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Madagascar après la tourmente : regards sur dix ans de transitions politique et économique PDF

208 Pages·2009·4.65 MB·French
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Comité scientifique Afrique contemporaine MarcAicardideSaint-Paul(politologue) JacquesAlibert (Associationpourl'étude desproblèmesd'oinre-mer) Equipe de rédaction JacquesBinet(UniversitedeParisIV) FrançoisGaulme JeanduBoisdeGaudusson(UniversitéMonresquieu-BordeauxIV) (direcreurscientifique GérardChambas (CERol-CNRS) elrédacteurenchef) GérardConac (UniversitedeParis1) Jean-YvesCoutat P ilippeDecraene(politologue) Anne-MarieBarbey-Beresi MichelGaud (socio-économiste) PhilippeHugon(Université deParisX) MaxJalade(joumeliste) EdmondJouve(UniversitédeParis1) Conception graphique FrançoisKerhuel (Agencefrançaisededéveloppement) IntégralConcept-PippoLionni BernardPécriaux(ancienadministrateurcivil auministèredelaCoopéra ion) LaurencePorgès(IRo) Avertissement au lecteur RolandPourtier(UniversitédeParis1) Lesopinionsexprimées GérardPrunier(CNRS) danslesarticlesn'engagent Alfred Schwartz(lRo) queleursauteurs.Cesarticles nepeuventêtrereproduits sansautorisation.Celle-ci doitêtredemandéeà LaDocumentationfrançaise 29-31.quaiVoltaire 75344ParisCedex 07 © LadocumentationFrançaise Un fonds documentaire EnsooucssoncelaIQidu11mars7957 sur l'Afrique (ar. 4T)erducodede/aproprieteÙl!effecJuv/le •à labibliothèque(accèslibre) dù10~1l1tJtio/feu:te19Il9u2s.afOguetecorettpercoudtudcetJloanppréasrfeienftfee . auCentrededocumentation puDf!cattOfioststr.ctemeruinterdi:e internationale,COI S~11S8LJtorisarronexpressedeteaaear. (surrendez-vous-Tél.0140 1572 18) IlestrsoceteIlcetégardQ.l6l'usageabuSif 29-31,quaiVoltaire75007Paris e:cosecu!dolnoh IOCOpteme,'el1dan(Jer l'~qIJil;breecoooovouedesCircuitsAUlIVre. Sommaire 1 •• Madagascar après la tourmente : regards sur dix ans de transitions politique et économique Introduction Afrique Croissance économique et crise politique: contemporaine Madagascar refuse-t-elle ledéveloppement? p.3 N' 202-203 avrs-sept 2002 Fran~i.Roubaud Sommaire • Première partie Les enjeux politiques et sociaux : la démocratie ne se décrète pas 1991-2002 :ledifficileapprentissagede la démocratie p. 15 Jean·EricRakotoari.a Le pouvoirjudiciaireau cœur de lacrise institutionnelle àMadagascar p. 27 AndréRoger Presse et développement àMadagascar: quand lasociété établie prend larelève d'une censure officiellement abolie p. 45 Chri.tian Chadefaux Les relations entre « ethnies ..àMadagascar: une problématiquesouvent mal posée p.55 JanineRamamonji~a • Seconde partie Un essor économique en question • • la croissance ne suffit pas Madagascar àlacroisée des chemins: lacroissance durableest-elle possible? p.75 Mireille RazafindrakotoetFrançoi. Roubaud Quel avenir pour les paysans de Madagascar? p.93 Jean-Hel'Yé Fra.lin Lessociétésruralesde l'Ouest malgache: des transformations profondes etcomplexes p. 111 EmmanuelFaul'DUx TVAet agriculture: Madagascar, uncas emblématique p. 133 CatherineAraujoBolVean. Gé",rdChamba.etEmilienneRapanon Lesentreprises franches à Madagascar: atouts etcontraintes d'uneinsertion mondialeréussie p. 147 Mireille Razafind",l/;otoetF",nçoi.Roubaud • Chronologie 16 décembre 2001 - 15 mars 2002 p. 165 • Ecrits sur l'Afrique Ouvrages et monographies par régions et par pays p.189 parthèmes p. 196 Livres reçus p.200 Introduction Croissance économique et crise politique : Madagascar refuse-t-elle le développement? François Roubaud .. Comme de nombreux pays du continent africain, Madagascar s'engage au début des Afrique années 1990 dans un processus de démocratisation. Sous la pression de la rue, les contemporaine Malgaches mettent fin à près de vingt ans de régime socialiste dirigé par le président N' 202-203 Ratsiraka. Après un formidable mouvement de contestation populaire et pacifique, six avnl-sept.2002 moisdegrève générale(1991),ungouvernementdetransition, l'adoptiond'unenouvelle Introduction Constitution, des élections présidentielle et législatives transparentes (1992-1993), Madagascar aborde une nouvelle étape de son histoire. Didier Ratsiraka et son parti, l'AREMA(Associationpour larenaissancedeMadagascar),sont balayés.AlbertZafy et lemouvementdes Forces vives s'installentau pouvoir. 