JONATHAN BLACK L’histoire secrète du monde DOCUMENT Traduit de l’anglais par Pauline Rebelle en collaboration avec Laure Motet Titre original : THE SECRET HISTORY OF THE WORLD © Quercus Books, 2007 Pour la traduction française : © Éditions Florent Massot, 2009 Introduction Vous êtes sur le point de lire l’histoire du monde telle qu’elle a été enseignée depuis la nuit des temps au sein des sociétés secrètes. Aujourd’hui, ces croyances peuvent paraître insensées, mais sachez qu’un très grand nombre d’hommes et de femmes qui ont fait l’histoire les ont adoptées. Les historiens affirment que depuis le début de la civilisation égyptienne jusqu’à la chute de l’Empire romain, dans des villes comme Thèbes, Éleusis ou Éphèse, les temples publics possédaient des enceintes réservées aux prêtres. Les érudits les appelaient les écoles du Mystère. Dans ces écoles, on enseignait à l’élite politique et culturelle des techniques de méditation. Après plusieurs années de préparation, Platon, Eschyle, Alexandre le Grand, César Auguste, Cicéron et d’autres étaient enfin initiés à la philosophie secrète. Les techniques utilisées variaient selon les époques : on y pratiquait la privation sensorielle, les exercices de respiration, la danse sacrée, le théâtre, la prise de drogues hallucinogènes et différentes façons de canaliser l’énergie sexuelle. Ces techniques visaient à provoquer l’altération de la conscience permettant aux initiés de percevoir le monde autrement. Quiconque révélait à un non-initié ce qu’il avait appris dans ces lieux était exécuté. Le philosophe néoplatonicien Jamblique raconta à deux jeunes gens d’Éphèse ce qu’il avait vécu dans ces écoles. Une nuit, excités par ces rumeurs de fantômes et de pratiques magiques et d’une autre réalité, plus intense et plus flamboyante qu’abritaient ces lieux, les deux jeunes inconscients laissèrent leur curiosité avoir raison de leur prudence et, dans l’épaisseur de la nuit, ils se glissèrent de l’autre côté de l’enceinte. Le charivari qui s’ensuivit résonna dans toute la ville et, au petit matin, leurs corps furent retrouvés devant le portail du temple. Dans ces temps-là, l’enseignement des écoles du Mystère était gardé aussi précieusement que les secrets nucléaires le sont de nos jours. Au IIIe siècle, quand la religion chrétienne prit le pouvoir au sein de l’Empire romain, ces temples furent fermés. Pour éviter qu’ils ne prolifèrent, on décréta que ces rituels étaient hérétiques et quiconque continuait à les pratiquer encourait la peine capitale. Mais, comme nous le verrons plus loin, les membres de cette nouvelle élite au pouvoir, y compris les hauts dignitaires de l’Église, commencèrent à former eux- mêmes des sociétés secrètes. En privé, ils continuèrent donc à enseigner ces secrets anciens. Nous allons explorer dans ce livre les nombreuses preuves qui démontrent qu’une philosophie secrète, très ancienne, née dans les écoles du Mystère, a été préservée et développée pendant des siècles à travers des sociétés secrètes comme les Templiers et la Rose-Croix. Le plus souvent, elle était dissimulée au public et, si parfois on l’exposait aux regards, c’était toujours de manière à n’être comprise que des initiés. Pour ne citer qu’un exemple, le frontispice de L’Histoire du monde que Sir Walter Raleigh publia en 1614 est exposé à la tour de Londres. Les milliers de personnes qui passent devant l’oeuvre chaque jour ne voient ni la tête de chèvre, ni les autres messages codés, dissimulés dans le dessin. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi il n’existe pas dans la civilisation occidentale l’équivalent des scènes de sexe tantrique sculptées dans les murs de nombreux monuments hindous comme celui du temple de Khajuraho, au centre de l’Inde ? Vous serez surpris d’apprendre que son équivalent, la technique kabbalistique de la karezza, est dissimulé dans la majeure partie de l’art et de la littérature occidentale. Nous verrons aussi comment ces enseignements secrets sur l’histoire du monde ont influencé l’administration Bush et la politique américaine en Europe centrale. Le pape est-il forcément catholique ? Eh bien, pas tout à fait de la façon dont vous pourriez l’entendre… Un matin de 1939, un jeune homme de 21 ans marchait dans la rue quand un camion le renversa. Il plongea dans un coma pendant lequel il eut une expérience mystique qui le transforma à jamais. Quand il revint à lui, il affirma que les techniques que lui avait enseignées son mentor, le maître rosicrucien moderne Mieczyslaw Kotlarczyk, étaient destinées à lui permettre d’accueillir ce type d’événement. Bien qu’il ne s’attendît pas à le vivre de cette manière. À la suite de cette expérience mystique, le jeune homme entra au séminaire, devint l’évêque de Cracovie et plus tard, le pape Jean Paul II. De nos jours, apprendre qu’un des chefs de l’Église catholique a été initié au royaume de l’esprit par les enseignements d’une société secrète n’est peut-être pas aussi déplacé qu’autrefois, car la science est devenue l’agent du contrôle social et a pris le pouvoir sur la religion. Aujourd’hui, c’est la science qui décide ce que nous devons croire et ce qui dépasse les limites de l’acceptable. Pendant l’ère chrétienne, comme dans des temps plus reculés, la mort était la sanction qui attendait quiconque s’intéressait de trop près à la philosophie secrète. Dans notre ère postchrétienne, la philosophie secrète est