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LES DISTRIBUTIONS ALIMENTAIRES DANS LES CITÉS DE L'EMPIRE ROMAIN TARDIF PDF

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Persée http://www.persee.fr Les distributions alimentaires dans les cités de l'empire romain tardif Jean-Michel Carrié Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité, Année 1975, Volume 87, Numéro 2 p. 995 - 1101 Voir l'article en ligne Jean-Michel Carrié,~~ Les distributions alimentaires dans les cités de VEmipre romain tardif~~, pp. 995-1101. La publication des ~~P. Oxy~~. 40 conduit à reposer à l'échelle de l'Empire le problème des distributions alimentaires gratuites. A Rome d'abord: ont-elles changé de caractère à partir des Sévères? Textes juridiques et P. Oxy. 40 persuadent du contraire. Le droit à l'annone publique, sans prendre aucun caractère d'assistance, demeure au IVe s. un privilège civique limitatif. Une telle situation explique la coexistence de divers secteurs dans le ravitaillement de la capitale (distributions gratuites, vente à prix contrôlé et marché libre). La découverte du ~~sitèrésion~~ d'Oxyrhynchos n'autorise pas à généraliser l'existence d'une telle institution dans toutes les villes de l'Empire tardif. Une tentative de classement typologique et chronologique des témoignages est menée. Elle tend à distinguer un premier groupe d'institutions dont la diffusion au cours du IIIe s. relève d'initiatives municipales, dans un esprit d'exaltation poliade, bien plus que d'une politique impériale. Le financement de distributions par le budget impérial se serait limité aux grandes métropoles provinciales (Antioche, Alexandrie), et serait apparu à une époque plus tardive. Avertissement L'éditeur du site « PERSEE » – le Ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, Direction de l'enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation – détient la propriété intellectuelle et les droits d’exploitation. A ce titre il est titulaire des droits d'auteur et du droit sui generis du producteur de bases de données sur ce site conformément à la loi n°98-536 du 1er juillet 1998 relative aux bases de données. Les oeuvres reproduites sur le site « PERSEE » sont protégées par les dispositions générales du Code de la propriété intellectuelle. Droits et devoirs des utilisateurs Pour un usage strictement privé, la simple reproduction du contenu de ce site est libre. Pour un usage scientifique ou pédagogique, à des fins de recherches, d'enseignement ou de communication excluant toute exploitation commerciale, la reproduction et la communication au public du contenu de ce site sont autorisées, sous réserve que celles-ci servent d'illustration, ne soient pas substantielles et ne soient pas expressément limitées (plans ou photographies). 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LES DISTRIBUTIONS ALIMENTAIRES DANS LES CITÉS DE L'EMPIRE ROMAIN TARDIF* PAR Jean-Michel CARRIÉ Mcmbrn de l'Ecole Les distributions alimentaires gratuites à la plèbe sont un des traits les plus originaux de la vie sociale romaine. Elles n'ont pourtant fait jusqu'ici l'objet d'aucune étude systématique pour l'époque impériale tardive. L'idée semble communément admise qu'entre les premiers et les derniers siècles de l'Empire ces distributions ont vu tout à la fois leur signification, leur nature et leurs modalités se modifier profondément 1• Dans leur caractère d'abord: cessant d'être un privilège civique fondé sur la double condition de la citoyenneté romaine et de l'origo dans la capitale, elles seraient devenues une pure et simple « assistance prêtée par !'Empereur aux pauvres ... L'état s'est reconnu le devoir de secourir le prolétariat des grandes agglomérations urbaines» 2• Dans leur champ * Cette étude reprend, en les fondant sur une documentation récemment enrichie, les raisonnements et conclusions d'un mémoire de diplôme d'études supérieures composé sous la direction de M. William Seston en 1967. Il m'est un agréable devoir de signaler la dette contractée à l'égard de M. Seston qui, depuis cc premier intérêt pour l'histoire romaine jusqu'à la mise au point du présent article, n'a cessé de me guider par ses conseils, ses encouragements et son exigence bienveillante. 