UNIVERSITE DE BRETAGNE OCCIDENTALE UNIVERSITE EUROPEENNE DE BRETAGNE Ecole Doctorale SHOS (Sciences de l’Homme des Organisations et de la Société) ED 505 Thèse pour l’obtention du Doctorat Nouveau Régime ès Sciences de Gestion L’INTENTION ENTREPRENEURIALE DES JEUNES ARTISTES Le cas des étudiants des écoles d’art de Bretagne Thèse soutenue le 3 septembre 2012 par Garlonn BERTHOLOM MEMBRES DU JURY Robert PATUREL Professeur à l’Université de Bretagne Occidentale / Directeur de thèse Mohamed BAYAD Professeur à l’Université de Lorraine / Rapporteur Olivier TORRES Professeur à l’Université de Montpellier 1 / Rapporteur Sandrine EMIN Maître de Conférence à l’Université d’Angers / Suffragant Thierry LEVY-TADJINE HDR, Professeur à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth / Suffragant L’université n’entend donner ni approbation, ni improbation aux opinions émises dans les thèses. Ces o pinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. Remerciements Parce que l’écriture d’une thèse est loin d’être un exercice uniquement solitaire, je tiens à remercier par ces quelques lignes ceux qui m’ont accompagnée pendant ce parcours. Mes premiers remerciements vont au Professeur Robert Paturel qui a encadré ce travail et dont les conseils rigoureux et bienveillants ont permis l’aboutissement de cette recherche. Je lui sais gré de la confiance qu’il m’a témoignée depuis mon Master Recherche et tout au long de ces années en m’encourageant dans le choix de mon thème de recherche. Je souhaite exprimer mes sincères remerciements aux Professeurs Mohamed Bayad et Olivier Torrès pour m’avoir fait l’honneur de participer à mon jury de thèse en acceptant d’en être les rapporteurs. Mes remerciements vont également à Sandrine Emin et Thierry Levy-Tadjine qui ont bien voulu évaluer mon travail. Cette recherche n’aurait pu exister sans le soutien des directeurs d’écoles d’art de Bretagne, Messieurs Rémy Fenzy et Pierre Cochard ainsi que Madame Danièle Yvergniaux qui m’ont ouvert la porte de leurs établissements et m’ont accordé leur confiance en me facilitant l’accès à leurs étudiants. Bien entendu, j’exprime des remerciements tout particuliers aux étudiants qui ont accepté de me consacrer du temps et de me livrer leurs récits lors de nos entretiens. Leur mobilisation, la sincérité et la densité de leurs propos donnent tout leur sens aux analyses menées dans cette recherche. Je pense ensuite à toutes celles et ceux qui ont contribué, tout au long de ces années, de près ou de loin, parfois même sans le savoir, à l’avancée de mes réflexions et l’achèvement de ce manuscrit. Mes remerciements vont ainsi à l’ensemble des membres de l’équipe Entrepreneuriat – TPE/PME du laboratoire de l’ICI avec qui les échanges ont toujours été la source de réflexions et d’émulation indispensables pour avancer dans mon travail. Merci également à mes collègues de l’ESC Bretagne Brest, particulièrement à Valérie et toute l’équipe de l’infothèque pour leur veille active, à Roger et à Gaël pour leur soutien et leur aide à divers stades de la rédaction de ce document. Merci aussi à mes amis qui m’ont chaleureusement encouragée et dont les appels n’ont jamais cessé malgré mon manque de disponibilité beaucoup trop fréquent. Enfin, mes derniers remerciements vont à ma famille. Je leur suis extrêmement reconnaissante du soutien sans faille et de la patience dont ils ont fait preuve pendant de longs mois. Merci à Goulven pour ses mots, sa présence et le temps qu’il a consacré à la lecture de ce manuscrit. Merci aussi à Céline. Merci à mes parents d’avoir toujours su m’écouter et me témoigner leur amour et leur confiance. Merci à Eric d’avoir été là, patient et confiant. SOMMAIRE INTRODUCTION GENERALE ........................................................................................ 2 PARTIE 1 – LES VOIES DE COMPREHENSION DE L’INTENTION ENTPRENEURIALE DES JEUNES ARTISTES .......................................................... 25 Chapitre 1 – L’activité de l’artiste est-elle entrepreneuriale ?......................................... 27 Chapitre 2 – La mobilisation des théories de l’intention dans le cas des jeunes artistes ............................................................................................................................ 