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Les Jardins de Zola, psychanalyse et paysage mythique dans Les Rougon-Macquart PDF

251 Pages·2002·7.867 MB·French
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LES JARDINS DE ZOLA Psychanalyse et paysage mythique dans Les Rougon-Macquart Collection Critiques Littéraires dirigée par Maguy Albet etPaule Plouvier Dernières parutions Véronique DUFIEZ-SANCHEZ, VictorHugo etledésir de savoir, 2002. J.R. MOUSAHOUDJI-BOUSSAMBA, S.G. DOCTROVE MOUANOU, Jean-Pierre Makouta-Mboukou, 2002. Anne MOUNIC, Les tribulations de Persephone: poésie, autre, au-delà, 2002. Samba DIOP (sous la direction de), Fictions africaines et postcolonialisme, 2002. Hadj MILIANI, Unelittérature ensursis? 2002. André-Patient BOKIBA et Antoine YILA, Henri Lopez: une écriture d'enracinement etd'universalité, 2002. Thierry MARIN, Pour unrécit musical, 2002. Lucienne NICOLAS, Espaces urbains dans le rOlnan de la diaspora haïtienne, 2002. «Critique littéraire » OLIVIER GOT LES JARDINS DE ZOLA Psychanalyse et paysage mythique dans Les Rougon-Macquart L'Harmattan L'Harmattan Hongrie L'Harmattan Italia 5-7,ruedel'École-Polytechnique Hargita u.3 ViaBava,37 75005Paris 1026Budapest 10214TOlino FRANCE HONGRIE ITALIE DU MÊME AUTEUR Histoire de la littérature française. sous la direction de Henri Mitterand (Les idées, la poésie, le théâtre au XXe siècle), Nathan, 1988. «Dom Juan» deMolière, «Balises », Nathan, 1989. «Les Faux monnayeurs» d'André Gide, «Balises », Nathan, 1991. «La Symphonie pastorale» d'André Gide, «Balises », Nathan, 1992. «L'Odyssée» d'Homère, «Balises », Nathan, 1994. « Œdipe roi» deSophocle, «Balises », Nath~ 1994. «Au Bonheur des dames» d'Emile Zola, «Les Grands Classiques Nathan », Nathan, 1994. Le Théâtre antique, «Thèmes et études », Ellipses, 1997. Le Mythe antique dans le théâtre du .ITe siècle, «Résonances », Ellipses, 1998. Etude sur «Electre» de Giraudoux, «Résonances », Ellipses, 1997. Etude sur «Les Fausses confidences» de Marivaux, «Résonances »,Ellipses, 1999. ~L'Hannattan,2002 ISBN: 2-7475-3159-7 Parentum manibus dicatum J'adresse mes remerciements à Henri Mitterand et àPhilippe Hamon pour leurs précieux conseils et leur amitié. INTRODUCTION «Il faut des mythes, des universaux de l'imagination pour exprimer à fond et de manière inoubliable cette expérience qu'est ma place dans le monde. Je pensais que décrire des histoires de paysans (même transfigurés et psychanalysés) n'est pas suffisant. Quant àdécrire des paysages~c'est stupide. Il faut que lespaysages - ou mieux, les lieux, c'est...à-direl'arbre, la maison, la vigne, le sentier, le ravin, etc. viventcommedes personnes,commedes ... paysans, ensomme qu'ils soient mythiques. » Cesare Pavese, Lettre àFranca Pivano, 19421. Ces lignes d'un poète et rOlnancier italien, Zola eût pu les signer, ou presque. Lui aussi possède une itnagination qui tend spontanément au mythe, quel que soit le sens précis par ailleurs que l'on donne à ce mot2. Lui aussi ne sépare pas l'homme d'un côté, avec se sentiments et ses conduites fouillés au scalpel, et le décor où il évolue de l'autre, dont un travail d' « écriture artiste» 1 Citépar G.deVandanssapréfaceàl'éditionbilinguede CesarePavese, Lavorare stanca / Travaillerfatigue, p. 16(Lettere, p.639), Gallimard, 1969. 2 A partir d'auteurs divers (dont Roger Caillois, Le Mythe et l'homme, Gallimard, 1938 ; Roland Barthes, Mythologies, Seuil, 1957 ; Mircea Eliade, Aspects du mythe, Gallimard, 1963 ; Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Plon, 1965et 1973 ;Didier Anzie~ Le Corps de tœuvre, Gallimard, 1981, et Roger RipoU,Réalité et mythe chez Zola, Champion, 1981), il semble que l'on puisse concevoir le mythe ainsi: autrefois avant tout récit, maintenant aussi bien structure idéologique, ayant pour point de départ des données historiques, géographiques~ sociales, économiques, religieuses, métaphysiques ou philosophiques, il constitue toujours une tentative d'explication de tensions impossibles à résoudre dans la réalité, qui met en scène des forces symboliques organisées, dans des réseaux de sens dont la polysémie est la règle et le merveilleux le cadre obligé. Comme ledit admirablement le psychanalyste Pierre Fédida, «le mythe est un (une) geste donné(e) à l'homme par la parole pour