois », in Thomas RÖMER, Jean-Daniel MACCHI, Christophe NIHAN (éd.), Introduction à l'Ancien Testament, Genève, Labor et Fides, 2004, p. 302. Tremper LONGMAN, Raymond DILLARD, Introduction à l'Ancien Testament, trad. Christophe PAYA, Cléon d'Andran, Excelsis, 2008, p. 153. Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, vol. 2b de Encyclopédie des difficultés bibliques. Ancien Testament, Saint-Légier sur Vevey, Emmaüs, 2010, p. 11. 5 La séparation des livres était due à l’énorme volume de l’ouvrage. Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 11. « La division en deux livres, comme pour Samuel, est artificielle. Elle remonte à la Septante, qui a réparti Samuel et Rois en quatre rouleaux intitulés Livres des Règnes. La vulgate latine nous a transmis cette division, sous le titre de Livres des Rois. » Jean DELORME, Jacques BRIEND, « Les premiers livres prophétiques », p. 301. 6 Dans la LXX et dans les Bibles latines, les livres de 1 et 2 Rois sont appelés 3 et 4 Rois. 7 « Il a fallu attendre l’édition de Bomberg, en 1517, pour que la Bible hébraïque sépare Samuel et Rois chacun en deux livres distincts. » Gleason ARCHER, Introduction à l'Ancien Testament, p. 317. 8 L’histoire du livre débute avec la vieillesse du roi David et la transmission successorale du trône à Salomon (1 R 1-2), le long règne de Salomon (1 R 3-11), le schisme politique et religieux (1 R 12-13), le récit de la carrière des rois d’Israël et de Juda « jusqu’à la chute de la monarchie juive devant les armées de Nébucadnetsar, en 578 av. J.-C. » Gleason ARCHER, Introduction à l'Ancien Testament, p. 322. 9 « La période de 965 à 560 av. J.-C. » Alfred KUEN, Les Livres historiques de 1 Rois à Esther, p. 12. ~ 9 ~
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