118 Chapitre 3 – De la construction de l’identité d’artiste à l’intention entrepreneuriale chez les étudiants d’écoles d’art .................................................................................... 168 PARTIE 2 – VERS UNE MODELISATION DE L’INTENTION ENTREPRENEURIALE DES JEUNES ARTISTES, ETUDIANTS D’ECOLES D’ART .............................................................................................................................. 204 Chapitre 1 – Les méthodes de recherche ....................................................................... 206 Chapitre 2 – Les premiers contours de la formation de l’intention entrepreneuriale des étudiants d’écoles d’art............................................................................................ 248 Chapitre 3 – L’articulation de la formation de l’intention entrepreneuriale et de la construction de l’identité artistique chez les étudiants d’écoles d’art ........................... 338 CONCLUSION GENERALE ......................................................................................... 405 BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................... 415 ANNEXES ................................................................. ERREUR ! SIGNET NON DEFINI. LISTE DES SCHEMAS, TABLEAUX, FIGURES ET ENCADRES ........................ 444 Introduction générale Introduction générale « Les entrepreneurs et les artistes ne gardent et n’épargnent pas « ce qui existe », mais mettent en œuvre et en débat ce qui n’a jamais été là sous cette forme, dans un refus constant de l’existant » 1 . Peter Sloterdjik (2000) « La peinture est, comme n’importe quel autre produit de consommation, soumise aux lois du marché. Tout le monde souhaite que l’artiste soit pur, sincère, voire maudit ou incompris. Car chacun de nous, spectateurs, souhaitons puiser dans l’œuvre d’art l’innocence et la beauté du monde que nous pensons être incapables de voir. L’artiste est le prophète que l’on n’achète pas. On vénère Van Gogh à titre posthume pour son talent, certes, mais également pour son oreille coupée et parce qu’ « il n’a jamais vendu un tableau de son vivant ». L’artiste aujourd’hui est face à une autre problématique, puisqu’il peut créer, diffuser ou vendre sur Internet, en temps réel et partout dans le monde. Il est loin de la réalité primaire qui consiste à échanger un tableau contre une poule pour manger. L’artiste plasticien peut composer, tel un César ou un Christo, sur des chantiers où il se fait le maître d’œuvre d’une équipe opérante. Avec ou sans cravate, l’artiste d’aujourd’hui porte tour à tour la casquette du manager, du consultant, du créateur de tendances ou du leader d’opinion. Peut être différent par sa démarche, mais certainement pas marginal de la société à laquelle il contribue, l’artiste est un entrepreneur au quotidien qui s’investit dans son œuvre en prenant des risques – moraux ou financiers – pour imposer sa vision, son style, sa signature » (Gallienni, 2005)2. Les propos de cet artiste peintre peuvent choquer ou interpeller. Les fondements de notre travail suivent ces propos et postulent que les artistes peuvent, en effet, être des entrepreneurs, mais des entrepreneurs particuliers, évoluant dans des contextes spécifiques et pouvant, aussi, contribuer au développement économique des nations. 1Sloterdjik, P. (2000), L’heure du crime et le temps de l’œuvre d’art. Paris : Calmann-Lévy, 160 p. 2 Citation issue du site internet de l’artiste dans un billet du 12 janvier 2005 http://galienni.typepad.com visité le 3 mars 2007. 