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Lib 233 ration - 09 05 2020 PDF

48 Pages·2020·26.09 MB·English
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3,00 € Première édition. No 12105 Samedi 9 et Dimanche 10 Mai 2020 www.liberation.fr IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 3,70 €, Andorre 3,70 €, Autriche 4,20 €, Belgique 3,00 €, Canada 6,70 $, Danemark 42 Kr, DOM 3,80 €, Espagne 3,70 €, Etats-Unis 7,50 $, Finlande 4,00 €, Grande-Bretagne 3,00 £, Grèce 4,00 €, Irlande 3,80 €, Israël 35 ILS, Italie 3,70 €, Luxembourg 3,00 €, Maroc 33 Dh, Norvège 45 Kr, Pays-Bas 3,70 €, Portugal (cont.) 4,00 €, Slovénie 4,10 €, Suède 40 Kr, Suisse 4,70 FS, TOM 600 CFP, Tunisie 8,00 DT, Zone CFA 3 200 CFA. Photos Reuters ; Marie Rouge ; Olivier Monge. MYOP ; AFP et DR WEEK-END Nos pages Livres, Musique, Images, Food... après 55 jours de confinement un virus, des visages Du professeur Raoult à la leader des médecins chiliens, de la lanceuse d’alerte chinoise au directeur général de la santé… La crise a mis sur le devant de la scène des personnalités inattendues. Bilan incarné de la pandémie. Pages 2-5 pages 8-11 GOUVERNEMENT Les coulisses de deux mois de couacs UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws 2 u Libération Samedi 9 et Dimanche 10 Mai 2020 C es cinquante-cinq jours de confi- nement resteront gravés éternel- lement dans nos mémoires. Cin- quante-cinq jours à frémir chaque soir devant la litanie des hospitalisations et des morts du Covid-19, cinquante-cinq jours à occuper avec divers bonheurs – ou malheurs – des journées longues comme une nuit sans sommeil, cin- quante-cinq jours à craindre de perdre son travail ou de ne jamais en (re)trou- ver, cinquante-cinq jours à tenter de raf- fermir avec les moyens du bord des corps ramollis par le manque d’exercice et les recettes de cuisine testées à la chaîne, cinquante-cinq jours à pleurer devant le soleil éclatant et inatteignable, là, de l’autre côté de la fenêtre, et à rire devant les vidéos-gags découvertes sur les réseaux sociaux, cinquante-cinq jours à guetter le moindre signe d’espoir dans les explications des médecins, cin- quante-cinq jours à écouter, accablés, les discours de politiques dépassés par la situation, cinquante-cinq jours à lire goulûment la moindre information cré- dible sur cette pandémie, à relire aussi quelques bons vieux classiques tels Al- bert Camus qui avait tout compris avec La Peste ou Marcel Proust qui en savait un rayon sur la Recherche du temps perdu. Cette période inédite dans l’histoire ré- cente aura surtout permis de mettre en lumière des personnes que l’on ne regar- dait plus ou que l’on ne connaissait pas encore. Et d’abord toutes celles et tous ceux que l’on a regroupés sous le même vocable de «soignants» ou de «première ligne» : les infirmières, les médecins, les équipes du Samu, les aides-soignant(e)s applaudis tous les soirs à 20 heures sur des balcons devenus lieux de sociabili- sation et sans qui la vie, pour beaucoup, se serait arrêtée là. Mais aussi celles et ceux de la «deuxième ligne», les cais- sier(e)s, les manutentionnaires, les éboueurs, les livreurs, les boulanger(e)s, les épicier(e)s, les conducteurs de bus ou de trains, et même les agriculteurs et les profs qui ont permis de tenir à bout de bras un pays menacé de paralysie. A tous ces anonymes du quotidien se sont ajoutées les nouvelles vedettes de nos petits écrans. Il y a bien sûr l’omnipré- sent Didier Raoult, le fameux savant de Marseille dont la (grande) gueule a fait le tour du monde et qui est parvenu à populariser un mot aussi barbare que «hydroxychloroquine». Jérôme Salo- mon, le directeur de la Santé, et Olivier Véran, le successeur d’Agnès Buzyn au ministère de la Santé, sont au fil des jours devenus des visages plus familiers que ceux de nos voisins de palier. Et puis tous ces puits de science, médecins, épi- démiologistes, chefs de service de rea, hommes ou femmes, qui se sont suc- cédé sur les plateaux télé pour expliquer le plus pédagogiquement possible la crise que nous étions en train de traver- ser. Ou encore ces comédien (ne) s et ar- tistes, stoppés en pleins préparatifs de spectacles. Ils et elles sont en quelque sorte les visages de cette crise inédite. Nous aurions pu en faire un numéro en- tier, nous en avons sélectionné quel- ques-uns(e) s, comme autant de symbo- les de ces cinquante-cinq jours à retenir notre souffle.• Par Alexandra Schwartzbrod Événement Les coronavisages de la crise Personnel de santé, politiques, patronne d’Ehpad, artistes, sportif, famille endeuillée… Pendant le confinement, de nombreuses personnalités ont émergé dans l’actualité. «Libération» en a sélectionné une quinzaine. Portraits. Ils sont trois. Il y a Jean- François Delfraissy, intou- chable président du conseil scientifique, image sans ­tache de ce qui se fait de mieux dans la médecine française. Il est là, rassurant, sachant à l’occasion sonner l’alarme. Depuis plus de trente ans, il est en première ligne, du sida à Ebola, en passant par le Sras, occu- pant tous les postes à res- ponsabilité. A la tête du ­Comité consultatif national d’éthique, il pensait avoir une retraite tranquille. Le Covid-19 a tout cassé, y compris ses ­certitudes. Il y a aussi l’iconoclaste Mar- seillais, le professeur Didier Raoult. Ce médecin cher- cheur est à part. Ayant mené toute sa carrière en faisant un pas de côté, homme de talent et chercheur de bon sens, il aime les projecteurs. Depuis qu’il s’est construit un empire sur la canebière avec l’Institut hospitalo-uni- versitaire (IHU) en maladies infectieuses qui le rend in- contournable, il avance à son seul rythme. L’histoire retiendra de lui, peut-être plus que son hydroxychloro- quine, son talent à mettre les pieds dans le plat. Et puis il y a la professeure Karine Lacombe, qui dirige le service des maladies in- fectieuses de l’hôpital Saint- Antoine. C’est une médecin aussi efficace qu’obstinée. Elle fait partie de cette nou- velle génération d’infec­- tiologues qui n’a pas connu le début du sida. A la diffé- rence de ses aînés, elle sait jouer collectif, n’a pas peur des médias. On lui a repro- ché ses liens avec certains labos, elle s’en défend sans complexe. Elle n’a pas eu peur de critiquer son col­- lègue marseillais. Elle est ainsi : en aucun cas elle ne baissera les bras devant un quelconque nouveau virus. Éric Favereau Les scientifiques stars Jean-François Delfraissy, Didier Raoult, Karine Lacombe UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws Libération Samedi 9 et Dimanche 10 Mai 2020 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 3 La menace était là, les rava- ges déjà visibles. Alors ils ont alerté du danger. Mais dans la Chine autoritaire du petit père des peuples Xi Jinping, les lanceurs d’alerte n’ont pas droit de cité. Surtout pour pointer les ratés, dénis et mensonges du ­parti-Etat. Cheffe du service des urgen- ces de l’hôpital central de Wuhan (Hubei), où a dé- marré l’épidémie, Ai Fen dé- couvre le 30 décembre que des patients hospitalisés pour une infection pulmo- naire inconnue sont atteints d’un coronavirus du Sras, un syndrome respiratoire aigu sévère déjà apparu en