IFROSS Université Jean Moulin Lyon 3 Institut de Formation et de Recherche Faculté de Droit sur les Organisations Sanitaires et Sociales et leurs réseaux L’évaluation : quel support pour accompagner le changement ? Le cas de trois ESAT de la région Rhône-Alpes Mémoire pour le Niveau 2 du Diplôme de Master Droit, Economie, Gestion, Mention « Droit et Management des Organisations Sanitaires et sociales » Spécialité « Juriste Manager des Structures Sanitaires et Sociales » — Septembre 2008 — Zulaika ESENTAEVA Directeur de Recherche : Didier VINOT 1 Problématique : En quoi la démarche d’évaluation interne, introduite par la loi du 2 janvier 2002, peut- elle évoluer le fonctionnement des ESAT de l’ALGED en leur quête de l’amélioration continue ? Résumé : La démarche d’évaluation interne est un des principaux dispositifs de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Aujourd’hui, l’enjeu majeur pour les directeurs des établissements sociaux et médico-sociaux est de pouvoir préparer et accompagner leurs personnels dans cette démarche assez « étrangère » pour les travailleurs du secteur social et médico-social car sa réussite dépendra largement de leur enthousiasme et leur volonté. A travers de ce contexte, mon analyse propose des méthodes théoriques ainsi qu’une étude de cas de trois Etablissements de service et d’aide par le travail de l’Association Lyonnaise Gestionnaire d’Etablissements privés pour Déficients mentaux (ALGED). Le cadre de mon étude a porté essentiellement sur trois points : 1. le contexte législatif de la démarche d’évaluation interne et l’efficacité de sa mise en place au sein de l’ALGED, 2. les approches de la direction aux enjeux de la conduite du changement qui est la démarché d’évaluation interne, 3. les pistes de réflexion pour l’intégration réussie de l’ensemble des équipes professionnelles à cette démarche. Mots clés : Amélioration continue de la qualité, changement, communication, conduite du changement, contrat de soutien et d’aide par le travail, démarche d’évaluation interne, démarche qualité, évaluation, formation, gestion des compétences, livret d’accueil, loi du 2 janvier 2002, management de la communication, projet d’établissement, référentiel. Université Jean Moulin Lyon 3 - FACULTE DE DROIT 18 rue Chevreul - 69362 LYON Cedex 07 2 Remerciements Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidé lors de l’élaboration de ce mémoire. Ma reconnaissance va tout particulièrement à : Monsieur Emmanuel LAPORTE-WEYWADA, directeur général de l’ALGED, pour son accueil et son encadrement Monsieur Jean-Louis GIRAUD, directeur de l’ESAT Robert LAFON, pour son soutien, pour m’avoir accueilli au sein de son établissement et pour m’avoir donné de nombreux conseils à propos de mon mémoire ainsi que de nombreuses pistes professionnelles Monsieur Denis POULIOT, directeur de l’ESAT Didier BARON, pour m’avoir accueilli au sein de son établissement Monsieur Didier VINOT, directeur de recherche pour son accompagnement et son soutien. 3 A mon Père… 4 SOMMAIRE Introduction .............................................................................................................. 6 1. Le contexte juridique et les enjeux de terrain : l’évaluation dans le secteur social et médico-social ............................................................................................ 11 1.1-La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale .......... 12 1.2-L’évaluation : du concept à son application dans le secteur social et médico- social ......................................................................................................................... 21 2. Conduite du changement au sein de l’ALGED : étude comparatif de trois ESAT ........................................................................................................................ 31 2.1-Première étape de l’évaluation interne : préparation du personnel ........... 32 2.2-Deuxième étape de l’évaluation interne : accompagnement du personnel . 42 2.3-Troisième étape de l’évaluation interne : post-évaluation ........................... 48 3. Pistes de réflexion pour l’intégration du personnel des ESAT à la démarche d’évaluation interne ................................................................................................ 54 3.1-Le management des compétences du personnel ............................................ 55 3.2-Le management de la communication ............................................................ 61 Conclusion ............................................................................................................... 66 Bibliographie ........................................................................................................... 69 Index des figures et du tableau .............................................................................. 