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L'interprétation du rêve: Préface de François Robert (Quadrige) (French Edition) PDF

760 Pages·2012·3.23 MB·french
by  Freud
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Preview L'interprétation du rêve: Préface de François Robert (Quadrige) (French Edition)

Sigmund Freud L’interprétation du rêve Traduit de l’allemand par Janine Altounian, Pierre Cotet, René Lainé, Alain Rauzy et François Robert Préface de François Roert NOTE DE L’EDITEUR L’édition des Œuvres complètes de Freud est publiée en langue française avec l’autorisation de S. Fischer Verlag GmbH, Frankfurt am Main, et de la Sigmund Freud Copyright, Colchester, accordée aux éditeurs français Gallimard, Payot, Presses Universitaires de France. Une large part du matériel critique est empruntée « à la Standard Edition of the Complète Psychological Works of Sigmund Freud, London, The Hogarth Press and the Institute of Psycho-Analysis, édition établie parjaines Strachey, Alix Strachey, Alan Tyson et Angela Richards. La présente traduction reproduit à l’identique celle qui figure dans le tome IV des Œuvres complètes de Freud / Psychanalyse (OCF.P). Elle tient compte de la révision effectuée par l’équipe éditoriale (J. Altounian, A. Bourguignon, P. Colet, J. Laplanche, F. Robert). La cohérence entre les deux éditions (OCF.P et Quadrige) est assurée par A. Rauzy. En marge figure la pagination originale des Gesammelte Werke. Les conventions relatives à la présentation de ces textes de S. Freud et les principales abréviations sont présentées en fin de volume. Direction de la publication André Bourguignon Pierre Cotet Direction scientifique Jean Laplanche Terminologie : Responsable Jean Laplanche Co-responsable François Robert Harmonisation Janine Altounian Notices, notes et variantes Alain Rauzy Glossaire et index François Robert ISBN 978-2-13-053628-4 ISSN 0291-0489 Depot légal — 1re édition : 2010 2e tirage : 2011, juillet © Presses Universitaires de France, 2010 6, avenue Reille, 75014 Paris Préface « Mon ami, ce visuel, m’écrivait hier de Berlin : “Ton livre des rêves m’occupe énormément. Je le vois posé devant moi achevé, et je le feuillette.” Comme j’ai envié son don de voyance ! Si seulement je pouvais moi aussi le voir posé devant moi, déjà achevé ! » (208). L’ami de Berlin, c’est Wilhelm Fließ, et la vision a sans doute lieu au début du mois de mars 18981. Freud, lui, à Vienne, ne peut que rêver à l’achèvement de ce « livre des rêves » (Traumbuch) qu’il rédige fiévreusement. « Je suis plongé dans le livre des rêves, je le rédige avec facilité… », écrit-il à Fließ le 9 février 1898. Quelques mois plus tard, Freud dira de la « psychologie » (le chapitre VII sur la « psychologie des processus de rêve »), qu’elle a été « composée comme en rêve » (20 juin 1898), et qu’elle « est entièrement écrite d’après l’inconscient, selon le célèbre principe d’Itzig, le cavalier du dimanche. “Où vas-tu donc, Itzig ?” – “Est-ce que je sais ? Demande au cheval” » (7 juillet 1898). Bien des pages dans ce chapitre VII témoignent de cette écriture débridée, proche du processus primaire, par exemple l’extraordinaire page 563. Mais, si l’on excepte le premier chapitre, sur lequel Freud aura beaucoup peiné – et après lui la plupart de ses lecteurs –, c’est le livre en son entier qui, porté par une pensée inspirée, est composé comme un rêve ou comme une fantaisie. « Tel quel, l’ensemble est conçu à la manière d’une fantaisie où l’on se promène. Au début la forêt obscure des auteurs (qui ne voient pas les arbres), sans perspective, pleine de chemins où l’on se perd. Puis un chemin creux caché, à travers lequel je conduis le lecteur : mon échantillon de rêve [le rêve de l’injection faite à Irma] avec ses singularités, détails, indiscrétions, mauvais traits d’esprit et puis soudain la hauteur et la perspective et la question : Pardon, où souhaitez-vous aller maintenant ? » (lettre du 6 août 1899). La métaphore, reprise au début du chapitre III, évoque un mouvement moins héroïque et dramatique que celui annoncé dans l’épigraphe (la descente aux Enfers), mais elle est appropriée. La longue exploration du rêve est d’abord celle d’un Wanderer – flâneries et rêveries d’un promeneur solitaire. L’ouvrage ne paraîtra qu’à la fin 1899, sous un autre intitulé : Die Traumdeutung (L’interprétation du rêve). Le Traumbuch, ainsi qu’il, est nommé par Freud tout au long de sa correspondance avec Fließ, désigne couramment la « clef des songes », et c’est d’abord une nouvelle « clef des songes » que Freud entend proposer sous ce titre où l’accent principal est mis sur l’interprétation. En rapprochant les deux mots Traum (rêve) et Deutung (interprétation), Freud suggère une parenté avec l’oniromancie et la méthode d’interprétation du rêve dans l’Antiquité2. » L’auteur de L’interprétation du rêve a osé prendre parti pour les Anciens et la superstition, contre l’objection de la science rigoureuse », écrira-t-il dans la Gradiva3. « En présupposant que les rêves sont interprétables, je me mets aussitôt en contradiction avec la doctrine du rêve dominante, et même avec toutes les théories du rêve […] car “interpréter un rêve”, cela veut dire indiquer son “sens” » (131). Freud rejoint aussi la croyance populaire, qui attribue au rêve une obscure signification. La posture adoptée ici par Freud est à l’opposé de celle des Trois essais sur la théorie sexuelle : là, il s’agira d’aller contre la conception populaire de la sexualité, ici c’est du côté de l’ « opinion profane » que Freud entend se placer (131). Par-delà cette double filiation revendiquée, le titre constitue bel et bien une proposition théorique : tout rêve est interprétable parce que tout rêve a un sens, et tout rêve est « un phénomène psychique à part entière » (157), « susceptible d’être inséré dans l’ensemble de l’advenir psychique » (562). Le livre-objet matérialisé, sous une forme hallucinatoire, dans la vision de Fließ pourrait figurer ce que deviendra le rêve lui-même dans la Traumdeutung, un objet d’interprétation et un objet théorique, mais un objet, surtout, qui possède son propre ordre de réalité : un objet psychique, dont le contenu est à analyser au moyen de la nouvelle méthode d’interprétation. Celle-ci diffère de celle de l’Antiquité en ce qu’elle a recours, non plus aux associations de l’interprète du rêve, mais à celles du rêveur lui-même (133, n. 2). Elle fait apparaître « un nouveau matériel psychique » (319), celui des pensées de rêve latentes. C’est ce matériel de pensée qui confère au rêve une première réalité psychique (ou plus exactement, psychologique), dont Freud ne cesse de décrire et de nommer la complexité : chaînes de pensées, cheminements de pensées, trains de pensées, voies de liaison, les termes abondent, et vont culminer dans deux images, celle de la fabrique de pensées (325), et celle de la « pelote de pensées de rêve », du « réseau inextricable de notre monde de pensée » (578). L’autre contenu, latent, du rêve doit pouvoir faire l’objet d’une analyse exhaustive – sans lacunes –, si, comme l’affirme Freud, toutes les pensées du rêve ont déjà été formées à l’état de veille et ne sont que retrouvées après coup par le rêveur. À l’objection d’un nouvel arbitraire, Freud répond par une argumentation dont on ne peut qu’admirer la virtuosité rhétorique, à défaut d’y adhérer pleinement : « Que telle ou telle liaison de pensée n’apparaisse que pendant l’analyse, cela est certes exact ; mais on peut chaque fois se convaincre que ces liaisons nouvelles s’établissent seulement entre des pensées qui sont déjà reliées d’une autre façon dans les pensées de rêve ; les liaisons nouvelles sont en quelque sorte des circuits marginaux, des courts-circuits, rendus possibles par l’existence de voies de liaison différentes et situées plus en profondeur » (322-323). Mais l’abondance des pensées est telle que Freud reconnaîtra qu’une analyse complète est sans doute impossible : « Même lorsque sa résolution apparaît satifaisante et sans lacunes, il n’en reste pas moins toujours possible qu’à travers le même rêve se révèle un autre sens encore » (321). Enfin et surtout, Freud, interprète du rêve, nouvel Œdipe devant la Sphinge – ou devant le corps de la mère4 – concédera sa défaite en imaginant ce qu’il nomme l’ « ombilic du rêve »5. « Chaque rêve a au moins un point où il est insondable, en quelque sorte un ombilic par lequel il est en corrélation avec le non-connu » (146, n. 2). Ce travail d’interprétation (Deutungsarbeit) ne fait que répondre à un autre travail, le travail de rêve (Traumarbeit), qui a transformé les pensées de rêve latentes en un contenu manifeste. Les mécanismes