UNIVERSITE DE PARIS 1 – PANTHEON SORBONNE INSTITUT DE RECHERCHE ET D’ETUDES SUPERIEURES DU TOURISME « Les lieux de mémoire de la Résistance en région Rhône-Alpes face à de nouveaux enjeux culturels et touristiques. » Mémoire professionnel présenté pour l’obtention du Diplôme de Paris 1 – Panthéon Sorbonne MASTER PROFESSIONNEL « TOURISME » (2e année) Spécialité Valorisation Touristique des Sites Culturels Loriane Gouaille Volume 1. Texte et annexes Directeur de mémoire : Michel Tiard Session de juin 2010 Table des matières Introduction _______________________________________________________________ 3 Partie 1 : La patrimonialisation et la mise en tourisme des lieux de mémoire de la Résistance en région Rhône-Alpes _____________________________________________ 6 A. Naissance et valorisation des lieux de mémoire en région Rhône-Alpes_______ 6 a) Les lieux de mémoire, de la mémorialisation à la patrimonialisation __________________________ 6 b) La multiplicité des fondateurs et des enjeux des lieux de mémoire __________________________ 14 c) La valorisation des lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes : la diversité des situations 17 B. L’état des lieux du tourisme de mémoire en France ______________________ 22 a) Définition et naissance du tourisme de mémoire ________________________________________ 22 b) Les initiatives de valorisation du tourisme de mémoire ___________________________________ 25 c) L’avenir du tourisme de mémoire en danger ? __________________________________________ 28 Partie 2 : Le renouvellement nécessaire de l’offre des lieux de mémoire de la Résistance en région Rhône-Alpes ________________________________________________________ 33 A. Les lieux de mémoire face à de nouveaux enjeux pédagogiques et touristiques 33 a) La disparition des témoins et de la mémoire vivante _____________________________________ 33 b) L’érosion de l’intérêt pour les lieux de mémoire : des lieux sans visiteurs ? ___________________ 36 c) Les conséquences pour les lieux de mémoire de la Résistance ______________________________ 42 B. Les initiatives des lieux de mémoire de la Résistance : une offre culturelle et touristique renouvelée ___________________________________________________ 45 a) La mise en place de réseaux des lieux de mémoire de la Résistance _________________________ 45 b) La réorientation et l’élargissement des discours muséographiques __________________________ 48 c) L’appui du tourisme et de ses acteurs dans la promotion des lieux de mémoire ________________ 53 Partie 3 : Quel avenir pour les lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes ? ____ 58 A. La valorisation du pouvoir mémoriel des sites __________________________ 58 a) Les lieux de mémoire de la Résistance, avant tout des lieux du souvenir ? ____________________ 58 b) De nouvelles structures mémorielles : Montluc et la Maison Dugoujon ______________________ 62 B. L’innovation indispensable dans les lieux de mémoire ___________________ 67 a) La valorisation des témoignages oraux ________________________________________________ 67 b) La recherche de nouveaux outils de présentation et de compréhension _______________________ 72 c) Le travail de communication et de promotion___________________________________________ 76 Conclusion _______________________________________________________________ 80 Bibliographie _____________________________________________________________ 83 Annexes _________________________________________________________________ 90 2 Introduction Chaque année, au mois de juin, la Normandie accueille des milliers de touristes et les délégations officielles des pays ayant pris part au Débarquement en 1944. Plus de soixante- cinq ans plus tard, cet événement est toujours commémoré en grande pompe par les chefs d’états et les derniers soldats de la Seconde Guerre Mondiale. Les touristes sont nombreux, visitant les plages du Débarquement, les cimetières et les autres lieux de mémoire qui couvrent le territoire normand. Les journaux télévisés diffusent des reportages en direct, des témoignages. Parfois, la juxtaposition d’images permet de prendre conscience du problème majeur de la patrimonialisation et de l’ouverture au public des lieux de mémoire. En effet, très souvent, les reportages montrent le recueillement, le deuil parfois de visiteurs sur les sites alors que quelques mètres plus long, des touristes jouent les apprentis soldats, en tenues militaires, des armes anciennes au poing. La mémoire face au loisir et au ludique ? Le recueillement face au tourisme ? Les lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale peuvent-ils donc devenir des lieux du tourisme de mémoire ? La question des lieux de mémoire est de plus en plus d’actualité, réactivée par de grandes polémiques telles l’adoption de la mémoire d’un enfant juif décédé pendant la Shoah par les scolaires ou la lecture de la lettre du résistant Guy Moquet dans les collèges et lycées. Elle est aussi devenue un objet d’histoire à part entière, suscitant colloques et ouvrages. Le terme de lieux de mémoire a été forgé par l’historien Pierre Nora au cours des années 1980 lors de la publication des ouvrages Les lieux de mémoire1. Selon la définition de Pierre Nora, les lieux de mémoire sont « des lieux où s’est incarnée notre mémoire nationale et qui, par la volonté des hommes ou le travail des siècles, en sont restés comme les plus éclatants symboles »2, des lieux où apparaissent la mémoire collective, les idées et mentalités d’un peuple. Les événements de la Seconde Guerre Mondiale ont donc permis la création des lieux de mémoire, nombreux sur l’ensemble du territoire français : plages du Débarquement en Normandie, villages martyrs, camps d’internement, lieux de résistance tels que les maquis de 1 NORA Pierre (dir.). Les lieux de mémoire. Paris : Gallimard, 1992, 3 t., 7 vol. 2 Voir supra, idem. La République. Paris : Gallimard, 1992, t.I, vol.1, p.7. 3 Rhône-Alpes. Ces lieux de mémoire se sont créés au fur et à mesure du temps et des visites des Français pour célébrer la mémoire d’un défunt ou pour se remémorer des événements dramatiques. La visite de ces lieux de mémoire semble connaître un succès important. L’exemple le plus représentatif de cet intérêt pour les lieux de mémoire est le Mémorial de Caen recevant environ 400.000 visiteurs par an. Les lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale sont devenus des atouts touristiques ou culturels importants pour certaines régions et font partie de l’offre plus globale des lieux de mémoire comprenant aussi bien les zones de combat de la Première Guerre Mondiale que les maisons de grands personnages. La région Rhône-Alpes accueille, pour des raisons historiques, de nombreux lieux de mémoire, liés spécifiquement au mouvement de la Résistance, aussi bien lieux de massacres ou de tortures que lieux de combats. Dès la fin de la guerre, ces lieux de mémoire ont fait partie des parcours du tourisme de mémoire. A partir des années 1990, ces lieux ont été patrimonialisés et institutionnalisés, modifiant de même le panorama des lieux de mémoire associatifs traditionnels. Malgré leur succès apparent, les lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale et de la Résistance, en particulier, sont aujourd’hui confrontés à des changements radicaux. La question de leur avenir se pose de manière pressante. Le souvenir direct des événements de la Seconde Guerre Mondiale est en train de s’effacer, alors que les derniers témoins disparaissent. Une rupture cognitive entre la mémoire et les jeunes générations s’opère actuellement. Cette rupture s’accompagne d’une méconnaissance des événements et donc, par conséquent, d’un possible désintérêt pour la visite des lieux de mémoire et de leurs espaces muséographiques. Les gestionnaires des lieux de mémoire de la Résistance se doivent de trouver de nouveaux outils pour faire évoluer les sites, pour faciliter la compréhension des événements ainsi que la diffusion des valeurs soutenues par la Résistance et, surtout, pour continuer à entretenir la mémoire. Ce travail de mémoire de Master professionnel se place donc dans cette problématique générale, qui touche l’ensemble des lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale. Pour des raisons pratiques, une sélection de lieux de mémoire de la Résistance a été opérée sur le territoire rhônalpin. Le mémoire ne traite donc pas de l’ensemble des sites en lien avec la Résistance mais uniquement des lieux de mémoire les plus caractéristiques et les plus visités. 4 Ainsi, de manière plus spécifique, le travail s’est appuyé sur la situation du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon dans le département du Rhône, du Mémorial de la Résistance et du Musée départemental de la Résistance de Vassieux-en-Vercors ainsi que du site de la Grotte de la Luire dans le département de la Drôme, du plateau des Glières et de l’ensemble mémoriel de la nécropole nationale de Morette dans le département de Haute- Savoie et, enfin, du Musée du XXe siècle d’Estivareilles dans la Loire. Pour mener à bien ce mémoire, en plus d’un travail livresque préparatoire sur la notion même de lieu de mémoire, chaque site sélectionné a été visité et étudié selon la même grille d’analyse. Des contacts avec les gestionnaires ont eu lieu, de manière plus ou moins fréquente selon leur