73 Table des matières .................................................................................................. 74 Sommaire des Annexes ........................................................................................... 78 Annexes .................................................................................................................... 79 5 Introduction L es dispositifs sur l’évaluation dans le cadre de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale font partie de la tendance globale qui concerne tous les pays européens dans les dernières années, la politique publique nouvelle ou the new public management. Cette notion revêt deux principales approches : au niveau macro (politique économique gouvernementale) et au niveau micro (établissements publics ou privés mais financés partiellement par le gouvernement). Au niveau des décisions politiques, la France se positionne toujours au centre de deux extrêmes : néo-libéralisme et intervention importante du gouvernement dans l’économie du pays. En principe, le degré du néo-libéralisme qui est au cœur d’un mouvement de modernisation du management public, varie selon le pays. En France, les décideurs publics ont toujours cherché un équilibre entre le modèle fordiste et le modèle keynésien, « la recherche inquiète de la synthèse…, d’une articulation viable entre les exigences de la compétitivité internationale et celles de la cohésion sociale ».1 Comme l’exprime Jobert Bruno, « l’attaque frontale contre le Welfare State à la française cesse, mais il est l’objet d’une réinterprétation profonde où l’instillation des recettes du néo-libéralisme gestionnaire est légitimée par la substitution de la solidarité républicaine à la réduction des inégalités sociales comme principe direct de l’Etat social ».2 La France a donc réussi à garder son « hommage rituel rendu aux droits de l’homme et à la solidarité ».3 En même temps, c’est l’Etat français qui « construit l’armature intellectuelle de la nouvelle stratégie économique ». Cette reprise d’idées du néo-libéralisme débute dans les années quatre-vingts.4 En ce qui concerne la mise en application des grands principes du nouveau management public au niveau des établissements, une attention toute particulière est faite à la gestion des ressources humaines au sein des établissements publics. A jour, les trois 1 BRUNO, Jobert, Le tournant néo-libéral en Europe, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 22. 2 Ibid., p. 23. 3 Ibid., p. 80. 4 Ibid., p. 47. 6 grands développements en restructuration des ressources humaines sont prévisibles : individualisation, dualisation et professionnalisation.5 L’individualisation met en avant la nécessité de traiter chaque professionnel en fonction de ses compétences uniques : la personnalisation des cadres en termes de « salaires au mérite » et « primes individuelles » peuvent réduire le « manque d’efficacité » dans une organisation du travail.6 Toutefois, trop de personnalisation peut mener à la destruction de la cohésion au sein de l’équipe professionnelle et à une trop grande compétitivité entre les membres de cette équipe. En outre, la dualisation est une tendance peu favorable car elle peut créer la « juxtaposition des emplois précaires aux emplois statutaires ».7 Elle peut également devenir une source de nombreuses oppositions, et même de tensions aussi bien entre les fonctionnaires et les non-fonctionnaires qu’entre les fonctionnaires eux-mêmes. Enfin, la professionnalisation répond clairement aux objectifs de la réforme de l’administration en France, parce qu’elle favorise une gestion des ressources humaines basée sur les mérites/qualifications professionnelles et sur une meilleure efficacité.8 Si la gestion des ressources humaines est une sphère où l’application des principes du nouveau management public est véritablement manifeste, d’autres champs subissent également ce processus. Ce n’est pas par hasard qu’on a commencé par la remarque sur l’évaluation de la loi du janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, car il existe un discours populaire qui associe cette loi à « l’évolution marchande et consumériste des liens sociaux » voire à une tendance générale de l’administration publique vers le néo- libéralisme et vers un nouveau management public notamment.9 On constate aussi que le changement dans le vocabulaire même est controversé. Le « patient » est remplacé par « l’usager » ou bien le « client », mettant en place la nécessité de la satisfaction de ce client par la qualité des prestations délivrées.10 Ce changement qui 5 DESMARAIS, Céline et al, « Gestion de personnels publics : évolutions récentes et perspectives » (Synthèse finale), Séminaire de recherche, organisé à la demande de la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique, Octobre 2007. 6 Ibid., p.3. 7 Ibid., pp. 8-12. 8 Ibid., p. 13. 