Chine en 2003. Elle transmet l’in- formation à ses collègues. Dans les heures qui suivent, Ai Fen est «sévèrement ­réprimandée» par le bureau disciplinaire de l’hôpital et s’engage à ne plus rien dire. Mais l’information circule déjà. Li Wenliang, ophtalmo- logue de 34 ans au sein du même hôpital, l’a communi- quée via la messagerie We- Chat. Lui aussi est menacé par les autorités sanitaires et policières pour ­divulgation de «fausses rumeurs». Ce n’est que le 20 janvier que les autorités chinoises re- connaissent la contagiosité du virus et la transmission interhumaine. Diagnostiqué positif, Li Wenliang meurt le 6 février, suscitant émoi et hommages. Portée dis­- parue, Ai Fen a refait surface le 13 avril pour informer qu’elle travaillait. En silence. É.L. L’urgentiste lanceuse d’alerte Ai Fen ment. Même si, avec 294 morts et près de 26 000 contaminations vendredi, le Chili est loin des chif- fres du Brésil ou du Pérou. En 2017, elle était devenue la première femme patronne des médecins du pays. «Ce poste était le monopole des hommes blancs et conserva- teurs, avait-elle réagi, moi, je suis une femme de gauche à la peau mate, aux yeux bridés, à moitié ­aymara [peuple autochtone, ndlr].» François-Xavier Gomez Mardi, lors d’une réunion avec le président chilien, l’ultralibéral Se- bastián Piñera, Izkia Siches a tapé du poing sur la table. «Il n’y a pas de “nouvelle normalité”», s’est-elle en- flammée, réfutant l’expression du gouvernement pour justifier l’allé- gement du confinement afin que l’économie reprenne malgré la hausse des contaminations. Depuis deux mois, la présidente de l’Ordre des médecins, 34 ans, dénonce la politique sanitaire du gouverne- La médecin chilienne en colère Izkia Siches OLIVIER MONGE. MYOP DR DR La Maison Blanche et l’armée américaine partagent la même aversion pour les critiques, surtout de l’inté- rieur. Brett Crozier, commandant du porte-avions USS Theodore-Roosevelt, en a fait les frais. Le 22 mars, un premier marin de ce fleuron de la flotte du Pacifique est testé positif. Ils sont vite des douzaines. Le navire est autorisé à accoster à Guam, mais pas à évacuer. Alors, dans une lettre qui brise la sacro-sainte chaîne de commandements et fuite, Crozier s’alarme : «Nous ne sommes pas en guerre. Nos marins ne méritent pas de mourir.» Renvoyé le 2 avril, il quitte le navire sous les acclamations. Lui-même contaminé, le capitaine est érigé en héros par les démocrates qui en font un symbole de la gestion désastreuse de Trump. Le chef de la Navy, qui l’avait limogé, est poussé à la démission. Crozier, 50 ans, pourrait être réintégré. Sur les 4 800 hommes du Roosevelt, finalement éva- cués, un quart ont contracté le virus, un marin en est mort. Combien sans l’intervention de Crozier ? Frédéric Autran Un Commandant à recommander Brett Crozier Seaman Alexander Williams. U.S. Navy. AP UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws 4 u Libération Samedi 9 et Dimanche 10 Mai 2020 Emblématique de la contagiosité du Covid-19, la tragédie des Fusco aux Etats-Unis a fait le tour du monde. En une semaine mi-mars, quatre mem- bres de cette famille d’origine ita- lienne établie dans le New Jersey y ont succombé : la matriarche, Grace, 73 ans, et trois de ses onze enfants ­ – sa fille aînée, Rita, et ses fils Car- mine et Vincent. Les deux frères, fi- gures du milieu hippique local, ont sans doute contracté le virus au La famille martyre Les Fusco Événement Discrète au point d’être quasi invisible, la professeure Lila Bouadma, en charge de la réanimation de l’hôpital Bichat, à Paris, est la révélation de cette bataille contre le Codiv-19. Elle n’a pas 50 ans, elle est née près de Belfort. Ses parents, algériens, ne savaient ni lire ni écrire. Membre du conseil scientifique, la voilà aujourd’hui tout en haut de la profes- sion médicale, et elle est très écoutée. «Réanimateur, c’est un métier. Cela ne s’improvise pas», nous a-t-elle dit pour un portrait (Libération du 7 avril). Dans son service, le personnel soignant, dont elle est très proche, n’a quasiment pas été infecté. Pour elle, la médecine hos- pitalière est d’abord un travail d’équipe. «En réa, si les infirmières sont bonnes, alors tout est bon !» insiste-t-elle. C’est une combattante. Très professionnelle, elle ne lâchera rien, aussi mystérieuse que la guerre qu’elle mène en avant- garde, au sous-sol de la tour de Bichat. é.F. La réanimatrice battante Lila Bouadma Boris Johnson, du Brexit au breakdown. Quelques mois après avoir orchestré la sortie du Royaume- Uni de l’UE, le chef du gouvernement devient le dirigeant international le plus atteint par le virus. Alors que toute l’Europe se confinait, «BoJo» con- tinuait de minimiser le danger du Covid, serrant des mains à la pelle, refusant d’adopter les gestes L’homme malade de l’Europe Boris Johnson traits de films re-doublés par leurs soins, de sorte à épouser les tourments et non-événe- ments qui meublent l’ordinaire du confinement. Jour 1, scène de ménage entre Al Pacino et Diane Keaton, fumasse qu’on ait an- nulé le concert de Maître Gims au prétexte d’«une petite grippe». Jour 10, Di­Caprio n’en peut plus de regarder des télé- films de Noël sur M6 «alors qu’on est fin mars». Devenu viral, le nu- méro de ventriloques fait fleurir les trivialités dans la bouche d’idoles du Hollywood prestige et décongestionne les frustra- tions entre deux allocutions martiales de l’Elysée. Dans le roulis des jours saumâtres où la culture affronte le péril d’une mort clinique, le duo se mue en coqueluche d’un comique de la catastrophe exutoire, et vient ta- quiner ce que le ridicule dispute au désespoir. Sandra Onana Il ne s’agit pas tant de figures que de voix. Celles des ­Creustel, nom-valise du duo d’auteurs et acteurs Marion Creusvaux et Ju- lien Pestel. Couple à la ville, sui- vant l’expression consacrée, mais surtout à demeure, dési- reux d’égayer les esprits en cage. Leurs faits d’armes les ratta- chaient à la série Kaamelott et aux sketchs du Palmashow, deux totems dans le kit pop culture du trentenaire circa 2010 qui aime se tenir les côtes. Le 17 mars, le duo entreprend de poster sur YouTube et Instagram des ex- Le couple d’acteurs qui fait coup double Marion Creusvaux et julien Pestel, Alias les Creustel DR barrières et d’imposer des mesures trop contrai- gnantes. Inspiré par ses conseillers scientifiques, il claironnait que l’immunité collective (si 70 % de la population est contaminée, le virus devient in- offensif) est la bonne stratégie. Le 27 mars, il an- nonce être positif et s’isole au 10 Downing Street, tout en continuant à gouverner par visioconfé- rence. Le 5 avril, il est hospitalisé, puis transféré en soins intensifs et placé sous assistance respira- toire pour finalement quitter le St Thomas’ Hospi- tal le 12. Le 29 naît son sixième enfant, le premier avec Carrie Symonds. Il se prénomme Wilfred La- wrie Nicholas, en hommage aux deux médecins qui lui ont sauvé la vie. Deux toubibs du NHS, une institution publique victime des coupes budgétai- res imposées par dix ans de gouvernements con- servateurs. L’épidémie de Covid a poussé BoJo à rouvrir la manne des subventions. A new Boris Johnson is born ? Vendredi 