Master 2 Algèbre appliquée Université Paris-Saclay Algèbre effective N. Perrin Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines Année 2017-2018 Table des matières I. Théorème de Hilbert et bases de Gröbner 4 1. Quelques rappels 5 1.1. Polynômes, notations et rappels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 1.2. Idéaux, notations et rappels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 1.3. Théorème de Hilbert pour les polynômes à une variable . . . . . . . . 8 2. Division des polynomes 10 2.1. Ordres admissibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 2.2. Exemples d’ordres admissibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 2.3. Algorithme de division des polynomes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 3. Théorème de Hilbert 16 3.1. Idéaux monomiaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 3.2. Le théorème de Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 4. Bases de Gröbner 21 4.1. Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 4.2. Critère de Buchberger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 4.3. Algorithme de Buchberger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 4.4. Bases de Gröbner réduites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 II. Géométrie 32 5. Résultants 33 5.1. Rappels sur les résultants des polynômes en une variable . . . . . . . 33 5.2. Résultants des polynômes de plusieures variables . . . . . . . . . . . . 35 5.3. Extension des solutions d’un système . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 6. Élimination 37 6.1. Idéaux d’élimination . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 6.2. Extension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 7. Variétés paramétrées 42 7.1. Morphismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 7.2. Projection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 Table des matières 3 7.3. Résolution d’équations implicites, variétés paramétrées . . . . . . . . 44 7.4. Variétés irréductibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 7.5. Composantes irréductible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 7.6. Variétés rationnellement paramétrées . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 8. Dimension 52 8.1. Cas des idéaux monomiaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 8.2. Dimension d’une variété affine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 9. Espaces tangents et variétés lisses 61 9.1. Espaces tangents des variétés affines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 9.2. Differentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 9.3. Variétés régulières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63 III. Appendice : Going-up, Nullstellensatz et applications 65 10.Going-up 66 10.1.Idéaux premiers, idéaux maximaux, radical . . . . . . . . . . . . . . . 66 10.2.Localisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 10.3.Éléments entiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 10.4.Going-up . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 11.Nullstellensatz 71 11.1.Algèbres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71 11.2.Version algébrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 11.3.Version géometrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 12.Élimination avec le going-up 77 12.1.Idéaux d’élimination . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 12.2.Extension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 Première partie . Théorème de Hilbert et bases de Gröbner 1. Quelques rappels 1.1. Polynômes, notations et rappels Définition 1.1.1 Soit k un corps. 