décrits, condensation, déplacement, prise en considération de la présentabilité, élaboration secondaire, constituent des apports conceptuels incontestables et reconnus. Mais la véritable innovation théorique réside peut-être dans la notion même de travail de rêve. Car ce qui travaille, ce n’est pas le rêve, mais l’appareil de l’âme. Freud dira beaucoup plus tard que le rêve nous montre « la manière dont notre âme travaille pendant l’état de sommeil »6. Dans la Traumdeutung, le rêve est « une production de l’âme qui rêve » (27), ou encore une « activité particulière de l’âme » (116). Les Anciens voyaient dans le rêve le fait d’une « puissance divine ou démonique » (49). Freud y voit l’intervention d’autres puissances, celles de l’appareil animique : « Par l’interprétation du rêve, on peut, comme par l’ouverture d’une fenêtre, jeter un regard à l’intérieur de cet appareil » (257). Le rêve est transporté sur la scène psychique. Evoquant Fechner et son « autre scène »7, Freud avait confié à Fließ ce qu’était sa véritable ambition : « C’est au vieux Fechner, dans sa sublime candeur, qu’est venue à l’esprit la seule parole sensée. Le processus du rêve a lieu sur un autre terrain psychique. Je vais communiquer la première carte grossière de ce terrain » (lettre du 9 février 1898). La cartographie de l’appareil de l’âme, dans le chapitre VII, est aussi une réplique à la psychiatrie qui, dit Freud, « a mis la psyché sous curatelle » et redoute tout rappel de « l’essence métaphysique de l’âme » (72). Au terme de L’interprétation du rêve, la métaphysique est devenue une métapsychologie. Le rêve a aussi perdu le caractère étranger que lui conféraient les Anciens ; il est le fait du rêveur, de son activité de pensée et de ce qui se joue, dans l’appareil, entre les deux instances ou systèmes. Ce double renversement suffirait à justifier le caractère inaugural et fondateur de L’interprétation du rêve, que Freud lui a attribué après coup. « La psychanalyse est pour ainsi dire née avec le XXe siècle ; la publication par laquelle elle paraît aux yeux du monde comme quelque chose de nouveau, mon “Interprétation du rêve”, porte le millésime de 1900. »8 Mais en dehors du grand chapitre métapsychologique, ce « quelque chose de nouveau » reste pour Freud la théorie du rêve. Le « livre des rêves » entend être aussi le livre du rêve, où Freud révélera la clef de l’énigme, telle qu’elle lui est apparue cinq ans plus tôt. C’est dans la nuit du 23 au 24 juillet 1895, avec le rêve de l’ « injection faite à Irma », que Freud a trouvé la solution du rêve. Livrée à la fin du chapitre II, elle tient en un mot, celui de Wunscherfüllung (accomplissement de souhait). Deux ans plus tard, Freud s’émerveille encore de sa trouvaille. « J’ai jeté un coup d’œil à la littérature spécialisée et je me fais l’effet d’être le petit magicien cette : “Ah, comme je suis heureux que personne, vraiment personne, ne le sache.” Personne ne soupçonne que le rêve n’est pas un non- sens, qu’il est plutôt un accomplissement de souhait » (lettre du 16 mai 1897). En réalité, une première solution avait déjà été trouvée et communiquée à Fleiß dans la lettre du 4 mars 1895. Un rêve de Rudi Kaufmann9 apprend à Freud que le rêve accomplit tout simplement le souhait de dormir. Il sera repris dans L’interprétation du rêve, présenté comme le rêve de commodité de « Pepi H. » (160) et donnera lieu à la proposition théorique selon laquelle le rêve est le gardien du sommeil (272). Mais Freud ne peut évidemment se contenter d’une solution aussi courte – qui réduit le rêve à un phénomène fonctionnel. Dépité, il confie à Fleiß : « Pour moi toute l’affaire se résout de nouveau en un lieu commun. Le rêve cherche chaque fois à accomplir un souhait qui connaît diverses transformations. C’est le souhait de dormir ! On rêve pour ne pas avoir à se réveiller, parce qu’on veut dormir, Tant de bruit…10 ! » (lettre du 9 juin 1899). Le rêve comme accomplissement de souhait demeurera pourtant le leitmotiv de L’interprétation du rêve : « Que le rêve ait effectivement un sens secret qui se révèle être un accomplissement de souhait, c’est ce qui pour chacun des cas devra être démontré par l’analyse » (181). Le souhait « accompli » dans le rêve se déclinera sous diverses formes. S’agissant des rêves d’enfant, où s’exprime un souhait de la veille, la