8 mai, il a comparé la lutte contre la pandémie à la Seconde Guerre mondiale. Avec plus de 30 000 morts, le Royau- me-Uni est le pays européen le plus endeuillé par la pandémie. Gilles Dhers Reuters C’est un choix atypique que Valérie Martin, directrice de l’Ehpad associatif Vilanova de Corbas (Rhône), a fait le 18 mars : confiner les 108 ré- sidents de la maison de re- traite avec la trentaine d’em- ployés nécessaires à la vie de la structure. Objectif : limiter au maximum les va-et-vient avec l’extérieur et empêcher l’entrée du co- ronavirus. La vie s’organise pour accueillir ces nouveaux «résidents», des dortoirs sont improvi- sés dans les salles de gym, de réunion ou les bureaux. Le 4 mai, à J +47, l’opération est gagnée : aucun décès lié au Covid-19, ni un seul cas positif. Le personnel confiné peut retourner à la maison. «Tout va bien et tout ira bien», écrit sur Facebook Va- lérie Martin, qui a tenu la plume pendant sept semai- nes pour raconter une «aventure» hors du commun et tenir les familles infor- mées. Rétrospectivement, sa décision apparaît pertinente, alors que nom- bre d’Ehpad ont souffert de directives à tout le moins légères, per- mettant l’en- trée quoti- dienne de soignants par- fois asympto- matiques mais malades, et peu équipés en matériels de protection. De- puis début mars, sur plus de 26 000 morts du Covid-19 en France, la moitié vivaient en Ehpad. S.M. La directrice d’Ehpad avisée Valérie Martin dr virus a débarqué avec toute sa férocité en février. Jean- Jacques Razafindranazy, 68 ans, est mort le samedi 21 mars. Il est considéré comme le premier soignant français tué par le Covid-19. Depuis, d’autres en sont morts et les hommages se sont multipliés. Mais com- bien sont-ils à avoir payé leur engagement de leur vie ? On ne le sait pas préci- sément. Car, jusqu’ici, le mi- nistère de la Santé n’a jamais communiqué sur ce dé- compte. Il y a deux semai- nes, les autorités ont bien annoncé une «remontée des signalements de cas» immi- nente. Mais toujours rien. Anaïs Moran Sa photo a circulé partout. On le voit radieux, visage rond, yeux rieurs, moustache poi- vre et sel, vêtu de sa blouse blanche de médecin. Et son histoire a été racontée main- tes fois. Urgentiste retraité, il continuait à assurer plusieurs gardes hebdomadaires dans son hôpital de Compiègne, dans l’Oise, même lorsque le Le premier médecin tombé Jean-Jacques Razafindranazy DR ­contact d’un ami entraîneur – pre- mière victime officielle de l’épidé- mie dans l’Etat – avant de le propa- ger lors d’un repas familial. Plus d’une vingtaine de membres du clan Fusco ont été placés en quarantaine. Deux d’entre eux, un temps dans un état critique, ont survécu. Décimée, confinée sans pouvoir enterrer ses défunts, la famille a vécu un enfer et ému l’Amérique. Seule infime conso- lation : Grace Fusco est décédée sans savoir que deux de ses enfants avaient déjà perdu la vie. E.L. dr Marie rouge UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws Libération Samedi 9 et Dimanche 10 Mai 2020 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 5 Avec sa moustache et ses lu- nettes à montures noires, Te- dros Adhanom Ghebreyesus est devenu, à 55 ans, l’un des visages les plus familiers de la planète. Ses conférences de presse sont diffusées sur la plupart des télévisions du monde. A la tête de l’Organi- sation mondiale de la santé (OMS) depuis juillet 2017, l’Ethiopien est le premier Africain à diriger une telle institution. Il est aussi le pre- mier directeur général à ne pas être ­médecin ; il a étudié l’immunologie à la ­London School of Hygiene and Tro- pical ­Medicine, avant de dé- crocher un doctorat en santé communautaire. «Testez, testez, testez», a-t-il répété invariablement. Sur les nations puissantes, que sa fonction lui interdit de nommer, il a souvent tapé en les accusant de prendre la pandémie «à la légère». Le premier docteur de la planète Tedros Adhanom Ghebreyesus Le ciel, début mars, est littéralement tombé sur la tête de Samuel Peterschmitt. Son Eglise à Mulhouse – la Porte ouverte chrétienne (POC) – est l’un des grands foyers de contamination de l’épidémie de Covid-19 en France. A la suite d’un rassemblement de quelque 2 000 personnes, du 17 au 24 février dans le Haut-Rhin, le virus s’est ré- pandu comme une traînée de poudre. Plus d’une ving- taine de fidèles en meurent ; Peterschmitt, lui, est hospita- lisé pendant huit jours. Tout ou presque avait jusqu’alors réussi à ce quinquagénaire, marié et père de six enfants. En 1987, il avait succédé à son père, Jean, le fondateur de la POC, un ancien marchand de confiserie en gros. Sous son impulsion, l’Eglise prend son essor dans les an- nées 90. Désormais, elle appartient au petit club des me- gachurches à la française, principalement ­installées en région parisienne. La POC a, elle, un fort ancrage ré- gional et rayonne en Suisse, en Allemagne et en Belgique. Sous son allure décontractée, Peterschmitt est de fait un redoutable manager et un animateur hors pair. Il tient en haleine ses auditoires, qu’il séduit par son humour, tout en partageant la ­vision sociétale très conservatrice des milieux évangéliques. Bernadette Sauvaget Le pasteur à la genèse Samuel Peterschmitt Il y ceux qui ont couru un marathon sur leur bal- con ou dans leur jardin. Ceux qui ont continué à faire du jogging, ceux qui s’y sont mis, ceux qui s’y sont remis. Ceux qui continueront, ceux qui arrêteront dès lundi. Et puis il y a Jan Fro- deno. Le champion olympique 2008 a réussi un triathlon confiné. Et pas n’importe lequel. Un Ironman, le must de la discipline. Coincé dans sa villa à Gérone (Espagne), l’Allemand de 38 ans a crawlé 3,8 km dans sa piscine avec un contre-courant en 47 min 30 sec. Puis a incen- dié ses cuisses en pédalant 180 km sur son home trainer et enfin tricoté des gambettes pen- dant 42,195 km et 2 h 58 sur son tapis de course. Soit 225,995 km en 7 h 47’ 30”, 3’ 43” de mieux que son record en 2019, sur l’Ironman d’Hawaï (le plus prestigieux), malgré un problème méca- nique pendant son marathon. Diffusée en di- rect, sa performance lui a rapporté plus de 200 000 euros, qu’il a reversés à des associa- tions caritatives engagées dans la lutte contre le Covid. G. Dh. Le triathlète qui ne ménage pas son record Jan Frodeno DR Elle n’a pas sauvé de vies (quoique) mais elle a largement contribué à alléger les nôtres pen- dant le confinement. Julie Mamou-Mani, plus connue sous le pseudo @mamouz, a «cassé les Internets» avec son compte Instagram. A coups de posts humoristiques toujours bien sentis, à la lisière du caustique, glanés sur le Net ou créés par ses soins, la Parisienne de 45 ans est parve- nue à réunir plus de 37 600 amateurs de LOL sur son profil, contre 5 500 avant le confinement. Entre autres pépites, on trouve : «Il y a tellement de médecins sur les plateaux télé que quand on appelle le 15, on tombe sur le stan- dard de BFM», «Je n’enlève jamais le masque le premier soir», «Pour résu- mer : les pains au chocolat restent chez eux, les cho- colatines peuvent sortir» ou une fausse pub pour «Jean-Louis Covid», coiffeur pour confinés. Hyperactive, cette ancienne journaliste, mère de deux ados, devenue