habiter. Qu'il s'agisse denaissance ou demort, de cuisine, depêche ou dechasse, lasymbolique du mythe est corps de sens sous la condition que les symboles ne soient pas secondairement objets de pensée ou de culture, mais que leur symbolique soit l'acte toujours dé..signifiant de l'interprétation.» (L'Absence, Gallimard, 1978,p.325) assurerait la métamorphose en œuvre d'art autonome. L'un ne va pas sans l'autre, et c'est ce qu'il nous dit avec insistance dans Le Roman expérimental3. Mais pas obligatoirement selon des liens de causalité. La révolution naturaliste est à ce point de vue plus subtile, et Zola analyse dans ses œuvres critiques les conditions de la description chez ses contemporains romanciers, avec une pénétration et un lyrisme qui éclairent encore plus sa propre création que celle d'autrui. 4 «Les Débordements de la nature » Dans son article intitulé «De la Description »5,le maître commence bien par faire une profession de foi digne de Taine «Nous avons fait à la nature, au vaste monde, une place tout aussi large qu'à l'homme. Nous n'admettons pas que l'homme seul existe et que seul il importe, persuadés au contraire qu'il est un simple résultat, etque, pour avoir ledrame humain réel et complet, il faut le demander à tout ce qui est... Nous sommes dans l'étude exacte du milieu, dans laconstatation des états dumonde extérieur quicorrespondent aux états intérieurs des personnages. » Mais, dès le paragraphe suivant, le côté linéaire d'une telle correspondance est balayé: « Maintenant, il est certain que nous ne nous tenons guère à cette rigueur scientifique. Toute réaction est violente, et nous réagissons encore contre la formule abstraite des siècles derniers. La nature est entrée dans nos œuvres d'un élan si impétueux, qu'elle les a emplies, noyant parfois l'humanité, submergeant et emportant les personnages, au milieu d'une débâcle de roches et de grands arbres... D'ailleurs, même dans ces débauches de la description, dans ces débordements de la nature, ily a beaucoup à apprendre, beaucoup àdire. »(p. 1380) 3 Cf. «De ladescription »,Oeuvres complètes, 10,p. 1299. 4 Ibid. p.1300. 5 lnLeRoman expérimental, Œuvres complètes, JO,Tchou, 1968, p. 1499. 10 On retrouve dans ces lignes l'image si fréquente, dans les descriptions de Zola lui-même, de débauche. On dirait que l'auteur éprouve une culpabilité inconsciente à violer l'esthétique classique et sa géométrie des passions, en y faisant pénétrer le monde extérieur avec tant de violence que lui-même n'en revient pas Or, l'aveu est clair: la «nature» c'est le grand refoulé, dont l'assomption officielle et, dirait-on, subite, tant elle paraît faire bon marché du réalisme de la génération précédente, ne peut que prendre un caractère scandaleux. Et COInmele Inot nature, de par son extension même, a tous les sens que l'on désire, il se trouve qu'aux yeux de Zola le paysage le plus innocent est chargé d'une énergie pulsionnelle dévastatrice6 !Ilsemet même àvivre de façon autonome, à proliférer pour le plaisir, à croître comme une mauvaise herbe, à déborder comme un fleuve en crue. C'est du moins ce qu'il perçoit chez les Goncourt, ou plutôt ce qu'il projette surleurs œuvres: «Tout le génie des Goncourt est dans cette traduction si vivante de lanature, dans ces frissons notés, ces chuchotements balbutiés, ces mille souffles rendus sensibles. Chez eux, la description respire. Sans doute, elle déborde, et les personnages dansent un peu dans des horizons trop élargis; mais, si même elle se présente seule, si elle ne demeure pas à son rang de milieu déteffilinant, elle est toujours notée dans ses rapports avec l'homme et prend ainsi un intérêt humain. » (p. 1301) C'est surtout ce qu'il remarque à propos de lui-même, en pensant sans doute aux œuvres dejeunesse et aux premiers romans des Rougon-Macquart, prêt qu'il est, en 1880, à abandonner en partie cette folie descriptive: 6 «Jamais entièrement idyllique, jamais entièrement inquiétante, affectée d'un signepositif enface decequiestartifice, lanature n'en estpas moins lelieu où se dévoilent des forces sur le point d'anéantir l'homme ou de ruiner l'équilibre précaire institué par la civilisation. Cette ambivalence donne à la nature son caractère sacré: objet d'horreur etderévérence, principe depureté etde souillure, la nature devient la forme sous laquelle se présente l'absolu, une fois que la science a rejeté l'absolu métaphysique ou théologique.)