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L'Europe mathématique : Histoires, Mythes, Identités / Mathematical Europe: history, myth, identity PDF

293 Pages·2006·15.588 MB·English, French
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Preview L'Europe mathématique : Histoires, Mythes, Identités / Mathematical Europe: history, myth, identity

MATHEMATICAL L’EUROPE EUROPE MATHÉMATIQUE History, Myth, Identity Histoires, Mythes, Identités edited by SOUS la direction de Catherine Goldstein, Jeremy Gray Catherine Goldstein, Jeremy Gray and Jim Ritter et Jim Ritter Librairie européenne des idées Librairie européenne des idées Publiée avec le concours du Publiée avec le concours du Centre national du livre Centre national du livre Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Paris Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Paris Maison des sciences de l’homme - Bibliothèque Éléments de catalogage avant publication Mathematical Europe : history, myth, identity / ed. by Catherine Goldstein, Jeremy Gray and Jim Ritter = L’Europe mathématique : histoires, mythes, identités / sous la dir. de Catherine Goldstein, Jeremy Gray et Jim Ritter. - Table des matières Paris : Ed. de la Maison des sciences de l’homme, 1996. - X-575 p. : ill. ; 24 cm. - (Librairie européenne des idées). Issu d’un colloque-satellite du Congrès européen de mathématiques, et tenu à Paris du 3 au 6 avril 1992. - Textes en anglais et en français. - Bibliogr. p. 543- 545 et en fin de contribution. Notes bibliogr. Index. - ISBN 2-7351-0685-3 Copyright 1996 Préface....................................................................................................................ix Fondation Maison des sciences de l’homme Imprimé en France Introduction (en français)...................................................................................... 1 Introduction (in English)...................................................................................... 7 Illustrations Les origines des mathématiques européennes Couverture : Mathématique. Pages de titre : Mathématique et Europe. Iconologie, ou explication nouvelle de plusieurs images tirées des recherches et Catherine Goldstein figures, de Cesar Ripa, moralisées par Baudoin Premiere, avec des gravures de À la recherche des origines : Jacques de Bra. Paris, Guillemot, 1644. Clichés Bibliothèque nationale de contenus, sources, communautés et histoires...........................................15 France, Paris, cote Z 515. 1. Bernard ViTRÀC Mathématique : « Par son age un peu avancé, nous sommes advertis que cette Mythes (et réalités?) science estant des plus belles et des plus certaines, pource qu’elle n’agit que par dans l’histoire des mathématiques grecques anciennes .........................33 demonstrations, on ne doit pas s’estonner qu’il faut du temps et de l’assiduité pour l’acquérir. Par son habit transparent, que les preuves qu’elles donne sont si 2. Kim Plofker claires et si évidentes qu’à moins que d’estre despourvu de sens commun, il est How to appreciate Indian techniques impossible de les mettre en doute. Et par les aisles de sa teste, qu’avec la force for deriving mathematical formulas?.............................................................55 de son esprit, elle s’esleve a la contemplation des matières les plus hautes et les 3. Roshdi Rashed plus spéculatives. » Modernité classique et science arabe.............................................................69 4. Tony Lévy La littérature mathématique hébraïque en Europe Relecture du XI® au XVI® siècle.........................................................................................85 Olivier Grussi 5. Jens H0YRUP Nora Scott The formation of a myth : Greek mathematics — our mathematics....................................................103 Index Cécile Thiébault 6. Giovanna Cifoletti The creation of the history of algebra Composition et mise en pages in the sixteenth century................................................................................123 Catherine Goldstein et Jim Ritter 7. Colin Fletcher Mersenne : sa correspondance Responsable de fabrication, conception et couverture et V academia parisiensis.............................................................................145 Susanne Faraut Table des matières VII VI TABLE DES MATIERES 8. Jean Dhombres 19. Peter Schreiber Johan August Grunert and his Archiv der Mathematik und Physik Une mathématique baroque en Europe : réseaux, ambitions et acteurs........................................ 157 as an integrative factor of mathematics.......................................................433 9. Henk Bos 20. Marie-José Durand-Richard L’école algébrique anglaise Tradition and modernity in early modem mathematics : Viète, Descartes and Fermat........................................... 185 et les conditions conceptuelles et institutionnelles d’un calcul symbolique comme fondement de la connaissance . . . . 447 21. Roman Duda U Europe mathématique à ses frontières Fundamenta Mathematicae and the Warsaw school of mathematics . 481 22. Lubo§ Novy Jim Ritter Les mathématiques et l’évolution de la nation tchèque (1860-1918) . 501 The limits of European mathematics : 23. Herbert Mehrtens centres and peripheries................................................................................207 Modernism vs counter-modemism, nationalism vs internationalism : 10. Karine Chemla style and politics in mathematics 1900-1950 ........................................ 