Université Paris Ouest Nanterre La Défense UMR LADYSS – Dynamiques Sociales et Recomposition des Espaces CIRAD – UPR AGIRs – Animal et Gestion Intégrée des Risques Ecole doctorale : Milieux, cultures et sociétés du passé et du présent – ED395 Thèse présentée pour l’obtention du grade de Docteur en géographie humaine, économique et régionale de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense Soutenue publiquement le 15 octobre 2015 par Alexis Delabouglise Les enjeux territoriaux de la surveillance de la santé animale : le cas de l’influenza aviaire hautement pathogène au Viet Nam et en Thaïlande Directeur : Dr Marisa Peyre et Pr Gérard Salem Jury Nicolas Antoine- Enseignant-chercheur, faculté de médecine Examinateur Moussiaux vétérinaire de l’Université de Liège Christian Ducrot Directeur de recherches, INRA Rapporteur Serge Morand Chercheur, CNRS-CIRAD Rapporteur Marisa Peyre Chercheur, CIRAD Co-directeur Didier Raboisson Enseignant chercheur, INRA - ENVT Examinateur Gérard Salem Professeur des universités, Paris Ouest Nanterre Directeur La Défense 2 - Résumé et mots-clés Résumé La surveillance de la santé se définit comme la production et le traitement de données destinées à informer les programmes de mitigation des risques sanitaires. La surveillance des maladies infectieuses animales est généralement considérée comme un bien public, impliquant la responsabilité de l’Etat. La surveillance des maladies émergentes transfrontalières, dont l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), est même perçue comme un bien public mondial, justifiant un partage d’informations entre Etats. La forme la plus répandue de la surveillance, dite passive ou réactive, repose sur la communication d’acteurs privés ou publics d’informations qu’ils détiennent sur l’état sanitaire des populations animales qu’ils observent aux autorités en charge de la surveillance. La surveillance se trouve donc confrontée à la problématique des biens publics dont la gestion est dépendante de la décision décentralisée d’acteurs privés. Deux questions se posent alors : quels sont les facteurs qui influencent la décision de transmettre une information aux systèmes de surveillance publics ? Ces facteurs sont-ils purement financiers ou impliquent-ils d’autres types d’enjeux, qui font intervenir l’environnement social de l’individu, le territoire dans lequel il s’insère et ses rapports de pouvoirs ? Une autre question est celle de l’existence de réseaux d’information, établis entre acteurs privés et publics permettant d’alerter un maximum d’acteurs de l’apparition d’un risque sanitaire. Comment ces réseaux de constituent-ils ? Dans quelle mesure sont-ils liés aux systèmes de surveillance publics ? Quelles formes de gestion du risque, sous contrôle privé ou public, permettent-ils ? Le cas étudié est celui de l’IAHP due à H5N1 chez les volailles domestiques en Asie du Sud-Est. Une étude a été menée dans quatre zones d’échelle spatiale réduite réparties sur les deux pays, trois au Viet Nam et une en Thaïlande. La théorie des graphs a été appliquée à la diffusion de l’information sur les suspicions d’IAHP entre acteurs privés et publics des territoires avicoles. La structure de ces réseaux d’information est conditionnée par l’organisation politique des territoires ruraux, sous forme de villages, et par les filières dans lesquels s’insèrent les élevages présents dans les territoires. Dans les zones d’étude du Viet Nam présentant un grand nombre d’élevage commerciaux privés, les acteurs amont de la filière avicole commerciale, qui fournissent aliments et produits vétérinaires aux éleveurs, ont un accès privilégié à l’information issue du secteur avicole commercial et villageois. Dans la zone d’étude de Thaïlande, les acteurs impliqués dans les combats de coqs ont un accès privilégié à l’information issue des éleveurs villageois. Ces acteurs centraux dans les réseaux facilitent la diffusion spatiale des informations et l’accès de l’ensemble des éleveurs à ces informations. Les autorités vétérinaires sont 3 - présentes dans les réseaux mais la priorité qui leur est accordée est faible en comparaison aux acteurs privés de la filière. En parallèle, des entretiens qualitatifs ou semi-quantitatifs utilisant les outils de