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lettres sur les anglais et les français PDF

199 Pages·2013·1.18 MB·French
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Béat-Louis de Muralt LETTRES SUR LES ANGLAIS ET LES FRANÇAIS 1725 édité par les Bourlapapey, bibliothèque numérique romande www.ebooks-bnr.com Table des matières LETTRE D’UN AMI DE L’AUTEUR AU LIBRAIRE, CONTENANT L’HISTOIRE DE CES LETTRES. ...................... 3 LETTRES SUR LES ANGLAIS. ............................................... 6 PREMIÈRE LETTRE. .................................................................. 7 SECONDE LETTRE. .................................................................. 21 TROISIÈME LETTRE. .............................................................. 33 QUATRIÈME LETTRE. ............................................................. 48 CINQUIÈME LETTRE. ............................................................. 57 SIXIÈME LETTRE. ................................................................... 68 LETTRES SUR LES FRANÇAIS. ......................................... 80 LETTRE PREMIÈRE. ................................................................ 81 LETTRE SECONDE. .................................................................. 91 LETTRE TROISIÈME. ............................................................ 108 LETTRE QUATRIÈME. ........................................................... 130 LETTRE CINQUIÈME. ........................................................... 150 LETTRE SIXIÈME. .................................................................. 177 Ce livre numérique : .............................................................. 198 LETTRE D’UN AMI DE L’AUTEUR AU LIBRAIRE, CONTENANT L’HISTOIRE DE CES LETTRES. En vous envoyant ces lettres pour les rendre publiques, il me paraît nécessaire, Monsieur, d’y ajouter quelques éclaircis- sements qui regardent la personne de l’auteur, et la destinée que cet ouvrage a eue dès sa naissance. Je vous prie de les placer à la tête du livre. L’auteur de ces lettres est un gentilhomme suisse que l’on ne nomme pas ici, par la raison que cet ouvrage n’est pas celui par lequel il lui convient d’être connu. Il les écrivit il y a près de 30 ans, ce qui serait peu nécessaire de remarquer, n’était que quelques usages qui s’y trouvent rapportés, pourraient bien avoir changé depuis ce temps-là. Dans la suite l’auteur se trouva peu à peu si fort pénétré de la vanité des choses du monde, qu’il prit le parti de le quitter et de vivre dans la retraite. Les senti- ments qu’il prit en même temps sur le culte extérieur à l’occasion des abus qui y règnent, l’ayant porté à le quitter aussi, le magistrat le bannit du pays, et il se retira dans les pays étran- gers, où il a continué, et continue encore, la vie retirée qu’il a embrassée. Cette route le conduisit bientôt dans les sentiers étroits, qui demeurent inconnus à ceux qui n’y marchent pas, et dans toutes sortes de renoncements à ses penchants les plus chers. Cet ouvrage, aimé apparemment de son auteur, comme – 3 – les ouvrages le sont d’ordinaire, a été de ce nombre. Par un mouvement de conscience, il ramassa toutes les copies qu’il en put trouver et les brûla avec l’original qu’il avait entre ses mains. Cependant, et nonobstant tous les soins qu’il prit, quelques-unes des copies ont échappé à ses recherches, et ont été conservées à son insu. Il est même arrivé qu’une de ces lettres a été imprimée depuis peu en Hollande, avec avis que d’autres le seraient, bientôt. Cette circonstance, jointe à celle de plusieurs lettres contrefaites, qui couraient sous le nom de l’auteur, a donné lieu à quelques-uns de ses amis de ramasser de ce débris, ce qui pouvait s’en trouver encore, et d’ajuster le tout ensemble dans la meilleure forme qu’il leur serait possible. Leurs soins ont si bien réussi, que peu à peu elles se sont re- trouvées, quoique pour la plupart, pleines de fautes de toutes espèces. Réjouis de leur acquisition, ils ont cru qu’elles leur ap- partenaient en propre, comme un bien abandonné de son Maître, et sans désavouer le sacrifice que l’auteur en a fait, qu’ils envisagent comme l’effet d’une conscience très délicate, et qui au fond ne diminue en rien le prix de l’ouvrage, ils les ont jugées dignes d’être rendues publiques, et ont résolu de les faire im- primer. Ils ont communiqué leur dessein à l’auteur, et deux an- nées de sollicitations qu’ils lui ont faites en vain, pour le porter à les revoir, leur ont assez prouvé qu’il se conduit par de tout autres principes, que ceux que les hommes ont d’ordinaire. En- fin, il s’est trouvé dans la liberté de les revoir, et de les retou- cher. Les Lettres sur les Anglais ayant moins souffert que les autres entre les mains des copistes, se sont conservées à peu près telles qu’elles furent composées d’abord. Celles sur les Français, se font trouvées en si mauvais état et si