519 Que signifie l’expression de « mathématiques européennes » vue de Chine?....................................221 Conclusion (en français)....................................................................................531 11. Annick Horiuchi Conclusion (in English)....................................................................................537 Sur la recomposition du paysage mathématique japonais au début de l’époque M eiji.....................................................................249 Bibliographie complémentaire.........................................................................543 12. Jaroslav Folta Les auteurs.........................................................................................................547 ‘Local’ and ‘general’ developments in mathematics : Index....................................................................................................................553 The case of the Czech Lands.....................................................................271 13. Zofia Pawlikowska-Brozek On mathematical life in Poland..............................................................291 14. Christine Phili La reconstruction des mathématiques en Grèce : l’apport de loannisCarandinos (1784-1834)........................................ 305 15. Eduardo Ortiz The nineteenth-century international mathematical community and its connection with those on the Iberian periphery ......................323 À Vintérieur de VEurope mathématique Jeremy Gray Nineteenth-century Mathematical Europe(s)............................................347 16. Gert Schubring Changing cultural and epistemological views on mathematics and different institutional contexts in nineteenth-century Europe...................363 17. Hélène Gispert Une comparaison des journaux français et italiens dans les années 1860-1875 ................................................................................. 391 18. Hélène Gispert & Renate Tobies A comparative study of the French and German Mathematical Societies before 1914...................................................................................................................409 Préface L’impulsion pour ce projet est venue d’Eva Bayer, qui nous suggéra en 1990 d’organiser une table ronde sur l’histoire dans le cadre du premier Congrès eu­ ropéen de mathématiques. Nous tenons à l’en remercier, ainsi que les autres membres des divers comités d’organisation de ce colloque, qui ont accepté sans réticence — et parfois avec des marques d’intérêt — la manière détournée que nous avions choisie pour évoquer l’Europe mathématique et qui nous ont offert l’opportunité et les moyens de mener à bien cette entreprise. C’est à ce stade qu’un comité scientifique international a été formé, composé de Jeremy Gray (Milton Keynes, Grande-Bretagne), Jens Hpyrup (Roskilde, Dane­ mark), Norbert Schappacher (Strasbourg, France) et Erhard Scholz (Wuppertal, Allemagne). Nous nous sommes réunis à plusieurs reprises, à Paris (Collège de France, comité d’organisation du colloque européen) et à Oberwolfach (Mathe- matisches Forschungsinstitut), pour rassembler les propositions et suggérer des intervenants. Il est vite apparu que quelques heures de discussion ne suffiraient pas à traiter les thèmes qui nous paraissaient importants et nous avons donc décidé d’organiser une conférence à Paris du 3 au 6 avril 1992, pour permettre la mise en commun des recherches nécessaires et favoriser les échanges. Acceptée comme colloque- satellite du Congrès européen de mathématiques, cette conférence a bénéficié de l’accueil de 1’Unesco (division de Philosophie) et de l’École normale supérieure, ainsi que du soutien logistique et financier du Centre national de la recherche scientifique (section 01 du département spm et section 35 du département shs), de l’université de Paris 8, du ministère de l’Éducation nationale (dagic) et du ministère de la Recherche et de la Technologie (programme Accès). Les différents chapitres de ce livre sont issus des communications à cette conférence. Elles ont toutes été reproduites, sauf deux, celles de Harvey Becher et Umberto Bottazzini — alors en cours de publication et dont on trouvera les références dans la troisième partie : leurs auteurs ont néanmoins activement par­ ticipé au projet et nous leur exprimons ici toute notre gratitude. L’intégralité de la conférence a été enregistrée et le contenu des débats intégré dans les chapitres correspondants ou dans les introductions. La table ronde finale, orientée sur IX X PRÉFACE les problèmes actuels de l’éducation, a fait l’objet d’une publication séparée : Goldstein, Catherine (éd.). 1993. Les Mythes historiques, sociaux et culturels des mathématiques : leur impact sur l’éducation. Paris, irem— Paris VII (n° 82). Des synthèses partielles ont ensuite été préparées par le comité scientifique, ainsi que par Henk Bos, Karine Chemla, Giovanna Cifoletti, Hélène Gispert et Eduardo Ortiz. Elles ont été exposées dans la table ronde : « Mathematical Europe : Introduction myth or historical reality ? », lors du premier Congrès européen de mathématiques, qui s’est tenu du 6 au 10 juillet 1992 sous les auspices de l’European Mathematical Society et de diverses sociétés savantes. On trouvera le bilan de cette table ronde dans : Goldstein, Catherine & Ritter, Jim (coord.) 