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L’homme unidimensionnel : essai sur l’idéologie de la société industrielle avancée PDF

315 Pages·1968·4.539 MB·French, English
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L'Homme unidimensionnel Ouvrages d'Herbert Marcuse aux éditions de Minuit Eros et Civilisation 1963 Raison et Révolution 1968 Vers la libération 1969 aux éditions Gallimard Le Marxisme soviétique 1963 aux éditions du Seuil (Delachaux et Niestlé) La Fin de l'utopie 1968 aux éditions Denoël-Gonthier Philosophie et Révolution 1969 Herbert Marcuse L ' H o m me u n i d i m e n s i o n n el Essai sur l'idéologie de la société industrielle avancée Traduction de Monique Wittig revue par l'auteur ^m Éditions de Minuit 7, nu Bemard-Palissy, Paris-6* MAQUETTE DE COtJVBRTURi PXËRRB FAUCHEUX Texte intégral Titre original : One-dimensional man. Studies in the Ideology of Advenced Industrial Society. Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction réservés pour tous pays, y compris FU.R.S.S. © 1964, by Beacon Press Boston, 9 © 1968, Les Editions de Minuit, pour la traduction française* Préface à l'édition française J'ai analysé dans ce livre quelques tendances du capita- lisme américain qui conduisent à une « société close > — close parce qi/elle met au pas et intègre toutes les dimensions de F existence, privée et publique. Deux résul- tats de cette société sont dune importance particulière: Vassimilation des forces et des intérêts oppositionnels dans un système auquel ils s?opposaient dans les étapes anté- rieures du capitalisme, et Vadministration et la mobilisation méthodiques des instincts humains, ce qui rend ainsi socialement dirigeables et utilisables des éléments explosifs et € anti-sociaux > de l'inconscient. La puissance du négatif, largement incontrôlée aux stades du développement anté- rieur de la société, est maîtrisée et devient un facteur de cohésion et d'affirmation. Mieux que jamais auparavant les individus et les classes reproduisent la répression subieftar le processus d'intégration se déroule. pour F essentiel ,J$arts terreur ouverte: la démocratie consolide la domination plus fermement que fabsolutisme ; liberté administrée et répression instinctuelle deviennent des sources sans cesse renouvelées de la productivité. Sur un tel fondement la productivité devient destruction, destruction que le système pratique « vers l'extérieur » à téchelle de la planète. À la destruction démesurée du Viet-Nam, de rhomme et de la nature, de Thabitat et de la nourriture, correspondent le gaspillage à profit des matières premières, des matériaux et forces de travail, T empoisonnement, également à profit, de r atmosphère et de Veau dans la métropole riche du capita- lisme. La brutalité du néo-colonialisme a son pendant dans la brutalité métropolitaine : dans la grossièreté sur les auto- 8 L'homme unidimensionnel routes et sur les stades, dans la violence du mot et de Vimage, dans rimpudence de la politique, qui a laissé loin derrière elle le langage orwellien, dans le maltraitement impuni — et même dans Tassassinat impuni — de ceux qui se défendent... La phrase sur la « banalité du mal » sfest révélée depuis longtemps comme non-sens : le mal se montre dans la nudité de sa monstruosité comme contradic- tion totale à T essence de la parole et de faction humaines. La société close sur r intérieur sfouvre vers r extérieur par F expansion économique, politique et militaire. Cest plus ou moins une question de sémantique de savoir si cette expan- sion est de f« impérialisme > ou pas. Là également, c'est la totalité qui est en mouvement : dans cette totalité la distinc- tion conceptuelle entre les affaires et la politique, le profit et le prestige, les besoins et la réclame n'est plus guère possible. On exporte un « mode de vie > ou celui-ci sfexporte lui-même dans la dynamique de la totalité. Avec le capital, les ordinateurs et le savoir-faire, arrivent les autres « valeurs > ; rapports libidineux à la marchandise, aux engins motorisés agressifs, à Vesthétique fausse du supermarché. Ce n'est pas le matérialisme de cette forme de vie qui est faux, mais la non-liberté et la répression qu'elle recèle: réification totale dans le fétichisme total de la marchandise. Il devient d'autant plus difficile de percer cette forme de vie que la satisfaction augmente en fonction de la masse de marchandises. La satisfaction instinctuelle dans le système de la non-liberté aide le système à se perpétuer. Telle est la fonction sociale du niveau de vie croissant dans