3 En 20063, le cabinet KEA European Affairs a publié, pour le compte de la Commission Européenne, une étude sur l’économie des arts et de la culture en Europe dont les chiffres montrent l’importance économique de cette filière au niveau européen : • 5,8 millions d’employés dans les secteurs de la culture et de la créativité ; • 654 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans les entreprises culturelles et créatives ; • 1,4 million d’entreprises ; • 2,6 % du PIB de l’Union Européenne ; Autre élément intéressant, une cellule particulière pour les industries créatives, s’est récemment mise en place chez Eurostat. Cette cellule4 a permis de révéler qu’en 2009, dans l'Union Européenne des 27 états (UE27) : (cid:120) 1,5 million de personnes ont travaillé en tant qu'écrivains ou artistes, soit 0,7 % de l'emploi total ; (cid:120) les plus grands nombres ont été observés en Allemagne (330 000), au Royaume Uni (200 000) et en France (180 000) ; (cid:120) au cours de l'année académique 2007/2008, 725 000 étudiants, soit 3,8 % de l'ensemble des étudiants de l'enseignement supérieur dans l'UE27, ont étudié les arts ; (cid:120) en 2010, 0,6 % des exportations de biens de l'UE27 avec le reste du monde et 0,4 % des importations étaient des biens culturels. 0.1. LE CONTEXTE GENERAL DE LA RECHERCHE : DES INDUSTRIES CULTURELLES ET CREATIVES AUX ARTISTES Afin de mieux cerner les enjeux liés à notre travail, il nous faut expliciter le contexte socio- économique dans lequel il s’inscrit, à savoir, celui, très large, de l’économie créative. Définir et circonscrire l’économie créative relève d’une gageure à laquelle nombre d’experts et chercheurs s’attèlent depuis quelques années, au vu de la montée en puissance des secteurs de la création dans l’économie post-industrielle. 3 KEA (2006), The economy of culture in Europe, octobre. Etude réalisée en collaboration avec la Turku School of Economics et le Cabinet MKW, Munich pour la Direction générale pour l’éducation et la culture de la Commission Européenne. http://www.keanet.eu 4 Eurostat, Communiqué de Presse du 14 avril 2011 sur « Les statistiques culturelles sous les projecteurs », http://ec.europa.eu 4 Introduction générale 0.1.1. Les industries créatives au cœur de l’économie de la connaissance Volonté politique de l’Union Européenne, la stratégie de Lisbonne, adoptée en 2000, affirmait l’économie de la connaissance comme une priorité de développement pour les Etats membres. La nouvelle stratégie Europe 2020 s’inscrit dans sa continuité en favorisant une croissance « intelligente, durable et inclusive ». L’économie de la connaissance s’articule autour du savoir, de l’innovation et de la créativité. Malgré l’annonce de l’échec de la stratégie de Lisbonne, dont les objectifs ont déterminé les contours des incitations à l’encouragement de l’innovation, le développement de l’économie de la connaissance en Europe, comme objectif majeur de ces dernières décennies, ne fait aucun doute pour les experts et les chercheurs. Souvent vues comme moteur de cette économie de la connaissance, les industries créatives prennent une importance croissante au sein des économies post-industrielles modernes fondées sur les savoirs. Elles sont, d’abord, plus prometteuses en termes de croissance et de création d’emplois que les autres secteurs et elles sont, en outre, des véhicules d’identité culturelle et peuvent stimuler la diversité culturelle (UNESCO-GACD, 2008). À condition qu’on lui accorde l’attention nécessaire, l’économie créative peut être une source de croissance, de création d’emplois, d’innovation et d’échanges commerciaux, tout en contribuant à l’inclusion sociale, à la diversité culturelle et au développement humain durable. Par ailleurs, les technologies nouvelles et internet offrent aux pays en développement une option réaliste pour promouvoir leur créativité et leur entrepreneuriat sur le marché mondial. Au sein des industries créatives, les industries culturelles font précisément référence à des industries qui touchent à la fois la création, la production et la commercialisation de contenus créatifs de nature culturelle et immatérielle. Les contenus sont généralement protégés par les droits d’auteur et ils peuvent s’apparenter à un bien ou à un service. D’ordinaire, les industries culturelles incluent l’édition imprimée et le multimédia, la production cinématographique audiovisuelle et phonographique, ainsi que l’artisanat et le design. Le terme industries créatives comprend un plus grand ensemble d’activités qui englobent les industries culturelles auxquelles s’ajoutent toutes les activités de production culturelle ou artistique, qu’elles aient lieu en direct ou qu’elles soient produites à titre d’entité individuelle. Les industries créatives sont celles dont les produits ou les services 5 contiennent une proportion