3 11s'agitenréalité d'undouble processusdetransition:politique,bien sûr, mais aussi économique. Depuis le milieu des années 1980, contraint par une crise économique etfinancière sans précédent, le régime a amorcé unvirage à 180degrés de sa stratégie économique. Avec la bénédiction des bailleurs de fonds, il se plie aux exigences de l'ajustement structurel. Les autorités renoncent à leur projet antérieur d'économie administrée par la puissance publique, pour adopter la voie de la libéralisationetdel'économiedemarché. Latransitionpolitiquedesannées 1990nefera que confortercette nouvelle orientation. Début2001, àl'heureoùl'idéedepréparerunnuméro spécial de larevue Afrique contemporaine prenait corps, il s'agissait avant tout de faire le point sur cette décennie de transitions, en analysant la trajectoire récente de Madagascar sur les deux fronts, politiqueetéconomique. Untelprojet éditorial sejustifiaitpourplusieurs raisons. Depuis lapublicationen 1993dudossierspécial de larevuePolitiqueafricaineconsacré aux événements politiques (1), aucune tentative de synthèse n'avait été entreprise pour tirer lebilan de l'expériencemalgache, notammenten direction du public francophone. Ces années de silence ne permettaient pas de prendre la mesure de la richesse d'une période de profonds bouleversements. Non seulement l'originalité de l'expérience malgache était largement méconnue, mais elle était aussi mésestimée. Du côté politique, malgré les progrès indéniables accomplis sur les voies de la démocratisation, Madagascar n'apparaissait jamais en matière de libertés civiles et politiquesdans lepalmarèsdespaysafricains. Pourtant,en 1996,combiendecesderniers pouvaientsetarguerd'avoirréalisé unedouble alternanceélectorale,dans des conditions raisonnables de transparence? Même dans le contexte de désillusions profondes sur la portée réelle des transitions politiques sur le continent, Madagascar méritait plus le • Économiste, DlAL(Développementet insertioninternationale). 1RD,Paris. (1) F.Raison-Jourde(coord.),« Madagascar»,Politiqueafricaine. n°52,Arnbozontany- Karthala, Paris, 1993,p.3-101. « label démocratique» que de nombreux pays en développement, où les exigences internationales semontraient beaucoup moins fermes. Dansledomaineéconomique,lediagnosticétaitàl'avenant.Ainsi, contre toute vraisemblance, le rapport Economie Freedom ofthe World(2) pour l'année 2000 classait Madagascar aux derniers rangs mondiaux en matière de libertés économiques (droits de propriété, stabilité macroéconomique, intégrité de l'administration, etc.). La Grande Ilen'y côtoyait que despays enguerreetdes régimes autoritaires (Sierra Leone, Rwanda, Burundi, République démocratique du Congo, Congo-Brazzaville, Guinée Bissau, Myanmar, Algérie, Syrie, Albanie, Ukraine). Les raisons de ce désintérêt relatif et de cet ostracisme sont multiples : repli isolationniste de la scène internationale, déshérence des institutions universitaires locales, etc. Par un curieux parallèle, même le champ particulièrement actif et foisonnant des spécialistes français de Madagascar semblait avoirsubi lecontrecoupde l'éloignement politiquedes deux pays. Cet assoupissement général était encore plus flagrant dans ledomaine de l'analyse économique. Pourtant, au moins deux facteurs incitent à creuser dans cette direction. D'une part et de façon structurelle, la trajectoire économique de Madagascar Afrique reste une énigme. Les études internationales portant sur les facteurs explicatifs de la contemporaine croissancesurlongue périodeetsur unvasteéchantillondepaysconduisentengénéral à N°202-203 écarter Madagascar. qui apparaît comme un « point aberrant ». La croissance (ou la avril-sept.2002 décroissance) malgache refuse obstinément de se laisser «expliquer» par les variables Introduction classiques (travail, capital, progrès technique) etmoins classiques(politiques publiques, qualité des institutions, hétérogénéitéethnique, etc.). On en revient toujours aux mêmes questions, déjà formulées en leur temps par les administrateurs coloniaux: pourquoi ce 4 paysapparemment sigénéreusementdotépar lanature est-il sipauvre ~ Faut-il invoquer la fatalité pour expliquer cette succession de promesses non tenues. Ce mystère économique semble répondre en écho au mystère des origines: d'où viennent les Malgaches et depuis quand sont-ils arrivés dans l'île? D'autre part, depuis plusieurs années, laconjoncture économique nationale semblait s'êtredégagée àtel point que les plus optimistes rêvaient déjà d'une croissanceàdeux chiffres. • 1997 : le feu passe au vert. Après quatre décennies de régression quasiment ininterrompue du niveau de vie, la croissance redevient positive. Certes inégalement répartie,elleiraens'accélérantaucoursdescinq années suivantes,jusqu'àfrôler les 7% en2001. Parallèlement,surlefrontpolitique.après unepremièremoitiédesannées 1990 particulièrementmouvementée,faite d'errements politiques,de majoritésintrouvableset d'un empêchementprésidentiel,le retour aupouvoirde Didier Ratsirakaparla voie des urnes fin 1996, puis laconsolidationprogressive de sa majorité dégageaient des marges de manœuvre appréciables pour poursuivre le processus de réformes en cours. Madagascar semblait enfin accéder à un cycle vertueux de croissance économique, de transformation de ses structures productives et de stabilité politique. Si le niveau de dénuement de l'immense majorité des Malgaches - 70% vivant en dessous du seuil de pauvreté- était telqu'ilseraitinconvenantdeparler deprospérité,iln'enreste pas moins quelepaystraversait unepériode exceptionnelle,aussibienàl'aunedesonhistoire qu'en comparaisondu marasmeen vigueur sur lecontinent voisin. Au panthéon des good practices, les institutions financières internationales, en mal de success stories à exhiber dans cette partie du monde, étaient donc en passe de fairede Madagascarl'unde leursfrantrunners. Quelques mois encore avantlescrutin présidentiel,Didier Ratsiraka, surfant surlavague,s'apprêtaitàêtre réélu aisément. Tous les ingrédients étaient en place pour un nouveau quinquennat de développement accéléré. Il ne restait plus qu'à mettre la dernière main au Document (2)JamesD.GwartneyetRobertA.Lawson(dir.),EconomieFreedomofTheWorld: 21J(IOAnnualReport, TheFraserlnstituie,Vancouver,2000. stratégique de réduction de lapauvreté età toucher lesdividendes promis de l'initiative PPTE (pays pauvres très endettés) pour entretenirune flamme encore fragile. • 2002 :coup detonnerre, Lacontestationduscrutin présidentieldu 16décembre2001 débouche rapidement sursix mois de crise politique ouverte: manifestations populaires monstres, vacance du (double) pouvoir, barrages routiers, affrontements armés sporadiques qui se soldent par plusieurs dizaines de morts, asphyxie économique. La menacedeguerrecivile sera finalement écartéeinextremis et,àl'heureoù l'onécrit ces lignes (juillet 2002), Didier Ratsiraka aabandonné lapartie enquittant subrepticementle pays, tandis que lenouveau président Marc Ravalomananaconforteson pouvoir. Ces événements aussi soudains qu'inattendus ont pris de court tout le monde, ycomprislesspécialistes. Ilsontaussi conduit àréviser lecontenudecedossier. Initialement programmé au premiertrimestre 2002, à l'issue du scrutin présidentiel de décembre, la victoire probable de Didier Ratsiraka laissait présager pour le pays une période de continuitépour les années àvenir. L'Histoire et les Malgaches en ont décidé autrement. Ce numéro d'Afrique contemporaine est donc resté suspendu à l'issue de la Afrique contemporaine crise tout au long du premier semestre 2002. Son dénouement heureux a donné N"202-203 finalement unenouvelle