les formes rationalisées et intériorisées de la domination. La meilleure satisfaction des besoins est certainement la tâche et le but de toute libération, mais, en progressant vers ce but, la liberté elle-même doit devenir un besoin instinc- tuel et, en tant que telle, elle doit médiatiser les autres besoins, aussi bien les besoins médiatisés que les besoins immédiats. Préface 9 II faut supprimer le caractère Idéologique et poussiéreux de cette revendication : la libération commence avec k besoin non sublimé, là où elle est d'abord réprimée. En tant que telle eUe est libidinale: Eros en tant qu'< instinct de vie » (Freud), contre-force primitive oppo- sée à ténergie instinctuelle agressive et destructive et à son activation sociale. Cest dans Tinstinct de liberté non sublimé que plongent les racines de rexigence dune liberté politique sociale ; exigences d'une forme de vie dans laquelle même l'agression et la destruction sublimées seront au service de tEros, à savoir construction d'un monde pacifié. Des siècles de répression instinctuelle ont recouvert cet élément politique de Eros : La concentration de F éner- gie érotique dans la sensualité génitale barre la transcen- dance de l'Eros vers les autres « zones * du corps et vers son milieu ambiant, eUe barre sa force sociale révolution- naire et formatrice. Là où aujourd'hui la libido est déployée comme une telle force, elle doit servir le processus de production agressif et ses exigences : elle /intègre dans la valeur d'échange. Par ailleurs règne f agression de la lutte pour F existence: à t échelle individuelle, nationale, internationale, cette agression détermine le système des besoins. Cest pourquoi il est d'une importance qui dépasse de loin les effets immédiats, que fopposition de la jeunesse contre la « société d'abondance » lie rébellion instinctuelle et rébellion politique. La lutte contre le système, qui n'est portée par aucun mouvement de masse, qui n'est impulsée par aucune organisation effective, qui n'est guidée par aucune théorie positive, gagne dans cette liaison une dimen- sion profonde qui compensera peut-être un jour le caractère diffus et la faiblesse numérique de cette opposition. Ce qui est recherché ici — son élaboration conceptuelle n'est qi/au stade d'une lente gestation — est davantage et autre chose qu'une société fondée sur d'autres rapports de production (bien qitune telle transformation de la base reste une condition nécessaire de la libération) : il s?agit dune société 10 L'homme unidimensionnel dans laquelle les nouveaux rapports de production, et la productivité développée à partir d'eux, seront organisés par les hommes dont les besoins et les buts instinctuels seront la « négation déterminée > de ceux qui régnent dans la société répressive ; ainsi les besoins non sublimés, qualita- tivement différents, donneront la base biologique sur laquelle les besoins sublimés pourront se développer libre- ment. La différence qualitative se manifesterait dans la transcendance politique de l'énergie érotique, et la forme sociale de cette transcendance serait la coopération et la solidarité dans rétablissement d'un monde naturel et social qui, en détruisant la domination et l'agression répressive, se mettrait sous le principe de réalité de la paix; avec lui seulement la vie peut devenir son propre but, c'est-à-dire devenir bonheur. Un tel principe de réalité libérerait aussi la base biologique des valeurs esthétiques, car la beauté, le repos, Fharmonie sont des besoins organiques de l'homme dont la répression et l'administration mutilent l'organisme et activent Fagression. Les valeurs esthétiques sont égale- ment, en tant que réceptivité de la sensibilité, négation déterminée des valeurs dominantes : négation de F hé- roïsme, de la force provocante, de la brutalité, de la pro- ductivité accumulatrice du travail, de la violation com- merciale de la nature. Les conquêtes de la science et de la technique ont rendu théoriquement et socialement possible Varrêt des besoins affirmatifs, agressifs. Contre cette possibilité, c'est le sys- tème en tant que totalité qui est mobilisé. Dans F opposition de la jeunesse, rébellion à la fois instinctuelle et politique, la possibilité de la libération est saisie ; mais il lui manque, pour qu'elle se réalise, la puissance matérielle. Celle-ci n'appartient pas non plus à la classe ouvrière qui, dans la société d'abondance, est liée au système des besoins, mais non à sa négation K Ses héritiers historiques seraient plutôt 1. Bien entendu il existe également une opposition