1 D. Van Berchem, Les distributions de blé et d'argent à la plèbe romaine sous l'Empire, Genève, 1939, chap. III: .Les asvects nouveaux de la frumentatio an IIIe siècle. 2 D. Van Berchem, ibid., p. 104. Même idée chez V. Martin et D. Van Berchem, Le vanis aedium d'Alexandrie, dans Rev. Phil., NS 16 (1942) p. 5-21: Constantin « dota Constantinople . . . de distributions de pains aux pauvres, sur le modèle de celles qui existaient alors à Rome et à Alexandrie » (p. 20). 996 JEAN·MICI-1.EL CARRIÉ d'application ensuite: le critère civique aurait été rendu caduc par la Constitutio Antoniniana, qui faisait de presque tous les habitants libres de Rome des citoyens, donc des bénéficiaires des distributions. En con séquence, « il ne subsistait plus guère d'habitants de Rome, en dehors des clarissimes et des chevaliers, qui demeurassent exclus de la frumen tati-o et des autres distributions » 1. Ainsi galvaudé, le privilège aurait disparu en tant que tel, faisant place à un système d'assistance publique: l'idée rejoint ici la précédente. Dans leurs cadres administratifs: les fru mentationes de l'époque républicaine s'adaptaient à la répartition des citoyens en tribus, selon les principes du recensement qui établissait la liste des citoyens domo Roma. L'inscription sur cette liste ne suffisait cependant pas à conférer le droit effectif aux distributions: la libéralité publique était limitative, du moins à partir de César, et sans doute aussi auparavant, en alternance avec des phases de gonflement massjf et illégal du nombre des bénéficiaires 2 Pour la période impériale tardive, nous • n'aurions aucun témoignage direct d'une telle entrave, et ce silence a été interprété dans le sens d'un abandon des procédures anciennes de con trôle: contrôle désormais sans objet, puisque tout le monde ou presque avait droit aux distributions. Les difficultés réelles ou supposées de l'économie romaine à l'époque impériale tardive ont également induit certains historiens à penser que les distributions auraient été suspendues à certaines périodes 3 ou que , l'état aurait été contraint de les rendre payantes: bien qu'à prix réduit: Le jour où la charge des distributions gratuites s'avérera trop lourde, << celles-ci feront place à des distributions contre payement » 4• Au total, l'institution annonaire présenterait, au IVe siècle de notre ère, un visage fort différent de celui qui lui avait été donné par Auguste, 1 A. Chastagnol, La vréfecture urbaine à Rorr1,e sous le Bas-Empire, Paris, 1955, p. 314. Z. Yavetz, Plebs and Princevs, Oxford, 1969, p. 145 et note 4, pense que l'exclusion des sénateurs et des chevaliers n'est pas prouvée. Pour un état de la question des distributions républicaines, cf. P. A. Brunt, Italian Manpower, 225 B.0.-A.D. 14, Oxford, 1971, p. 376-382. 2 Le retour à une limitation rigoureuse du nombre des bénéficiaires sous le gouvernement de César nous est connu par Suétone, Gaes. 41. 3 Au milieu du IIIe siècle, selon G. Raffo, Sulle distribuzioni di viveri a Roma nel III secolo D.G., dans Giom. It. di Filol. 4, 1951, p. 250-255: suspen dues à une date indéterminée, mais postérieure aux Sévères, elles auraient été rétablies par Aurélien, sous forme de pains et non plus de grain. 