l’épidémiologie participative ont été menés afin d’identifier les enjeux associés à la déclaration des suspicions aux autorités vétérinaire. Les enjeux diffèrent selon les territoires et les types de production avicoles qui les composent. Ces enjeux vont au-delà des problématiques purement financières : risques sanitaires et nuisances environnementales pour le voisinage, responsabilité dans les pertes économiques des autres éleveurs et des partenaires commerciaux, et valeur affective et sociale de l’animal sont autant de composantes potentielles de la décision de l’éleveur de déclarer une suspicion aux autorités. Une partie de ces enjeux est liée aux mesures de contrôle mise en place par l’Etat face au risque sanitaire. Cependant, d’autres sont strictement associés à la diffusion de l’information. C’est le cas, par exemple, des impacts des informations sur les prix du marché avicole. Par ailleurs quelques études pilotes montrent l’intérêt des outils basés sur des expériences de choix, en l’occurrence l’analyse conjointe, pour distinguer les enjeux perçus et ceux qui influent réellement la décision des acteurs. En complément des études à l’échelle locale, des enquêtes ont été menées avec des acteurs impliqués directement ou indirectement dans la surveillance à l’échelle nationale. L’efficacité de la surveillance passive est contrainte par la répartition des responsabilités administratives et financières entre Etats et gouvernements locaux. La mise sous tutelle des autorités vétérinaires par les gouvernements locaux au Viet Nam limite la remontée des informations aux autorités vétérinaires centrales. Les médias jouent un rôle dans la surveillance de l’IAHP. La relative liberté qui leur est accordée dans leurs investigations et leurs communications au public sur les risques liés à l’IAHP contraint les gouvernements locaux à exposer de manière plus transparente leur situation sanitaire. Les entreprises agro-alimentaires exercent une surveillance sanitaire privée sur les populations avicoles domestiques. Ce type de surveillance se substitue au système de surveillance publique. Mots-clés Surveillance sanitaire ; enjeu territorial ; filière avicole ; influenza aviaire hautement pathogène ; analyse de réseau ; épidémiologie participative 4 - Summary and keywords Summary Health surveillance is defined as the production and processing of data aimed at informing health risk mitigation programs. Surveillance of infectious animal diseases is usually considered as a public good, involving the responsibility of the state. Surveillance of transboundary emerging diseases, like HPAI, is even perceived as an international public good, justifying information sharing between countries. The most common type of surveillance, i.e. passive or reactive surveillance, is based on communications from private or public actors of the information they hold about the health status of animal populations they observe to authorities in charge of health surveillance. Animal health is therefore confronted with the problematic of public goods whose production depends on decentralized private decision. Two questions may be raised: what are the factors influencing the decision to transmit information to public surveillance systems? Are these factors solely of monetary nature or are they linked with other types of issues, among which the social environment of individuals, the place where they live and their power relationships? Another question relates to the existence of information networks established between private and public actors which enable to a part of the population of sanitary threats. How these are networks constituted? To which extent are they linked with public surveillance systems? Which type of risk management do they allow? The studied case is H5N1 HPAI in domestic poultry in Southeast Asia. A study was conducted in four areas of limited spatial scale distributed in two countries, three in Viet Nam and one in Thailand. Graph theory was applied to the diffusion of information related to HPAI suspicions between actors, private or public. The structure of these networks is shaped by the political organization of rural places, the villages, and by the value chains to which poultry farms belong. In study areas