1994. « Mathematical Europe. Myths and Historical Realities », in : First European Congress of Mathematics. Bâle/Boston/Berlin, Birkhauser : III, 157-182. Restait la mise au point du volume global.. .Nous souhaitions qu’il atteigne un Ce livre est au départ un ouvrage de circonstance : c’est en 1991 que s’est cons­ public plus large que celui des mathématiciens : nous sommes très reconnaissants tituée la Société mathématique européenne. Son objectif principal était de profi­ à Maurice Aymard de nous avoir accueillis dans cette collection et d’avoir mis ter de la mise en place plus générale d’une communauté européenne, politique, à notre disposition l’aide rigoureuse des Éditions de la Maison des sciences de économique et culturelle, pour fédérer des initiatives et des projets aptes à pro­ l’homme, tout particulièrement celle de Suzanne Faraut. mouvoir les mathématiques sur le territoire européen et au-delà. Mais, comme Nous profitons de cette préface pour exprimer notre immense gratitude et notre dans d’autres champs, ont parfois ressurgi pour justifier ce rassemblement des ar­ amitié à Jeremy Gray, qui a courageusement accepté de soutenir notre énergie en guments fondés non sur les opportunités et les nécessités du présent (ou du futur), coordonnant avec nous une partie de ce volume. Nous sommes en revanche seuls mais sur un recours à l’histoire passée des mathématiques. Les mathématiques, responsables de la frappe finale et de la composition de l’ouvrage. selon ces arguments, seraient au fond une création proprement européenne. Cette Un aussi long projet, dont nous espérons d’ailleurs qu’il se prolongera encore, vision est confortée par un récit banal du développement des mathématiques qui, n’aurait pu se concrétiser sans des aides nombreuses et de toutes sortes. C’est dans sa forme complète, se résume ainsi : nées dans l’Antiquité grecque, ou­ avec un grand plaisir que nous nous en souvenons aujourd’hui. Outre les per­ bliées dans le sombre obscurantisme de l’époque médiévale, les mathématiques sonnes et les institutions déjà mentionnées, nous remercions aussi, dans l’ordre se seraient créées une seconde fois au xvii® siècle, en Europe occidentale, avec alphabétique et le désordre d’apparition, Martin Andler, Marcelle Bonnardel, Éric Brian, Ernest Coumet, Oliver Grussi, Dominique Ho-Tin-Noe, Françoise Kahn, Galilée, Descartes, Newton, Leibniz ; montrant peu à peu leur efficacité grâce à Max Karoubi, Monique Le Bronnec, Jean Mortier, Fulbert Mignot, François Mu­ la multiplication de leurs applications possibles, elles se seraient diffusées spon­ rat, Bernard Prum, Jean-Pierre Raoult, Eisa Rollwagen, Marie-Françoise Roy, tanément sur l’ensemble de la planète. Nora Scott, Hourya et Mohammed Allai Sinaceur, Cécile Thiébault, Jean-Louis Pour la plupart des spécialistes contemporains de l’histoire des sciences, ce Verger-Gaugry, ainsi que les participants et participantes des colloques dont est récit est mensonger à plusieurs titres. D’abord, il néglige les apports cruciaux issu ce livre. et les réflexions autonomes de cultures qui se sont développées hors du ter­ ritoire géographique européen : la Chine, les pays d’islam, par exemple. Les mathématiciens de ces civilisations sont présentés comme de simples transmet­ Catherine Goldstein et Jim Ritter teurs, des récepteurs passifs, dans certains cas comme des corrupteurs, d’un savoir d’origine européenne. Ensuite, il tronque les activités mathématiques européennes elles-mêmes. La génération de Descartes s’est appuyée sur un vaste héritage qui ne se réduit pas aux seules sources de l’Antiquité classique. De plus, les relations entre mathématiques et vie économique furent importantes, et multiples, bien avant la modélisation aérodynamique ou les statistiques médicales contemporaines : commerce, architecture, démographie, fortifications, justifièrent ou favorisèrent ainsi le développement mathématique avant le xviii® siècle. INTRODUCTION Introduction Enfin, ce schéma linéaire appauvrit nos chances de repérer les tensions, les autonomie, mais s’ancrent aussi solidement dans l’état des mathématiques qui démarrages, les oublis, la production concrète des connaissances dans leur en­ leur sont contemporaines — celles-ci se révélant plus ou moins accueillantes à vironnement pertinent, les interactions entre politique et développement scien­ la constructivité algorithmique ou à la preuve synthétique, à une forme ou à une tifique, l’insertion culturelle des mathématiques. L’habitude d’ordonner tous les autre de présentation du savoir, mais aussi réfutant ou approuvant la pertinence événements en une chronologie unique porte à croire par exemple qu’il y a une . même de telles distinctions. origine tout aussi unique aux phénomènes observés : on risque ainsi de confon­ Ainsi, accepter l’un ou l’autre de ces mathématiciens, ou les deux, parmi les dre transferts de connaissances et créations indépendantes, et du même coup de pères fondateurs des mathématiques européennes, dépend d’une certaine vision s’interdire de comprendre les uns comme les autres. des mathématiques. Mais aussi d’une certaine vision de l’Europe : il faut en effet Le premier enjeu de cet ouvrage était donc de faire le point sur ces différents y admettre Alexandrie. Et ce n’est pas un des moindres paradoxes de cette Europe aspects et de mettre à la disposition d’un public plus large, incluant en particulier mathématique que son extrême fluctuabilité. Le terme « européen » existe bien les mathématiciens, mais aussi les enseignants, les responsables culturels, etc., en grec, mais son acception est purement géographique, la distinction pertinente des résultats récents d’histoire des mathématiques, qui puissent permettre de étant plutôt celle entre Grecs (européens ou non) et Barbares. Une des premières mieux comprendre ce que recouvre le terme commode mais flou d’« Europe attestations écrites du terme dans un contexte plus culturel est une chronique de mathématique ». Mais un second enjeu a surgi des circonstances mêmes grâce la bataille de Poitiers, en 732, présentant les troupes européennes, c’est-à-dire auxquelles le premier avait semblé brûlant : il nous a paru important d’élucider le ici chrétiennes, face aux musulmans. L’Europe restera longtemps synonyme de fonctionnement de ce récit même, mythique mais sans cesse réactivé, semblait- Chrétienté (avec toutes les ambiguïtés possibles de son rapport à la Grèce païenne il, sur la naissance et le développement des mathématiques. Tout comme les antique), obligeant du même coup à en exclure en partie l’Andalousie médiévale disciplines scientifiques, la discipline qu’est l’histoire des sciences bouge : ces par exemple. Territoire possible pour un rêve d’unification politique sous un seul