démonstration n’a pas besoin d’emprunter la voie longue de l’analyse : Anna rêve de fraises et de dessert aux œufs, Hermann rêve de cerises, et selon le proverbe, l’oie rêve de maïs (165-167). Dans un premier temps, Freud ajoutera à ces rêves transparents des enfants ceux qui, une fois analysés, révèlent derrière un contenu apparemment anodin ou innocent un souhait interdit, de nature inconsciente, et développera la formule initiale : « Le rêve est l’accomplissement (déguisé) d’un souhait (réprimé, refoulé) » (196). Dans un second temps, le souhait inconscient, véritable promoteur du rêve, sera défini comme un souhait infantile et sexuel. Non sans précautions, Freud hésitant malgré tout à généraliser à tous les rêves ce qu’il nomme dans le chapitre VII « l’exigence de l’infantile et du sexuel » (661). « Avec une autre série de rêves, l’analyse nous enseigne que le souhait qui a lui-même été l’excitateur du rêve – le rêve se présentant comme son accomplissement – est issu de la vie d’enfance, de sorte qu’on a la surprise de trouver dans le rêve, l’enfant continuant de vivre avec ses impulsions » (228-229). Wunsch est le grand mot de la Traumdeutung. Au fil des pages, il est possible de suivre comment Freud érige peu à peu le terme en concept. Le Wunsch côtoie d’autres termes, dont ceux de désir (Begierde), de penchant, de besoin, ou de désirance (Sehnsucht). Il est vrai que Freud parle à quelques lignes de distance des « souhaits sexuels » de l’enfant et des « désirs infantiles » du garçon (297). Mais le Wunsch de la Wunscherfüllung est-il simplement un désir, et la Wunscherfüllung est-elle une réalisation de désir ? Le rêve vient précisément à la place d’un désir ou d’un besoin qui n’a pas été « réalisé », c’est-à-dire satisfait dans le réel. Dans le cas des rêves d’enfants (ou des rêves de faim et de soif), le souhait de rêve naît de ce désir ou de ce besoin non assouvi – dont il est la traduction psychique11. Dans le cas des rêves d’adultes, le souhait qui trouve son accomplissement n’est pas seulement le souhait conscient-préconscient de la veille resté non réalisé ; il vient toujours s’y ajouter, selon Freud, un souhait inconscient qui n’a plus qu’un rapport lointain avec le réel, un souhait issu de l’infantile : « Dans notre théorie du rêve, nous avons attribué au souhait issu de l’infantile le rôle de moteur indispensable pour la formation du rêve » (644). Ce moteur (Motor), Freud le nomme « force de pulsion » (Triebkraft). Cette notion trouvera plus tard sa résurgence dans celle d’une « pulsion vers le haut » (Auftrieb) exercée par le refoulé. « Il nous faut plutôt attribuer au refoulé une forte pulsion vers le haut, une poussée à pénétrer jusqu’à la conscience. »12 En 1900, cette poussée porte encore le nom de « transfert » (617). Le souhait inconscient qui fournit au rêve sa force de pulsion est un souhait « exerçant sa poussée » (653), cherchant à transférer son intensité sur un autre matériel psychique : restes du jour, pensées de rêve latentes, ou souhait conscient-préconscient (les formulations divergent selon les passages). Si les comparaisons qui illustrent ce transfert dans L’interprétation du rêve sont bien connues : celle du capitaliste et de l’entrepreneur (615) ou celle du médecin et du mécanicien dentiste (617), le développement métapsychologique qu’en donne Freud au début de la section D, par exemple, est beaucoup plus ardu (628-629 et 631). Il suffit de retenir le schéma explicatif de base : un souhait inconscient « transféré » sur un matériel récent et préconscient, l’opposition de l’instance de censure à cette intrusion masquée, la mise en œuvre du travail de rêve afin de modifier et de déformer davantage le souhait de rêve. Ce schéma de la formation du rêve sera maintenu tout au long de l’œuvre sans connaître beaucoup de variantes. Freud dira aussi que c’est le souhait conscient-préconscient qui doit aller chercher un « renforcement » du côté de l’inconscient. « Si je ne puis fléchir ceux d’en haut, je mettrai en mouvement l’Achéron. » L’épigraphe de l’ouvrage trouve là son vrai sens. Dans ce modèle, l’initiative revient au conscient-préconscient : « Le souhait conscient ne devient l’excitateur du rêve que s’il réussit à éveiller un souhait inconscient ayant un énoncé semblable, par lequel il se renforce » (607). Mais le mouvement