4 D. Van Berchem, Les Distributions ... , op. cit., p. 104; A. Chastagnol, La préfecture ... , op. cit., p. 312-313: panis popularis payant à Rome dans les années 360, puis de nouveau dans les dernières années du IVe s. LES DISTRIBUTIOXS ALDIENTAIRES 997 sans qu'il y ait lieu de s'en étonner: comment aurait-elle pu traverser rue inchangée les mutations politiques, sociales, économiques des et Ive siècles, Une telle assertion ne peut cependant pas fonder sa légitimité sur la seule vraisemblance. Il lui faut avant tout trouver appui dans une documentation parfois déconcertante, moins pourtant qu'on n'a voulu le dire. Certes, la répartition chronologique de nos sources se révèle fort inégale, et l'inconvénient se multiplie de ce que les types de documents ne se répondent pas d'une période à l'autre. Une telle disparité encourage naturellement la tentation de supposer que l'institution s'est profondé ment transformée. Pour la période tardive, la difficulté résulte également de la nature essentiellement juridique de nos sources. Les lois qui nous ont été conservées par les grands recueils tardifs paraissent doublement contradictoires: entre elles, mais aussi avec la documentation des siècles antérieurs. Ce n'est pourtant qu'une apparence, qui se dissout à la lu mière d'un examen systématique: il faut faire la part de ce qui est d'un côté la continuité d'une inspiration législative dans un domaine donné, et de l'autre, de l'adaptation à telle ou telle situation passagère de ce souci de continuité. Tenter de rétablir dans leur cohérence globale les diverses lois re latives à l'annone publique permettrait déjà de remettre en question le tableau classique qui en est présenté et que je viens de rappeler dans ses grandes lignes. Il ne faut pas non plus négliger la contribution que peuvent apporter à l'étude des distributions dans la capitale les données documentaires relatives à d'autres cités de l'Empire, où ces distributions ont pu se pro longer plus tard qu'à Rome. Aux exemples précédemment connus d' A lexandrie, d'Antioche et, principalement, de Constantinople, est venu s'ajouter récemment le témoignage inattendu d'archives en provenance d'Oxy1·hynchos datées du règne d'Aurélien 1• Il n'est pas certain que la portée exceptionnelle de ces nouveaux documents ait été appréciée à sa juste valeur par le monde des romanisants. L'éditeur de ce dossier papyrologique, J. R. Rea, dans un commentaire d'une remarquable per tinence et d'une grande érudition, en a pourtant dégagé toute l'impor tance au regard de l'institution annonaire dans la capitale. C'est déjà chose inestimable que d'apprendre l'existence, dans une ville égyptienne 1 J. R. Rea, The Oxyrhynchus Papyri, t. 40, Londres, 1973. Le corn << dole archive » ainsi remonté à la surface de la réserve papyrologique du British Museum, où son inventeur l'a repéré avec une perspicacité digne de tous éloges, se compose de 49 documents (n°s 2892-2940): demandes d'inscription sur la, liste des ayants droit, listes récapitulatives, etc. 998 JEAN-MlCIIEL CARRIÉ de moyenne importance, d'un système de distributions gratuites à un nombre limité et soigneusement défini de citoyens. La surprise est plus grande encore si l'on considère combien ce symbole de prospérité urbaine et d'aisance fiscale qu'est la frumentatio coïncide peu avec l'idée sombre que les historiens se faisaient du IIIe siècle de notre ère. Ces nouveaux documents posent donc une première question: 1'8-.n none publique ne s'est-elle pas étendue à d'autres villes au cours des IIIe et rve siècles, et ne peut-on préciser la chronologie de ce phénomènc1 Je réserve cc point pour plus tard, non sans annoncer d'entrée de jeu qu'ici ma réponse ne sera pas aussi catégorique que celle de M. Rea. Pourtant, ce qui fait l'intérêt majeur de ce « corn dole archive », c'est de renouveler le problème tant débattu des distributions gratuites à Rome même, en nous fournissant un parallèle inespéré capable en retour de combler les lacunes de la documentation pour la capitale. « Il ne peut y avofr aucun doute que les distributions à Oxyrhynchos sont étroitement moulées sur le système romain. Comme à Rome les qualifications essen tielles sont la citoyenneté et la résidence, les affranchis