encore entourée d’appréhension, mais ce qu’on redoute, c’est la « mort sociale », pas la pendaison. Croire aux doctrines fondamentales de cette philosophie, comme le fait que des êtres éthérés peuvent nous parler, ou que le cours de l’histoire est matériellement influencé par des cabales secrètes, est considéré au mieux comme une idiotie, au pire comme un signe de folie. Dans les sociétés secrètes, on forçait les candidats à tomber au fond d’un puits, à se soumettre à une épreuve de l’eau, à se glisser par une toute petite porte afin de rencontrer des animaux anthropomorphes avec lesquels il fallait engager des discussions absurdes… Ça ne vous rappelle rien ? Lewis Carroll est l’un des nombreux auteurs pour enfants, comme les frères Grimm, Antoine de Saint-Exupéry, Clive S. Lewis et les créateurs du Magicien d’Oz et de Mary Poppins, qui croyait à l’histoire et à la philosophie secrètes. En mêlant savamment la compréhension littérale qu’ont les enfants et un joyeux chaos, ces écrivains ont cherché à ébranler la vision matérialiste de la vie et le sens commun. Ils voulaient apprendre aux enfants à penser à l’envers, à regarder le monde la tête en bas et à se libérer des pensées arrêtées et bien établies. Rabelais et Jonathan Swift font également partie de cette famille. Leur oeuvre possède cette particularité déconcertante de ne pas faire grand cas du surnaturel : il y est raconté le plus simplement du monde et les objets imaginaires y sont aussi anodins que ceux qui peuplent notre quotidien. Ces auteurs iconoclastes, satiriques et sceptiques ébranlent les certitudes de leurs lecteurs et cherchent à les éloigner de leur comportement terre à terre. La philosophie ésotérique n’est explicite ni dans Gargantua, ni dans Pantagruel, ni dans Les Voyages de Gulliver, mais il suffit d’être attentif pour qu’elle se manifeste. En voyageant au fil de cette histoire, vous allez découvrir qu’un nombre impressionnant de personnages célèbres ont cultivé la philosophie secrète et fait l’expérience d’états mystiques comme ceux qu’on enseigne dans les sociétés secrètes. Certes, on peut objecter que, vivant à une époque où même les plus cultivés ne bénéficiaient pas de toutes les informations qu’apporte la science moderne, il est tout à fait normal que Charlemagne, Dante, Jeanne d’Arc, Shakespeare, Cervantès, Léonard de Vinci, Michel-Ange, Milton, Bach, Mozart, Goethe, Beethoven et Napoléon aient adhéré à des croyances aujourd’hui désuètes. Certes, mais à une période plus récente alors ? Qu’en est-il de ceux, nombreux, qui ont nourri les mêmes croyances et qui n’étaient pas de simples fous, ni des mystiques solitaires, ni des auteurs fantasques, mais bien les fondateurs des méthodes scientifiques modernes : les humanistes, les rationalistes, les libérateurs, les laïques et les démolisseurs de superstition, les sceptiques et autres moqueurs. Est-il possible que ceux-là mêmes qui ont contribué le plus activement à former la pensée matérialiste et scientifique d’aujourd’hui aient secrètement cru en autre chose ? Newton, Kepler, Voltaire, Paine, Washington, Franklin, Tolstoï, Dostoïevski, Edison, Wilde, Gandhi, Duchamp : est-il possible qu’ils aient été initiés à cette tradition secrète, qu’ils aient appris à croire au pouvoir de l’esprit sur la matière et qu’ils aient su communiquer avec les esprits ? Les biographies récentes de certains de ces personnages ne mentionnent presque pas, si ce n’est pas du tout, les preuves que ces derniers cultivaient ces idées. Le climat intellectuel contemporain fait que, quand on évoque ce sujet, ce n’est que pour mieux le dénigrer, prétendre que ce n’était qu’un hobby, une absurdité passagère, une idée amusante avec laquelle ces personnalités ont pu s’amuser ou dont elles se sont servies, comme de métaphores créatives ; mais il n’est pas question de prendre cet intérêt au sérieux. Cependant, comme nous le verrons plus loin, Newton était un alchimiste : il pratiquait son art à l’âge adulte et celui-ci lui tenait à coeur au point qu’il le considérait comme son travail le plus important. Voltaire prenait part à des cérémonies de magie au moment même où il dominait la vie intellectuelle européenne. Washington invoqua le grand esprit dans le ciel lorsqu’il fonda la ville qui porte son nom. Et quand Napoléon disait qu’il était guidé par sa bonne étoile, ce n’était pas simplement une façon de parler ; il parlait de l’esprit qui lui montrait la route et le rendait invulnérable et magnifique. Ce livre voudrait, entre autres, démontrer que loin d’être des lubies passagères ou des excentricités d’irresponsables, accidentelles ou sans pertinence, ces idées étranges étaient au coeur de la philosophie de personnes qui ont fait l’histoire et, ce qui est encore plus intéressant, c’est qu’elles servaient le même objectif. Si l’on rapproche la vie de ces personnes remarquables, on s’aperçoit qu’à chaque grand virage de l’histoire, l’influence de l’ancienne philosophie secrète est toujours là, comme une luciole dans le noir. Depuis l’époque de Zarathoustra, dans la statuaire et l’iconographie anciennes, la connaissance de la doctrine secrète des écoles du Mystère était signifiée par un rouleau de parchemin. Nous verrons que cette tradition a perduré et qu’aujourd’hui, les statues des grandes villes du monde rappellent l’étendue de cette influence. Nul besoin d’aller à
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