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L'être, recherche d'une Philosophie première PDF

400 Pages·1974·140.581 MB·French
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ESSAI DE PHILOSOPHIE M.-D. PHILIPPE Professeur de Philosophie à l'Université de Fribourg, (Suisse) L'ÊTRE Recherche d'une Philosophie première Π 2e partie Éditions P. TÉQUI ESSAI DE PHILOSOPHIE M.-D. PHILIPPE Professeur de Philosophie à l’Université de Fribourg <Suisse J L'ÊTRE Recherche d'une Philosophie première II IIe partie Éditions P. TÉQUI 82, rue Bonaparte PARIS 6' Tous droits de traduction, de reproduction ou d’adaptation en quelque langue et de quelque façon que ce soit réservés pour tous pays. © 1974, by TÉQUI, PARIS CHAPITRE IX LE PROBLÈME DE L’UN ET DU MULTIPLE Ayant découvert que Γούσία est la cause selon la forme de ce-qui- est et que l’acte en est la cause selon la fin, le métaphysicien devrait être satisfait, puisque ces deux découvertes correspondent aux deux grandes interrogations de l’intelligence et qu’il n’y en a pas d’autre. (Les inter­ rogations «en quoi est ce-qui-est ?» et «d'où vient ce-qui-est ?» - autrement dit la recherche de la cause matérielle et celle de la cause efficiente — ne peuvent se poser directement du point de vue de Petre; mais elles sont comme assumées par la recherche de la cause formelle et celle de la cause finale '.) Cependant, le métaphysicien ne s’arrête pas dans sa recherche; car il peut encore préciser d’une autre manière ce qu’est l’être. Cette nouvelle démarche n’est plus au sens fort une décou­ verte et une analyse de ce-qui-est, comme étaient les deux précédentes, mais plutôt une explicitation de ce qui a déjà été découvert; cette nou­ velle démarche correspond à un besoin profond de l’intelligence, un besoin d’ordonner (le propre du sage est d’ordonner) et d’expliciter ce qu’elle possède déjà. Cette démarche est celle par laquelle le métaphysicien considère pour lui-même le problème de l’un et du multiple. En effet, les deux grandes découvertes, celle de Γούσία et celle de l’acte, impliquent en 1 En théologie naturelle, ayant découvert l’existence de l’Etre Premier, Dieu, on se pose la question de la dépendance des réalités existantes à l’égard de l’Etre premier — autrement dit le problème de la création, qui assume d’une manière éminente le problème de la cause efficiente. 550 L'ÊTRE elles-mêmes un certain problème de l’un et du multiple, et par le fait même un problème d’ordre. Les accidents et la substance divisent ce- qui-est : il y a donc une multiplicité de déterminations de l’être et, dans cette multiplicité, un certain ordre; toutes les déterminations secon­ daires sont relatives à Γούσία et lui sont ordonnées, Γούσία seule peut être séparée. De même, l’acte et la puissance divisent ce-qui-est; si l’acte sépare, la puissance fonde une certaine multiplicité; entre la puissance et l’acte, il y a un certain ordre. On peut aussi se demander quel ordre existe entre ces deux divi­ sions de l’étre, quel ordre peut s’établir entre les accidents et la puis­ sance, entre la substance et l’acte. On peut enfin, du point de vue métaphysique, du point de vue de l’étre, se demander ce que signifient exactement l’ordre, l’un et le mul­ tiple. L'ordre est-il un accident de ce-qui-est ? est-il une substance particulière ? est-il une modalité de ce-qui-est ? L’un et le multiple ajoutent-ils quelque chose à l’étre, ou au contraire ne font-ils qu’affir­ mer ce qui est substance et ce qui est accident, sans rien ajouter ? Si les deux recherches de Γούσία et de l’acte aboutissaient à la découverte d’une réalité simple, absolue en elle-même et excluant tout ce qui n’est pas elle, on serait en présence de la découverte de l’Unique Nécessaire et l’on n’aurait plus qu’à le contempler. On pourrait sans doute préciser