ebook img

Liban, une guerre de 33 jours PDF

255 Pages·2007·1.469 MB·French
Save to my drive
Quick download
Download
Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.

Preview Liban, une guerre de 33 jours

Cahierslibres Sous la direction de Franck Mermier et Élizabeth Picard Liban, une guerre de trente-trois jours ISBN:978-2-7071-5099-8 EnapplicationdesarticlesL.122-10àL.122-12ducodedelapropriétéintellectuelle, toute reproduction à usage collectif par photocopie, intégralement ou partielle- ment,duprésentouvrageestinterditesansautorisationduCentrefrançaisd’exploi- tationdudroitdecopie(CFC,20,ruedesGrands-Augustins,75006Paris).Toute autreformedereproduction,intégraleoupartielle,estégalementinterditesansauto- risationdel’éditeur. S ivousdésirezêtretenurégulièrementinformédenosparutions,ilvoussuffit d’envoyer vos nom et adresse aux Éditions La Découverte, 9 bis, rue Abel- Hovelacque,75013Paris.VousrecevrezgratuitementnotrebulletintrimestrielÀLa Découverte.Vouspouvezégalementretrouverl’ensembledenotrecatalogueetnous contactersurnotresitewww.editionsladecouverte.fr. © ÉditionsLaDécouverte,Paris,2007. Introduction FRANCK MERMIERETÉLIZABETH PICARD A u matin du 12 juillet 2006, deux militaires israéliens étaient enlevés par les miliciens du Hezbollah libanais dans la zone frontalière occidentale séparant le Liban d’Israël. À une opération visant à susciter un échange de prisonniers comparable à ceux qui avaienteulieuen1998eten2004,Israëlripostaitdanslesdeuxheures enlançantsurleLibanuneguerrequidevaitle«renvoyercinquante ansenarrière»,uneguerrepréparéedepuisdesannées. L’Étatisraélientinteneffetpourresponsabledecetteopérationle gouvernementlibanaisdanssonensemble,arguantdelaprésenceen son sein de deux ministres du Hezbollah. Durant trente-trois jours, l’armée israélienne fit subir à la population libanaise un véritable châtiment collectif, en bombardant de nombreuses infrastructures civiles — routes, ponts, usines, aéroport, ports ou dépôts de carbu- rants. L’aviation de l’État hébreu s’acharna particulièrement sur les prétendues«placesfortes»duHezbollah,labanlieuesuddeBeyrouth, lesudduLibanetBaalbek.Lescivilslibanaispayèrentunlourdtribut à cette tactique de matraquage aérien : 1183 morts, 4059 blessés et prèsd’unmilliondedéplacés. Le nombre de combattants du Hezbollah victimes des affronte- mentsresteinconnuàcejour;uneoccultationàlaquellerépondleur invisibilité médiatique, sauf dans les cérémonies funéraires célébrées 5 Liban,uneguerredetrente-troisjours par le «Parti de Dieu» et retransmises sur sa télévision Al-Manar. Durantlaguerre,lesimagesdessoldatsdes«Forcesdedéfenseisraé- liennes»ont,parcontraste,envahilesécranstélévisésetlesjournaux du monde entier. Ils formèrent l’écrasante majorité des pertes israé- liennes : cent vingt et un tués sur cent soixante-deux. Les roquettes du Hezbollah, s’abattant sur le nord d’Israël, causèrent la mort de quarante et un civils et provoquèrent le déplacement de 250000personnes. Au-delà de la brutalité de ces chiffres, la guerre de l’été 2006 au Libanappelleàdesréflexionssurlaguerreasymétrique,surledroitde laguerre etsur la gestionpar lesÉtats etlesacteursinterettransna- tionauxdelacrisehumanitairequis’ensuivit.Telestl’undesobjectifs decelivre,fruitd’unemobilisationdechercheursetdespécialistesdu Liban et du Moyen-Orient, français et libanais en majorité, qui s’est fait jour durant la guerre elle-même. Nombre d’entre eux étaient sur place et les analyses qu’ils