changements sont-ils répercutés dans les récits en circulation ou non, quand, commandement, rêve qui hantera plus d’un monarque après la quasi-réussite de pourquoi — telles sont quelques-unes des interrogations nouvelles que suscitait Charlemagne. Puis, alors que le christianisme recule comme force d’unité, alors l’actualité même de notre enquête. que des États centralisés revendiquent avec de puissants sentiments nationaux L’histoire des mathématiques occupe une place importante dans la diffusion des une indépendance vis-à-vis de Rome par exemple, l’Europe devient le territoire mathématiques ou plus généralement dans les réflexions sur ce champ, qu’elles intellectuel de référence pour une poignée d’hommes (et quelques femmes) que soient philosophiques, économiques, éducatives. Histoire par force simplifiée, tout par ailleurs semble séparer, lieux de vie, sources de revenus, religions, for­ tout comme les mathématiques qu’on popularise le sont. La nature des simpli­ mations... Au XVII® siècle, sur fond d’affrontements militaires avec les Turcs, fications, le rythme du récit global qu’on en présente, l’insistance sur tel ou tel abondamment répercutés par les gazettes de l’époque qui envoient leurs corres­ aspect, répercutent en les amplifiant les choix propres à la communauté qui en pondants dans les principales villes européennes, au xviii® siècle surtout, l’Europe élabore et en ordonne les éléments de base. En l’occurrence, c’est une certaine désigne pour la nouvelle élite scientifique son réseau d’échanges. Ainsi la Biblio­ identité européenne qui y est forgée ou activée. Il s’agit moins pour nous de nier thèque raisonnée des ouvrages de savants d’Europe affiche-t-elle une volonté qu’elle existe que de montrer comment elle a été construite et transmise : quels officielle de transcender les spécialités par pays, même si la moitié des articles rapprochements y sont favorisés, quelles solidarités récusées, quels jugements de sont écrits en français, tout comme certaines revues dites « internationales » de nos valeur y opèrent. Comme nous le verrons à maintes reprises dans ce livre, les jours publient en une seule langue pour un public relevant à 80 % d’un seul pays. notions d’Europe et de mathématiques sont tout aussi problématiques l’une que L’établissement en Europe de nouveaux États, leurs besoins nouveaux en termes l’autre. d’administration, d’économie et d’enseignement, surtout au xix® siècle, eurent un Prenons un exemple classique pour illustrer ce point. Les traitements des deux impact sur les formes d’institutionnalisation des mathématiques, en connexion mathématiciens alexandrins Euclide et Diophante par les mathématiciens et les avec des professions particulières (les enseignants-chercheurs des universités par historiens ont beaucoup varié de la Renaissance à nos jours. Parfois, ils ont exemple, mais aussi les statisticiens ou les actuaires) dont la plupart sont encore été amalgamés comme les deux facettes, géométrique et algébrique, du même familières de nos jours. Le rêve de l’Europe politique s’est alors modifié vers un phénomène : la création primitive des mathématiques, en Grèce hellénistique, idéal de pouvoirs variés en équilibre plus ou moins stable. la présence au même lieu (sinon à la même époque) des germes nécessaires à L’histoire des mathématiques reflète en partie ces modifications, à cause des l’ensemble de leur futur développement. Parfois, au contraire, ils ont été dis­ nouvelles opportunités et des nouvelles contraintes que ces cadres leur pro­ joints : le premier seul a été retenu comme matrice originelle du savoir, le second curent, et aussi à cause des liens connus entre rapports de domination dans la étant rejeté comme un vestige égaré en Grèce d’un simple exercice oriental. Ces sphère économico-politique et dans la sphère scientifique. Mais en partie seule­ variations dans les jugements sur ces deux figures importantes ont une inévitable ment : adaptations locales, nouvelles synthèses, relations culturelles antérieures. 4 INTRODUCTION Introduction 5 résistance à la puissance colonisatrice sur un champ où les affrontements sont est parachevée par une syncope historiographique et l’élection d’un précurseur moins violents, viennent troubler toute description simpliste. C’est à affiner les grec, Diophante. hypothèses et les explications, c’est à proposer aussi des éléments de réflexion plus réalistes, que visent les textes qui suivent. Comment s’est créée et exprimée Le deuxième thème abordé est celui des limites de l’Europe, de l’Europe à certains moments une identité européenne en mathématiques et pourquoi, mais mathématique à ses frontières. Nous chercherons à observer la notion de « mathé­ aussi quelles Europes pour quelles mathématiques, telles sont les questions prin­ matiques européennes » du point de vue de sociétés qui se voyaient, provisoire­ cipales auxquelles nous avons choisi de nous intéresser. ment ou résolument, à l’extérieur : certaines entretenaient ou avaient entretenu de fortes traditions autonomes, comme en Extrême-Orient ; d’autres avaient ap­ Les réponses s’organisent autour de trois grands thèmes. Le premier, tout na­ partenu au cœur de l’Europe scientifique avant d’être marginalisées, comme turellement, est celui des origines des mathématiques européennes. Notre prin­ Prague, après l’époque de Rodolphe II ; d’autres encore cherchaient à acquérir une cipale conclusion sera que cette question n’est pas tant historique qu’historio­ culture scientifique et technique en même temps que leur autonomie politique. Il graphique. Il existe en effet sur le territoire européen (pris ici dans son sens a paru intéressant d’examiner dans ces différents cas de figure les phénomènes géographique) une grande variété d’activités qu’on peut légitimement décrire de contact et de transfert. Les modalités en ont été multiples. Occupation mili­ comme mathématiques : variété dans leur localisation, spatiale mais aussi sociale ; taire, missions variées, échanges économiques ou à but directement scientifique variété dans leurs objectifs, une meilleure connaissance de Dieu, la résolution de ont exporté pêle-mêle livres, mathématiciens, responsables des programmes de conjectures laissées par des prédécesseurs, l’insertion sociale, la réorganisation formation ; au rebours, parfois, de jeunes scientifiques ont été expédiés vers les d’un corps de résultats en vue d’un enseignement, l’établissement de systèmes de nations en pointe pour y acquérir les connaissances jugées utiles ou se fami­ visée plus fiables, bien d’autres encore ; variété bien sûr dans les résultats obtenus, liariser avec les modèles de diffusion du savoir, intellectuels ou institutionnels. les démarches privilégiées, les méthodes et même les modes de validation ; variété Comment ces conditions ont-elles façonné la réception des mathématiques, leur enfin dans leur relation à leur passé, dans les sources utilisées ou mises en avant. combinaison avec les tendances en place localement ou leur rejet? Quelle vision Au cœur du débat se trouve donc la production de jugements de valeur, sur de l’Europe s’y est-elle formée ou y a-t-elle opéré? Quels facteurs ont-ils favorisé ce qui constitue de bonnes mathématiques ou en tout cas des mathématiques à le rattachement d’un pays, d’une région ou même d’un groupe particulier à une développer, sur ce qui est à retenir, à modifier, à dédaigner, de l’ensemble de zone d’influence mathématique spécifique? Telles sont les questions qui nous l’héritage disponible pour chaque génération, ou même chaque groupe. Fixer une intéresseront dans cette section. origine — ou, dans le récit usuel dont nous avons rappelé plus haut les traits caractéristiques, une double origine, en Grèce antique et au xvii® siècle — aux Le troisième thème enfin est celui des mathématiques européennes en Europe, mathématiques européennes, ce n’est pas constater simplement une évidence à partir du moment où elles acquièrent bon nombre de leurs caractéristiques naturelle, c’est exprimer une opinion implicite sur ce qui compte comme mathé­ actuelles, c’est-à-dire au xix® siècle. C’est à ce moment que se multiplient sou­ matiques et comme Europe, et introduire volontairement dans le récit historique dainement les noms des mathématiciens, des journaux spécialisés, des manuels des discontinuités. Apprécier ces phénomènes est d’autant plus crucial (et dif­ et des articles de référence qu’un mathématicien actuel serait capable de citer ficile) qu’ils sont déjà à l’œuvre chez les mathématiciens du passé et que leurs et de reconnaître. C’est à ce moment aussi que le nombre d’enseignants de propres récits historiques interfèrent avec les nôtres. mathématiques, lié à celui des institutions de formation d’une sorte ou d’une Nous examinerons donc quelques-unes des communautés mathématiques repé­ autre (écoles d’ingénieurs, universités), croît de manière spectaculaire dans une rables entre le xi® et le xviii® siècle en Europe, pour étudier leurs contours, dans bonne partie du territoire européen. Les conditions propres à chaque pays et la la culture où elles vivent, et leurs manières de concevoir les mathématiques, en prise en charge par les États de la formation des mathématiciens à une échelle bien particulier l’innovation dans ce domaine ; mais aussi pour mieux comprendre plus grande qu’auparavant expliquent aussi l’existence de spécificités régionales quelle image elles avaient d’elles-mêmes, de l’Europe, de l’Antiquité, de leurs ou nationales dans le développement mathématique. En même temps, les com­ prédécesseurs immédiats ou lointains. En analysant par ailleurs certaines de leurs munautés mathématiques ont promu des formes d’organisation nouvelles qui racines potentielles, qu’elles soient grecques, arabes, sanscrites, nous verrons favorisaient la diffusion de leurs travaux (au moins certains d’entre eux) et leur comment s’est constitué, chez certains groupes de mathématiciens occidentaux, relation sur le plan international. Nous chercherons donc, à partir de l’étude ce rapport privilégié aux mathématiques grecques qui caractérise une certaine comparative de certains pays, à mettre en évidence quelques-uns de ces facteurs identité européenne — et cela, alors que leurs sources réelles pouvaient être bien d’intégration européenne (journaux, sociétés savantes), mais aussi les facteurs de plus complexes. Le cas de l’algèbre, discipline où les textes écrits en arabe ont été divergence, liés à la politique des États-nations, à la rivalité des systèmes de for­ cruciaux, est particulièrement significatif, car la fondation occidentale du domaine mation, à la solidarité des sujets privilégiés avec certaines priorités nationales par 6 INTRODUCTION exemple. L’expansion de mathématiques vues comme une création européenne à l’ensemble du globe sera ici discutée à la fois du point de vue des processus concrets de la transmission des savoirs, opérant à plusieurs niveaux, et du point de vue idéologique, l’universalisme jouant un rôle spécifique dans certains cercles de la communauté mathématique au tournant de notre siècle. Introduction Si nous avons, tout au long du livre, cherché à identifier des problématiques clés et à les traiter avec quelque détail, nous n’avons nullement parcouru l’ensemble du territoire mathématique européen : ni dans le temps, ni dans la totalité de ses composantes, ni — et c’est peut-être le manque le plus visible — dans l’espace. Des pays comme la Russie, la Bulgarie, la Suède, la Hongrie, d’autres encore, sont à peine évoqués, en dépit parfois d’une présence importante sur la scène mathématique internationale. Outre les évidentes raisons contingentes (disponibilité des auteurs, des sources ou des synthèses adéquates, longueur de This book started its life