sont admis, les distributions sont calculées mensuellement, probablement au même taux, et contrôlées partiellement par des jetons. Elles sont considérées comme un don de l'Empereur, comme à Rome au moins depuis l'époque <le Septime Sévère» 1• Dans le détail, la ressemblance est plus frappante encore: nous apprenons que le renouvellement des bénéficiaires inscrits sur la liste limitative était opéré par tirage au sort parmi les habitants remplissant les conditions requises: c'est exactement la procédure qu'avait instituée César pour les distributions dans la capitale 2 Simple coïnci • dence1 C'est difficilement soutenable. De ce qu'on n'entendrait plus parler de tirage au sort après César, les historiens avaient conclu que cette pratique n'avait pas survécu au dictateur. La comparaison avec Oxyrhynchos prouve maintenant qu'elle devait continuer à Rome en plein IIIe siècle. En effet - et je résume ici la logique inattaquable du raisonnement de M. Rea 3 - ou bien les distributions à Oxyrhynchos ont été instituées peu de temps après la règlementation césarienne cles distributions à Rome, et s'y sont maintenues jusqu'au IIIe siècle tandis qu'elles étaient abandonnées à Rome - ou bien elles ont été instituées tardivement en allant ressusciter en Egypte une règlementation césarienne depuis long- 1 Citation traduite de ,J. R. Rca, op. oit., p; 8; 2 Suét. Jul., 41. 3 J. R. Rca, loc. cil., p. 10. LES DISTRIBUTIOXS ALDIEKTAIRES 999 temps abandonnée à Rome. Ou bien elles ont été créées à une période qui n'est pas très éloignée de la date pour laquelle elles nous sont attes tées, et reflètent des normes en vigueur à Rome à la même époque. La dernière hypothèse paraît seule admissible 1. Elargissant la portée des indications fournies par les papyrus, L Rea a corrigé les vues précédemment exprimées concernant l'annone romaine à l'époque tardive. Il a réfuté M. Van Berchem, mais sur le terrain d'une documentation ne dépassant guère l'époque sévérienne. Or il me semble que la documentation contemporaine des papyrus d'Oxyrhynchos, ou mieux encore postérieure, confirme parfaitement les conclusions du pa pyrologue britannique. Cette documentation permettait déjà d'avancer une argumentation allant dans le même sens. Je suis reconnaissant à M. Rea de donner maintenant à ces hypothèses une confirmation sans laquelle j'aurais hésité encore à les proposer. Dans ce tableau d'ensemble des frumentationes à l'époque tardive, qu'il me paraît souhaitable de proposer comme alternative à la description traditionnellement admise, j'envisagerai trois thèmes principaux. Tout d'abord les conditions d'admission au bénéfice de ces distributions, qui nous préciseront déjà la définition juridique, politique et idéologique de l'institution. Ensuite, les divers secteurs du ravitaillement de la capitale, et les modalités de son fonctionnement. Enfin, le problème de l'extension ou de la restriction des distributions gratuites dans les cités de l'Empire tardif. Je tiens préalablement pour acquis, avant toute autre considération sur le sujet, que la plèbe romaine n'a jamais été vraiment la populace oisive, entretenue par le blé public et distraite par les spectacles impé riaux, dont Juvénal a imposé l'image complaisante. Je crains cependant que cette vision traditionnelle ne trouve encore parfois crédit. S'il était encore besoin de mettre en garde contre le trop célèbre cliché « panem et circenses », mot d'auteur indifférent à la réalité profonde de son temps, je me contenterais de renvoyer à la dernière en date des réfutations que cette formule a suscitées 2 P01u recourir à une comparaison fort inadé- • 1 Le terminus post quern, de l'institution de telles distributions en Egypte me paraît être moins la Oonstitutio Antoniniana, comme le soutient M. Rea (ibid., p. 9) que l'octroi du statut municipal aux villes égyptiennes. Chronolo giquement, la nuance est assez négligeable; elle l'est par contre beaucoup moins s'il s'agit de définir la nature de l'institution: cf. infra, p. 1026. 