Patrick Williams 4 - 6 5 6 - 4 6 3 6 8 - Les quatre vies 2 - 8 7 9 N B S I posthumes de / dt ar h n ei R o Django Reinhardt g n a Dj e d s e m u h st Trois fictions et une chronique o p s e vi e atr u q s e L — s m a Willi k c atri P / m o c . s e s e h t n e r a p s n o i t i ed Éditions Parenthèses w. w w En couverture : New York, photographie de Ferdinando Scianno © Magnum Photos. L’auteur tient à remercier Anne Raulin qui a généreusement partagé avec lui sa profonde connaissance de Manhattan. 4 - 6 5 6 - 4 6 3 6 8 - 2 - 8 7 9 N B S I / dt ar h n ei R o g n a Dj e d s e m u h st o p s e vi e atr u q s e L — s m a Willi k c atri P / m o c . s e s e th Collection publiée avec le concours financier en de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. r a p s n o ti copyright © 2010, di Éditions Parenthèses, 72, cours Julien, 13006 Marseille e w. isbn 978-2-86364-656-4 / issn 1279-7650 w w 4 - 6 5 6 - 4 6 3 6 8 - 2 Django Reinhardt est mort à 43 ans le 16 mai 1953, frappé - 8 7 d’une congestion cérébrale ; en 2010 a été célébré son 9 N centenaire. B S Et si Django avait survécu à son attaque ? I / dt ar h n Première vie ei R o Sensationnel ! Un concert de Django Reinhardt g an et Thelonious Monk en duo Dj e d par Guy Leclère, journaliste s e m u sth Deuxième vie o s p « A Room With A View », 43e étage e vi e par James D. Cszernynk, critique littéraire atr u q es Troisième vie L — s Sous une pluie de fleurs d’acacias m a Willi par Bertrand Journens, romancier k c atri Quatrième vie, chronique P / Une postérité à n’en plus finir m par Patrick Williams, ethnologue o c . s e s e h t n e r a p s n o i t i d e w. w w 4 - 6 5 6 - 4 6 3 6 8 - 2 - 8 7 9 N B S I / dt ar h n ei R o g n a Dj e d s e m u h st o p s e vi e atr u q s e L — s m a Willi k c atri P / m o c . s e s e h t n e r a p s n o i t i d e w. w w Première vie 4 - 6 5 6 - 4 36 Sensationnel ! 6 8 - 2 - Un concert de 8 7 9 BN Django Reinhardt S I / dt et Thelonious Monk ar h n ei en duo R o g n a Dj e d s e m u h st o p s e vi atre par Guy Leclère, journaliste u q s e L — s m a Willi k c atri P / m o c . s e s e h t n e r a p s n o i t i d e w. w w 4 - 6 5 6 - 4 6 3 6 8 - 2 - 8 7 9 N B S I / dt ar h n ei R o g n a Dj e d s e m u h st o p s e vi e atr u q s e L — s m a Willi k c atri P / m o c . s e s e h t n e r a p s n o i t i d e w. w w T D R A h n ei R o g n A j D e D 6-4 MeS 5 U 6 h - T 4 S 6 o 863 S p - e -2 Vi 8 e 7 R 9 T A N U ISB S q e / L dt ar h n ei Cette fois le phénix ne ressuscitera pas. Django Reinhardt est mort R o dans un accident de la route. La nouvelle est tombée hier soir. L’accident g an a eu lieu aux toutes premières heures du mercredi 16 mai 1973, entre Dj e Fontainebleau et Paris. d s Sa troisième mort. e m Et il me revient d’écrire cet article nécrologique… Ai-je connu u h st Django ? Non, certainement non. Je ne l’ai rencontré qu’une seule fois o s p — deux jours. Mais ces deux jours ont changé ma vie. Mon rédacteur e vi en chef, le même qui me commande cette nécrologie, m’avait envoyé e atr l’interviewer : « C’est aujourd’hui un personnage un peu oublié mais il qu reste fascinant, tu verras. » Il se murmurait dans le petit milieu du jazz s e parisien que Django préparait un grand événement : un concert avec le L s — pianiste américain Thelonious Monk. Monk, quelques années aupara- m a vant, en 1964 exactement, avait eu les honneurs de la couverture de Time Willi Magazine et c’est sans doute ce qui avait décidé mon patron à consacrer k un papier à ce projet, lui qui rêvait de faire de son hebdomadaire un c atri « Time à la française ». Nous étions à l’automne 1971. P / J’avais été choisi, désigné plutôt, pour ma compétence supposée en matière de jazz. Il est vrai que ma première expérience dans le jour- m nalisme avait été une collaboration gracieuse de près de trois ans à un o c magazine spécialisé — j’avais pu ainsi augmenter ma collection de . s e disques et assister gratuitement à un nombre non négligeable de concerts. s he La consigne était de faire parler Django Reinhardt de « la deuxième t n partie de sa carrière », celle qui avait suivi son rétablissement après sa e r a congestion cérébrale de 1953. Autrement dit, ces vingt dernières années. p ns Et de ce fameux concert qui se préparait. Mais, avait insisté le boss, o i « n’oublie pas tout ce qu’il y a autour de la musique… T’en