temps et motivation. En outre, la durée longue de préparation de ce mémoire sur deux ans a permis de participer à plusieurs colloques organisés à Paris et à Lyon sur la question des lieux de mémoire et de leur avenir. Finalement, pour approfondir certains points mis en avant par l’observation sur le terrain ou par les conférences entendues lors de colloques, des entretiens ont été menés avec certains gestionnaires. Ce travail a pour objectif de faire un panorama de la situation des lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes et sur le tourisme de mémoire. Il doit aussi offrir des pistes de réflexion alors que l’évolution des lieux de mémoire est de plus en plus nécessaire. Pourquoi les lieux de mémoire se trouvent-ils à un tournant ? Quelles peuvent être les solutions pour réduire et freiner la rupture cognitive entamée parmi les nouvelles générations ? Comment dépasser ce tournant mémoriel tout en continuant à transmettre la mémoire malgré l’absence des véritables témoins ? Simplement, comment poursuivre la transmission mémorielle des événements et des valeurs prônées par la Résistance à des générations qui n’ont pas vécu la Seconde Guerre Mondiale et qui n’ont même pas connu une guerre sur leur propre territoire national ? 5 Partie 1 : La patrimonialisation et la mise en tourisme des lieux de mémoire de la Résistance en région Rhône-Alpes Les sites de la Seconde Guerre Mondiale et de la Résistance en Rhône-Alpes sont rapidement devenus, après la fin de la guerre, des lieux de mémoire, recevant des visiteurs. Depuis les années 1990, ces lieux de mémoire ont vu le passage d’un tourisme de pèlerinage à un tourisme de mémoire, permis par leur patrimonialisation et leur valorisation pédagogique. Ces lieux sont donc aujourd’hui des objets d’histoire, de mémoire et de tourisme. A. Naissance et valorisation des lieux de mémoire en région Rhône-Alpes La région Rhône-Alpes, un des lieux de théâtre des événements de la Seconde Guerre Mondiale, possède aujourd’hui un réseau de lieux de mémoire sur cette période et plus spécifiquement sur les actions de la Résistance. La patrimonialisation et la mise en valeur pédagogique de ces lieux de mémoire ont connu plusieurs périodes, selon les rebondissements de la mémoire de la Résistance et selon les objectifs des créateurs. a) Les lieux de mémoire, de la mémorialisation à la patrimonialisation La mémorialisation des lieux d’histoire de la Seconde Guerre Mondiale et de la Résistance a débuté très rapidement, grâce à l’action des associations d’anciens résistants. Processus de mise en mémoire collective, elle a été activée par les acteurs même de la Seconde Guerre Mondiale pour opérer une réconciliation du pays fragilisé par les années noires du gouvernement de Vichy. La mémorialisation n’est pourtant pas allée de soi tout au long de la deuxième moitié du XXe siècle, avant d’être finalement actée au début des années 1990 et de laisser place au processus de patrimonialisation des lieux de mémoire. - La mémoire de la Résistance en France Alors que l’histoire de la Résistance intervient assez rapidement après la guerre avec des initiatives de collectes de documents écrits et de témoignages, la mise en mémoire de la Seconde Guerre Mondiale et de la Résistance est, quant à elle, plus longue et plus tortueuse. 6 La mémoire de la Résistance est traversée de plusieurs rebondissements et connaît donc plusieurs périodes entre 1945 et 20103 : - Entre la fin de la guerre et jusqu’en 1971, le mythe résistancialiste est prédominant. Les résistants sont vus comme des héros, la France comme un pays de résistants. La collaboration et Vichy sont effacés des mémoires. L’immédiat après-guerre requiert une réconciliation du pays avec le traumatisme de la défaite de 1940 et la période du gouvernement de Vichy. Cette mémoire unifiée est valorisée et protégée par le Général de Gaulle qui l’utilise sur la scène internationale pour faire de la France un des pays forts de l’après-guerre. - Au début des années 1970, « un temps de doute »4 se développe, pendant lequel la Résistance française et sa mémoire sont attaquées. En 1971, Marcel Ophuls réalise le film Le chagrin et la pitié qui relate les années de guerre dans une ville de province avec des habitants en grande majorité proches de l’occupant allemand. En 1972, George Pompidou gracie Paul Touvier, chef de la Milice à Grenoble. La mémoire de la Résistance est attaquée, le mythe résistancialiste est remis en cause par des ouvrages universitaires tels celui de Robert Paxton intitulé La France de Vichy5. Le rôle de la France dans la politique d’extermination nazie est rappelé. Cette période provoque alors ce que l’historien Henry Rousso nomme le « syndrome de Vichy » 6. - En 1989, Daniel Cordier, ancien secrétaire particulier de Jean Moulin à Lyon, publie une biographie historique7 sur l’ancien préfet et résistant, Jean Moulin, l’inconnu du Panthéon, mettant fin aux rumeurs et attaques menées contre ses actions pendant la guerre. Le travail de Daniel Cordier ouvre la voie aux historiens et leur offre une possibilité de diffuser leurs travaux critiques face à la production littéraire des anciens résistants se considérant comme les « gardiens du Temple ». 