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L’exemplum en pratiques : production, diffusion et usages des recueils d’exempla latins au XIIIe-XVe siècles PDF

664 Pages·2013·21.377 MB·French
by  LouisNicolas
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L’exemplum en pratiques : production, diffusion et usages des recueils d’exempla latins aux XIIIe-XVe si`ecles Nicolas Louis To cite this version: NicolasLouis. L’exemplumenpratiques: production, diffusionetusagesdesrecueilsd’exempla latins aux XIIIe-XVe si`ecles. Histoire. Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS); Facult´es Universitaires Notre Dame de la Paix, 2013. Fran¸cais. <tel-00860685> HAL Id: tel-00860685 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00860685 Submitted on 10 Sep 2013 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destin´ee au d´epˆot et `a la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publi´es ou non, lished or not. The documents may come from ´emanant des ´etablissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche fran¸cais ou ´etrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou priv´es. Université de Namur Académie Universitaire Louvain Faculté de Philosophie et Lettres Département d’Histoire École des Hautes Études en Sciences Sociales Paris Centre de Recherches Historiques (UMR EHESS/CNRS n° 8558) L’exemplum en pratiques : Production, diffusion et usages des recueils d’exempla latins aux XIIIe-XVe siècles TOME 1 : ENQUÊTE Thèse présentée par Nicolas LOUIS Membres du jury : Xavier HERMAND (Université de Namur – LAMOP) – directeur Marie-Anne POLO DE BEAULIEU (EHESS – CNRS) - directeur Nicole BÉRIOU (EPHE – CNRS) Franco MORENZONI (Université de Genève) Steven VANDERPUTTEN (Universiteit Gent) En vue de l’obtention des grades de : - Docteur en Histoire, Art et Archéologie (Académie Louvain) - Docteur en Histoire et civilisations (EHESS) Namur, avril 2013 À l’heure où il nous faut rendre ce travail, nous nous trouvons dans un état d’âme analogue à celui de ce moine dominicain : « Un novice de l’Ordre des Prêcheurs de Paris voulait se retirer de l’Ordre parce qu’il voyait entrer des grandes donations et pensait qu’il n’était pas possible de satisfaire les demandes de suffrages. Alors le prieur lui raconta l’anecdote d’un abbé qui reçut une riche donation pour les suffrages d’un défunt, mais il dit seulement une courte prière : sur la balance le parchemin avec la prière pesait plus que tout l’argent »1. Nous sommes redevables à beaucoup et nous n’osons espérer que ces quelques lignes de gratitude produisent un effet tout aussi miraculeux. Quoi qu’il en sera, elles nous sont assurément les plus agréables à rédiger, car elles reflètent l’aspect humain d’une entreprise qui, trop souvent, souffrit d’une pesante austérité. Notre gratitude va en premier lieu aux Prof. Xavier Hermand et Marie- Anne Polo de Beaulieu pour leur confiance, leur soutien, leurs conseils. Au long de ces cinq années, ils ont fait preuve d’une écoute, d’une attention et d’une compréhension tout simplement exemplaires. Qu’ils en soient ici remerciés. Nos proches ont joué un rôle tout aussi important dans l’aboutissement de cette thèse. Merci aux membres de notre famille, à Anne-Marie pour sa relecture attentive, à nos parents et nos deux frères pour leur soutien sans faille. Nos amis ne sont pas en reste ; parmi eux Adrien, Alexandre, Audrey, Cynthia, Emilie, François-Dominique, François-Xavier, Jehanne, Lisa, les deux Nicolas, Quentin et Sophie n’ont pas hésité à mettre la main à la pâte. Cette expérience de soutien et d’entraide restera sans nul doute le plus beau souvenir de ce temps d’épreuves. Nous adressons une pensée reconnaissante envers les institutions qui nous ont accueilli – le département d’Histoire de l’Université de Namur et le Groupe d’anthropologie historique de l’Occident médiéval de l’EHESS-Paris – ainsi que les centres d’archives et bibliothèques visitées, en particulier le Centre de Documentation et de Recherche religieuses de Namur. Nous tenons enfin à remercier les membres du jury d’avoir accepté la lecture de ce travail. Cette thèse de doctorat a bénéficié du soutien financier du Fonds National de la Recherche Scientifique, de l’Université de Namur et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 1 