pro- ductrice, notamment de podcasts, collabore aussi avec la Maison des femmes de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et Abri de femmes, qui vien- nent en aide aux femmes en situation de préca- rité. «J’aime l’humour anglais, grinçant, pas vul- gaire, mais je ne suis pas du tout humoriste, dit- elle. J’ai des réflexes de journaliste, je vais super vite. Au début, je publiais jusqu’à 50 nouveaux posts par jour. J’ai reçu beaucoup de messages d’une grande gentillesse, ça m’a encouragée.» D’autres comptes comiques ont émergé pen- dant cette période troublée : les aphorismes de «SaraConnard» ou «Ennui magique». Preuve qu’on peut définitivement rire de tout. Marie Ottavi L’instagrameuse LOL Julie Mamou-Mani, alias @Mamouz DR Pascal Bastien Ces dernières ne l’ont pas non plus épargné, à l’instar des Etats-Unis. Le président américain, Donald Trump, a menacé l’institution de ­Genève de cesser de lui ­apporter sa quote-part, es­- timant que le «docteur Te- dros» et ses équipes avaient agi de façon «très biaisée en faveur de la Chine», en tar- dant à déclarer l’état d’ur- gence sanitaire mondiale dans le seul but d’éviter des déconvenues commer- ciales à Pékin. Vittorio de Filippis AFP La crise sanitaire les a révélés aux Fran- çais. Inconnus du grand public il y a deux mois, le ministre de la santé, ­Olivier Véran, et le numéro 2 du minis- tère, le directeur général de la santé, ­Jérôme Salomon, sont devenus les boussoles des citoyens confinés. Cha- cun dans son style. Au politique, les ex- plications pédago et les conseils de compagnon d’infortune délivrés avec force vibrato de plateaux télé en mati- nales radio. Au haut fonctionnaire, les comptes rendus austères de la marche de l’épidémie et les recommandations de bon père de famille, déclinés chaque soir depuis fin février lors d’un point presse sur Internet et le petit écran. Ils ont pour eux la légitimité des sachants : Véran est neurologue, Salomon infec- tiologue et professeur des universités. Tous deux ont longtemps accompagné la gauche socialiste, comme député de l’Isère pour le premier, conseiller au ca- binet de Bernard Kouchner et plus tard de Marisol Touraine pour le second, avant de rallier le candidat Macron, qui leur doit le volet santé de son pro- gramme. Les traits les plus saillants de leurs caractères, toutefois, les séparent : Véran, 40 ans, est aussi empathique et vibrionnant que Salomon, son aîné de onze ans, est réservé et posé. La nomi- nation au débotté du premier à la tête du ministère, le 16 février, a pris le se- cond à froid. Entre eux, la concurrence est feutrée mais perceptible. Ni le ­Président ni le Premier ministre n’en ont cure : pour le couple exécutif, cette paire est gagnante. Nathalie Raulin Le binôme du ministère de la Santé Olivier Véran et Jérôme Salomon AFP A 48 ans, le direc- teur du départe- ment de virologie de l’hôpital uni- versitaire berlinois de la Charité est l’un des scientifi- ques les plus écoutés d’Allema- gne. Non seule- ment «Mister Corona» a l’oreille d’Angela Merkel, mais il intervient plusieurs fois par se- maine dans un podcast très suivi, où il aborde, en fin pédagogue, tous types de su- jets liés au coronavirus. C’est d’ailleurs pour «l’excellence de sa communication dans le domaine scientifique» qu’il vient d’être distin- gué par la Fondation allemande pour la re- cherche. Né en Basse-Saxe en 1972, Drosten s’est distingué à 31 ans en codécouvrant le Sras en 2003. Cette année, son équipe a mis au point dès la mi-janvier le premier test de diagnostic simple du Covid-19, et l’a rendu ac- cessible à tous en le postant en ligne. Surex- posé mais discret, Drosten cultive des rela- tions ambivalentes avec les médias, et se méfie de la vedettisation rampante des virolo- gues. Il multiplie les appels à la prudence, re- doute une deuxième vague d’infections, et met en garde contre un déconfinement trop précipité. Des propos qui lui ont valu des me- naces de mort. Afin de se protéger, l’homme répète à longueur d’interviews que «la science n’a pas de mandat politique». Johanna Luyssen (à Berlin) La tête chercheuse allemande Christian Drosten picture alliance. dpa UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws 6 u Libération Samedi 9 et Dimanche 10 Mai 2020 «Attribuer la licence des télécommunica- tions mobiles à Rami Makhlouf avait été l’une des toutes premières décisions de Bachar al-Assad au lendemain de son arrivée au pouvoir, à l’été 2000», rappelle Jihad Yazigi, directeur de la lettre économique Syria Report. ­Principal bénéficiaire de l’ouverture économique menée par le jeune ­président, le cousin a commencé à bâ- tir son empire avec la privatisation des sociétés publiques et du système ban- caire. «Aucune affaire ne pouvait se monter ou se réaliser en Syrie sans que Rami n’y soit associé d’une façon ou d’une autre, indique un homme d’af- faires damascène exilé en Europe de- puis le début de la guerre civile. Il s’im- posait comme partenaire obligatoire pour la création de toute ­entreprise ou l’importation de toute marchandise. Seul le pourcentage ­pouvait être négo- cié», poursuit-il. Grand chapeau Véritable financier du clan au pouvoir, Rami Makhlouf a ainsi accumulé une fortune en contrôlant toutes les activi- tés, de la construction à l’industrie et du tourisme aux importations. Les cousins Bachar et Rami ont accusent un retard de taxes entre 2015 et 2019, tandis qu’il est poursuivi pour évasion fiscale. «Je suis prêt à payer», dit Rami Makhlouf, avant de rappeler à l’attention de Bachar al-Assad «qu’en contrepartie de chaque livre gagnée, tu le sais, une autre a été versée pour venir en aide aux plus pauvres, pour l’effort humanitaire». Le cousin a en effet participé grande- ment à l’effort de guerre, sous les or- dres du Président, notamment à tra- vers son association Al-Bustan, qui prenait en charge les salaires des mili- ciens prorégime et assistait les fa- milles des combattants «martyrs». Poursuivant son rappel des temps où le clan était uni, Makhlouf s’insurge dans la seconde vidéo contre l’arresta- tion de plusieurs cadres exécutifs de l’opérateur téléphonique. «As-tu ou- blié les immenses services rendus par les employés de Syriatel aux appareils de sécurité ?» dit-il en référence à la surveillance des manifestants par le réseau de portables qui ont permis les arrestations d’opposants. Les bureaux de Syriatel ont été la cible des premiè- res manifestations du printemps 2011 en Syrie, qui visaient le symbole de la corruption du régime. sans précédent chez les Al-Assad, un clan au pouvoir aussi ­insondable que toute bonne famille de la mafia. La bataille qui vient d’éclater à Damas est d’une tout autre nature que celles qui se déroulent depuis le début du conflit syrien. Alors que les opérations militaires sont stoppées depuis plu- sieurs semaines par un accord entre Russes et Turcs concernant la région d’Idlib, dans le nord-ouest du pays, et par la crise du coronavirus, c’est le cœur du régime qui se déchire. Pou- voir, argent, famille, ambitions et riva- lités se dévoilent dans l’univers impi- toyable de Damas. C’est le meilleur feuilleton du ramadan selon certains Syriens, qui rient jaune