dimensionàceprojet. Enfaisant lepoint sur unepériode dedix avnl-sept.2002 ans aujourd'hui révolue, en identifiant ses lignes de forces mais aussi les lacunes et les dysfonctionnements qui au bout du compte ont conduit à la rupture, on peut espérer Introduction contribueràceque Madagascartirelesenseignementsdeceserreurs pour lesannées qui s'ouvrent. Les contributions qui constituent ce dossier restent fidèles à l'intention 5 originelle de ce projet: apporter un regard croisé d'anthropologues, de sociologues, de juristes et d'économistes sur dix ans de transitions politique et économique à Madagascar. Toutenintégrantl'actualitépolitiquelaplus récente, qui vientd'ailleurs de faire l'objet d'une livraison spéciale de la revue Politique africaine (3), notre focale est plus ouverte, à lafois dans letemps et sur lefront thématique. Ce dossier, composé de neuf articles, est divisé en deux parties. La premièretraite des enjeux politiquesetsociaux. Elles'ouvresur lacontributiondeJean Eric Rakotoarisoa qui propose une lecture des événements politiques des six derniers mois dans la perspective plus large d'une décennie d'apprentissage de ladémocratie. Il décrypte les signes avant-coureurs des troubles qui viennent de secouer la Grande Ile dans l'instabilité constitutionnelle des premières années de la Ille République et le passage d'un pluralisme débridé au retour du parti dominant, qui s'accompagne de dysfonctionnements des institutions de l'Etat et de pratiques peu démocratiques. Pour l'auteur, la solution au problème politique à Madagascar ne passe pas par une nouvelle révision constitutionnelle, mais par le respect des procédures existantes, tout particulièrement par la mise en place d'un système pérenne permettant d'organiser des élections libres ethonnêtes. Dans l'articlesuivant,André Rogeranalyse enjuristelerôle du pouvoirjudiciairedans lacrise institutionnelle qui vient de secouerlepays, dont les insuffisances et le discrédit pourraient avoir joué un rôle central dans la genèse et l'embrasement de lasituation. Uneanalyse scrupuleusedes textes adoptésces dernières années montre comment lesjuridictions ontété progressivementmises sous lacoupe de l'exécutif. Ilmetaussi enévidencel'instaurationd'unsystème«d'élections gigognes », organisant légalement le verrouillage des différentes institutions représentatives. Il dénonce les effets pervers d'une conception du droit qui privilégie le juridisme et le légalisme formel au détriment des exigences de justice, de l'esprit des lois et des principes du droit ; attitude qui, au-delà des décisions de convenance au service du (3)F. Raison-Jourde etl-P. Raison(coord.).«Madagascar,lesurnesellarue»,Politiqueafricaine. n°86, Karthala, Paris,2002,p.5-170. pouvoir en place, exprime peut-être également la contradiction profonde entre deux logiques culturelles, l'unefondée sur les valeurs locales et l'autre importée, notamment de l'ancienne puissance coloniale. C'est laquestion centrale du rôle de lapresse et des médias à Madagascarcomme instrument du développement que pose ensuite Christian Chadefaux. Tirant parti d'une position professionnelle privilégiée mais non moins dépourvued'ambiguïté,puisqu'il exerce commejournalisteétrangerdans lemilieu de la presse malgache depuis plus de trente ans, l'auteur scrute et analyse les pratiques journalistiques locales à l'aune de la nouvelle donne politique. Il met en lumière les progrès accomplis maisaussi ses défaillancesstructurelles. Pourde nombreuses raisons, économiques bien sûr, mais aussi et surtout sociales, les avancées démocratiques en matière de liberté d'expression, obtenues chèrement au cours de la dernière décennie, n'ont pas suffi à « libérer la parole », ni conduit les médias à exercer pleinement leur fonction de contre-pouvoir indépendant. Paradoxalement, aux entraves de la censure, pourtant officiellement abolie, a succédé un phénomène d'autocensure, profondément inscrit dans le carcan des pesanteurs sociales, dont les élites