mutilées, qu’elles étaient presque méconnaissables ; elles avaient même besoin d’être remplacées en une infinité d’endroits, qui se trou- vaient perdus. L’auteur, quoique dans une situation d’esprit fort différente de celle où il était lorsqu’il les écrivit, a cru, de même que ses amis, qu’il fallait laisser l’ouvrage dans le fond tel qu’il avait été composé, et n’y faire que les corrections les plus néces- saires, pour en rendre, comme il disait, la lecture moins inutile. – 4 – Mais la matière une fois entamée, l’a mené plus loin qu’il ne croyait aller, et lui a donné lieu de former un nouveau dessein où il entre peut-être plus de sérieux qu’il n’en paraît d’abord. Le style plus négligé, et les pensées d’un plus grand poids, mar- quent allez la différence des deux périodes de cet ouvrage et prouveront, sans doute, aux connaisseurs, qu’il n’a rien perdu d’avoir été brûlé. Tel qu’il est nous le présentons au public, sans craindre de nous attirer le blâme d’avoir augmenté le nombre prodigieux des livres inutiles. Au reste, on est persuadé que le lecteur trouvera, que si la Providence est intervenue pour faire brûler ces lettres, elle n’a pas eu moins de part à leur conserva- tion ; et l’on espère que le public saura quelque gré aux per- sonnes qui les lui présentent, par l’édition qu’ils en procurent. Je suis, Monsieur, etc. – 5 – LETTRES SUR LES ANGLAIS. – 6 – PREMIÈRE LETTRE. Pendant que je suis en Angleterre, je veux, Monsieur, vous dire quelque chose des mœurs et du caractère des Anglais, au- tant par amusement que par un dessein sérieux de faire un por- trait de cette nation qui vous la fasse bien connaître. Je vous in- formerai de tout ce que je verrai, mais je n’irai pas bien loin pour voir ; vous saurez les choses exactement, mais ce sera comme je les concevrai ; c’est-à-dire qu’avec toute mon exacti- tude nous pourrons quelquefois être trompés tous deux. En un mot, en tout ce que je vous écrirai, j’aurai la vérité pour but, mais je ne vous réponds pas de la rencontrer toujours, et il y au- rait, à mon avis, de la témérité à en répondre. Les endroits par où les Anglais sont principalement connus dans le monde sont ceux mêmes qui se font remarquer quand on arrive chez eux ; de la prospérité, de la magnificence chez les grands, et de l’abondance chez les petits1. On y aperçoit aussi les fruits ordinaires de la prospérité ; la corruption et une espèce de fierté, que les gens qui en sont incommodés appellent volontiers insolence. La corruption y est montée à un tel point, que même on ne s’en cache plus. J’en ai quelquefois entendu attribuer la cause au roi Charles II, qu’on dit avoir donné des exemples con- tinuels d’excès et de débauches ; mais il me paraît que les An- 1 Époque du règne conjoint de Guillaume III d’Orange et de Marie Stuart II. – 7 – glais n’ont pas besoin d’être incités par des exemples extraordi- naires, pour être tels que nous les voyons : généralement par- lant, ils ont peu d’éducation, beaucoup d’argent à dépenser, et toutes les occasions possibles de s’adonner au vice ; ainsi les gens vicieux doivent nécessairement se trouver parmi eux en grand nombre. Ajoutez à cela que l’Angleterre est un pays de li- berté et d’impunité : chacun y est ce qu’il a envie d’être, et de là viennent, sans doute, tant de caractères extraordinaires, tant de héros en mal comme en bien, qu’on voit parmi les Anglais. C’est aussi ce qui leur donne une certaine liberté de pensées et de sentiments, qui ne contribue pas peu au bon sens qui se trouve chez eux, et qui s’y trouve assez généralement, pour mettre quelque différence entre cette nation et la plupart des autres. Leur fierté, ou, si j’ose me servir du terme établi, leur inso- lence, n’est ni si grande, ni si générale qu’on la fait : quelques personnes en trouveront peut-être à ce peuple, en ce qu’il n’a pas beaucoup d’égard pour les grands et qu’il n’est pas prêt à leur céder aussi facilement qu’on fait partout ailleurs. On en remarque aussi dans l’extrême sensibilité qu’il témoigne sur tout ce qui touche à sa liberté, et dans la manière violente et emportée dont il prend quelques-uns de ses plaisirs. À l’égard des étrangers, je ne lui trouve rien de fort insolent, au moins dans l’ordinaire de la vie, et je ne vois pas sur quoi est fondée la grande différence qu’on met à cet égard entre ce peuple et quelques autres. Généralement, il s’en faut beaucoup que les Anglais aient pour nous des manières aussi dures et choquantes que la plupart des gens se l’imaginent : ils ne se soucient pas fort de nous, quand ils ne nous connaissent pas ; et, lorsqu’ils nous connaissent, ils nous font sentir quelquefois qu’ils s’estiment plus que nous : voilà tout. Ils ont une forte préven- tion pour l’excellence de leur nation, et cette prévention influe dans leurs discours et dans leurs manières ; c’est ce qui donne lieu aux étrangers de se plaindre d’eux. Il y a de l’apparence qu’une même