d’entendre se- disputer des sommes astronomiques alors que le pain quotidien leur man- que en ce moment. Car c’est un règle- ment de comptes au sens propre que Rami Makhlouf expose dans sa pre- mière adresse vidéo. Salaires des miliciens Il proteste contre les 233 milliards de li- vres syriennes (400 millions d’euros) que lui réclame le ministère des Télé- communications pour ses sociétés Sy- riatel et MTN, opérateurs portables, qui A lternant suppliques, accusa- tions et menaces voilées, il ­interpelle Bachar al-Assad, ­prenant Dieu et le peuple à témoin. Les Syriens, stupéfaits, ont regardé et écouté l’homme s’exprimant face ca- méra, dans ce qui ressemble à l’angle d’une cave aux murs de pierre avec pour seul décor quelques bûches ­rangées derrière lui. Car il ne s’agit pas d’un opposant, mais d’un pilier du régime de Damas, membre du tout premier cercle du clan au pouvoir. Cousin germain du chef de l’Etat, Rami Makhlouf, 50 ans, est le com­- pagnon de route et partenaire ­d’affaires le plus proche du dictateur syrien. Avec une fortune estimée entre 5 et 10 milliards d’euros, il vampirise de- puis vingt ans l’économie syrienne pour le compte de son cousin et de leur famille, jusqu’à contrôler 60 % de ses ressources. Et voilà qu’il apparaît dans deux vidéos, le 30 avril puis le 3 mai, postées sur sa page Facebook, pour dénoncer «l’injustice» dont lui et ses sociétés seraient victimes, étalant sur la place publique ses différends avec ­celui qu’il appelle «Monsieur le Président». Un déballage de linge sale monde Damas, ton univers impitoyable Récit Les vidéos inattendues et très critiques publiées par Rami Makhlouf, l’influent cousin de Bachar al-Assad, mettent au grand jour les divisions du clan au pouvoir et l’ampleur de la corruption du régime. Bachar al-Assad avec le ministre iranien des Affaires étrangères, le 20 avril à Damas. Sana. AP Par Hala Kodmani UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws Libération Samedi 9 et Dimanche 10 Mai 2020 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 7 Makhlouf. Rami n’a d’ailleurs pas hé- sité à jouer sur la fibre communautaire dans son adresse à son cousin Bachar, sous «l’influence des autres», selon sa formule. Le magnat sous pression peut compter sur le soutien de sa commu- nauté, reconnaissante pour toutes les aides financières qu’il a octroyées ces dernières années aux combattants et à leurs familles démunies. «Que Dieu te garde et te protège, monsieur Rami», lit-on dans des centaines de commen- taires sur la page Facebook où est dif- fusée la vidéo de Rami Makhlouf. Si Asma al-Assad semble en première ligne dans l’offensive contre l’empire économique de Makhlouf, la première dame ne peut peser contre le magnat du pays dans une dictature militaire où le pouvoir des forces armées et de sécu- rité reste décisif. «Le véritable poids lourd derrière la disgrâce de Rami Makhlouf est Maher al-Assad, qui ­entretient une rivalité historique dans les affaires avec son cousin», observe ­Jihad Yazigi. Influence grandissante Frère cadet de Bachar, le général Ma- her, réputé pour sa grande brutalité, est un chef militaire qui commande la quatrième brigade de l’armée, force d’élite protégeant le régime. Auréolé de la reconquête du territoire ces der- nières années, il serait le véritable ­instigateur de l’offensive contre Makhlouf. Les frères Al-Assad s’in- quiéteraient de l’influence grandis- sante de leur cousin au sein de leur communauté alaouite, sa popularité dans la région côtière, fief du régime, s’étant accrue grâce au soutien ap- porté par ses réseaux aux familles des combattants. «Rami a gagné de la sympathie en affichant sa sensibilité aux malheurs des plus pauvres et en évoquant, dans la première vidéo, la faim dont souffrent les Syriens, re- prend Jihad Yazigi. Mais il ne peut sor- tir gagnant de la bataille, car il vient de commettre l’irréparable. En brisant l’omerta familiale, il a tiré ses der­- nières cartouches. Et il reste perçu comme le symbole de la corruption du régime, y compris au sein de la com- munauté alaouite.» Toutefois, «il con- tribue à salir davantage l’image de Ba- char et de son entourage, accélérant la déliquescence du régime. Un processus en cours, lent, long, mais inévitable», ­estime l’expert. Dans ce contexte lourd, un autre nuage très sombre menace le ciel de Damas. Il vient de l’allié russe, auquel le régime doit sa survie. Depuis plu- sieurs semaines en effet, la presse pro- che du Kremlin affiche son exaspéra- tion contre la corruption du régime, distillant des «informations» très em- barrassantes, notamment sur le ca- deau de 27 millions d’euros que Ba- char al-Assad a fait à sa femme : un tableau de David Hockney, acheté aux enchères chez Sotheby’s à Londres. «Il est de plus en plus évident que le régime est réticent ou incapable de développer un mode de gouvernement qui limite- rait la corruption et le crime», écrit le diplomate Aleksandr Aksenenok, vi- ce-président du Conseil russe des af- faires internationales (Cria). Cette campagne qui a précédé le grand dé- ballage de Rami ­Makhlouf alimente les conjectures sur le jeu de Moscou dans la brouille familiale.• son viseur, Rami Makhlouf, tout dési- gné pour porter le grand chapeau de la ­corruption du régime, dégageant ainsi la responsabilité de Bachar al-Assad. Face au cousin de son mari, elle intro- duit son propre cousin et deux autres proches dans les affaires en leur oc- troyant des marchés et contrats de l’Etat. «Asma cherche à assurer l’avenir de ses enfants, sans dépendre de Rami, ­observe l’homme d’affaires exilé. Cela passe par le contrôle des actifs écono­- miques du pays pour le bénéfice de son fils aîné, le jeune Hafez, 17 ans, que l’on ­prépare sérieusement à la succession de son père.» «L’influence des autres» La bataille est d’autant plus rude que le gâteau syrien s’est terriblement ré- duit ces derniers temps. Le PIB du pays, qui s’élevait à 60 milliards de dollars en 2010, n’était plus que de 14 milliards en 2015, lors de la dernière estimation du FMI. Il a encore chuté depuis. Mais dans la mésentente de toujours entre le cousin requin et l’épouse ambitieuse, un autre facteur majeur entre en jeu. Car Asma la ­sunnite est perçue comme une in- truse dans le clan alaouite des Assad- ­considérablement développé l’héritage de leurs pères, l’ancien président Hafez ­al-Assad, au pouvoir de 1970 à 2000, et son beau-frère Mohammed Makhlouf, qui s’étaient approprié les pouvoirs ­politique et économique du pays, géré comme une «ferme familiale», selon l’expression courante des opposants. Après neuf ans de guerre et alors que l’économie syrienne est à genoux, le pacte de sang et d’argent que l’on pen- sait indéfectible a été rompu entre les deux cousins par ceux que Rami Makh- louf désigne comme «les autres», dans la vidéo où il s’adresse à Bachar al-As- sad. L’allusion vise en particulier Asma, l’épouse du Président, qui a fait irrup- tion sur la scène économique syrienne. Depuis l’été dernier et l’annonce de sa guérison d’un cancer du sein large- ment médiatisé, la «dame du jasmin», comme la surnomment les partisans du régime, a multiplié les apparitions publiques et ses interventions