2 J. P. V. D. Balsdon, « Panem et circenses », dans Horn1nages à ~lfarcel Renard, t. 2, Coll. Latoniits vol. 102, Bruxelles, 1969, p. 57-60. Pour l'époque du Ha.ut-Empire, la description classique est celle qu'a donnée Van Berchem 1000 JE.\!\-~IICIIEL CARRJÉ quate par aillew·s, représentons-nous l'image de la société française ac tuelle qu'on powTait dédufre des propo, polémiques les plus courant,• sur les aUocations familiales ou la sécurité sociale. Il faut également tenir compte des racines sociologiques et idéologiques de l'historiographie ro maine du XIXe , iècle: la conception de la plèbe romaine instituée par Dureau de la Malle, Mommsen et leurs successeurn a reproduit souvent Je discours que la bourgeoisie occidentale de l'époque tenait par aillew,. sur les classes dangereuses>> 1 C'est le grand mérite de M. Van Berchem 11 . que d'avoir sorti le débat sur l'annone de cette ornière idéologique et d'avoir repris le problème uniquement par référence au contexte ro main. J'approuve sans réserve cette démarche, en regrettant que l'au teur ne l'ait pas conservée avec la même rigueur à propos du Bas Empire 2• dans rouvrage cité en tête du pré cnt article, Les Distributions ... Les prin cipaux compléments à cette étude ont été apportés pa,r G-. E. F'. Chilvcr, Prin ceps and frum,entationes, dans AJP 20, 1949, p. 7-21, qui précise l'origine du hlé distribué et le maintien des praefecti frnrnenti dandi, et Z. Yavctz, Plebs a11d Princeps, Oxford, 1969. Citons égalcmcn t la thèse (Strasbourg, 1971) de 1\I me H. Pa vis d'Escurac, La préfecture de l'annone, service adrninistratif irnpé rial d' _luguste à Constantin, étude cl u fonctionnement administratif du ervicc, csscnticllc111ent, où l'on trouvera cependant une bibliographie abondante et un état des travaux antrrieurs. li sera fait, référence à cet ouvrage dan,:, I' édition dactylographiée du Centre de publication des thèses de l'Univrr,:,ité de Lille III. Le ravitaillement de Rome et les di tribution gratuites ont été traités d'une façon concise mais personnelle par A. JI. M. Jones dans son Later Rornan Ernpire, 2, p. 695-705. Au moment où je livrais la présente étude, j'ai pris con nai sancc <le la monographie d'E. Tcngstrom, Bread for the People, Studies of the corn-supply of Rorne during the late Ernpire, Stockholm, 1974. L'ouvrage ne recoupe que rarement les questions débattues ici, sauf dans ses deux der niers chapitres, qui abordent sous l'angle de réalités concrètes le problè-mc des cl i tribu tions. 1 De G. Humbert, rédacteur des articles concernant l'annone dans le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines de Darcmbcrg et, Saglio: « ... le régime de l'annone, ans pré erver le Romain de la famine, attira à Rome .. . la lie de la population de la banlieue et de la province, qu'il fallut en chasser ensuite. Tl employait le travail des cultivateurs honnêtes à nounir une popu lation oisive ... Enfin, il ruinait le commerce libre ... "; et plu loin: l'a11- 11 • •• 1w1w civica fournit le budget de la fainéanti c ,,. 2 1· ne réserve cependant: sur le concept de «caste " employé par D. Van Berchem, Distributions, p. 9 et 59-60. L'idée que l'annone soit « une institution politique » avait été déjà exprimée par J. P. \Valtzing, Etude historique siir les corporalio11s professionnelles chez les Romrûns, Louvain, 1895-1000, t. 2, p. ]!), 1001 LES DISTRIBUTIONS ALIMENTAIRES I - LES CO DITIO "'S D'ADMISSION - ANNO E ET ÉTAT-CIVIL A) DÉFINITION DU DROIT À L'AN 10NE PUBLIQUE Les conditions individiœlles. Après l'étude de M. Van Berchem sur les distributions du Haut Empire, tous les historiens admettent que la citoyenneté et la résidence à Rome ont été les conditions exigées des bénéficiaires de l'annone publique. Personne ne soutient que ces deux conditions