} R. RipoU, Réalité et mythe chez Zola, Champion, 1981,p.225. Il «Nous autres, pour laplupart, nous avons été moins sages (que Balzac et Flaubert), moins équilibrés. La passion de lanature nous a souvent emportés, et nous avons donné de mauvais exemples, par notre exubérance, par nos griseries du grand air. Rien ne détraque plus sûrement une cervelle de poète qu'un coup de soleil. Onrêve alors toutes sortes de choses folles, on écrit desoeuvres où lesruisseaux se mettent àchanter, où les chênes causent entre eux, où les roches blanches soupirent comme des poitrines de femme à la chaleur de midi. Et ce sont des symphonies de feuillages, des râles donnés aux brins d'herbe, des poèmes de clartés et de parfums. S'il y a une excuse possible à de tels écarts, c'est que nous avons rêvé d'élargir l'humanité et que nous l'avons mise jusque dans lespierres deschemins. » (id.) Mais Zola a dépassé cette interprétation de ce lyrisme descriptif sans contrôle. Dans le passage qu'on vient de citer, il allègue comme excuse à son exubérance l'influence du soleil et du midi, c'est-à-dire celle de sa chère Provence, et l'idéalisme forcené de sa jeunesse, noum jusqu'à l'excès de lectures romantiques et de fantasmes sensuels mal assumés. Dans son article sur les Goncourt, recueilli dans Les romanciers naturalistes, il va plus loin. Non seulement la nature déborde, mais elle semble, par lamagie de l'écriture, vivre anarchiquement: «Les moindres détails s'animent comme d'un tremblement intérieur. Les pages deviennent de véritables créatures, toutes pantelantes de leur outrance àvivre... On dirait lanature racontée par deux voyants, animée, exaltée, les cailloux ayant des sentiments d'être vivants, les personnages donnant de leur tristesse ou de leurjoie aux horizons. L'œuvre entière devenait une sorte de vaste névrose 7.» Et cette névrose qui transcende les divers éléments de l'oeuvre romanesque, que des siècles de rationalisme avaient séparés à plaisir en créant à partir d'eux une unité supérieure, justifie ces échanges constants entre lanature et 1'homme, dont Zola a tant usé tout au long de sacarrière: «L'art nouveau est là : on n'étudie plus les hommes comme de simples curiosités intellectuelles, dégagées de la nature ambiante; 7 O.C. 11,p. 160. 12 on croit au contraire que les hommes n'existent pas seuls, qu'ils tiennent aux paysages, que lespaysages dans lesquels ils marchent )} lescomplètent etlesexpliquent. (id. ) C'est alors au lecteur de faire l'effort d'imagination et de sensibilité nécessaire pour être en accord avec le tempérament «nerveux »» des écrivains naturalistes, et non le contraire. Ily a dans ces dernières considérations une étonnante modernité d'attitude vis-à-vis du problème des rapports toujours difficiles de l'artiste avec son lecteur. De ces vues originales et lucides de Zola sur le problème des rapports du personnage avec son milieu, retenons plus particulièrement cespropositions: lanature a tendance à sortir de son cadre de décor explicatif pour vivre d'une vie autonome; l'homme n'a pas forcément un rôle dominant sur la nature; il en est le jouet sensoriel et sensuel, le reflet même dans certains cas; la nature à son tour se charge de caractères humains, par un système de projections continuelles; l'ensemble homme-nature fonne un continuUlnindisso- ciable, tant au niveau rhétorique que philosophique. Autant de propositions théoriques qUI serviront de soubassements au présent travail. « Les débaucbes de la description » On l'a remarqué depuis longtemps8, ily aun Zola impressionniste, qui décrit à petites touches, qui ne se lasse jamais d'aligner couleurs tendres ou violentes, fOlmes, effets de lumière à toute heure dujour et de la nuit. Et l'on pense aux orgies descriptives du Ventre de Paris, aux minutieuses vues de la grande ville depuis les 8 Par exemple Ph. Hamo~ «A propos de l'impressionnisme de Zola», Les Cahiers naturalistes n° 34, p. 139 ; M. Marcussen et H. Olrik, «Le Réel chez Zola et les peintres impressionnistes », R.HL.F n° 6, Nov. 1980 ; 1. Newton, «Emile Zolaimpressionniste »,Les Cahiers naturalistes, n°33,p.49,etn° 34,p. 124,etc. 13

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