dans le monde des affaires. Elle préside personnellement aux tra- vaux d’une «commission de lutte ­contre le blanchiment d’argent», mise en place l’année dernière comme gage aux investisseurs espérés de la recons- truction du pays. Première cible dans n En Suisse, le gouvernement a indiqué qu’il espérait lancer la semaine prochaine en phase pilote l’application de suivi du Covid-19, qui permet de retracer les contacts des personnes infectées. En attendant d’apporter, fin mai, les «bases légales» sans lesquelles, a prévenu le Parlement, l’application ne pourra être mise en place. n La Chine a donné son feu vert à la réouverture de ses 70 000 cinémas, des théâtres et des installations sportives, moyennant des précautions sanitaires. Fermés fin janvier, les musées, sites touristiques ou bibliothèques sont également concernés. n L’Afrique du Sud va remettre en liberté sous contrôle judiciaire 19 000 détenus afin de vider les prisons, dont la surpopulation en fait des cibles privilégiées de la pandémie. Près de 160 000 détenus sont incarcérés dans les 243 établissements pénitentiaires du pays. n En football, l’International Board autorise jusqu’à cinq remplacements de joueurs par match (contre trois jusque-là). Cette mesure provisoire est applicable dès la reprise et jusqu’à fin décembre. n La France compta­- bilisait vendredi 26 230 morts depuis le début de l’épidémie, soit 243 de plus en 24 heures . Les hôpitaux du pays accueillaient encore 22 724 patients atteints par le Covid (484 de moins que la veille), dont 2 868 en réa (- 93). n Le Canada a enregistré en avril un taux de chômage de 13 %, soit 5,2 points de plus qu’en mars, plus forte hausse mensuelle depuis 1982. Depuis le début de la crise économique liée à la pandémie de coronavirus, le pays de 37,5 millions d’habitants a perdu plus de 3 millions d’emplois. n En Inde, plus de 700 paramilitaires patrouillaient vendredi dans l’Etat du Gujarat (ouest du pays) pour vérifier le confinement de la population. La région, dont est originaire le Premier ministre indien, Narendra Modi, est l’un des principaux centres de l’épidémie dans le pays de 1,3 milliard d’habitants, confiné depuis fin mars. n En Allemagne, le parc d’attractions Europa Park rouvrira le 29 mai, d’abord pour les Allemands, tant que les frontières restent fermées. Les faits du jour L’INTÉGRALE MIGUEL GOMES « UNE ŒUVRE SANS ÉQUIVALENT » TÉLÉRAMA DISPONIBLE EN VOD SUR : shellacfilms.com UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws 8 u Libération Samedi 9 et Dimanche 10 Mai 2020 Un scientifique paravent… pour un temps seulement Au départ, c’est un mot banni du vocabulaire du pouvoir en public : «confinement». Début mars, le nouveau coronavirus Sars-Cov-2 est déjà présent en France, il a fait de premiers dé- gâts dans des «clusters» isolés – l’Oise, le Mor- bihan, le Haut-Rhin – mais, compte tenu de ce qui se passe en Chine et en Italie, les ­éléments de langages envoyés aux respon­- sables et conseillers de la majorité ont de quoi étonner. Le message en résumé : quand le vi- rus «circulera librement» dans la population – le «stade 3» de l’épidémie de Covid-19 –, cela ne signifiera pas la mise en place d’un confi- nement. La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, multiplie alors les passages télé et radio, appliquant la consigne à la lettre. «Au stade 3 de l’épidémie, on ne va pas arrêter la vie en France», assure-t-elle ainsi le 4 mars. «Une fois que l’épidémie est installée sur tout le terri- toire national, ça ne sert plus à rien d’empê- cher les enfants d’aller à l’école ou autre», pour- suit-elle le lendemain. Déjà, celle qui a géré la communication du candidat Macron pendant la campagne puis les premiers temps à l’Ely- sée s’appuie sur les «scientifiques» pour justi- fier les décisions de l’exécutif : «Ce n’est pas nous qui allons décider du moment où la France sera dans une telle situation épidé- mique, ce sont des faits scientifiques.» C’est aussi le 5 mars qu’Emmanuel Macron met en scène les infectiologues pour la pre- mière fois dans cette crise. A l’Elysée, il reçoit 30 spécialistes des épidémies pour «faire un point collectif sur l’état des lieux du virus et des solutions». «Il était nécessaire de s’appuyer sur la parole scientifique, approuve Thierry ­Herrant, professeur de communication publi- que à Sciences-Po. Car depuis l’affaire du sang contaminé et les multiples crises sanitaires, la parole politique est décrédibilisée en France.» Parmi ces spécialistes conviés par le prési- dent, le professeur Jean-François Delfraissy, immunologue et président du Comité consul- tatif national d’éthique. Quelques jours plus tard, ce dernier sera pro- pulsé par Emmanuel Macron à la tête de son «conseil scientifique» qui permettra d’étayer ses premiers choix de crise. Y compris les plus difficiles. Le 12 mars, dans sa première allocu- tion télévisée liée au coronavirus, le chef de l’Etat prend appui sur le conseil pour mainte- nir le premier tour des municipales prévu trois jours plus tard. «Ils considèrent que rien ne s’oppose à ce que les Français, même les plus vulnérables, se rendent aux urnes», assure Macron devant près de 22 millions de Fran- çais. «Il aurait dû interrompre les municipales même si les professionnels de santé lui disaient que ce n’était pas dangereux, analyse Sté- phane Rozès, président de la société Conseils, analyses et perspectives (CAP) et ex-dirigeant de l’institut de sondages CSA. Dire aux per- sonnes âgées qu’elles peuvent voter et en même temps les inviter à rester chez elles, ça ne pou- vait pas être compris.» C’est aussi «selon les scientifiques» que Macron justifie la fermeture «jusqu’à nouvel ordre» des crèches et lieux scolaires, l’instauration du confinement en France et le choix de «réserver les masques en priorité pour l’hôpital». Sauf L e confinement touche à sa fin… pour le gouvernement. Pendant deux mois, confronté à une catastrophe médicale, humaine et économique sans précédent, l’exécutif ne s’est pas vraiment sublimé en termes de communication. En commençant par faire disparaître le manque de masques de protection derrière l’énoncé d’une ­doctrine bancale et difficilement tenable ­pendant une pandémie, pour finir par se marcher sur les pieds dans les annonces sur le déconfinement. «J’ai connu dans un autre mandat des gouvernements qui se sont illustrés par leurs couacs à répétition. Ça n’a jamais été le cas avec celui-ci. La ma- chine est bien huilée», a pourtant osé le mi- nistre de la Santé, ­Olivier Véran, le week-end ­dernier. ­Retour en trois temps sur une ­gestion et une parole officielle pas totale- ment confinée. Hésitations sur le confinement, non-dits sur les masques, appui aléatoire sur les scientifiques, gaffes et surmoi des ministres, dissensions entre Macron et Philippe… Depuis la mi-mars, la gestion et la communication au sommet de l’Etat ont souvent vacillé. Récit Par Lilian Alemagna et NICOLAS MASSOL «Faut arrêter les conneries» : deux mois de couacs au sein de l’exécutif confiné france Macron à l’hôpital de campagne de Mulhouse ; Philippe et Véran lors de la présentation du UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws Libération