prévention fait la folie de la plupart des peuples ; mais comme ils ont besoin les uns des autres, ils la cachent pour entretenir la société. Les Anglais ne sont pas retenus par cette – 8 – considération : assez riches pour se pouvoir passer des autres, et séparés d’eux par la mer, ils se contraignent moins là-dessus ; nous devons nous en scandaliser d’autant moins qu’il leur est ordinaire de ne se contraindre en rien. Outre les grandes richesses et le mépris des étrangers, il me semble qu’il entre dans l’idée ordinaire qu’on a de l’Angleterre que les hommes y sont braves et les femmes belles ; je vous dirai ce qui m’en paraît. La bravoure des Anglais est établie partout, et sans doute avec raison : ils en donnent une preuve convain- cante, qui est de ne guère craindre la mort. Cependant, peu d’entre eux courent chercher la guerre dans les pays étrangers, par la même raison apparemment que peu vont à la Cour : c’est parce qu’ils ont du bien et du bon sens. Non seulement ils ne vont pas à la guerre, mais ils ne font même pas grand cas des gens qui y vont : le titre de capitaine est un fort petit titre chez eux : ils appellent ainsi tout fainéant qui leur est inconnu, et qui porte l’épée, comme en France on appelle abbé tout fainéant qui porte le manteau et le petit collet. Leur bravoure ne dégénère pas non plus en duels : on n’entend guère parler ici de cette sorte de combats ; cependant, ils s’en tirent bien lorsqu’ils s’y trouvent engagés. Il me semble que le vrai courage, au défaut duquel ces autres espèces se sont introduites parmi les hommes, se trouve ici : je veux dire de faire hardiment une bonne action, d’oser suivre la raison contre la coutume. Ils ont même de ces braves en assez grand nombre, comme vous le verrez par plu- sieurs choses que j’aurai lieu de vous dire sur leur sujet. Comme les grands tiennent peu à la Cour, les petits tien- nent peu aux grands ; il semble que personne n’ait pour eux cette crainte, ni cette admiration si ordinaires chez les autres peuples. On voit ici, au contraire, un esprit de liberté que le gouvernement favorise. Si tout ce que j’entends dire de ce gou- vernement est vrai, c’est en Angleterre que chacun est maître de ses biens ; c’est où l’on peut passer la vie sans souffrir de la part des grands, et, si l’on veut, sans les connaître. Ils sont considé- rés à proportion du bien qu’ils font : s’ils en font beaucoup, – 9 – comme plusieurs d’eux se distinguent par là, ils deviennent véri- tablement grands seigneurs, par la cour nombreuse qu’ils ont et par la complaisance et les égards qu’on a pour eux : ce sont des rois à leur campagne. S’ils en font peu, ils se trouvent bientôt seuls ; on les laisse jouir tristement de leurs prérogatives, et il leur arrive à peu près ce que disait un d’entre eux : « On ne peut pas, dit-il, nous arrêter pour dettes, mais aussi ne trouvons- nous point de crédit ; pour tout serment, nous ne sommes obli- gés de jurer que sur notre honneur, mais peu de gens nous en croient ; il y a une loi qui défend de mal parler de nous, mais il nous arrive, comme à d’autres, d’être battus dans les rues. » Il pouvait ajouter que leur naissance leur donne entrée au Parle- ment, mais que ce n’est pas tout à fait leur Chambre qui gou- verne : vous savez que c’est principalement la Chambre basse qui détermine les affaires de conséquence. Que je vous dise un mot de cette Chambre. C’est en partie par ses soins que l’Angleterre est demeurée libre sous ses rois ; cela suffit, sans doute, pour en faire cas, et sur ce pied-là on ne saurait presque avoir une idée trop grande de cette Chambre ; mais du reste on pourrait aisément se trom- per sur son sujet. Il semble que, dans ce pays de bon sens, quatre ou cinq cents hommes choisis entre tous les autres doi- vent faire une assemblée de gens extraordinaires ; mais ce n’est pas tout à fait cela ; du moins à en juger par le détail de leurs dé- libérations et par les grands débats qu’ils ont quelquefois sur d’assez petites choses. Je croirais presque que toute assemblée trop nombreuse devient foule, et qu’il n’y faut pas chercher une habileté soutenue. Aussi voit-on arriver ici ce qui arrive d’ordinaire dans la foule : quelques-uns des plus sensés, ou des plus hardis, s’érigent en chefs et mènent les autres. Souvent aussi il s’en trouve parmi ces autres qui, las d’être menés, veu- lent marcher seuls et s’aventurent jusques à haranguer, et c’est alors qu’on entend des choses merveilleuses : en 1693, un de ces hommes choisis conclut sa harangue en disant qu’il espérait de voir, avant la fin de l’année, le roi de France se présenter à la barre et demander à genoux la paix au Parlement. – 10 –

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LETTRE D'UN AMI DE L'AUTEUR En vous envoyant ces lettres pour les rendre publiques, il Tu te trompes, Rant, les aînés sont si charitables.
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