Silvana VECCHIO, Il Liber de introductione loquendi di Filippo da Ferrara, dans I castelli di Yale, III, 1998, p. 144. Cité dans GAHOM, Thesaurus Exemplorum Medii Aevi, http://gahom.ehess.fr/thema/index.php?id=12626&lg=fr, consulté le 1er avril 2013. L’ensemble des références Internet de cette enquête ayant été vérifié à cette même date, nous n’en ferons plus mention. « L’exemple est un dangereux leurre : Tous les mangeurs de gens ne sont pas grands Seigneurs ; Où la Guêpe a passé, le Moucheron demeure » Jean de la Fontaine, Le corbeau voulant imiter l’aigle « L’histoire justifie ce que l’on veut. Elle n’enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout » Paul Valéry, Regards sur le monde actuel Production, diffusion et usages des recueils d’exempla Introduction INTRODUCTION Au mois d’août 2009, nous passions nos vacances dans le hameau de Mezhouika, région de Tver (Russie). De retour d’une visite à l’église du lieu, où l’on trouve une icône remarquable de saint Nicolas, notre hôte nous raconta un fait relatif au saint dont sa grand-mère avait été le témoin. Un voleur avait prié saint Nicolas afin que son larcin se passe sans accroc. Sur le chemin du retour, le malfaiteur tombe dans un trou avec son butin. Il crie alors vers saint Nicolas qui lui apparaît et l’informe qu’il ne faut pas prier pour que de mauvaises choses se produisent. Le voleur se repent et est retiré du trou par le thaumaturge. Ce type d’histoires moralisantes n’est pas propre à la Russie post- communiste. On les retrouve dans bien des civilisations, en tous lieux et à toute époque. Le Moyen Âge occidental ne fait évidemment pas exception. Dans les manuscrits, on peut les rencontrer de manière éparse ou regroupées en recueils, dont les plus importants contiennent plusieurs milliers de récits. Quantités de ces histoires sont qualifiées d’exemplum. Depuis le XIXe siècle, folkloristes, historiens et philologues s’intéressent à ces collections, principalement en raison des informations, très riches pour l’histoire des mentalités, qu’elles contiennent2. Depuis les années soixante-dix, ce sont les travaux dirigés par J. Le Goff au sein de ce qui est devenu le « Groupe d’anthropologie historique de l’Occident médiéval » (EHESS-CNRS) qui ont largement contribué à faire connaître, parmi la communauté des médiévistes, l’immense corpus d’exempla et à en démontrer tout l’intérêt. À cet égard, deux ouvrages ont fait date : le volume de la «Typologie des sources du Moyen Âge occidental» consacré à «L’exemplum» (1982) puis, surtout, le best-seller de Jacques Le Goff relatif à «La naissance du Purgatoire», où les exempla sont abondamment mis en oeuvre (1983). Aujourd’hui, c’est à la refonte complète du célèbre Index exemplorum de Frederic C. Tubach que se consacre l’équipe parisienne, animée par Jacques Berlioz et Marie-Anne Polo de Beaulieu, et ce à travers la constitution d’une banque de données sur les exempla médiévaux accessible sur le net3. Si l’exemplum a été soumis à différents types d’approches, qu’elles soient d’ordre historique, anthropologique, littéraire ou structural, la matière est 2 Cf. Chapitre II. 3 GAHOM, Thesaurus Exemplorum... Nicolas LOUIS 4 UNamur-EHESS, avril 2013 Production, diffusion et usages des recueils d’exempla Introduction toutefois loin d’être épuisée, d’autant que certaines directions de recherche ont été jusqu’ici négligées. À côté d’études thématiques, centrées sur le contenu des récits, il y a place pour une vaste recherche consacrée aux publics réels et aux usages concrets de la «littérature exemplaire», dans la lignée de travaux récents menés par plusieurs équipes pluridisciplinaires, tant en France qu’en Allemagne et aux Pays-Bas, sur les rôles, fonctions et pratiques de l’écrit à l’époque médiévale. Ainsi, à l’origine, notre enquête devait viser, d’une part, à identifier et à mieux cerner les différents milieux qui ont produit et/ou «consommé» l’exemplum; elle devait tenter, d’autre part, d’appréhender les modes d’utilisation, de compréhension et d’appropriation de ces textes, et les finalités de ces usages. En somme, il s’agissait d’inscrire l’exemplum dans ses différents contextes socio-culturels, en procédant à l’étude de «l’édition» exemplaire – ce concept, forgé par Guy Philippart dans ses travaux sur les textes hagiographiques, désignant