politiques ont su se jouer pour préserverleurs intérêts. Afrique Enfin, pour conclure cette première partie consacrée aux aspects contemponline sociopolitiques, Janine Ramamonjisoa focalise son attention sur la dimension ethnique N°202-203 del'identitémalgacheetlesrelations intercommunautaires. Lesrecherchesscientifiques avril-sept.2002 sur ce thème central sont excessivement rares à Madagascar. Cette lacune apparaît Introduction d'autant plus paradoxale que le registre ethnique est largement mobilisé par le sens communpourdécrypterlesdynamiquessocialesetesttoutaussi régulièrementmanipulé par les hommes politiques en mal de légitimité. Il a d'ailleurs été grossièrement 6 instrumentalisé lorsduconflit récent, sur leregistre de laguerre tribale; avec les piètres résultats que l'on sait (4). De nombreux protagonistes, commentateurs et analystes se sontengouffrésdans labrèche enmartelant unelecture binaire des événements. Ilsn'ont voulu voir dans le duel entre Marc Ravalomanana et Didier Ratsiraka et la tentative d'isolement de la capitale par les gouverneurs de province que la résurgence de l'opposition entre Merina et Côtiers. Sans nier la réalité du fait ethnique à Madagascar, l'article de Janine Ramamonjisoa invite à une exploration raisonnée, historique et documentéed'unphénomèneautrementplus complexe que lamise en scène enblanc et noir que l'on (s')en donne trop souvent. Elle appelle notamment les intellectuels malgachesà unretour réflexif, décanté destropismespartisans,qui n'engage rien moins que la construction d'une conscience et d'une culture nationales; c'est-à-dire J'avenir démocratiquedu pays. Finalement, au-delà de la diversité des auteurs, des thématiques et des points de vue, les quatre réflexions menées dans le cadre de cette première partie déroulent chacune à sa façon un même fil rouge. Si la mise en place de procédures formelles adéquates constitue la condition nécessaire à l'instauration d'un régime de gouvernance démocratique, pour reprendre une expression à la mode (5), elle n'est en aucun cassuffisante. Lesdifficultésrencontréesenmatière deséparationdespouvoirset d'exercice du droit, de liberté de lapresse ou de construction identitaire (6) sont autant d'illustrations de lacomplexité des processusde transformation qui travaillent au corps les sociétés du Sud. Le respect des principes démocratiques implique bien plus qu'un simple jeu d'écritures, que la production de textes législatifs ou l'adoption de règles officielles. Ilsuppose un changement radical dans le mode de régulation politique, qui (4)Voirsur laquestionduvoteenparticulier,M.RazafindrakotoetF.Roubaud, «Lescrutinprésidentiel du16décembre2001:lesenjeuxd'uneélectioncontestée»(p. 18-45),etA.,"Tamataveetletribalisme» (p. 103-119),Politiqueafricaine, n°86,op.ciro (5)Voirsurcepoint PNUD,Approfondirladémocratie dans unmondefragmenté. Rapportsurledéve loppementhumain 2002. EditionsDeBoek Université, Bruxelles,2002. (6) Voir René Otayek (coord.), « Afrique: les identités contre la démocratie? », Autrepart, n° 10, IRD/Editionsdel'Aube, LaTourd'Aigues, 1999,p. 5-170. touche au plus profond des pratiques et des mentalités. En clair. la démocratie ne se décrète pas ! La seconde partie, quant à elle, est consacrée à la dynamique et aux problèmeséconomiques. Pour entrer en matière, Mireille Razafindrakoto et François Roubaud dressent lebilanéconomiquedeladécennieécoulée. Ilsidentifientlessecteursetmettent en évidence lesfacteurs qui ont contribuéà l'embellie des dernières années. lis relèvent aussi les zones d'ombre, les principales contraintes, sur lesquelles est venu buter le processus de transition amorcé, et qui constitueront sans nul doute aussi les enjeux de demain. Deuxd'entre-elles sontd'uneacuité brûlante. Enpremierlieu, lastagnationdes campagnes,alors même que l'économie urbaine connaît un véritable boom, est un sujet d'inquiétude majeur. Ce découplage setraduit par uncreusementd'inégalités régionales déjà très lourdes. Il