substantielle d’entreprises artistiques ou créatives et comprennent des activités comme l’architecture et la publicité. A l'évidence, ce sont les contenus culturels (par exemple la musique, les produits de l'édition, les films, les jeux vidéo) qui rendent les nouvelles technologies intéressantes pour les consommateurs, contribuent au développement de nouveaux marchés et encouragent l’alphabétisation numérique. Toutefois, le succès de services et logiciels gratuits et libres d'accès est aussi une tendance qui préfigure une économie dans laquelle le partage et l’échange des connaissances et des compétences ne sont pas uniquement fondés sur des gains financiers. En fait, comme le relève une étude du cabinet KEA European Affairs (2009)5, ces nouvelles formes d’échange donnent la priorité aux fins sociales et, en conséquence, à la créativité basée sur la culture. L’art et la culture sont bien souvent le point de départ de l’établissement de réseaux sociaux (partage de fichiers « pair à pair » notamment). C’est pourquoi il devient impératif pour l’industrie de répondre ou de générer une demande d'un nouveau genre, qui ne soit pas seulement fondée sur la fonctionnalité d’un produit, mais qui trouve plutôt son origine dans les aspirations des individus et de la société. Les « créatifs » et les artistes ont un rôle prépondérant à jouer à ce niveau, de par leur capacité à développer des idées, des métaphores ou des messages qui favorisent de nouvelles expériences et les réseaux sociaux. Les auteurs de l’étude du cabinet KEA (2009) de rappeler le « Think different » (« Pensez Différent ») dans la publicité de Apple dans laquelle apparaissaient Picasso, Einstein et Gandhi : Steve Jobs la décrivait comme un moyen pour son entreprise de rappeler qui sont les vrais héros et qui est Apple. Apple a réussi à créer de l’empathie pour la technologie là où d'autres entreprises technologiques ont échoué. La dimension esthétique de la gamme de produits, grâce notamment au design, a également contribué au succès. 0.1.2. L’artiste au cœur de l’économie créative En 1986, puis en 2009, l’UNESCO a publié un ouvrage de référence, le Cadre de l’UNESCO pour les statistiques culturelles (CSC) (Framework for Cultural Statistics, FCS), première tentative complète pour développer des méthodologies permettant de saisir l’information sur les activités culturelles. Le CSC cherche plus largement à fournir une 5 Etude menée pour la Direction générale de l’éducation et de la culture de la Commission Européenne, juin 2009. 6 Introduction générale structure de collecte de données sur les activités culturelles qui pourrait permettre la comparaison des statistiques des différents pays. Ce cadre fut ainsi adopté par plusieurs institutions nationales, qui ont adapté et modifié leur méthodologie pour tenir compte des réalités culturelles de leur pays. Le CSC définit en 2009, six catégories culturelles : (1) le patrimoine culturel ; (2) les arts du spectacle et les célébrations ; (3) les arts et artisanat visuels ; (4) l’édition et la presse ; (5) l’audiovisuel et les médias interactifs ; (6) le design et les services créatifs. L’UNESCO relève également deux domaines connexes : (7) le tourisme ; (8) le sport et les activités récréatives. Le cadre propose également des matrices qui s’appliquent à toutes les catégories avec des fonctions telles que création/production, transmission/diffusion, consommation, enregistrement/protection et participation. Throsby (2008) a élaboré un modèle dit des cercles concentriques, qui place les artistes au cœur des industries créatives, en ce qu’ils sont à l’origine même des contenus. Schéma 1 : Le modèle des cercles concentriques Autres industries Arts créatifs culturelles fondamentaux fondamentales Littérature Cinéma Musique Musées, Galeries, Arts de la scène Bibliothèques Arts visuels Photographie Arts c réatifs fondamentaux Autres industries créatives fondamentales Industries culturelles Industries culturelles Industries connexes Patrimoine - Edition Publicité Industries connexes Télévision et radio Architecture Enregistrements Design sonores Mode Vidéo et jeux vidéo Source : Traduction libre de Throsby (2008: 150) 7
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