l’ensemble des mécanismes qui ont présidé à la sélection, à la mise en forme graphique et matérielle, et à la diffusion des textes. Cependant, dès le travail de fixation du corpus des recueils d’exempla, on a remarqué que la définition proposée par Jacques le Goff de l’exemplum et communément admise4 limitait le champ de recherche aux récits historiques utilisés à partir du XIIe siècle dans l’homilétique. Or, nombre de recueils d’exempla ne rentraient pas dans ce cadre. De cette difficulté est né un intense travail de recherche et de réflexion sur la définition même de l’exemplum. En conséquence, ce qui ne devait être qu’un chapitre introductif s’est mué en une partie entière de la thèse d’une centaine de pages. Elle contient cinq chapitres : un premier aborde l’exemplum de manière théorique au travers de la rhétorique et de la narratologie ; les deuxième et troisième chapitres dressent respectivement un bilan historiographique et heuristique relatifs à cette notion ; le quatrième chapitre présente une histoire renouvelée de l’exemplum tandis que le chapitre cinq analyse les recueils d’exempla au travers des mêmes critères que ceux appliqués pour l’exemplum. Ce travail de refonte de l’exemplum a pris du temps. En conséquence, la partie consacrée à l’étude de l’édition exemplaire a été adaptée. Elle comprend une présentation générale de la diffusion manuscrite (chapitre VI) et incunable 4 Cf. Chapitre II. Nicolas LOUIS 5 UNamur-EHESS, avril 2013 Production, diffusion et usages des recueils d’exempla Introduction (chapitre VII) des recueils d’exempla latins. Dans le chapitre VIII, les recueils d’exempla dominicains sont analysés en profondeur et de manière systématique. Suivent une présentation reprenant les résultats majeurs de l’enquête ainsi qu’une conclusion. Une annexe de plus de 300 pages présente près de soixante-dix recueils d’exempla. Pour chacun d’eux, on trouve, d’une part, une fiche signalétique, contenant – entre autres – une liste des exemplaires manuscrits, des mentions médiévales et des éditions, et d’autre part, une présentation sommaire de ses caractéristiques et de l’usage qui était prévu par son auteur. Nicolas LOUIS 6 UNamur-EHESS, avril 2013 PREMIÈRE PARTIE L’EXEMPLUM ET LES RECUEILS D’EXEMPLA EN AMONT : DÉFINITION ET DÉVELOPPEMENT Production, diffusion et usages des recueils d’exempla I. Approche théorique CHAPITRE I - APPROCHE THÉORIQUE DE L’EXEMPLUM5 Et loquar ad prophetas et ego visionem multiplicabo et in manu prophetarum proponam similitudines Osee 12, 11 Est autem naturale homini ut per sensibilia ad intelligibilia veniat : quia omnis nostra cognitio a sensu initium habet Thomas d’Aquin, Summa theologica 2, qu. 1, art. IX Étienne de Bourbon raconte dans l’introduction à son traité, le Tractatus de diversis materiis predicabilibus composé vers 1254-1261, qu’Augustin d’Hippone († 430) a cru par les exemples vus et entendus, là où ni les supplications ni les larmes de sa mère, ni les voyages de celle-ci, ni sa grave maladie, ni même les sermons de saint Ambroise ne l’avaient convaincu : Beatum Augustinum legitur in libro uite eius quod non mouerunt ad conuersionem, ut christianus fieret et baptismum susciperet, aut materne supplicationes et lacrime, aut insecutiones eiusdem per mare et terram, aut ipsum mare, aut eius pericula, aut grauissima infirmitas uteri, aut alia ualida egritudo, aut etiam sermones beati Ambrosii predicantis, quem audiebat singulis diebus dominicis et eum diligebat. Conuerterunt exempla sanctorum tam uisa quam audita. Cum autem ipse cum sociis suis, Alipio scilicet et Nebridio, qui uenerant se cum de Affrica, propter ea que audierat uacillaret que esset uia salutis et tenenda, immisit Deus in mentem eius ut iret ad Simplicianum, seruum Dei qui in seruitio Dei senuerat, de quo multa bona audierat et qui sibi uidebatur esse multa expertus et edoctus. Et uere sic erat; et cum eo uolebat conferre quis esset aptus uiuendi modus. Iuit ergo ad eum et narrauit ei circuitus erroris sui. Qui cepit eum exhortari ad humilitatem Christi et cepit ei referre exemplum Victoriani qui fuerat rector urbis Romane, cuius etiam libros Augustinus legerat, qui fuerat dicto Simpliciano ualde familiaris, qui cum esset gentilis, propter insignia sua opuscula librorum meruit sibi statuam fieri in foro