of Viet Nam with widespread commercial poultry farming, upstream actors of the value chain, supplying feed and veterinary products to farmers have better access to information from the commercial and backyard poultry farms. In the Thailand study area, actors participating in cock fighting games have a better access to information from backyard farms. These actors who are central in information networks facilitate the spatial spread of information and access of farmers to information from distant locations. Veterinary authorities are included in the information networks but their attributed priority is week in comparison with private actors of value chains. Besides, qualitative and semi-quantitative interviews were conducted, using tools of participatory epidemiology, in order to identify issues linked with suspicion reporting to veterinary authorities. Those issues differ according to places and types of poultry production. They go beyond purely monetary concerns: sanitary risks and environmental nuisances to the neighborhood, responsibility 5 - in economic losses of other farmers and commercial partners and social and affective value of animals are potential components of the decision of farmers to report a suspicion to veterinary authorities. A part of these issues are linked with disease control measures implemented by the state in response to sanitary risks. However, others are strictly associated with information spread. It is the case, for example, of impacts of information on poultry market prices. Besides, some pilot studies showed the interest of using tools based on choice experiment, in this case conjoint analysis, for distinguishing issues perceived and issues really influencing actors’ decision. Besides local surveys, interviews were performed with actors directly or indirectly concerned with poultry health surveillance at the national level. Efficacy of passive surveillance is constrained by the distribution of financial and administrative responsibilities between the Stat and the local governments. The dependence of veterinary authorities toward local governments, in Viet Nam, limits the upward flow of information to central authorities. Media have a role in HPAI surveillance. The relative freedom allowed to them in investigating and communicating on HPAI risks constrain local government in transparently exposing their disease outbreaks. Agro-industry exerts private health surveillance on domestic avian populations. This private surveillance is a substitute to public surveillance. Keywords Health surveillance ; territorial issue ; poultry value chain ; highly pathogenic avian influenza, network analysis ; participatory epidemiology 6 - Remerciements Je remercie les docteurs Christian Ducrot, de l’INRA, et Serge Morand, du CIRAD, qui me font l’honneur d’être rapporteurs de cette thèse. Je remercie également le docteur Didier Raboisson, de l’ENVT, d’avoir accepté d’être examinateur de cette thèse. Je remercie le professeur Gérard Salem, de l’Université Paris Ouest La Défense, d’avoir dirigé cette thèse et de m’avoir enseigné les rudiments de la démarche géographique. Je salue avec le plus profond respect le docteur Marisa Peyre, du CIRAD, pour avoir co-dirigé cette thèse, pour avoir tout fait pour donner à ce travail les moyens financiers et logistiques de sa réalisation, pour son soutien constant. Ma sincère reconnaissance va au docteur Nicolas Antoine-Moussiaux, de l’Université de Liège, pour son appui scientifique, pour avoir partagé mes aventures de terrain et m’avoir transmis sa passion pour l’économie de la santé. Ma gratitude va également au docteur Muriel Figuié du CIRAD, au docteur Joachim Otte de la FAO et au professeur Katharina Stärk du Royal Veterinary College pour leur implication dans le comité de pilotage de ma thèse. Un grand merci à l’équipe CIRAD du Viet Nam, à Pham Thị Thành Hoa, à Hàng et à Sơn. J’adresse le plus grand respect au professeur Vũ Đình Tôn, au docteur Phan Đăng Thắng, à Đào Công Duẩn et Đào Thị Hiệp de l’Université Nationale d’Agriculture de Hà Nội pour leur soutien sans faille dans mes recherches et leurs connaissances solides du monde rural vietnamien. Je dois toute ma gratitude au docteur Lê Quang Thông, au professeur Nguyễn Ngọc Hải, au