proposent ici s’appuient notamment sur lesenquêtesetlesobservationsqu’ilsontpufairealors,dontonverra qu’elles apportent un ensemble d’informations très largement inédites, du moins en France et dans les pays éloignés du «théâtre des opérations». Dans le monde entier, cette guerre a certes donné lieuàunelargecouverturemédiatiqueetàdesflotsdecommentaires, d’appels collectifs et de tribunes individuelles. Mais, face à l’événe- ment, le chercheur recourt souvent, s’il n’est pas sollicité par les médias pour donner ses réactions, à une mise à distance à la fois temporelleetcritiquerépondantàsonsoucid’objectivité.Cetéloigne- ment de la rumeur du monde peut aussi être une source de frustra- tionextrême,lorsquelaparoledesexpertsautoproclamésmonopolise le débat et l’oriente faussement par des raccourcis et simplifications quisemblentfairetableraseducapitaldeconnaissancesaccumulépar leschercheursdeterrain. Ce livre répond donc à une double exigence d’urgence et de rigueur, qui soumet la fonction de témoignage et la nécessité de l’engagement aux critères de la production du savoir. Sa visée première, grâce à la diversité de ses angles d’approche, est de contri- buer à éclairer le lecteur sur les enjeux multidimensionnels de cette nouvelle guerre du Liban, en convoquant les apports récents de la recherche scientifique sur le Proche-Orient. Il propose une lecture à plusieurs niveaux, en élargissant progressivement la focale au fil des 6 Introduction quatrepartiesquistructurentlescontributionsdesauteurs.Aprèsun premierbilandela«guerredestrente-troisjours»,iloffreunevision inéditedesrépercussionsduconflitsurlasociétélibanaise.Ils’attache ensuite aux enjeux régionaux, à commencer par les relations avec Israëlet,enarrière-plan,ceuxdelaterre,del’eauetdelasécuritéen lesreplaçantdansunebrèvemiseenperspectivehistorique.Ilreplace enfin la guerre dans le cadre de la conflictualité internationale, en s’intéressantauxgrandsacteurscommelesÉtats-Unis,laFrance,Israël, l’IranetlaSyrie,ouvrantainsiuneréflexionsurlesfuturséquilibresdu paysetdelarégion. LeLibanenpremièreligne Pendantdesdécennies,analystesetjournalistesontmisenexergue la situation du Liban sur une ligne de contact entre Orient et Occi- dent,sagéographiedecontrastes,lecaractèreplurieldesasociété,les dynamiquesambivalentes deson développementetdeson insertion danslamodernitémondialisée.Sasurviemême,dansunenvironne- menthautementconflictuel,lelaborieuxprocessusdereconstruction etderéconciliationdanslequelilétaitentréaprèsquinzeansdeguerre civile et régionale (1975-1990), en faisaient sinon un modèle, du moins un contre-exemple face aux pratiques autoritaires des régimes politiquesenvironnants,auxratésdudéveloppementdanslemonde arabeetàl’oppressionsansfindelasociétépalestinienneparIsraël. PourleLiban,être«enpremièreligne»dansunMoyen-Orienten mutation ne signifiait pas seulement avoir traversé un conflit civil meurtrieretdévastateurplusdedixansavantquelesguerresidenti- tairesneravagentl’AfriquecentraleetlesBalkans.Celasignifiaitaussi être pionnier dans les initiatives de transformation d’une économie vivrièreenéconomiedeservices,etrompreaveclemodèledominant de développement de modernisation de l’agriculture et d’industriali- sation. Audacieusement, au prix d’un exode rural massif et d’une coûteusedépendanceàl’égarddesimportations,leLibans’estspécia- lisétrèstôtdanslesentreprisesdusecteurdelabanqueetdestechno- logies de communication dans lesquelles excellent nombre de ses citoyens,àBeyrouthoudansl’émigration. 