Romano. Postea cepit legere sanctam Scripturam et inuestigare. Qui etiam Simpliciano colloquenti sibi familiariter, inuenta in ea ueritate, dixit : "Scias me iam esse christianum", et cetera plura. Ad cuius uerba dixit subito Victorianus Simpliciano, superante amore Christi in eo amorem amicorum : "Eamus in ecclesiam, uolo fieri christianus". Qui noluit baptizari in secreto sed in publico, mirante Roma et gaudente Ecclesia, fidem publice confitendo et baptismum suscipiendo. Quod cum narraret Simplicianus Augustino, exarsit Augustinus ad imitandum eum6. Le moment décisif de ce récit mérite d’être souligné : Quod cum narraret Simplicianus Augustino, exarsit Augustinus ad imitandum eum. Il appert que c’est précisément la relation de la conversion de Victorianus racontée par Simplicianus qui a conquis Augustin. Lorsque l’auteur écrit conuerterunt exempla 5 Cette partie théorique analyse l’exemplum comme une réalité du langage indépendamment des contingences historiques. 6 Jacques BERLIOZ et Jean-Luc EICHENLAUB (éd.), Stephanus de Borbone : Tractatus de diversis materiis predicabilibus. Prologus, prima pars : de dono timoris, Turnhout, 2002 (Corpus Christianorum, Continuatio Mediaevalis, 124), p. 13-14 et 394-395 pour les notes. Cet exemplum regroupe différents passages des Confessions de Saint Augustin. Nicolas LOUIS 8 UNamur-EHESS, avril 2013 Production, diffusion et usages des recueils d’exempla I. Approche théorique sanctorum tam uisa quam audita, il considère l’exemplum non seulement en tant que modèle de comportement, mais aussi comme récit. Afin de bien comprendre cette exemplarité narrative, il convient de redécouvrir ce que sont persuasion et récit. Pour ce faire, on esquissera les contours de l’argumentation rhétorique, de la narratologie et de leur convergence dans l’exemplum. Mais avant cela, il convient de préciser les acceptions actuelles de l’exemple. 1 Terminologie Le mot « exemple » provient du verbe latin eximere (dont le supin est exemptum) signifiant « supprimer », « retirer », d’où le sens de l’exemplum en tant qu’échantillon7. Le Littré, le Grand Robert et le Trésor de la langue française8 donnent tous comme premier sens celui de modèle – que cela soit une personne, une action ou un comportement – à imiter. Dans le même registre moral, et de manière plutôt opposée, on trouve le malheur ou châtiment pouvant servir de leçon. L’exemple peut aussi signifier « la chose semblable à celle dont il s’agit »9 de manière générale, et de façon plus particulière le « cas, événement particulier (une catégorie, un genre…) et qui sert à confirmer, illustrer, préciser (un concept) »10. C’est dans cette optique que doit être comprise la locution par exemple. Lorsqu’on compare ces définitions à l’example anglais ou aux Beispiel et Exempel allemands, on remarque que l’example possède en plus un sens découlant directement du παραδειγµα aristotélicien à savoir « the species of argument in which the major premiss of a syllogism is assumed from a particular instance »11 ainsi que celui du précédent juridique (même si ce sens est archaïque voire obsolète). En allemand, le sens générique d’Exempel se réduit à celui de modèle d’apprentissage ou, tandis que celui de Beispiel est plus large et peut désigner le modèle et le cas particulier venant éclairer un phénomène ou un événement12. 7 Exemple, dans Alain REY, Dictionnaire historique de la langue française, t. I, Paris, 1998, p. 1360. 8 Exemple, dans Émile LITTRÉ, Dictionnaire de la langue française, t. III, Paris, 1962, p. 1236-1238 ; Exemple, dans Paul ROBERT, Le grand Robert de la langue française : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, t. IV, Paris, 19852, p. 278-279 ; Exemple, dans Paul IMBS (sous la dir. de), Trésor de la langue française : dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècle (1789-1960), t. VIII, Paris, 1980, p. 427-429. 9 Exemple, dans Paul ROBERT, Le grand Robert…, p. 278-279. 10 Ibid. 11 Example, dans Edmund S. WEINER et John A. SIMPSON, The Oxford english dictionary, t. V, Oxford, 19912, p. 488-489. 12 Beispiel et Exempel, dans Günther DRODOWSKI, Duden, das große Wörterbuch der deutschen Sprache, t. II et III, Mannheim, 1976, p. 337-338 et 768-769. Nicolas LOUIS 9 UNamur-EHESS, avril 2013

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