« RÉPONSES » Collection créée par Joëlle de Gravelaine, dirigée par Dorothée Cunéo « Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. » © Éditions Robert Laffont, S. A., Paris, 2016 En couverture : photo auteur : © Julien Faure EAN 978-2-221-18906-1 Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. Suivez toute l’actualité des Éditions Robert Laffont sur www.laffont.fr « La vraie science est une ignorance qui se sait. » Montaigne, Essais, Livre II, Chapitre XII Manifeste pour un cerveau libre Préface de Serge Tisseron Depuis que nous savons que de nouveaux neurones naissent chaque jour dans notre cerveau, les livres qui vantent les mérites des neurosciences semblent suivre le même rythme dans les bacs des libraires… Mais celui d’Idriss Aberkane se distingue des autres. C’est moins un essai qu’un manifeste : un manifeste qui nous invite à faire d’un certain passé « table rase » pour prendre « le parti du cerveau ». Des divers fils rouges autour desquels sa pensée s’organise, j’en ai retenu trois. Le premier est l’économie de la connaissance. Alors que les flux financiers enrichissent certains et en appauvrissent d’autres, les flux de connaissance profitent à tout le monde. Le meilleur exemple en est cette monnaie introduite en Inde qui ne permet à son possesseur qu’une seule chose, payer quelqu’un qui lui donne des cours dans la matière de son choix. De telle façon que celui qui reçoit cet argent ne peut l’utiliser lui-même à rien d’autre qu’à obtenir à son tour un enseignement, et ainsi de suite depuis les personnes les moins éduquées jusqu’aux personnes qui le sont le plus. Chacun s’enrichit en outre non seulement des connaissances qui lui sont dispensées, mais aussi de celles qu’il donne, puisque l’effort d’expliquer bénéficie à celui qui le fait autant qu’à celui qui l’écoute. Ainsi s’établit une chaîne ininterrompue de transmissions vertueuses. Le second fil rouge qui traverse l’ouvrage d’Idriss Aberkane est l’empan : ce mot désigne, rappelons-le, la distance qui sépare l’extrémité du pouce de celle du petit doigt lorsque notre main est ouverte. Cette distance a été proposée à la Renaissance pour être une mesure à partir de laquelle construire un monde habitable par l’homme, c’est-à-dire un monde dont il puisse se saisir. D’autres « empans », autrement dit d’autres mesures de référence, ont été proposés dans l’Histoire, par les religions monothéistes d’abord et, après la Renaissance, par la philosophie des Lumières avec l’émergence de l’idée de démocratie. Chacune de ces approches a proposé, avec plus ou moins d’efficacité, un modèle du bonheur et de la liberté. Aujourd’hui, les travaux de neurosciences nous confrontent à une nouvelle forme d’empan : l’ouverture possible de notre cerveau et la façon dont il peut se saisir d’objets cognitifs à condition que ceux-ci soient présentés d’une certaine façon, exactement comme notre main ne peut se saisir d’un objet que s’il lui est présenté de manière correcte, on dit aujourd’hui « ergonomique ». L’empan de notre cerveau définit, par exemple, les conditions favorables à la mémorisation, les angles d’approche qui peuvent permettre de s’emparer d’un nouvel objet d’étude, etc. De la même façon que les dimensions du corps humain ont été érigées, à la Renaissance, en repères pour la construction des bâtiments, ce que nous savons aujourd’hui du cerveau devrait constituer les repères de la construction d’organisations adaptées à l’être humain, à commencer par celles dont la vocation est la diffusion des connaissances. Enfin, un troisième jalon posé par Idriss Aberkane concerne l’importance de l’hyper-individualité qu’il évoque sous le nom d’« ego ». Bien que je préfère penser l’accomplissement de l’hyper-individualité en termes de « désir » plutôt que d’« ego », je le rejoins sur sa conclusion : il n’y a pas d’ego excessif, il n’y a que des ego qui savent se mettre au service de leurs projets et d’autres qui mettent leurs projets à leur propre service. Le développement de l’ego n’entraîne pas forcément le déni de l’alter ego. L’hyper-individualité n’implique pas obligatoirement l’hyper-individualisme, et deux individualités fortes sont susceptibles de s’enrichir mutuellement. Autrement dit, les projets qui nous tiennent le plus à cœur sont ceux qui nous permettent à la fois de nous épanouir et de nous rendre utiles au monde, à condition toutefois que nous ne fassions pas passer la réussite sociale du projet et les bénéfices secondaires que nous pouvons en retirer avant le bonheur qu’il y a à le mener. Un projet est comme un enfant que l’on aide à grandir, à s’épanouir et à se socialiser. De la même façon que les bons parents ne sont pas ceux qui s’attribuent les mérites de leur progéniture
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