docteur Lê Thanh Hiền, à Trương Đình Bảo, Nguyễn Ngọc Thành Xuân, Lâm Kim Hải et Trần Ngọc Thủy Tiên de l’université Nông Lâm de T.P Hồ Chí Minh pour leur contribution aux études menées dans le Sud du Viet Nam. Je remercie le docteur Nguyễn Việt Không et Nguyễn Tiên Thành de l’Institut Nationale de Recherche Vétérinaire de Hà Nội pour leur contribution aux études effectuées dans le Nord du Viet Nam. Mes remerciements sincères vont également à Vũ Mai Quỳnh Giao pour m’avoir accompagné dans mes premières enquêtes. Je remercie Tân Lương Phát, Đăng Xuân Sinh et Phan Thủy Thành Duyên dont les connaissances des systèmes de surveillance et les contacts dans le milieu vétérinaire m’ont été d’une aide inestimable. Je remercie le professeur Suwicha Kasemsuwan et le docteur Aurélie Binot-Herder de l’université Kasetsart pour leur appui scientifique et diplomatique à l’étude menée en Thaïlande. Je suis également reconnaissant à Dumrongsak Thatong pour son soutien. 7 - Je remercie Thitiya Seekhasamban et Panupan Junfeung pour leur engagement dans les recherches menées en Thaïlande. J’adresse mes respects aux docteurs Raphaël Duboz du CIRAD et Guillaume Fournié du Royal Veterinary College pour m’avoir apporté le soutien technique adéquat dans mes analyses de réseaux. Je remercie le docteur Christine Jost pour m’avoir initié à l’épidémiologie participative. Je salue le travail du docteur Mathilde Paul, de l’ENVT, et Sophie Valeix, du STEPS, dont les remarquables études menées en Thaïlande ont été autant de précieuses sources d’inspiration pour mes propres recherches. Je remercie le docteur Eva Pilot, de l’Université de Maastricht, pour avoir contribué à mon apprentissage de la géographie de la santé. Ma reconnaissance va également au docteur Yves Duchère pour ses conseils avisés en géopolitique vietnamienne. Je remercie Marie Gely du CIRAD son aide technique dans mes travaux de cartographie. Je remercie les assistantes d’AGIRs au CIRAD, Betty, Catherine et Marie-Anne pour leur aide. J’adresse mes salutations à tous les participants des études de terrain, Vietnamiens et Thaïlandais, pour m’avoir tant appris. Une pensée enfin pour Uyên qui s’est trouvée à mes côté durant ce long voyage. 8 - Avant-propos Le laboratoire de rattachement du doctorant à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense est le LADYSS - Dynamiques Sociales et Recomposition des Espaces. L’école doctorale dans laquelle a été réalisée la thèse est l’ED 395 – Milieux, Cultures et Sociétés du Passé et du Présent. Cette thèse a été réalisée dans le cadre du projet scientifique REVASIA, sur un cofinancement de l’Agence Française de Développement et du CIRAD. Les travaux de recherche effectués ont obtenu l’appui institutionnel du département de la santé animale du ministère de l’Agriculture et du Développement Rural au Viet Nam, du Département du Développement de l’Elevage en Thaïlande. Ils ont également reçu l’approbation des autorités des quatre zones d’étude. Ils ont reçu l’appui de partenaires scientifiques nationaux : le Centre de Recherche Interdisciplinaire et de Développement Rural de l’Université Nationale d’Agriculture de Hà Nội, la faculté de médecine vétérinaire et d’Elevage de l’Université Nông Lâm de T.P. Hồ Chí Minh, l’Institut National de Recherche Vétérinaire de Hà Nội et la faculté de médecine vétérinaire de l’Université Kasetsart de Bangkok. Les données présentées dans le manuscrit ont été collectées durant les années 2011, 2012 et 2013. Les publications dans des journaux internationaux sont listées en annexe de ce manuscrit. Les résultats préliminaires des études de terrain ont fait l’objet d’une restitution orale aux habitants de la commune de Cẩm Hoàng dans la province de Hải Dương au Viet Nam, aux autorités vétérinaires de la province de Sukhothai en Thaïlande et aux autorités vétérinaires de la province de Đồng Nai au Viet Nam. Ils ont également fait l’objet d’une restitution orale lors du séminaire du projet REVASIA organisé à Hà Nội en 2015. Des rapports exposant les résultats des études ont été rédigés et remis aux autorités vétérinaires des quatre provinces d’étude ainsi qu’au Département du Développement de l’Elevage de Thaïlande. 9 - 10 -
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