as a response to a specific state of affairs. It was in 1991 l’ouvrage), notre projet même ne visait pas une exhaustivité géographique : nous that the European Mathematical Society was founded; its aim was to profit from souhaitions réfléchir sur la notion d’« Europe mathématique » comme ques­ the construction of a political, economic and cultural European Community to tion proprement historique, en illustrant la pertinence des interrogations par federate those initiatives and projects which promised to promote mathematics des exemples précis. De même, peu de textes abordent les thèmes les plus ap­ on the European continent and beyond. As often happens in projects of this sort, pliqués des mathématiques : nous verrons que cette négligence n’est pas rare a further justification for the seizing of the opportunities and necessities of the dans l’historiographie des mathématiques européennes, par exemple à la Renais­ present — and future — was sought, in an appeal to the past of mathematics. In sance, et c’est avec une certaine humilité que nous l’avons ici encore*retrouvée. this light, the formation of a European society was felt to be all the more justified On découvrira au moins dans les bibliographies non point de quoi excuser les in that mathematics was seen as properly a European invention. This vision was absences, mais de quoi commencer à étudier, dans les cadres propres à d’autres supported.bp^ the st^dard story of the development of the domain, a story which pays et à d’autres aspects des mathématiques, les questions posées dans ce livre. may be summarized in the following way: Bom in Greek antiquity, slumbering Mais, comme l’a remarqué une participante, les questions les plus naturelles forgotten during the somber obscurantism of the Middle Ages, mathematics were ne sont pas les mêmes pour des chercheurs et chercheuses s’occupant de groupes to be recreated a second time in the seventeenth century and in Western Europe différents de mathématiciens à une époque ou à une autre. Des voix divergentes by Galileo, Descartes, Newton and Leibniz. This reborn discipline, gradually se font entendre dans cet ouvrage, dont nous ne voulions pas réduire la variété. showing its efficiency through the growth in its range of possible applications, Celle-ci se repère aussi dans les approches diverses proposées pour aborder tel ou soon came to spread spontaneously over the entire planet. tel aspect particulier et, à ce titre, ce livre offre un vaste échantillon des tendances This story will strike most contemporary specialists of the history of science contemporaines de l’histoire des mathématiques. Les introductions à chaque par­ as fallacious from several points of view. First of all, it ignores the cmcial and tie suggèrent des portes d’entrée possibles aux différentes contributions, mais autonomous contributions from civilizations which have arisen outside the Euro­ nous ne pouvons que souhaiter que d’autres soient essayées. Le rapprochement pean continent: China, the Islamic world among others. In the traditional history, des interrogations trace toujours de nouvelles voies de recherche dont nous ne mathematicians from these societies are presented as mere passive receivers and connaissons pas l’issue. Ce sont elles en tout cas que nous avons cherché à ouvrir. transmitters — even corrupters — of a European-originated knowledge. Secondly, this view impoverishes European mathematics themselves. Des­ cartes and his contemporaries profited from a rich heritage which is not simply reducible to sources from classical Antiquity. Important and complex relation­ ships bound mathematics to contemporary economic life, even before the so­ phisticated dynamic simulations, econometrics, and medical statistics of today; commerce, architecture, demographics and fortifications were among the many fields which justified or favoured the development of mathematics in the period prior to the eighteenth century. 8 INTRODUCTION Introduction Then again, such a linear scheme frustrates any attempt to pick out the tensions, will dominate, depending on whether contemporaneous mathematics privileges restarts, neglects, interactions; in short, the concrete production of mathematical more an algorithmic constructivism or a synthetic proof approach, more one or knowledge in its many relevant contexts — scientific, political, cultural, ...Our another form of presentation of its results, or on whether such distinctions will habit of ordering all events into a single chronological list can mislead us into be considered at all relevant thinking, for example, that there is a corresponding single origin to the observed In short, the acceptance of one or the other of these mathematicians as a Found­ phenomena. Here we run the risk of confusing knowledge transfer and knowledge ing Father of European mathematics depends on a certain view of mathematics production, with the result of cutting ourselves off from understanding either one. itself. And more, it depends on a particular vision of Europe itself, one in which Hence the nature of the initial task we set ourselves: to outline a synthesis of the city of Alexandria is European. Precisely one of the many paradoxes of current knowledge concerning these different aspects, and to place these results mathematical Europe is its extremely fluctuating nature. If the word ‘Europe’ before a general public, including mathematicians, teachers and those interested is indeed Greek, its meaning in classical times is a purely geographic one, the in general cultural questions. But from the very circumstances of its origin, the pertinent distinction being rather between ‘Greek’ (European or not) and ‘Bar­ colloquium inspired a series of related questions: How do myths of the origin barian’ (European or not). One of the earliest known written uses of the term and development of European