estd'autantplusproblématiqueque lescampagnesaccueillentencore près de80 %de lapopulation etque s'yconcentrentlesprincipalespoches de pauvreté. En second lieu, la faillite de l'Etat, même dans ses fonctions régaliennes les plus élémentaires (sécurité, justice, gestion économique, santé, éducation), est un trait structurel qui pèse lourdement sur le potentiel de développement du pays. Toutes les Afrique contemporaine tentatives de réforme de l'administration publique ont échoué (7), et l'Etat se trouve N' 202-203 aujourd'hui affaibli par plusieursdécennies decrise économique. Son incapacité à lever avril-sept.2002 l'impôttémoignedemanière symptomatiquedecettedéroute. Avecenviron 10%duPIB. la pression fiscale est à Madagascar l'une des plus faibles du monde. Sur le front Introduction politique, l'incapacité à organiser le processus électoral est un autre indice de cette déshérence institutionnelle. Lestroisarticles suivants sesituentjustementà l'intersectiondeces deux 7 dimensions: ils sont centrés sur le monde rural et sur le rôle de lapuissance publique. Jean-Hervé Fraslin, sociologue mais aussi acteurengagé et reconnu du développement rural à Madagascar, s'interroge sur les voies possibles et souhaitables d'une modernisation des paysanneries à Madagascar. Après avoir brossé un état des lieux synthétique des terroirs et des systèmes de production, qui conduit à mettre en exergue leurextraordinairediversité, ilplaide pour laconsolidationd'uneagriculture familialeet compétitive, tournée vers le marché, capable de nourrir les villes et d'alimenter l'industrie nationale. Il identifie trois chantiers essentiels pour lever les contraintes (la formation, leproblème foncier et l'intégrationcommercialeetfinancière) etexamineen détail les deux premiers (8). L'apparence d'inertie globale est pourtant loin d'être synonymed'immobilisme. Enadoptant laperspectivedelalongue durée etenchaussant les 1unettes de l'anthropologue, Emmanuel Fauroux s'attache à dégager les transformations profondes et complexes qui travaillent les sociétés rurales de l'Ouest malgache. Il montre comment la rencontre de dynamiques endogènes (fragilisation du milieu naturel et contraintesenvironnementales,migrations, crise sociale et émergences denouveauxacteurs)etexogènes (interventionspubliques,promotiondudéveloppement local et participatif), chacune caractériséepar des rythmes temporels spécifiques et des logiques propres, façonne les sociétés villageoises et conduit à la création de nouvelles configurations sociales, dont la capacité de réponse aux stimuli des politiques de développement reste fondamentalement incertaine. En s'attaquant à la question de la fiscalité rurale à travers leprisme de l'analyse économique, CatherineAraujo-Bonjean, GérardChambasetEmilienneRaparson déclinentsous unautre angle lechocdesbonnes (7)VoirM.RazafindrakotoetF.Roubaud,«Vingtansderéformedelafonction publiqueàMadagascar», in:M. RaffinotetF. Roubaud (éds.), «Lesfonctionnairesdu Sud:sacrifiésouprotégés~»,Autrepart, n?20,IRD- Editionsdel'Aube, LaTourd'Aigues,2001, p.43-60. (8) Pour letraitement du financement de l'agriculture, voirJ.-H. Fraslin, 1997, « Quel crédit pour les agriculteurs?»,in:«Agriculture:enjeux etcontraintesde lalibéralisation»,EconomiedeMadagascar, n° 2, Banque centralede Madagascar~ Institut'national de lastatistique,Antananarivo, octobre 1997, p.153-173. intentions originellesdes politiques publiquesconfrontéesaux réalités locales. L'analyse fine des modalitésd'applicationde laTVAàl'agriculturemontrecommentlesprincipes de cette mesure ont été dévoyés, conduisant à l'effet inverse à celui recherché initialement : au lieu de favoriser les activités agricoles, celle-ci contribue à les pénaliser(9). Les auteurs ne s'en tiennent pas là et proposent quelques pistes concrètes pour remédieràce travers. Pourfinir surunenoteplusoptimiste,Mireille Razafindrakotoet François Roubaud reviennent sur le phénomène encore mal connu des entreprises franches à