1. On note R = k[x ,··· ,x ] l’anneau de polynômes à coefficients dans k. Un élément 1 n de cet anneau est appelé polynôme. 2. On note k(x ,···;x ) le corps des fractions de R (rappelons que R est un anneau 1 n intg`re). C’est le corps des fractions rationelles. Rapellons que l’on a (cid:26) (cid:27) P (cid:12) k(x ,··· ,x ) = (cid:12) P,Q ∈ R avec Q (cid:54)= 0 . 1 n Q (cid:12) Définition 1.1.2 Un monôme est un polynôme de la forme xα1···xαn avec α ∈ N 1 n i pour tout i ∈ [1,n]. On le note également xα avec α = (α ,··· ,α ) ∈ Nn. Le degré 1 n total de xα est |α| = α +···+α . 1 n Remarque 1.1.3 1. Pour α = (0,··· ,0) on a xα = 1 l’unité de l’anneau R. 2. Les monômes forment une base du k-espace vectoriel R : tout polynôme P s’écrit de manière unique comme somme finie de monômes : (cid:88) P = a xα α α avec a ∈ k et a = 0 sauf pour un nombre fini de α ∈ N. α α Définition 1.1.4 1. Dans l’écriture, P = (cid:80) a xα, le scalaire a est appelé coeffi- α α α cient du monôme xα dans P. 2. Le degré total de P est défini par deg(P) = sup{|α| | a (cid:54)= 0}. α 3.Unpolynômeestdithomogènesitouslesmonômesapparaissantavecuncoefficient non nul ont le même degré total. Exemple 1.1.5 Le polynôme x x x + x3 − 10x2x est homogène. Le polynôme 1 2 3 2 1 3 x2 +x n’est pas homogène. 1 2 6 1. Quelques rappels 1.2. Idéaux, notations et rappels Définition 1.2.1 Dans un anneau (commutatif) A, un idéal est un sous-ensemble I qui est un sous-groupe pour l’addition et tel que l’implication suivante est satisfaite : a ∈ A,b ∈ I ⇒ ab ∈ I. Exemple 1.2.2 L’exemple typique d’un idéal est obtenu à partir d’une combinaison linéaire déléments de l’anneau : soit (a ) ∈ Λ une famille d’éléments de A (cette λ λ famille est indexée par l’ensemble Λ et peut être infinie). On définit (a | λ ∈ Λ) λ l’idéal engendré par la famille (a ) ∈ Λ comme l’ensemble des combinaisons λ λ linéaires finies des (a ) ∈ Λ à coefficients dans A. Explicitement λ λ (cid:40) (cid:41) (cid:88) (cid:12) (a | λ ∈ Λ) = b a (cid:12) b ∈ A et b = 0 sauf pour un nombre fini de λ ∈ Λ . λ λ λ (cid:12) λ α λ∈Λ Exercice 1.2.3 Soir A un anneau. 1. Vérifier que (a | λ ∈ Λ) est un idéal de A. λ 2. Vérifiez que tout idéal de A est de cette forme. Exemple 1.2.4 Un cas particulier de l’exemple 1.2.2 précédent est le cas d’une famille (a ) ∈ Λ finie. Dans ce cas on indexe les élements de la famille par des entiers, λ λ typiquement a ,··· ,a ∈ A avec r ∈ N, r ≥ 1. Dans ce cas on note (a ,··· ,a ) l’idéal 1 r 1 r engendré par cette famille. Exemple 1.2.5 Dans l’anneau des polynômes R, voici quelque exemples de tels idéaux. 1. L’idéal nul : (0) = {0}. 2. L’anneau lui-même : (1) = R. 3. L’idéal “irrelevant” : (x ,··· ,x ) = R \ (k×) où k× est l’ensemble des éléments 1 n inversibles de k c’est-à-dire k\{0}. Définition 1.2.6 Soit A un anneau 1. Un idéal I de A est dit de type fini s’il existe une famille finie d’éléments a ,··· ,a ∈ A telle que I = (a ,··· ,a ). 