mathematics begin? How do they function? Like ‘Europe’ in a cultural context is in a chronicle of the Battle of Poitiers in 732, all scientific disciplines, the history of science changes; how, if at all, and when describing the ‘European’, i.e. Christian troops, as opposed to their Muslim op­ and why are these changes incorporated into the stories which circulate among ponents. ‘Europe’ will long remain a synonym for ‘Christiandom’ — with all the mathematicians and the general public? ambiguity that implies for its relation to ancient pagan Greece and Rome, as well The history of mathematics occupies an important place in the diffusion of as to Muslim Andalusia in the medieval period. both mathematics and, more generally, philosophical, economic or pedagogical ‘Europe’ as as single political entity under a single chief will be a dream that reflections on the field. By the nature of things, popularizations of history — will haunt more than one monarch after the half success of Charlemagne. Then, like those of mathematics — schematize. The nature of these simplifications, the with the weakening of Christianity as a unifying force and the development of rhythm of the general story that is presented, the insistence on one or another centralized nation-states claiming, in the name of national sentiment, an increased aspect of the subject, transmit and amplify the choices made by the community independence of Rome, Europe will become an intellectual point of reference for which elaborates and orders the basic elements. This book is about this process a very heterogeneous handful of men — and women — differing in geographical in the context of the forging and activation of a certain European identity. location, source of incomè, religion, education, .... In the seventeenth century, Our point is not so much to deny that such an identity exists as to show how it was with its background of military struggle with the TYu-ks, as amply relayed by the constructed and transmitted, what connections were favoured, what separations correspondents in each of the major cities of the continent to the new Gazettes of were induced, what value judgments were imposed. In short our object is to the period, but more particularly in the eighteenth century, ‘Europe’ will designate undermine the apparent transparency of a story which is much richer and more a new scientific elite’s own network of exchange. Thus the Bibliothèque raisonnée complex than the stereotype which may circulate at any given time. And indeed, des ouvrages de savants d’Europe publicly advertises its desire to transcend we shall often see in the course of this book how the two ideas, of Europe and of narrow national boundaries — even if half of its articles are written in French (but mathematics, are equally problematical. then a number of journals of our own period who call themselves “international” Let us take a classic — and classical — example to illustrate this last point. publish in a single language, for a public 80 % of which inhabit a single country). The treatment awarded to the two Alexandrian mathematicians, Euclid and Dio- The creation of new states in Europe, particularly in the nineteenth century, with phantus, by mathematicians and historians has varied greatly in the period running new needs in administration, economics, and teaching, will have an impact in from the Renaissance to modem times. Sometimes they have been amalgamated, turn on the forms of institutionalization of mathematics, especially in terms of the seen as geometric and algebraic seeds in the same pod, that of the original creation development of specialized professionals — university teachers and researchers, of mathematics in Hellenistic Greece. The presence in the same place (if not at the statisticians, actuaries, among others — of which most are still active categories same moment) of those germs bore within them the totality of later mathematics. today. The dream of a political Europe will have been modified in the direction of At other moments the two mathematicians have been rendered asunder, with the an ideal of a number of countervailing powers in more or less stable equilibrium. first alone seen as the source of all positive knowledge, the second being relegated The history of mathematics reflects, partially, these changes; new opportunities to the role of a mere piece of Oriental flotsam washed up on the shores of Greece. and new constraints arising out of well-known links between relations of domina­ The contradictions in the judgments rendered by posterity of these two important tion in the economic and political sphere on the one hand and the scientific on the figures have necessarily a certain autonomy; but they are equally anchored in the other. But in part only, for local adaptations, new syntheses, former cultural ties, state of development of the mathematics of their time. One or the other picture transferral of resistance to a colonizing power to an area in which conflict is less 10 INTRODUCTION Introduction 11 violent, all these trouble an overly mechanical identification of ‘external’ and ‘in­ The second theme to be taken up will be that of the limits of Europe, a view ternal’ influences. The chapters which follow, we trust, will serve to sharpen and of ‘European mathematics’ as seen from its frontiers, from the point of view of refine hypotheses and explanations, to propose more sophisticated and realistic societies which see themselves, provisionally or permanently, as ‘other’. Some elements of reflection. Not only how and why, at certain moments, a European have or had strong autonomous traditions, like the Far East; others had once identity in mathematics was created and expressed, but also what Europe(s), for belonged to the heart of scientific Europe before being marginalized, like Prague what mathematics. Such are