9 VILLARD, M., Les établissements du secteur médico-social seront-ils de « bons » prestataires de services ? (Septembre 2005 – Juillet 2006), http://pagesperso-orange.fr/maurice.villard/evaluea02.htm [Date d’accès: 11 Mars 2008] 10 Ibid., pp. 1, 2. 7 fait partie de la démarche qualité dans le secteur social et médico-social est une source de nombreuses divergences. En effet, l’enjeu d’une évaluation d’un établissement du secteur social et médico- social est d’être soit mal-perçue, soit de perdre, même partiellement, sa légitimité. Cette difficulté tient de la spécificité du métier d’un travailleur social qui accepte difficilement cette remise en cause. De plus, l’aspect confidentiel des informations qui circulent ce travailleur social et l’usager risque de faire passer l’évaluation pour du voyeurisme. Enfin, le fait que l’évaluation reste, pour l’instant, un concept importé « du monde de l’entreprise » contribue à ne pas percevoir cet outil comme un développement essentiellement positif par les personnels des établissements sociaux et médico-sociaux dont le travail sera un de sujets de cette évaluation.11 « Gérer, c’est aussi évaluer » suggère le titre d’un ouvrage écrit sur l’évaluation dans le secteur social et médico-social. La réalité aujourd’hui est que les directeurs des secteurs de l’action sociale et médico-sociale se trouvent également face à une problématique qui peut aussi être exprimée dans une manière plus proche du terrain : « gérer, c’est aussi préparer son personnel pour l’évaluation ». L’objet de cette étude va porter sur la volonté des directeurs des établissements sociaux et médico-sociaux d’intégrer d’une manière souple l’évaluation dans le fonctionnement des structures ; c’est-à- dire de préparer et d’accompagner les personnels afin de satisfaire aux exigences légales ainsi que d’améliorer la qualité de l’accompagnement, des activités et des prestations qui reste, en effet, un des objectifs de la loi du 2 janvier 2002. Le lieu de mon étude est l’Association Lyonnaise Gestionnaire d’Etablissements privés pour Déficients mentaux (ALGED) où j’ai effectué mon stage de cinq mois. L’ALGED, créée en 1954 par un groupe de parents, est une association qui œuvre pour la défense des droits des personnes présentant des déficiences intellectuelles. Elle est composée de quatre Etablissements de service et d’aide par le travail (ESAT), trois Foyers de vie, trois Foyers d’hébergement, et sept autres types de service. Elle emploie quatre cents salariés et accueille mille cent seize personnes handicapées. La mission essentielle de l’ALGED se traduit par « la création, le développement, la gestion d’établissements, de 11 BAUDURET, Jean-François, JAEGER, Marcel, Rénover l’action sociale et médico-sociale : Histoire d’une refondation, Paris : DUNOD, 2002, p. 146. 8 services ou de toute autre forme d’action visant à répondre aux besoins des populations en difficultés ainsi qu’à permettre la promotion de leur autonomie, de leur bien-être et de leur épanouissement ».12 L’ALGED a débuté la démarche évaluation interne en juillet 2006 par ses propres moyens. L’objectif de l’Association consiste à mettre en place « l’évaluation de l’accompagnement, des activités et de la qualité des prestations » sur cinq ans dans ses établissements afin de répondre aux demandes de la loi 2002-2 et ainsi se préparer aux évaluations externes également prévues dans le dispositif. Aujourd’hui, l’ALGED a réalisé les évaluations internes dans six de ces établissements : un Foyer d’Hébergement en juillet 2006 un Institut Médico-Educatif en novembre 2006 un Accueil de Jour en mars 2007 un Service d’Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS) en juillet 2007 un ESAT en mars 2008 un ESAT en juin 2008. L’objectif de mon mémoire consiste à mener une réflexion sur le changement des attitudes de l’ensemble du personnel des établissements de l’ALGED, sur les résultats des évaluations internes qui sont faites ou qui sont en cours et qui par la suite serviront à l’amélioration continue et stratégique de l’association. De manière à suivre l’analyse complète, je développerai le plan suivant : 1. une étude des enjeux et le contexte : l’évaluation dans le secteur social et médico- social avec un traitement particulier de la loi 2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale ; 2. une étude comparative de trois ESAT qui inclut l’analyse du management des évaluations internes par la direction de l’ALGED y compris celles auxquelles j’ai pu assister ; 12 Cf. Annexe 1, Projet Associatif « ALGED 2010 », p. 77 9 3. des recommandations stratégiques sur la préparation du personnel aux évaluations, c’est-à-dire la gestion des ressources humaines face à l’évaluation. En effet, c’est ce personnel qui contribuera à la prise en charge positive d’une démarche d’évaluation interne et, éventuellement d’une démarche d’évaluation externe au sein de l’institution. 10
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