ses attributs, mais la phase d’analyse serait dépassée. En réalité, dans la première recherche inductive, l’intelligence métaphy­ sique découvre, à travers la diversité des déterminations particulières et visibles, un principe qui est au delà de ces déterminations, mais qui leur demeure pourtant immanent. Si Γούσία est principe de toutes les déterminations, elle ne les annihile pas pour autant; bien au contraire, la découverte de Γούσία montre l’importance de la relation et de la qualité. De même, au terme de la seconde recherche inductive, l’acte est posé comme fin de ce-qui-est, affectant la réalité en ce qu’elle a de plus profond et de plus intime, au delà de toutes les autres manières d’être; mais il n’annihile pas pour autant ces autres manières d'être, spécia­ lement cet état particulier d’être en puissance. Bien au contraire, la découverte de l’acte montre le caractère réel et l’importance de la puis­ sance, le rôle qu’elle joue dans l’univers et spécialement dans l’univers physique. La découverte de Γούσία et celle de l’acte mettent donc immédiate­ ment le philosophe en face du problème de l’un et du multiple, de l’unité et de la diversité, de l’ordre. Cet ordre est-il uniquement dans l’intelligence de celui qui connaît ? Est-il une exigence de l’intelligence LE PROBLÈME DE L I S ET DL MULTIPLE 551 du sage ? ou est-il une propriété, une qualité de la réalité en son être même ? Ou encore est-il la réalité suprême, la réalité, celle qui finalise tout ?Tout est-il en vue de l’ordre ? Ces deux positions philosophiques extrêmes posent le problème avec une grande acuité. Pour le résoudre, une nouvelle recherche philosophique s’impose. Ce problème métaphysique de l’un et du multiple, et de l’ordre, se pose en troisième lieu et non pas au point de départ, si du moins on suit un ordre scientifique; car d'une certaine manière, c'est le problème métaphysique le plus apparent, le plus manifeste et le plus immédiat1 et donc, selon 1’ordre génétique, le premier problème métaphysique. En effet, ce problème se pose déjà en philosophie de la nature et en philo­ sophie du vivant, où il a une très grande importance : à propos du mouvement et de la diversité des mouvements, à propos de la généra­ tion des individus et de leur permanence dans l’espèce, à propos de l’organisation du corps vivant, de son unité et de sa complexité crois­ sante. De plus, il est posé immédiatement par la logique et par l’étude du langage : le jugement implique la composition de divers éléments, et cependant une unité; tout discours implique des éléments divers, et une certaine unité demeure au delà de cette diversité. Qui plus est, il semble bien qu’historiquement ce problème ait été au point de départ des spéculations philosophiques et métaphysiques. On a commencé par s’interroger sur la multiplicité des réalités visibles et sur l’unité cachée au sein meme de leur multiplicité. N’oublions pas, du reste, que dans une certaine perspective philosophique ce problème demeure le problème métaphysique par excellence. Toute philosophie dépendante de Platon et surtout de Plotin et du néo-platonisme ne pro- clamc-t-elle pas que l’un est ce qu’il y a de premier ? Le problème de l’un et du multiple est alors le problème essentiel; toute recherche philosophique s’y ramène et est éclairée par l’un, puisqu’il est ce qu’il y a de premier: Bien que le problème de l’un et du multiple soit premier selon l’or­ dre génétique, c’est délibérément que nous ne l’avons pas traité en pre­ mier lieu, parce que nous ne pouvions le comprendre parfaitement qu’en le considérant à la suite de Ι'σύσία et de l’acte, comme ce qui vient après eux, comme une propriété qui les qualifie. Dans la question de l’un et du multiple il ne s’agit plus, en effet, de saisir ce qu'est l’ctre, de pousser plus loin son