the principal questions we have chosen. after Rudolf II. Still others seek to acquire a scientific and technical culture simultaneously with their political autonomy, like Poland. The answers to these questions given in this book can be organized around It is interesting to examine these different test cases at the points of contact three principal axes. First of all, of course, there is the analysis of the origin and of transfer: military occupations, diplomatic and trade missions, economic or of European mathematics. Here the main point is that this question is in fact directly scientific exchanges. At one end, often, mixed imports of books, mathe­ not really an historic one at all but rather historiographic. There have existed in maticians and educators; at the other, sometimes, exports of young scientists, sent Europe (taken here in its geographic sense) a large variety of activities that one to one or another of the core areas of Europe in order to acquire a knowledge may legitimately describe as mathematical. These will be variable, of course, judged useful, and to familiarize themselves with its various models of intellectual in the results obtained, the methods preferred and even the acceptable means of and institutional diffusion. How have these conditions fashioned the reception of validation. But they may also be variable in their location — spatial and social; in mathematics? How have they combined with local tendencies to foster acceptance their objectives — a better understanding of God, the resolution of conjectures left or rejection? What factors favour the attachment of a country or a region — or a by the Ancients, a means of upward social mobility for a group or an individual, particular group — to a specific mathematical zone of influence? the reorganization of a body of results for pedagogical purposes, the establishment of a more reliable optical guidance system; and finally in their relation to the past Finally, in the third part, we look at Europe from inside Europe, at that point — the sources utilized and the authority attributed to them. in time, the nineteenth century, at which European mathematics acquire a good At the heart of the various stories there is to be found the production of a series number of their current characteristics. This is the period in which mathemati­ of value judgments: what constitutes ‘good’ mathematics, or, at least, what is to be cians, specialized journals, textbooks and reference articles, all bear names that retained, modified, disdained in the overall heritage available to each generation, a mathematician of today will be able to easily recognize and to cite. This is also and to each group within a generation. To fix an origin for European mathematics the time when the number of teachers of mathematics, linked to one or another — and in the canonical myth, we recall, there are two, ancient Greece and the educational institution, universities or engineering schools, grows explosively in seventeenth century — is not then the recognition of an ‘evident truth’, but the a good part of the territory of Europe. The specific conditions in each coun­ expression of an opinion as to what will count as mathematics and what will try, coupled with the assumption of responsibility by the various national states count as Europe. It is, moreover, to voluntarily introduce discontinuities into the for the education of mathematicians on a much larger scale than hitherto, help historical narrative. To add to the complexity, and the difficulty, of the affair, explain the existence of regional or national inequalities in the development of there is the fact that all these considerations have already been at work in the mathematics. At the same time, certain mathematical communities promote new mathematicians of the past, their historical narratives interfering with our own. forms of organization, which favour the diffusion of (a part of) their production The first part of the book thus examines several of the mathematical com­ on an international level. munities which can be identified as active in Europe between the eleventh and Starting then with the comparative study of a number of countries, we will eighteenth centuries, studying their contours within the culture of which they were try to bring out a number of the factors promoting European integration — such a part, their ways of understanding mathematics and mathematical innovation, as journals and scientific societies — as well as those making for divergence — their visions of themselves, of Europe, of Antiquity, their immediate and their among which must often be counted the politics and priorities of nation states and distant forebears. In addition we shall be looking at some of the possible roots, the rivalry of different educational systems. The expansion of ‘European’ mathe­ whether these be Greek, Indian or Arab; in so doing we shall see the ways in matics, at the turn of the century, to the whole of the globe, well be regarded here which relations with Ancient Greece came to be particularly privileged by certain from the point of view of the accompanying universalist ideology. In all cases, it groups of Western mathematicians, at the expense of the complex reality of the has been the interaction between these factors and the echos or rejections that they real past. The case of algebra, a discipline where written Arabic texts played a have engendered within certain privileged circles of the mathematical community crucial role, is particularly revealing from this aspect, for the Western accultur­ that has, in large part, historically determined the dynamic of development and ation of the domain was accompanied by an historiographic telescoping of the expansion. past in favour of a Greek precursor in the person of Diophantus.

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