1 r 1 r 2. Un anneau A est dit noethérien si tout idéal de A est de type fini. Le premier objectif de ce cours sera de donner une preuve constructive d’un théorème classiquedûàHilbert. Théorème 1.2.7 (Théorème de Hilbert) L’anneau R est noethérien. (cid:3) 7 L’objectif n’est pas tant le résultat en lui même mais plutôt la méthode, completement effective, ainsi que les outils développés qui serviront par la suite pour d’autres pro- blèmesalgébro-géométriques. Avant celà, nous rappelons quelques résultats qui donnent une caractérisation de l’idéal (a ) ainsiqu’uncritèreeffectifd’égalitéentreidéaux. λ λ∈Λ Lemme 1.2.8 Une intersection quelconque d’idéaux est un idéal. (cid:3) Exercice 1.2.9 Donner une preuve du lemme précédent. Proposition 1.2.10 Pour tout sous-ensemble E d’un anneau A il existe un unique plus petit idéal contenant E. C’est l’idéal (E) engendré par la famille des éléments de E. Exercice 1.2.11 Donner une preuve de la proposition précédente. Corollaire 1.2.12 Soit A un anneau et I un idéal. Soient a ,···a des éléments de 1 r A. ALors on a l’équivalence (a ,··· ,a ) ⊂ I ⇔ a ∈ I, pour tout i ∈ [1,r]. 1 r i Exercice 1.2.13 Donner une preuve du corollaire précédent. Onobtientenfinuncritèresimpled’égalitéd’idéaux. Corollaire 1.2.14 Soit A un anneau et soient a ,···a ,b ,··· ,b des éléments de A. 1 r 1 (cid:96) Alors on a l’équivalence (cid:26) a ∈ (b ,··· ,b ) pour tout i ∈ [1,r] et (a ,··· ,a ) = (b ,··· ,b ) ⇔ i 1 (cid:96) 1 r 1 (cid:96) b ∈ (a ,··· ,a ) pour tout j ∈ [1,(cid:96)]. j 1 r Exercice 1.2.15 Donner une preuve du corollaire précédent. Exemple 1.2.16 Pour un corps k de caractéristique différente de 2, on a l’égalité (x+y,x−y) = (x,y). En effet, l’inclusion de gauche à droite est claire et valable pour tout corps. Par contre, on a 1 1 1 1 x = (x+y)+ (x−y) et x = (x+y)− (x−y). 2 2 2 2 En caractéristique 2, on a l’inclusion stricte (x+y,x−y) = (x+y) (cid:40) (x,y). Exercice 1.2.17 Dans l’anneau k[x ,x ], pour quels corps de base k a-t-on l’égalité 1 2 d’idéaux (2x2 +3x2 −11,x2 −x2 −3) = (x2 −4,x2 −1)? 1 2 1 2 1 2 8 1. Quelques rappels 1.3. Théorème de Hilbert pour les polynômes à une variable C’est un résultat bien connu que l’anneau des polynômes à une variable est principal. Nousenpresentonsunepreuveconstructivequiseralemodèledelapreuveduthéorème deHilbertdanslecasgénéral. Définition 1.3.1 Soit P ∈ k[x] un polynôme. Pour P (cid:54)= 0, il existe des scalaires a ,··· ,a ∈ k avec a (cid:54)= 0 tels que P = a xr+···+a . On a deg(P) = r. Le polynôme 0 r r r 0 a xr est appelé terme dominant de P. On écrira LT(P) = a xr. r r Remarque 1.3.2 On a deg(P) = deg(LT(P)). Exemple 1.3.3 Soit P = 2x3 +4x7 −x4. On a LT(P) = 4x7. Remarque 1.3.4 Divisibilité des monômes. 1. Il est très simple de tester si un monôme axr non nul de k[x] divise un autre monôme non nul bx(cid:96) de k[x]. En effet axr divise bx(cid:96) si et seulement si r ≤ (cid:96). En particulier axr divise bx(cid:96) si et seulement si deg(axr) ≤ deg(bx(cid:96)). 2. La même chose est vraie pour les polynômes à plusieures variables. Le monôme axα divise bxβ si et seulement si α ≤ β pour l’ordre (non total) qui compare chaque coefficient. Proposition 1.3.5 (Division euclidienne) Soient P ∈ k[x] un polynôme non nul. 1 Pour tout P ∈ k[x], il existe un unique couple (Q,S) d’éléments de k[x] tels que P = QP +S avec S = 0 ou deg(S) < deg(P ). 1 1 Preuve. On donne une preuve sous forme d’algorithme. ALGORITHME : Entrée : P,P . Sortie : Q,S. 1 Q := 0 et S := P. Tant que S (cid:54)= 0 et que LT(P ) divise LT(S) faire : 1 Q := Q+LT(S)/LT(P ) et S := S −(LT(S)/LT(P ))P . 1 1 1 Donner (Q,S). FIN. Vérifions que cet algorithme fait ce qu’on lui demande. À chaque tour de l’algorithme, on a toujours l’égalité P = QP +S = (Q+LT(S)/LT(P ))P +(S −(LT(S)/LT(P ))P . 1 1 1 1 1 9 Par ailleurs, l’algorithme s’arrète lorsque (S (cid:54)= 0 et LT(P ) divise LT(S)) est fausse. 1 On a donc en sortie l’alternative S = 0 ou LT(P ) ne divise pas LT(S)) c’est-à-dire 1 l’alternative S = 0 ou deg(LT(P )) > deg(LT(S)) c’est-à-dire l’alternative S = 0 ou 1 deg(P ) > deg(S). 