analyse, mais de préciser comment ce-qui-est est un, comment ce-qui-est est multiple. Il s'agit d’étudier cette sorte de 2 Cf. L'être, I, pp. 88 ss. L'ÊTRE 552 propriété de ce-qui-est, cette propriété qui consiste à être un ou multiple. C’est pourquoi ce problème de l’un et du multiple ne peut être traité en profondeur qu’à la suite des deux autres, bien qu’il soit tou­ jours sous-jacent, toujours présent, et qu’il apparaisse en premier lieu. Si donc le problème de l’un et du multiple, comparativement à celui de 1’ούσία et de l’acte, apparaît comme celui de la propriété, il est tout à fait normal qu’il se présente au point de départ et au terme. Car la propriété, comme propriété, ne peut être connue que si l’on connaît la réalité dont elle est propriété; mais la propriété est aussi ce qui intro­ duit, ce qui éveille et suscite les problèmes, car elle est, pour nous, plus connaissable, elle se manifeste davantage, étant plus périphérique, plus extérieure. Si vraiment le problème de l’un et du multiple est celui de la propriété, cela explique que très facilement, on envisage ce pro­ blème comme le problème métaphysique par excellence. Il faut bien re­ connaître que, la plupart du temps, il en est ainsi, car souvent l’on ne dépasse pas la connaissance de la propriété. Mais en réalité, la con­ naissance de la propriété devrait conduire, à titre de disposition, à la connaissance de l’essentiel; et une fois que l’essentiel est découvert, la propriété en apparaît comme le rayonnement. De plus, du point de vue de l’extension, comme nous le verrons, le problème de l’un et du multiple est un problème plus vaste, plus ample que celui de la division acte-puissance ou substance-accidents. Car il s’étend à ces deux divisions, il les enveloppe l’une et l’autre. Il s’étend aussi au domaine logique (celui de l’étre de raison), au domaine du langage et au domaine de l’art et de l’amitié. Ce problème a donc l’avantage d’effectuer comme une sorte de synthèse englobante. D’où sa séduction très particulière, puisqu’il ap­ paraît alors comme le plus essentiel des problèmes métaphysiques, parce que plus étendu et plus universel que les autresJ. Mais du point de vue de la compréhension, c’est un problème second, car il présup­ pose la compréhension de ce-qui-est, compréhension qui s’obtient par la saisie de Γούσία et celle de l’acte. Notons enfin que toutes les philosophies, qu’elles soient idéalistes ou réalistes, reconnaissent le problème de l’un et du multiple. Certes, elles le considèrent de façons très différentes, mais elles l’acceptent ’ Cf. J. Jalabert, L’un et le multiple, p. 5 : «Le problème de l’Un et du Multiple peut être considéré comme le problème philosophique par excellence, car il enveloppe à titre de cas particuliers tous les autres». LE PROBLEME DE L’UN ET DU MULTIPLE 553 toutes comme un problème philosophique, ou comme le problème philosophique par excellence. Cela aussi est très significatif, et montre que c’est ce problème qui fait, d’une certaine manière, l’unité de toutes les philosophies. Une philosophie «œcuménique» ne peut s’élabprer qu’autour de ce problème, puisque, radicalement, il les unit toutes. 1. Enquête historique 1. LA PHILOSOPHIE GRECQUE Historiquement, le problème de l’un et du multiple est lié d’une part au problème de l’immobilité et du mouvement, d’autre part à celui de l’opposition; car la première opposition que nous discernons est celle de l’un et du multiple; et tout mouvement implique une certaine multiplicité, alors que l’un demande d’être au delà du mouvement. On pourrait même classer les diverses orientations philosophiques selon l’ordre que les philosophes établissent entre ces divers problèmes : suivant que le problème du mouvement est premier, ou que celui du multiple s’impose avant tout, ou, plus profondément, suivant