à l'intérieur de la classe ouvrière américaine : contre les conditions de travail, contre le travail parasitaire, abrutissant, contre la hiérarchie dans l'usine» contre ces couches qui, dune manière croissante, occupent des positions de contrôle dans le processus social de production et qui peuvent Farrêter le plus facilement, à savoir les savants, les techniciens, les spécialistes, les ingénieurs, etc. Mais ce ne sont que des héritiers très potentiels et très théoriques, car ils sont en même temps les bénéficiaires bien rémunérés et satisfaits du système ; la modification de leur mentalité constituerait un miracle de discernement et de lucidité. Cette situation signifie-t-elle que le système du capita- lisme dans son ensemble soit immunisé contre tout change- ment ? On m'a reproché de nier F existence des contradic- tions internes à la structure du capitalisme. Je crois que mon livre montre assez clairement que ces contradictions existent encore et qu'elles sont même devenues plus fortes, plus criantes qu'aux stades antérieurs du développement. Elles aussi sont devenues totales. Leur forme la plus géné- rale, la contradiction entre le caractère social des forces productives et leur organisation particulière, entre la richessse sociale et son utilisation destructive, détermine cette société dans toutes les dimensions et dans tous les aspects de sa politique. Aucune contradiction sociale pour- tant, même la plus forte, n'explose « delle-même >: la théorie doit pouvoir montrer et évaluer les forces et les facteurs objectifs. J'ai essayé de montrer dans mon livre que la neutralisation ou l'absorption des forces réalisatrices — qui sf opèrent dans les domaines techniquement les plus développés du capitalisme — n'est pas seulement un phénomène de surface, mais naît du processus de produc- tion lui-même, sans modifier sa structure fondamentale la baisse de qualité. Mais cette opposition est isolée du contre-mouves ment politique, à l'intérieur des Etats-Unis aussi bien qu'internatkma lement. Seule une telle solidarité pourrait viser la totalité du système. Tant que subsiste l'isolement — souvent effectivement organisé — l'opposition de la classe ouvrière demeure « économiste », c'est-à-dire qu'elle donne prise au contrôle de l'administration du système. Ainsi, le système peut « administrer » toute opposition. 12 L'homme unidimensionnel capitaliste. La société existante parviendra à endiguer les forces révolutionnaires aussi longtemps qu'elle réussira à produire toujours plus « de beurre et de canons > et à berner la population à laide de nouvelles formes de con- trôle total. Cette politique de répression globale dont dépend la capacité de rendement du système est mise de plus en plus durement à l'épreuve. En tout cas, la guerre au Viet-Nam a pris des proportions telles qu'elles peuvent faire de lui un tournant dans l'évolution du système capitaliste. Pour deux raisons. Premièrement, l'excès de brutalité, d'agression, de mensonge auquel doit recourir le système pour assurer sa stabilité a atteint une mesure telle que la positivité de F existant trouve ici sa limite : le système dans son ensemble se révèle être ce « crime contre t humanité > qui est localisé particulièrement au Viet-Nam. Deuxièmement, l'appari- tion de la limite est visible également dans le fait que, pour la première fois dans son histoire, le système rencontre des forces résistantes qui ne sont pas « de sa propre nature > ; ces forces ne lui livrent pas un combat concurrentiel pour l'exploitation sur son propre terrain, mais signifient, dans leur existence même, dans leurs besoins vitaux, la négation déterminée du système le contestant et le combattant en tant que tout. C'est ici que réside la coïncidence des facteurs objectifs et des facteurs subjectifs du renversement. Et, comme il n'y a plus pour le système capitaliste un véritable « extérieur » — si bien que même le monde communiste déterminant et contre-déterminant est compris dans l'économie et la politique capitalistes — la résistance du FNL est, en effet, la contradiction interne qui éclate. Le fait que les hommes les plus pauvres de la terre, à peine armés, techniquement les plus arriérés, tiennent en échec — et ceci pendant des années — la machine d'anéantisse- ment la plus évoluée techniquement, la plus efficace, la plus destructive de tous les temps reste un signe historico* mondial, même si ces hommes sont à la fin battus, ce qui est vraisemblable car le système de répression de la <so-

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