Samedi 9 et Dimanche 10 Mai 2020 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 9 que cette décision est liée à l’absence de stock et à la difficulté de s’en procurer à l’étranger compte tenu de la demande mondiale. Un choix pragmatique qui s’est imposé à l’exé­- cutif. Pas une recommandation scientifique. «Il fallait assumer bien plus tôt et dire qu’on n’avait pas assez de masques, déplore un com- municant ministériel. Il fallait en appeler à tout le monde et à la solidarité du pays bien avant.» Philippe Moreau Chevrolet, spécia- liste en communication politique et président de MCBG Conseil, abonde : «En com de crise, tout le monde sait qu’il faut être transparent. Il faut dire toute la vérité ou a minima ne pas mentir. Là, ils ont adopté la pire des stratégies : ils ont un peu dit la vérité et un peu menti. Je pense qu’ils ont paniqué.» A la décharge du gouvernement, même ­l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a changé de doctrine en cours de pandémie sur les masques. Ce qu’Edouard Philippe ne se pri- vera pas de répéter pendant deux mois. Mais pour Franck Louvrier, ancien conseiller com- munication de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, c’est un peu court : «Vous pouvez ne pas dire certaines choses, mais en situation de crise, vous êtes obli- gés de tout dire parce que vous êtes sous pres- sion médiatique.» D’autant, pointe le profes- seur de communication publique Thierry Herrant, «que les Français comme les ministres ont découvert au fil de cette pandémie sans pré- cédent que tous les scientifiques n’étaient pas d’accord entre eux, que la parole scientifique est diverse. Et aujourd’hui, on ne sait plus trop où on en est du point de vue scientifique». Ce paravent scientifique va cependant jouer son rôle à plein pendant un bon mois. Car à mesure que le confinement produit ses ­effets catastrophiques sur le monde du travail, ce ne sont plus seulement les statistiques médicales qui guident le politique mais davantage les courbes économiques. Qui plongent… Résul- tat, quand le conseil scientifique préconise de ne rouvrir les écoles qu’en septembre dans l’es- poir d’épargner au pays une deuxième ­vague épidémique, l’exécutif va garder pour lui l’avis de ces experts pendant plusieurs jours. Le mi- nistère de la Santé se targuait pourtant jus- que-là de les publier en toute «transparence». Le 13 avril, Emmanuel Macron annonce donc que les écoles rouvriront le 11 mai, date du dé- but du déconfinement. Les raisons sociales et économiques ont pris le dessus sur les pré­- ventions scientifiques. Dans cette allocution ­présidentielle, le mot «scientifique» n’est d’ailleurs jamais prononcé par le chef de l’Etat. Trop de ministres… qui parlent trop «Flegmatique mais ravageur.» Voilà comment un membre du gouvernement qualifie le «coup de gueule» d’Edouard Philippe à ses mi- nistres le 27 mars par visioconférence. Cela fait deux semaines que la parole gouvernementale part dans tous les sens. Il est temps pour le chef du gouvernement de recadrer tout le monde. Ordre est donné de s’en tenir aux «EDL» (les éléments de langage) de l’Elysée et Matignon. Car un jour, c’est le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, moqué pour son appel à «l’armée de l’ombre» pour ­aller ra- masser fraises et asperges. Un autre, c’est la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, qui évoque un Tour de France à huis clos. Sans parler de Jean-Michel Blanquer, qui annonce tout seul dans son coin la date du 5 mai pour une reprise possible de l’école, ou encore de ­Sibeth Ndiaye qui évoque des «professeurs qui ne travaillent pas» alors qu’ils se sont mis à l’enseignement à distance au prix d’impor- tantes contorsions professionnelles et person- nelles. «Dans une crise, il faut centraliser les messages et limiter le nombre d’interlocuteurs sinon on risque la distorsion, rappelle Franck Louvrier. Là, tous les matins on avait un mi­- nistre qui venait parler de son domaine. Ça ne rassure pas les Français, au contraire.» D’où le choix du chef du gouvernement de res- serrer les boulons et de monter en première li- gne médiatique. Le 28 mars, un samedi après- midi, Edouard Philippe se lance dans une très longue ­séance de questions-réponses, à coups d’explications scientifiques, de statistiques et de dates. «Je veux parler clair, énonce-t-il. Je veux vous dire ce que nous savons et ce que nous ne savons pas, ce que nous préparons et ce que nous réussissons, parce qu’il y a des choses que nous réussissons, et ce qui nous inquiète.» Conférence de presse, 20 heures de TF1 : le re- tour aux fondamentaux va fonctionner… une semaine. Car le surmoi de certains ministres reprend vite le dessus. L’aile droite du gouver- nement n’a plus l’air très à l’aise avec le «quoi qu’il en coûte» présidentiel pour sauvegarder l’économie. Pour s’en sortir, «il faudra proba- blement travailler plus que nous ne l’avons fait avant», lance ainsi la secrétaire d’Etat à l’Eco- nomie, Agnès Pannier-Runacher, totalement raccord avec les messages insistants envoyés par le Medef depuis la mi-mars. Son ministre de tutelle, Bruno Le Maire, a beau expli- quer par la suite qu’il s’agit là d’une «drôle d’idée», il a lui-même allumé la mèche en lan- çant qu’«à la sortie de cette crise, il faudra faire des efforts». Deux semaines plus tard, c’est au tour du mi- nistre de l’Education nationale de reprendre ses mauvaises habitudes. Devant la commis- sion des affaires culturelles, Blanquer détaille un plan de retour des élèves en classe… qui n’est pas encore totalement arbitré par l’étage du dessus et qui sera démenti une semaine plus tard par le Premier ministre. «Une an- nonce ne devrait être faite que quand l’exécutif est bien sûr de ce qu’il veut dire, insiste Phi- lippe ­Moreau Chevrolet. Là, les ministres ­lancent des ballons d’essai. On ne peut plus se per­mettre de demi-annonces ou des off. Faut arrêter les conneries.» «Une crise n’est pas une compétition sur qui passera à la télé : c’est une ­communication or- donnée, recentrée autour d’un porte-parole unique», s’agace à son tour Franck Louvrier. Qui verrait bien dans ce Suite page 10 plan de déconfinement, jeudi ; Blanquer et Attal, le 14 mars ; Sibeth Ndiaye, le 22 avril. Photos M. CUGNOT. AFP ; Boby ; M. Euler. AFP ; A. Facelly Un jour, c’est le ministre de l’Agriculture moqué pour son appel à «l’armée de l’ombre» pour ­aller ramasser fraises et asperges. Un autre, c’est la ministre des Sports qui évoque un Tour de France à huis clos. Sans parler de Blanquer, qui annonce tout seul dans son coin la date du 5 mai pour une reprise possible de l’école. UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws 10 u Libération Samedi 9 et Dimanche 10 Mai 2020 marche pas car l’administration s’est cabrée et le chef de l’Etat n’a pas de maîtrise sur son Premier ministre.» Stéphane Rozès analyse : «On a l’impression que le Président fait de la com, dit ce qui est souhaitable, et que le Pre- mier ­ministre, lui, dit le réel, le possible. La répar­tition des rôles n’est pas bonne car il n’y a pas de “en même temps” en crise sanitaire : le Président doit trancher entre le souhaitable et le possible.» Résultat, les