aient cessé d'exis ter sous le Bas-Empire, mais on pense communément qu'elles étaient désormais vidées de leur contenu, puisque tout le monde était devenu citoyen. Je voudrais tenter au contraire de montrer ici qu'à Rome, aux ure et IVe siècles, non seulement tous les citoyens n'étaient pas des ayants droit aux distributions, mais encore tous les ayants droit théo riques n'étaient pas effectivement admis au bénéfice de l'annone. On peut distinguer deux séries de conditions préalables. La première série regroupe des conditions individuelles. ous pou vons les résumer en une phrase: sont théoriquement admissibles sur la liste des bénéficiaires de la frumentatio les citoyens non déchus de leurs droits civiques recensés à Rome, de sexe masculin et ayant atteint la majorité. Justifions maintenant chacun de ces termes. Etre citoyen de plein droit, cc optimo jure »: il va de soi que les individus exerçant une profession infamante, qui les prive de leur qualité de citoyen, sont exclus des distributions publiques 1 • Etre recensé à Rome, être « domo Roma» ou encore « originarius »: M. Van Berchem a suffisamment montré, pour le haut-empire, le caractère ab solu de cette condition 2, qui n'a pu que se maintenir à l'époque tardive. Il en allait de même à Oxyrhynchos, où un candidat à l'inscription se 1 Cf. D. Vau Berchem, LesDistributions ... ,p.100-101.L'auteursedcman de si Caracalla, en admettant aux distributions les prostituées, proxénètes et homosexuels, n'a pas manüesté son indifférence aux prérogatives tradition nelles des citoyens. Ce passage de la Vita Heliogabali, 27, éveille la suspicion: c'est un pastiche burlesque du style administratif impérial. Le but poursuivi n'en est pas moins d'attribuer à Héliogabale l'initiative de mesures scandaleuses ou insensées: pour que le lecteur de !'Histoire Auguste se scandalisât à l'idée que des citoyens déchus partageaient le privilège frumentaire, il fallait donc que celui-ci restât intact à l'extrême fin du IVe s. 2 D. Van Berchem, Les Distributions ... , p. 34-36. 1002 JEAN-MICHEL CARRIÉ déclare « citoyen natif »: &~~w xoct ocÙToc; 1t0Àe:LT"l)Ç wv xoct ocù&~yzv-~c; 1 Il faut donc faire état tout à la fois de sa civitas et de son origo. Une ex ception est cependant consentie, dans la cité égyptienne, en faveur des citoyens d'Alexandrie, à condition qu'ils justifient de leur résidence à Oxyrhynchos: l'un d'eux joint à sa demande une copie de son certificat de résidence, ToÜ È<.pe:crTl[ou] TO &vTlypcx<.po[v] 2 De fait, si la Constitutio An • toniniana a uniformisé le statut politique des citoyens libres de l'Empire, elle n'a pas aboli pour autant les différences qui tenaient à tel ou tel 1toÀLTe:uµoc, à telle ou telle origo. J'en veux pour preuve la survie surpre nante du terme de peregrinus appliqué à des habitants libres de l'Empire: c'est que le mot a changé de sens après 212: il désigne désormais l'incola, par opposition au civis de telle ou telle ville 3 Or nous savons explicite • ment par Saint Ambroise, que des pérégrins, c'est-à-dire en l'occurence des provinciaux, résidant à Rome, où ils exerçaient pourtant des fonc tions directement utiles au ravitaillement de la, ville, n'avaient aucun droit aux distributions publiques 4 • De sexe masculin: Certains historiens ont retenu comme probable la participation des femmes aux distributions frumentaires. Pourtant, si l'on admet que l'institution a gardé essentiellement une nature civique, sans préoccupation humanitaire ou sociale au sens moderne du mot, la femme en est ipso facto exclue, en tant qu'être privé d'existence juridique. La pratique la plus courante de l'évergétisme privé confirme cette ex clusion. Selon la conclusion de M. Duncan-Jones: nous savons que les cc femmes étaient à l'occasion comprises parmi les bénéficiaires de distri butions d'argent, et aussi (plus rarement) parmi les participants aux fêtes publiques. Mais les sources impliquent fortement que leur inclusion était l'usage le moins fréquent, répandu seulement dans certaines petites vil1es d'Italie » 0• Lorsque les femmes sont admises au bénéfice de libé ralités partagées par le populus, on prend du reste soin de le signaler par une référence explicite. Les inscriptions dans lesquelles des femmes 1 P. Oxy. 2902, l. 12-13. 