que l’un est, ou non, au delà de l’être (car dans la mesure où l'être est identifié avec le devenir, il est multiple, et l’un est alors au delà de l’être). On a pu dire que le problème de l’un était déjà présent chez les premiers Physiciens *; mais en réalité, il ne devient explicite qu’avec les Pythagoriciens (problème du Nombre et de l’Un) et surtout avec Héra- clite et Parménide. Le problème de l’un et du multiple est au cœur de la philosophie d’Héraclite : le multiple fait découvrir l’un, et celui-ci donne à celui-là sa véritable signification. Héraclite affirme à maintes reprises l'unité des contraires : 1 Cf. G. Martin, Leibniz, logique et métaphysique, p. 164 : «Lorsque Thalès dit : Tout est eau, il veut en même temps dire aussi : tout est une seule chose, c’est-à-dire l'eau. L'unité du cosmos est ainsi perçue dans un élément déterminé visible, l’eau. On peut ex­ pliquer cela en disant que les philosophes de la nature ont recherché l'unité de l’univers». 554 L'ETRE Joignez : touts et non-touts; concordant, discordant; consonant, dissonant; et de toutes choses un, et d’un toutes2 * 4 * 6 7 8. Un et le même : vie et mort, veille et sommeil, jeunesse et vieillesse; car ceci change en cela, et cela change de nouveau en ceci '. Si tout change dans notre univers, Heraclite affirme cependant l’unité du λόγος, de la sagesse, de la loi : Ne m’écoutez pas, mais le λόγος; il est sage d’homologuer : tout est un (εν πάντα είναι ) ‘. Car la sagesse est une : connaître la pensée qui gouverne tout par tout La loi, c’est aussi d’obéir à la volonté de l’un Si l’on veut parler avec intelligence, il faut s’affermir sur ce qui est com­ mun à toutes (...) Car toutes les lois humaines sc nourrissent d’une seule divine, car celle-ci les domine, autant qu’elle le veut, suffit et surpasse tout ’. Ceux qui sont éveillés ont un seul monde commun, tandis que chacun de ceux qui dorment se tourne vers son monde particulier *. Parménide, dans une sorte de révélation très profonde, affirme d’abord l’identité de l’étre et de la pensée, puis celle de l’être et de l’un 9, car l’être est, et ne peut pas ne pas être. L’être n’a pas de failles, il est un; l’un-continu apparaît comme un des «signes» indiquant qu’«il est», sans non-être : 2 Fragment B 10 (n ° 51 in O. Vuia, Remontée aux sources de la pensée occidentale. p. 45; n" 10 in J. Brun, Héraclite, p. 130). } Frag. 88 (n ° 55 in O. Vuia, op. cit., p. 46); cf. 59 et 60 (n 58 et 57, p. 47) : «Le chemin du chardon, droit et tortueux est un et le même. Le chemin en haut, en bas, un et le même». Voir aussi 57 (n" 70, p. 52) : «Hésiode (...) ne distinguait pas le jour et la nuit; car ils sont un» (έσ-ι γάρ εν), Cf. L’être. I, p. 102. 4 Frag. 50 (η ° 1, p. 29; n " 50 in J. Brun, op. cit., p. 123). ’ Frag. 34 (Diogène Laërce, IX, 1), n° 13 in O. Vuia, op. cit., pp. 33-34. 6 Frag. 33 (n ° 82, p. 55). 7 Frag. 114 (n 0 9, p. 32). Cf. frag. 2(n" 10, p. 33) : «Donc, il faut suivre le commun. Mais bien que Ιβλόγος soit commun, la foule n’en vit pas moins comme si elle avait un en­ tendement particulier»; et frag. 113 (n ° 11, p. 33) : «La pensée est commune à tous». 8 Frag. 89 (n" 17, p. 35); cf. 30 (n ° 101, p. 61) : «Ce monde, le même partout...». 9 Voir Heidegger, Hegel et les Grecs, in Questions II, p. 56 : «Le mot fondamental de Parménide est*ïîv, l’Un, ce qui unit tout et est ainsi l’universel. Parménide explicite les σήμα-α, les signes, selon lesquels l’"Ev se montre, dans le grand fragment VIII que Hegel connaissait. Cependant, ce n'est pas dans l’“Ev, l’étrecomme universel.que Hegel trouve la ‘pensée maîtresse’ de Parménide. Selon Hegel, la ‘pensée maîtresse’ de Parménide est bien plutôt énoncée dans la proposition qui dit : ‘Etre et penser sont le meme’»

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