7 Liban,uneguerredetrente-troisjours Pendantlongtemps,celaaégalementsignifiéêtreenavancedans lerefusdeselaisserentraînersurlavoiemilitaireetdanslarecherche d’une solution de coexistence israélo-arabe, même si le jeu des équi- libres régionaux lui interdisait de négocier un accord de paix — et celajusqu’àcequel’invasionisraéliennede1982fassenaîtreunerésis- tance armée libanaise. Cela signifiait enfin avoir adopté un système politiquedepartagedespouvoirsentrecommunautésreligieuses,dit «de consensus», afin d’éviter que la dictature d’une majorité démo- graphique ou politique ne s’impose à ses minorités ethniques et confessionnelles. Cecaractèrepionnierselisaitàtraversledynamismeetlacréativité desmédiasetdansunevieintellectuelleetartistiqueflorissante.Bien sûr, les déçus du Liban étaient légion, qui continuaient à grossir les rangsd’unediasporaplusnombreusequelapopulationdupayselle- même (4 millions d’habitants). Les sujets de critique ne manquaient pas:déséquilibreflagrantentreBeyrouthetlesrégionspériphériques dupays,incurieetcorruptiondesappareilsd’Étatprisdanslesréseaux tissésparlaSyrieduranttrenteansdeprésencemilitaire,hypocrisiede larelationentrelesmembresdesdifférentescommunautésreligieuses «co-présents»auLibanmaispasvraimentconcitoyens. Eppur si mueve : le Liban n’a pas seulement résisté à l’hostilité de ses voisins et aux affrontements fratricides de ses familles politiques etreligieuses.Cetrèspetitpays(10452km2)delariveorientaledela Méditerranéeasuretrouverunepaixrelativeavecl’accordparlemen- taire de Taëf (1989), réorganisant le partage communautaire du pouvoiràl’heuremêmedesgrandsbouleversementsmondiauxdela fin de la bipolarité et de la libéralisation des échanges. Ses élites, les filsdesgrandsleadersdel’indépendance,maisaussid’ancienschefsde guerre reconvertis et de nouveaux entrepreneurs formés à l’étranger et enrichis dans les pays pétroliers arabes, ont participé avec audace aurétablissementd’infrastructuresplusmodernesetàl’élaborationde projetsambitieuxsousl’égideemblématique—etparfoiscontestée— de Rafic Hariri, patron d’entreprises multimilliardaire et Premier ministre de 1992 à 1998 et de 2000 à 2004. Dans les jeunes généra- tions, se sont multipliés les organisations civiles et les mouvements citoyensaiguillonnésparlemotd’ordrepartagéde«plusjamaisça!». 8 Introduction Unecrisemultidimensionnelle Mais, après la reconstruction physique du pays, sa reconstruction politiquetardaitàprendreforme.Elleaétémiseenéchecdepuis2004 parlaconjonctionfunestedefacteursinternesetexternes,lespecta- culaire assassinat de Rafic Hariri en février 2005 marquant le point d’inflexion de la nouvelle crise multidimensionnelle qui secoue le Libandepuislors. Unecriseinternationale,puisquelesÉtats-Unis,IsraëletlaFrance — pour ne nommer que les principaux acteurs — cherchent alors à modifier à partir de l’arène libanaise les équilibres de puissance au Moyen-Orient.LespremiersconsidèrentleLibancommeletroisième terrain d’application de leur politique de démocratisation autoritaire — un oxymoron qui dit toute la vanité du projet —, après l’Afgha- nistanetl’Irak.Israël,quinesaitserésoudreànégocierunepaixjuste avec ses voisins arabes, poursuit sa stratégie militaire à l’encontre d’unesphèred’hostilitédeplusenplusétendue:auLiban,ils’agissait d’affaiblirunalliédel’Iran(leHezbollah),puissancequimenaceson monopolenucléairedanslarégion,maisaussidemettreenéchecun