deux plus hauts rouages du ­pouvoir se grippent vite. Le 13 avril, Emma- nuel Macron annonce le déconfinement pour le 11 mai, suscitant une attente exponentielle chez des Français enfermés depuis des se­- maines. Sauf qu’Edouard Philippe ne centre pas du tout sa deuxième conférence de presse sur le sujet six jours plus tard. «C’est humiliant pour le Président, souligne Philippe Moreau Chevrolet. Si le chef de l’Etat parle et que l’agenda c’est le déconfinement, alors la confé- rence doit porter sur le déconfinement. Ou alors on se tait. Quand on a parlé à 36,5 millions de personnes de tarte à la fraise, que tout le débat de la semaine porte sur comment on fait la tarte à la fraise et que le dimanche vous arrivez en disant qu’on va plutôt faire des ­crêpes, c’est qu’on se fout de votre gueule.» En réalité, la question du déconfinement est bien plus compliquée à vivre pour les deux ­têtes de l’exécutif que celle du confinement. Macron a choisi cette date du 11 mai et «il a eu raison de prendre le risque», fait valoir Franck Louvrier : «Il décide de la date, maintenant il doit décider de la com.» Il voit son Premier ministre appuyer sur le frein et intervient pour confirmer la «nouvelle étape» enclen- chée. On est plus dans le «si», mais le «com- ment». Nuance de taille. Plutôt que de laisser Philippe en première ­ligne – et le laisser prendre les risques en mode paratonnerre –, Macron a finalement été omniprésent dans cette dernière semaine de confinement. Son Premier ministre parle au Sénat pour redonner les grandes lignes de son plan de sortie ? Le chef de l’Etat intervient quelques minutes plus tard pour livrer, ­depuis l’Elysée, sa propre vision des choses et efface totalement son Premier ministre des médias du jour. Rebelote le lendemain à Poissy, avec sa sortie sur les «grands mots» de son Premier mi­- nistre. «Macron est en train de se transformer en Hollande avec des petits calculs politiciens pour nuire à son Premier ministre, regrette Moreau Chevrolet. Sa com est aussi peu ­maîtrisée qu’avant 1974.» Pour lui, cette ­séquence école à Poissy est même «un dé­- sastre» : «Il met du temps à mettre un masque et ne comprend pas les gestes barrières. C’est anxiogène de voir le Président se mettre en danger.» Un peu comme sa visite pas du tout incognito à Pantin fin mars, qui avait provo- qué un attroupement de curieux en dépit de toutes les recommandations de distanciation physique. Quant à sa vidéo du 1er Mai, où le chef de l’Etat évoque, bronzé et en costume trois-pièces, les cortèges «chamailleurs» des syndicats alors que les manifestations de 2018 et 2019 ont été émaillées de violences avec la police, c’est car- rément «de l’amateurisme» pour le communi- cant. «Le Premier ministre a trouvé son re­- gistre : il a les mains dans le cambouis, se pose en exécutant avec une forme d’humilité. Mais le Président donne le sentiment de ne pas trou- ver sa place dans le dispositif», constate Chloé Lors du discours du Premier ministre, Edouard Philippe, sur le plan de déconfinement, le 28 avril à l’Assemblée nationale. Photo «Macron est en train de se transformer en Hollande avec des petits calculs politiciens pour nuire à son Premier ministre. Sa com est aussi peu maîtrisée qu’avant 1974.» Philippe Moreau Chevrolet spécialiste en communication politique et président de MCBG Conseil rôle… Jean Castex. Le nouveau «Monsieur déconfinement» du gouvernement est aussi un ancien conseiller élyséen de l’ère Sarkozy. C’est surtout un énarque ayant choisi la préfectorale qui est aujourd’hui maire d’une petite commune dans les Pyrénées-Orientales. «Avec lui c’est le terrain qui parle, le bon sens paysan», vante Louvrier. «La mission propose, le pouvoir poli- tique dispose», temporise mercredi Jean Cas- tex. Du coup jeudi, lorsqu’il s’agit de livrer les derniers détails de la sortie du confinement, prévue pour le 11 mai, ce n’est pas Castex qui apparaît à l’écran mais Edouard Philippe. Qui fait défiler six ministres au pupitre pour dé- tailler sous bonne garde leur partie de la déli- cate opération. Elysée-Matignon, un couple en tensions La petite phrase a dû faire très plaisir à Edouard Philippe. Appuyé sur le bureau d’un instituteur dans une salle de classe de Poissy (Yvelines), mardi, Macron répond aux deux journalistes de TF1 et de France Té- lévisions qui lui font face. «Non, je n’ai pas ces grands mots.» Lui, président de la Républi- que, ne reprend pas à son compte le terme d’«écroulement» utilisé une semaine plus tôt par son Premier ministre pour qualifier le ­risque qu’encourt la France si le confinement devait se prolonger. La petite pique du chef de l’Etat en direct ne plaide pas dans le sens des entourages des deux hommes, qui mar­- tèlent qu’il y a un «alignement complet» entre la Rue du Faubourg-Saint-Honoré et la Rue de Varenne. Interrogé jeudi sur le sujet, Phi- lippe, visiblement agacé, défend face caméra une «fluidité […] qui a peu de précédents» ­entre lui et Macron, s’agaçant contre les «jour- nalistes politiques» et jurant que les Français se «contrefichent» de leurs articles. Pourtant, rarement depuis 2017 les journa­- listes n’auront autant eu vent des désaccords entre les deux hommes. Avant même l’an- nonce du confinement par Macron le 16 mars, leur mésentente au sujet des municipales ­atteint les oreilles des conseillers et respon­- sables de la majorité. «Macron doute, mais ne pas reporter cette élection c’était une demande expresse du Premier ministre et de tous les vieux crocodiles de droite qui viennent au- jourd’hui nous faire la leçon», s’agace l’entou- rage d’un ministre de poids. Cet épisode fon- dateur annonce un confinement compliqué pour les deux hommes. Au départ, pourtant, les places de chacun sont respectées : à Ma- cron les ­déclarations solennelles – emprun- tant un étrange registre guerrier – et au Pre- mier ­ministre les explications pratiques et la mise en œuvre de la politique du gouverne- ment. «Ses interventions mettent en lumière un ­défaut du ministère de la Santé : [le direc- teur général de la santé, Jérôme] Salomon s’est un peu paumé en route en lisant le même ­communiqué macabre tous les soirs sans faire de ­pédagogie, analyse un ministre. Philippe a donc assumé le rôle de super-ministre de la Santé.» La tonalité choisie – assumer de dire qu’«on ne sait pas tout» – devient même celle du Pré- sident. Le 13 avril, Emmanuel Macron aban- donne la rhétorique martiale, qui a atteint son apogée lors de son discours de Mulhouse de- vant les tentes kakis de l’hôpital de campagne installé par l’armée sur le parking du CHU. Un registre jamais endossé par un Premier mi­- nistre qui joue plus rationnel et moins pas- sionnel. «L’allocution présidentielle du 13 avril est très bonne, juge Philippe Moreau Chevro- let. Macron sort alors de sa posture de chef de guerre et va sur le quotidien, mais il donne aussi l’impression de ne pas savoir quel rôle jouer : d’abord il fait du Clemenceau puis refait du Macron 2017 qui bouscule la techno­- structure et impose un rythme. Mais ça ne Suite de la page 9 france UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws

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