2 P. Oxy. 2916, I. 9-lû. Cf. B. Kübler dans PIVRE 19,J, s.v. peregrinus, col. 655; L. Ruggini, 3 Econ.om,ia e società nell'Jtalia annonaria ... , :Milan, 1961, p. 122, note 32fi. 4 A mbr., De Offeciis TTT, 44-45; L. Ruggini, op. cit., p. 120, commente: questi peregrini pare non godessero di alcun diritto aile distribuzioni di panis << popularis, caro porcina e vinum fiscale, c la loro autorizzazione di soggiorno nell'Urbe serbô sempre un carattere di estrema provvisorietà n. Cf. infra: T,es distributions amtonaires et la Constitutio Antoniniana. 5 R. Duncan-Jones, The Econom.y of the R01'1ian Empire. Quantitative Studies, Cam bridge, 1974, p. 263. LES DISTRIBUTIONS ALUŒNTATRES 1003 sont dites frumento publico doivent donc relever d'une explication parti culière. Dans l'une d'elles 1 on voit clairement qu'une femme partage , avec son fils le droit à la frumentatio: sans doute s'agit-il d'une veuve, dotée à ce titre de la patria potestas 2, selon une pratique analogue à celle du jus trium liberorum 3 Il se peut également que dans le cas du veuvage • ]a mention du frumentum publicum n'ait été qu'une expression coupée de son contenu effectif, employée comme synonyme pléonastique de la civitas romana: cette qualification restait en effet acquise à la famille pendant la vacance de l'exercice du droit civique, en attendant la ma jorité d'un enfant de sexe masculin. Ayant atteint l'âge de la majorité. On a beaucoup débattu de l'âge d'inscription des citoyens sur le registre des distributions publiques. Il me semble pourtant qu'à plusieurs reprises on a fondé des hypothèses sur des documents concernant non pas la frumentatio, mais soit les con giaires, soit les alimenta, ces fondations alimentaires instituées sous l'égide des empereurs, et que nous font connaître d'une façon un peu plus dé taillée les inscriptions de Ligures Baebiani et de Veleia 4• Ainsi en est-il du texte de Suétone: (Auguste) ne minores quidem pueros praeteriit, quam vis non nisi ab undecimo aetatis anno accipere consuessent, dont M. Van Berchem tire l'indication de dix ans pour l'âge à partir duquel commen çait la participation aux distributions publiques 5• Il s'agit en fait de l'âge de participation aux congiafres, pour lequel les règles étaient moins prAcises 6 Ou bien de ce passage du Panégyrique de Trajan où Pline glo • rifie l'aide apportée par !'Empereur à l'éducation des jeunes enfants: omnes antequam te viderent adirentve, recipi, incidi iussisti, ut iam tamer✓, inde ab injantia parentem publicum munere educationis experirentur, cre- 1 Dessau 9275. 2 Cf. D. Van Berchem, Les Distribution,s .. . , p. 42-43; P. A. Brunt, Ital'ian Jfonpmrer, op. cit., p. 382. 3 Sur les possibilitt>s juridiques ouvertes par la possession de cc droit, telles qu'on peut les voir exercées dans la pratique légale, cf. R. Taubenschlag, 'l'he Law of Graeco-Roman Egypt in the light of the Papyri (332 B.O.-640 A.D.), 2e éd., Varsovie, 1955, p. 177. 4 D'une bibliographie particulièrement abondante, je retiendrai seule ment les deux interprétations récentes, et partiellement antagonistes, cle P. Veyne, Les alimenta de Trajan, dans Empereurs rom,ains d'Espagne, Colloque C.N.R.S., Paris, 1965, p. 163-179, et de R. Duncan-Jones, The Purpose and Org(J/11,isation of the Alirnenta, dans PBSR, 1964, p. 123-146. 6 Suet., .Aug. 41; D. Van Berchem, Les Distributions ... , p. 33. 6 Cf. Pline, Panég. 26, où l'on voit que Trajan dépasse de beaucoup le nombre habituel des bénéficiaires.

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