3 L’histoire de la mémoire de la Résistance commence a été très bien étudiée. Voir, entre autres, WIEVIORKA Olivier. La mémoire désunie. Le souvenir politique des années sombres de la Libération à nos jours. Paris : Seuil, 2010, 308 p. et DOUZOU Laurent. La Résistance française : une histoire périlleuse. Essai d’historiographie. Paris : Seuil, 2005, 365 p. 4 Voir BARCELLINI Serge. L’intervention de l’Etat dans les musées des guerres contemporaines. In BOURSIER Jean Yves (dir.). Musées de guerres et mémoriaux. Paris : Editions de la Maison des sciences de l’homme, 2005, pp.42-48. 5 PAXTON Robert. La France de Vichy 1940-1944. Paris : Seuil, 1997, 475 p. 6 Sur la construction de la mémoire de la Seconde Guerre Mondiale, voir ROUSSO Henry. Le syndrome de Vichy. Paris : Seuil, 1987, 383 p. 7 CORDIER Daniel. Jean Moulin, l'inconnu du Panthéon. Paris : Jean-Claude Lattès, 1989-1993, 3 vol. 7 La mémoire de la Résistance est donc maintenant concurrencée par le travail des historiens qui écrivent l’histoire de la Résistance, utilisant des archives auxquelles ils appliquent la méthode de la critique historique. Néanmoins, cette unanimité mémorielle connaît quelques failles, renforcées par l’omniprésence d’anciens résistants sur la scène politique et dans l’administration. La mémoire de la guerre a été traumatisante, voire même conflictuelle. La mémoire de la Résistance devient multiple. Certains partis politiques, certaines grandes personnalités politiques ont tenté d’utiliser à leurs profits les idéaux prônés par le mouvement de la Résistance et défendus par les réseaux établis pendant la guerre. Le parti communiste, « le parti des fusillés », dénonce l’abandon des résistants communistes dans certains maquis. Il essaye d’utiliser les mouvements de résistance communistes pour gagner une légitimité sur la scène politique en pleine Guerre Froide alors que le Général de Gaulle et le parti gaulliste veulent apparaître comme les seuls libérateurs du peuple français. Ces revendications politiques de la mémoire de la Résistance s’amplifient à partir des années 1960 et 1970, marquées par l’absence d’une mémoire officielle produite par l’Etat et par la présidence de Georges Pompidou. Ainsi, l’après-guerre est marquée par toute une série de mythes concurrentiels et partisans. Cette diversité des mémoires de la Résistance explique que la patrimonialisation des lieux de mémoire de la région Rhône-Alpes a connu plusieurs périodes de création. - 1ère période de création : les marques des lieux de mémoire après-guerre Au sortir de la guerre, chaque lieu de répression, de meurtre ou de souffrance est mis en avant, rendu unique. Ces lieux de mémoire sont alors signalés par l’installation de plaques ou de monuments commémoratifs qui deviennent vite des lieux de rassemblement lors des commémorations du souvenir8. La fin de la guerre voit aussi la mise en place des grandes nécropoles sur les lieux de massacres de résistants. Les grandes nécropoles ont été généralement installées sur les lieux de combats de la Seconde Guerre Mondiale, pour recevoir les corps des soldats ou des résistants. Par exemple, le Mémorial de la France combattante au Mont Valérien est inauguré 8 Pour une étude d’analyse des plaques et des monuments commémoratifs en souvenir des résistants lyonnais, voir CARDON Cécilia. Quelles mémoires de la Résistance à Lyon ?. Mémoire de recherche sous la direction de Laurent DOUZOU. Lyon : Institut d’Etudes Politiques, Université Lumière-Lyon II, 2004, 413 p. Disponible sur Internet : <http://doc-iep.univ-lyon2.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/MFE2004/cardon_c/pdf/ cardon_c.pdf> (Consulté 10.02.10). 