modèled’Étatquiluifaitconcurrence.QuantàlaFrance,elleatroqué depuis le printemps 2004 son soutien jumeau au Liban et à la Syrie — deux pays sur lesquels elle a exercé un mandat de la Société des Nationsde1920à1943—contreladéfenseactivedel’indépendance libanaiseetunehostilitéaffichéeaurégimedeDamas.Delarésolution 1559deseptembre2004àlarésolution1701quimetfinàlaguerrede l’été2006,leConseildesécuritédel’ONUaétélepointd’appuiprin- cipaldecestroispolitiquesconvergentes,quiontcontribuéàlacrise. Une crise régionale aussi, puisque le retrait unilatéral de l’armée israélienne du sud du Liban en mai 2000 a ouvert le champ à une remiseencause—impossibleauparavant—deladominationarmée syriennesurlepays.Ensuite,leretraitofficieletquasitotaldesmili- tairesetdesagentsderenseignementsyriensduLiban,enavril2005, aouvertlavoieàl’exercicedelapleinesouverainetédel’Étatlibanais sursonterritoire.Dèslors,lesconditionsmêmesd’unenégociationde paix syro-israélienne et libano-israélienne n’étaient plus les mêmes : iln’yavaitplusdetrocpossibleentrelasouverainetésyriennesurle Golan(occupéparIsraëldepuis1967)etlasouverainetélibanaisesur le sud du pays. En revanche, la poursuite d’une résistance islamique 9 Liban,uneguerredetrente-troisjours libanaise, au motif de la persistance de l’occupation israélienne du petitterritoiredesfermesdeChebaa,reconnectaitlesenjeuxlibanais auproblèmepalestinienetréinscrivaitl’avenirdupaysdanscelui,plus large,duProche-Orient. Enfin (et surtout?), la crise libanaise de 2004-2006, qui culmine aveclaguerredel’été2006,estunecrisedomestique.Auxéquilibres multipolairesentreélitesdesdifférentescommunautés,équilibresqui permettaientdemaintenirsurlascènepolitiqueunclimatdenégocia- tions (même si celles-ci n’aboutissaient guère), s’est progressivement substituéeunedivisionbinairedupays,deplusenpluspartagéentre latentationdela«citémarchande»ultralibérale,protégéedel’Occi- dent,etl’aventuredela«citadelleassiégée»,celledurevivalismeisla- mique adossé aux rêves inaccomplis des nationalistes arabes voisins. D’un côté, la «Coalition du 14 mars» (2005) — regroupant les sunnites du «Courant du futur», les Druzes sous le leadership de Walid Joumblatt, nouveau héraut de l’indépendance à l’égard de la Syrie, et divers groupes chrétiens «souverainistes» — souscrit aux choixlibérauxetpro-occidentauxdeRaficHariri.Del’autre,despartis proches du président Émile Lahoud et plus ou moins prosyriens prônentaucontraireuneplusforteinterventiondel’Étatetmettent enavantleurhostilitéàlapolitiqueaméricaineetisraéliennedansla région.Certainssontlaïques,commelePartisyriennationalsocialet leCourant patriotique libre du généralAoun;d’autressontnationa- listes arabes, comme les nasséristes de Saïda; et d’autres, confes- sionnels, comme les sunnites de la Jama‘a islamiyya. Le Hezbollah chiiteestleferdelancedecerevivalismereligieux,etlepluspuissant desdiversgroupesdéfenseursdela«citadelleassiégée». C’est ce clivage, totalement inédit dans l’histoire du Liban, qu’a contribuéàdurcirlaguerreisraéliennedes«trente-troisjours». Delaguerreàladiscorde Aprèslecessez-le-feudu14août2006,lerenforcementdelaFINUL (laForceintérimairedesNationsuniesauLiban,crééeen1978)etle retrait presque total de l’armée israélienne du sud du Liban le 1er octobre, le pays hérite non seulement d’un paysage dévasté et à reconstruire, mais aussi d’une nouvelle donne politique. Le 10

See more

The list of books you might like

Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.