inverse, celui venu du souhait inconscient, est pour Freud le mouvement originel, celui où le souhait cherche à pénétrer jusqu’à la conscience par le transfert. « Ces souhaits inconscients, poursuit Freud, je les considère, d’après les indications tirées de la psychanalyse, comme étant toujours en mouvement, toujours prêts à parvenir à se procurer une expression lorsque l’occasion s’offre à eux de s’allier à une motion venant du conscient, à transférer leur grande intensité sur celle, moindre, de cette dernière » (607). Ce souhait inconscient, doté d’une force de pulsion, ne doit pas être confondu avec le souhait pulsionnel (Triebwunsch) des dernières années, où le souhait est purement et simplement assimilé à la pulsion. Dans l’Abrégé de psychanalyse, par exemple, Freud pourra reprendre le double modèle du transfert et du renforcement, mais cette fois le souhait inconscient n’est rien d’autre que la motion pulsionnelle. « Ou bien une motion pulsionnelle d’ordinaire réprimée (un souhait inconscient) a trouvé pendant le sommeil la force de se faire valoir dans le moi [le transfert], ou bien une tendance qui est restée de la vie de veille […] a trouvé dans le sommeil, du fait d’un élément inconscient, un renforcement. »13 En 1900, le souhait inconscient est déjà une formation psychique, l’une des deux puissances psychiques à l’œuvre dans la formation du rêve. « Nous pouvons donc admettre que chez l’individu les auteurs de la mise en forme du rêve sont deux puissances psychiques (courants, systèmes), dont l’une constitue le souhait amené à l’expression par le rêve, tandis que l’autre exerce une censure sur ce souhait de rêve et, par la contrainte de cette censure, aboutit à une déformation de la manifestation de ce souhait » (179). La motion de souhait au départ du rêve appartient au système Ics et, plus exactement, à cette région de l’inconscient, l’infantile, qui forme « le noyau de notre être » (659). Le lecteur pourra préférer à cette figure métapsychologique du souhait celle, mythologique et plus évocatrice, des Titans (607) ou des ombres du monde souterrain (289), qui personnifie le souhait inconscient : indestructible, immortel, toujours en mouvement, impossible à inhiber et indompté. L’ouvrage s’achève comme il avait commencé, par une invocation du « démonique », qui loge désormais dans l’inconscient : « L’indompté et l’indestructible dans l’âme humaine, le démonique, qui livre le souhait de rêve et que nous retrouvons dans notre inconscient » (669). La formule est belle, quelque peu énigmatique, et pour tout dire, mystique. En 1933, dans la Nouvelle suite de leçons, Freud présentera la doctrine du rêve comme « une portion de territoire nouveau, gagnée sur la croyance populaire et la mystique »14. Entre-temps, il aura dénoncé un « respect excessif pour le “mystérieux inconscient” »15. N’est-ce pas un respect de cet ordre qu’il manifeste encore, dans ces dernières pages de la Traumdeutung, en parlant d’un inconscient démonique, ou en disant, dans un ajout de 1909, que « l’interprétation du rêve est la via regia menant à la connaissance de l’inconscient dans la vie d’âme » (663) ? Il n’est sans doute pas loin de le croire lui-même lorsque, dans un renversement surprenant, il affirme que le rêve n’est pas l’inconscient16. « Le rêve n’est au fond rien d’autre qu’une forme particulière de notre penser, forme qui est rendue possible par les conditions de l’état de sommeil. C’est le travail de rêve qui produit cette forme et il est, lui seul, ce qu’il y a d’essentiel dans le rêve »17 (558, note de 1925). La contradiction n’est qu’apparente. Freud peut légitimement faire porter l’accent sur l’un ou l’autre des deux constituants du rêve, le souhait inconscient ou les pensées de rêve. Il n’y a pas à choisir entre l’inconscient et le préconscient – entre l’Achéron, le monde souterrain, et l’ombilic du rêve, ces deux formes de l’inconnu sur lesquelles débouche l’exploration du rêve. Si le préconscient est inépuisable, l’inconscient, lui, est inconnaissable. La motion de souhait inconsciente n’apparaît jamais en tant que telle dans le rêve, elle ne peut survenir que transférée (déguisée), puis transformée par le travail de rêve. Seule la forme du rêve trahit la présence du contenu inconscient. François ROBERT.

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