Madagascar, qui apparaît sans doute comme le succès le plus éclatant de la politique d'ouverturedes dixdernières années. Leparadoxeestdetaille: pourquoietcommentun paysaussi pauvre, qui secaractériseavanttoutparunesuccessiond'échecsdespolitiques de développement, a-t-il réussi à enclencher une dynamique vertueuse d'insertion mondiale sur un segment de concurrence acharnée au niveau international, là où tant d'autres pays, particulièrement en Afrique, se sont cassé les dents? Ils interrogent la montéeenpuissancedece régimejuridiqued'exceptiondepuis sacréation,ilyadix ans, d'un double point devue: lerôleet l'impactmacroéconomiquedes entreprisesfranches Afrique sur l'économielocale d'unepart, laspécificitédes politiques socialeset salarialesmises contemporaine en œuvredans ce secteuretleurs conséquencessur le marchédu travail d'autre part. N°202-203 avril-sept.2002 Pour conclure cette introduction au thème, risquons-nous à un début Introduction d'interprétation de lacrise récente, en particulier pour tordre le cou à quelques fausses évidences. En premier lieu, doit-on voir dans les convulsions des derniers mois la 8 marque de l'échec du processus de démocratisation? Cette grille de lecture apparaît d'autantplus naturelle quel'assimilationrapide aveclesdifficultéssimilairesrencontrées dans des pays du continent africain (Malawi, Togo, Zimbabwe, pour ne reprendre que l'actualité du moment) accrédite l'idée largement répandue dans l'opinion publique occidentale que l'Afrique n'est décidément pas prête (pas faite ?) pour la démocratie. Contrairementàceraccourci facile, nouspensonsque lagenèse,ledéroulementetl'issue de lacrise sont le signe de laconsolidation démocratique à Madagascar. Ils démontrent notamment l'étonnante maturité des électeurs malgaches. Ces derniers, après s'être déplacés en masse pour aller voter, se sont levés pacifiquement pour condamner les fraudes électoralesetdéfendreleurchoix. Aaucun moment,ilsn'ontcédé aux sirènesdu vote tribal, malgré lestentatives réitérées du camp Ratsiraka d'attiser les passions et de radicaliserleconflit sur ceterrain pour se poser en unique recours d'une unité nationale menacée. Le sang-froid des Malgaches face à ces dérives irresponsables mérite d'être salué, lorsqu'onconnaît l'étroitesseducheminqui sépare unéquilibreàbasses tensions ethniques,qui prévautencoreàMadagascar, duchaos souvent irréversibleengendré par la manipulation intentionnelle du registre des oppositions communautaires : les événements récents de laCôte d'Ivoire sont d'ailleurs làpour nous le rappeler. Ilconvient de rejeter une autre version de l'histoire, tout aussi naïve et réductrice, selon laquelle l'avènement de Marc Ravalomanana aurait mis fin à trois décennies de dictature socialiste ratsirakienne, fortuitement entrecoupée par le bref intermède « zafiste » (1992-1996). Malgré ses manquements condamnables, Didier Ratsiraka aumomentdesonévictionn'étaitpas(etn'asans doutejamaisété) l'archétype du despote sanglant qui asévi dans nombre de pays du continent africain. Son retour au pouvoir en 1996 s'est fait au terme d'un processus électoral acceptable. Le régime de libertés qui prévalait dans la seconde moitié des années 1990 à Madagascar était sans commune mesure avec celui en vigueur dans beaucoup d'autres pays, pourtant (9) Pour des développements complémentaires et convergents sur la question fiscale. voir M. Razafindrakoto et F.Roubaud (éds), « Perspectives macro-économiques et politiques publiques: la questionfiscale »,EconomiedeMadagascar, n°3.Banque centralede Madagascar- Institut nationalde lastatistique,Antananarivo,octobre 1998.p.9·257.

Description:
Bernard Pécriaux (ancien administrateur civil au ministère de la Le pouvoir judiciaire au cœur de la crise institutionnelle Ratsiraka. Après un formidable mouvement de contestation populaire et pacifique, six (droits de propriété, stabilité macroéconomique, intégrité de l'administratio
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