fais pas, avec t i d Django, tu seras servi ! » De Django Reinhardt, je connaissais les clichés e w. w w 10 sur « le génial Manouche », « le virtuose à la main brûlée »… et 4 comme pour tout le monde, son nom restait pour moi associé - 56 au Quintette du Hot Club de France avec Stéphane Grappelli, cet 6 - orchestre uniquement composé d’instruments à cordes : l’entre- 4 6 3 deux-guerres, un autre âge… Après ? Le guitariste faisait partie 6 8 des meubles, il enregistrait des disques (certains que je possédais - 2 - et qui m’avaient séduit mais, je m’en rendis compte en préparant 8 7 l’interview, que je n’écoutais pas souvent), il se produisait dans 9 N des clubs, donnait des concerts, était invité à toutes les monda- B IS nités de la scène parisienne, mais ce n’était pas lui qui faisait / l’actualité de la musique, même pas de la musique de jazz. Il dt semblait désormais appartenir aux encyclopédies. D’ailleurs, les ar h articles qui lui avaient été récemment consacrés — des échos n ei plutôt — évoquaient davantage ses facéties que sa musique. Un R go jour, il avait donné tout un concert sans toucher à sa guitare, n Dja posée sur une chaise près du rideau de scène, il avait joué de la e trompette, du violon, de la contrebasse, mais pas de guitare ! Une d es autre fois, il s’était fait annoncer : « Django Reinhardt Solo », et le m u voilà qui débarque avec six accompagnateurs ! « Oui, “Solo”, c’est h st le nom du groupe ! »… Les deux jours passés en sa compagnie ont o p s changé tout cela. Maintenant j’explore et collectionne toutes les e vi traces (enregistrements, photos, anecdotes…) laissées par Django e atr Reinhardt, je gratte dans son existence. C’est ce qui me vaut cette u q réputation d’être un « spécialiste de Django Reinhardt » — autant s Le dire : un « spécialiste de la vie ». — s Django m’avait donné rendez-vous à Pigalle, à midi, au m a Pigalle justement (« À Pigalle au Pigalle, ça pourrait être un titre Willi de chanson », avait-il remarqué au téléphone). Je le trouvai attablé ck devant un café. « Te crois pas obligé de prendre un café aussi. Moi atri ça fait pas longtemps que je suis levé. J’aime pas me lever de bonne P / heure ». Pourtant, moins de vingt-quatre heures plus tard, dans le train qui nous amènera à Fontainebleau, il me dira exactement le m contraire : « Moi, j’aime bien me lever de bonne heure. » Et quand, o .c surpris moi-même par mon à-propos, je lui ferais remarquer qu’il s se se contredisait : « J’aime pas me lever de bonne heure pour une e h interview. J’aime bien me lever de bonne heure pour aller à la t n e pêche. » « Et pour la musique ? » « Il y a une musique pour toutes les r pa heures, il faut juste la trouver mon frère ! » Puis, après une pause, s n en me donnant un amical coup de poing dans l’épaule : « Surtout o ti que d’un jour à l’autre, tu sais garçon, les heures ne sont pas les i d e mêmes. Alors si tu cherches ça, une musique pour chaque heure, w. w w 11 tu peux ne jamais dormir ! » J’appris plus tard, en fréquentant les 4 amis et les familiers de Django, qu’il s’était fait une spécialité de - 56 ces formules sibyllines qu’il assénait à brûle-pourpoint dans la 6 - conversation, mi-rigolard mi-sérieux ; ça datait de sa congestion. 4 6 3 Avant, il avait déjà la réputation d’être fantasque mais pas bavard 6 8 — « fantasque et taciturne ». Maintenant — et le changement avait - 2 - frappé ses proches — il avait plutôt la parole facile. 8 7 Alors je l’avais devant moi, cet homme qui pour certains 9 N était une légende, « le plus grand guitariste du siècle », « le seul B IS créateur original du jazz européen » !… Élégant, veste de tweed / chinée, pantalon de flanelle plutôt sombre, chaussures noires dt impeccablement cirées, chemise marron et cravate gris perle ar h comme le chapeau qu’il n’avait pas enlevé, il me regardait en n ei souriant, son célèbre regard noir mais les yeux plus grands encore R go et la peau plus foncée que sur les photos. Il ne m’a pas posé un n Dja lapin, pensais-je, c’est déjà ça et en plus il a l’air de m’avoir à la e bonne… D’innombrables histoires où Django avait fait tourner d es des journalistes en bourriques couraient les rédactions. J’avais m u préparé des rubriques pour l’interview, peut-être m’accorderait-il h st une heure, peut-être deux ? Il ne fallait pas perdre de temps : ses o p s deux « morts » — les brûlures de 1928, l’attaque de 1953 — et ses e vi deux retours à la vie ; son rapport à la gloire et à la scène française e atr du jazz et de la variété ; les relations entre les musiciens euro- u q péens et les musiciens américains ; la tentation de l’écriture et de s Le la musique savante ; ce que représente pour lui le monde gitan ; — s ce qu’il pense de l’évolution actuelle du jazz ; ses projets. À l’inté- m a rieur de chaque rubrique, j’avais dressé une liste de questions plus Willi précises. Et j’avais apporté un petit magnétophone à cassettes qui ck pouvait fonctionner avec des piles. Mais au moment où je débal- atri lais mes papiers et vérifiais le fonctionnement de l’appareil, en P / demandant à « Monsieur Reinhardt » s’il m’autorisait à l’utiliser, il bouscula tous mes plans : « “Django” ! Tu dis “Django”, pas m “Monsieur Reinhardt” ou “Monsieur Django”. “Django”. Et toi ?… o .c Guy ? Eh bien, dis, Guy, on va aller marcher dans la rue. Marcher, s se c’est mieux pour parler ». e h Aujourd’hui encore, je ne saurais dire si Django avait déli- t n e bérément voulu m’empêcher de prendre des notes et d’utiliser le r pa magnétophone. Mais le fait est qu’après leur rapide apparition sur s n le guéridon du Pigalle, stylo, papier et magnétophone restèrent au o ti fond de mon sac. Marcher ? Pour ça oui, nous allions marcher ! i d e Jusqu’à notre séparation à la gare de Lyon le lendemain en début w. w w 12 de soirée, au retour de Samois. Et parler ? Pour ça aussi, nous 4 allions parler ! Autant de pas, autant de paroles — enfin, pas tout - 56 à fait, il y aura de longues déambulations silencieuses, épaule 6 - contre épaule, à croiser les passants, contempler la ligne de fuite 4 6 3 des avenues et des boulevards, les lumières de la nuit, caresser les 6 8 pierres des façades d’immeubles en passant, des haltes aussi dans - 2 - des restaurants, des bistrots, des boîtes de jazz — Django jouera, 8 7 et à chaque fois avec passion, ou bien il restera auditeur —, et puis 9 N le balancement du train, deux fois, aller et retour, un peu moins B IS d’une heure à chaque fois, et les berges de la Seine, le fleuve et / les grands arbres sous la pluie. C’est lui bien sûr qui menait la dt conversation mais à la fin je crois que toutes les questions que ar h j’avais préparées ont été posées. Ce fut justement une conversa- n ei tion, c’est-à-dire un échange, et non une interview, cet interro- R go gatoire paradoxal où celui qui est interrogé se trouve en position n Dja dominante. Au terme du périple dans lequel il m’entraîna, je e m’en rends mieux compte maintenant que le temps a passé, j’en d es avais appris autant sur moi-même que sur Django Reinhardt. Et m u cela, j’en suis persuadé, il l’a voulu : « Si tu veux t’intéresser aux h st autres, il faut aussi s’intéresser à toi », avec une de ces fautes de o p s français dont mes collègues ont fait une marque de fabrique de la e vi rudesse du « gitan ». Il faisait soleil en sortant du Pigalle, Django e atr décida de prendre en direction de la place Clichy, nous allions u q marcher sur l’allée centrale entre les files d’autos qui roulaient s Le à gauche et à droite. Tout comme nous, les promeneurs, des — s messieurs âgés pour la plupart, Algériens, Marocains, assis sur m a les bancs disposés à intervalles réguliers, restaient silencieux, les Willi feuilles des platanes avaient jauni mais elles tenaient encore aux ck branches, je restais légèrement en retrait de Django, me deman- atri dant comment j’allais procéder. P / Les deux « morts » de Django ? La première a tout de la scène de roman populaire. La roulotte qui s’embrase dans la nuit, m la jeune épouse jetée hors des flammes, le héros qui s’effondre o .c terrassé par la fumée et tout le campement bohémien en révolu- s se tion pour sauver le frère, le fils. Puis la course à travers la ville, de e h la zone entre la porte d’Italie et la porte de Choisy jusqu’à l’hôpital t n e Lariboisière… Nous sommes le 31 octobre ou le 1er novembre 1928 r pa (les avis des biographes divergent sur la date, certains avancent s n même le 28 octobre ; « C’était vers la Toussaint », me répond o ti Django quand je lui demande de préciser, il se fiche du jour exact), i d e Django revient du dancing La Java où il travaille, il a dix-huit ans w. w w
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