8 en 1960 par le Général de Gaulle. Lieu d’exécution des résistants parisiens, dont les résistants du groupe Manouchian, le Mémorial a reçu les corps de 16 combattants (15 corps en 2010, le seizième caveau est réservé au dernier compagnon de la Libération toujours en vie) de toutes origines géographiques, religieuses ou politiques. Dans la région Rhône-Alpes, les deux grandes nécropoles sont ainsi situées à côté des deux grands maquis : le maquis des Glières et le maquis du Vercors. Les nécropoles, de même que les grands cimetières en Normandie, ont été dès la fin de la guerre des destinations de visites de familles parties en pèlerinage sur la tombe d’un proche. Aujourd’hui, elles sont devenues des lieux de mémoire dont le souvenir est réactivé lors des grandes commémorations. La nécropole de Morette, en Haute-Savoie, à quelques kilomètres d’Annecy, est créée en 1944. Alors qu’un officier allemand ordonnait d’enfouir les corps des résistants du maquis des Glières dans une fosse commune, le maire de Thônes fit inhumer, contre les ordres, les corps des résistants dans des cercueils et des tombes surmontées d’une croix de bois. Ainsi, la nécropole a reçu les corps de 105 résistants fusillés sur le site même de Morette ou lors de l’encerclement du maquis au plateau des Glières. Cette création de fait d’une nécropole fut entérinée par la venue du Général de Gaulle dès novembre 1944 pour se recueillir devant les tombes et par son inauguration en 1947 par le président de la République, Vincent Auriol. Nécropole nationale de Morette Source : Photographie personnelle La nécropole de Vassieux-en-Vercors, dans l’Isère, a été mise en place en 1948 pour recevoir les corps des 187 résistants tués dans les attaques allemandes du maquis du Vercors. Elle regroupe toutes les plaques commémoratives déposées par les associations d’anciens résistants, un monument aux morts et une Salle du souvenir. Construite à l’initiative de l’Amicale des Pionniers du Vercors, elle a aussi reçu en 1981 une Salle du Souvenir. - 2e période : les initiatives individuelles ou associatives dès les années 1965 Face aux attaques, à l’utilisation partisane de la mémoire, à la présence médiatique de résistants de la toute dernière heure, des plaques commémoratives sont installées et les premiers musées de la Résistance sont créés en France et, plus spécialement dans la région 9 Rhône-Alpes9. Ces actions ne pouvaient être que des initiatives personnelles, individuelles, face au silence mémoriel de l’Etat. Serge Barcellini, actuel contrôleur général des Armées, appelle ces premiers musées des « lieux chauds »10 de la mémoire de la Résistance, dans lesquels les anciens résistants tenaient une place importante et faisaient vivre leur propre mémoire. La nécropole de Morette voit la construction de deux structures : le Musée de la Résistance en 1964 par l’Association des Rescapés des Glières et le Mémorial départemental de la Déportation en 1965 par l’Union Nationale des Déportés, Internés et Familles de la Haute- Savoie (UNADIF). Situés sur le site même du lieu de mémoire de la nécropole, les deux nouveaux sites ont une fonction commémorative qui vient renforcer la fonction mémorielle de la nécropole. De plus, le Musée départemental de la Résistance, installé dans un chalet semblable à ceux occupés par les maquisards haut-savoyards, conserve, dans une sorte de crypte, les croix de bois des tombes de la nécropole, enlevées entre 1960 et 1963 pour les remplacer par des croix de bronze11. Au cours des années 1970, peut-être face aux attaques que connaît la Résistance sur la scène nationale, les deux structures évoluent vers plus de professionnalisme. Le Musée de la Résistance est pris en charge par le département de Haute- Savoie en 1978 et le Mémorial est installé dans un nouveau bâtiment construit en 1975, pour le 30e anniversaire de la libération des camps. Le Musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors, dans la Drôme, est l’exemple le plus représentatif de ces « lieux chauds ». Inauguré en juin 1973, il a été entièrement créé par Joseph La Picirella, ancien maquisard du Vercors et du « 11e Cuir », collaborateur de Fernand Rude au Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale. Après une collecte de documents pendant plusieurs dizaines d’années, il a ouvert un musée dont il a rédigé l’ensemble de la présentation historique et des cartels. En 1984, le Musée départemental de l’Armée secrète et de la Résistance est créé par les membres de l’Association de l’Armée secrète de la Loire qui ont collecté des objets et 9 Sur la naissance des musées de la Résistance dans la région Rhône-Alpes, voir MAUD Martin. Etude de l’évolution des musées de la Résistance et de la Déportation en région Rhône-Alpes. Mémoire de Maîtrise d’Information Communication. Lyon : Université Lumière Lyon II, 1993, 80 p. 10 Terme rappelé par Jean-Yves Boursier. Voir BOURSIER Jean-Yves (dir.). Musées de guerres et mémoriaux. Paris : Editions de la Maison des sciences de l’homme, 2005, p.8-9. 11 Voir les photographies en annexe n°VIII.4. 10
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