1 Il reste à verifier que l’algorithme termine. À chaque étape, soit S devient nul, soit son degré diminue. En effet, l’opération S := S −(LT(S)/LT(P ))P consiste à éliminer 1 1 grâce à P le terme dominant de S. Au bout d’un nombre fini d’opérations, si S n’est 1 pas nul, son degré sera donc plus petit que celui de P . 1 Vérifions enfin que cette écriture est unique. Si on a deux écritures P = QP +S et 1 P = Q(cid:48)P +S(cid:48), alors on a P (Q−Q(cid:48)) = S(cid:48) −S. Si S =(cid:54) S(cid:48), alors P (Q−Q(cid:48)) (cid:54)= 0 et 1 1 1 on a deg(P ) ≤ deg(P (Q−Q(cid:48))) = deg(S(cid:48) −S) ≤ max(deg(S),deg(S(cid:48))) < deg(P ). 1 1 1 Une contradiction. On en déduit S = S(cid:48) et comme k[x] est intègre et P =(cid:54) 0, on a 1 Q = Q(cid:48). (cid:4) Corollaire 1.3.6 Tout idéal de k[x] est principal : tout idéal I est de la forme I = (P) avec P ∈ k[X]. De plus P est unique à multiplication par un scalaire non nul près. Preuve. Si I = (0), on a fini. On suppose donc que I contient au moins un élément non nul et on pose r = min{deg(Q) | Q ∈ I et Q (cid:54)= 0}. Par hypothèse l’ensemble ci-dessus est non vide et admet donc un minimum. Soit alors Q ∈ I tel que Q (cid:54)= 0 et deg(Q) = r. On montre l’égalité I = (Q). Comme Q ∈ I, on a l’inclusion (Q) ⊂ I. Soit donc P ∈ I. La division euclidienne nous donne des polynômes R et S tels que P = QR +S avec S = 0 ou deg(S) < deg(Q). On peut réécrire S = P −QR et comme P,Q ∈ I, on obtient S ∈ I. Par minimalité de r = deg(Q), on déduit S = 0 donc P = QR ∈ (Q). Il reste à monter l’unicité. Si (P) = (P(cid:48)) alors P = QP(cid:48) et P(cid:48) = Q(cid:48)P. On obtient P = QQ(cid:48)P et donc QQ(cid:48) = 1 (lanneau est intègre). En particulier deg(Q)+deg(Q(cid:48)) = 0 donc deg(Q) = deg(Q(cid:48)) = 0 donc Q et Q(cid:48) sont des constantes non nulles. (cid:4) 2. Division des polynomes 2.1. Ordres admissibles On a vu qu’un point crucial de la preuve du théorème de Hilbert pour les polynômes à une variable est l’utilisation de l’ordre pour comparer les monômes et déterminer la divisibilité. Les choses sont plus complexes lorsqu’on a au moins deux variables et nous aurons besoin de choisir des ordres ayant de bonnes propriétés sur l’ensemble des expo- santsdesmonômes. Rappelonslanotiond’ordreetd’ordretotal. Définition 2.1.1 Soit E un ensemble et R une relation. 1. La relation R est une relation d’ordre si elle est réflexive (pour tout e ∈ E, on a eRe), antisymétrique (si eRf et fRe alors e = f) et transitive (si eRf et fRg alors eRg). En général, on note une relation d’ordre avec le symbole ≤. La relation (a ≤ b et a (cid:54)= b) est notée a < b. 2. Une relation d’ordre ≤ est dite totale si pour tout e,f ∈ E, on a e ≤ f ou f ≤ e. Définition 2.1.2 Un ordre admissible sur R = k[x ,··· ,x ] est une relation 1 n d’ordre < sur l’ensemble des monômes (ou de manière équivalente sur l’ensemble Nn des exposants) vérifiant des conditions suivantes : 1. L’ordre < est total. 2. L’ordre < est compatible avec la multiplication : si xα < xβ alors xα+γ < xβ+γ. 3. L’ordre < est bien ordonné : tout ensemble non vide de monômes a un élément minimal pour <. Remarque 2.1.3 1. La première condition permet d’écrire tout polynôme comme une suite strictement décroissante de monômes. 2. La seconde condition parle d’elle même : compatibilité avec la multiplication, si xα < xβ alors xαxγ = xα+γ < xβ+γ = xβxγ. 3. La troisième condition impose la propriété très utile suivante : il n’existe pas de suite décroissante infinie.
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