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Les dieux ailes PDF

288 Pages·2011·1.31 MB·French
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1 DANS LA MÊME COLLECTION Déjà paru : Les Héritiers d’Enkidiev, tome 1 Renaissance Les Héritiers d’Enkidiev, tome 2 Nouveau monde À paraître bientôt : Les Héritiers d’Enkidiev, tome 4 Le sanctuaire * * * À ce jour, Anne Robillard a publié vingt-sept romans et quatre livres compagnons. Pour plus de détails sur ces autres parutions, n’hésitez pas à consulter son site officiel : www anne-robillard com 2 Anne Robillard Les Héritiers d’Enkidiev Tome 3 Les dieux ailés Wellan Inc. 3 « Il y a pire que de ne pas réussir, c’est de ne pas essayer » 4 5 6 1 LE MAÎTRE DU DRAGON En acceptant de devenir une Fée. Nartrach avait visé deux buts fort distincts : d’abord, avoir deux bras comme tout le monde, puis épouser la belle Améliane, fille du capitaine Kardey et du Chevalier Ariane. Le jeune homme n’avait pas du tout songé aux souffrances que lui causerait cette transformation, car la constitution des Fées ne ressemblait en rien à celle des humains. Le Roi Tilly avait été très surpris que le nouveau prétendant de sa petite-fille lui fasse une telle demande. Il n’avait procédé à cette délicate opération que sur une seule personne depuis le début de son règne, soit le capitaine Kardey. Il l’avait d’ailleurs fait sans le consentement de ce dernier, puisqu’il était déjà mort à son arrivée au palais. Nartrach avait d’abord dû préparer son corps. Pendant des jours, il n’avait absorbé que le nectar extrait des fleurs géantes du Royaume des Fées. À la grande surprise de l’Emérien, il n’avait pas été tiraillé par la faim, tandis qu’il s’occupait de son jeune dragon, Nacarat. Celui-ci avait grandi au nord-est de la montagne de Cristal, au milieu d’un troupeau de juments- dragons, mais il se sentait chez lui n’importe où, pour autant que son maître s’y trouvait aussi. Malgré sa taille, la bête rouge se déplaçait avec beaucoup de délicatesse entre les arbres de cristal, les gigantesques champignons et les fleurs multicolores. Elle dormait près de la rivière, non loin du château de verre, et laissait même les grenouilles l’approcher sans chercher à les croquer, car elle était végétarienne. Lorsque Tilly sentit le prétendant de sa petite-fille enfin prêt, il l’emmena dans une étrange pièce circulaire. « On dirait que je viens de pénétrer dans une sphère géante », songea Nartrach en se tordant le cou pour regarder partout. 7 — C’est la salle des regrettés, expliqua le Roi des Fées. — « Regrettés » comme dans « décédés » ? — Pas dans le sens où les humains l’entendent. — Pourquoi suis-je ici, exactement ? s’inquiéta Nartrach. — Parce que c’est l’étape la plus importante de ta métamorphose. — Je dois mourir ? — Si tu ne quittes pas momentanément ton corps, je ne pourrai pas en altérer la composition. — Mais lorsque nous perdons la vie, ne sommes-nous pas censés nous rendre sur les grandes plaines de lumière ? — Oui, et c’est pour cette raison que je t’ai conduit ici. Cet endroit empêche cette transition de s’effectuer. — Est-ce que ce sera douloureux ? — Tout changement comporte un minimum de souffrances. Nartrach hésita. — Il est encore temps de changer d’idée, précisa le souverain ailé. Le jeune homme baissa les yeux sur son bras manquant. Il avait pourtant mené une vie remplie depuis qu’un homme- insecte le lui avait arraché. Son handicap ne l’avait jamais empêché de chevaucher son dragon, de se battre à l’épée ou de s’acquitter de ses corvées à la ferme d’élevage de ses parents. Il rêvait maintenant de se marier et d’avoir des enfants, mais il craignait de ne pas pouvoir leur fournir un exemple convenable, puisqu’il n’arrivait pas à tout faire. — Ce qui importe, ce sont les valeurs que nous transmettons à nos héritiers, indiqua Tilly qui lisait ses pensées. — Il est par contre difficile de lancer son bébé dans les airs et de le rattraper d’une seule main. — Pourquoi voudrais-tu faire une chose pareille ? — Pour l’amuser, évidemment. — Les humains sont encore plus différents des Fées que je le pensais. Nartrach fit quelques pas dans le hall sphérique en observant le plafond. — Je suis prêt, déclara-t-il enfin. — Dans quelques secondes, tu ne pourras plus reculer. 8 — Procédons, je vous en prie. Le roi lui demanda de se coucher sur le sol. — Ne pense plus à rien, recommanda Tilly. — C’est plus facile à dire qu’à faire. Nartrach ferma les yeux et fit de gros efforts pour ralentir les battements de son cœur. Le monarque se mit alors à chanter d’une voix si douce que l’Emérien sombra dans le sommeil. Une fois que ce dernier fut profondément endormi, Tilly posa la main sur son visage et stoppa sa respiration. Le corps de Nartrach s’éleva doucement dans les airs et la vie le quitta. Les Fées possédaient des yeux différents. Elles pouvaient voir l’énergie vitale des êtres vivants. Pendant un instant, le roi observa le vol de l’âme de l’Emérien, emprisonnée dans la salle des regrettés. Le Roi des Fées se mit alors au travail. Il transforma chaque cellule de Nartrach, pendant de longues heures. Il fit repousser son bras manquant, déplaça ses organes internes à l’aide de son seul esprit et le vida de son sang. Puis, du bout de ses doigts s’échappèrent des filaments lumineux qui pénétrèrent la chair du jeune homme et se frayèrent un chemin jusqu’à ses veines et ses artères. Lorsque la transformation physique fut complète, Tilly entonna un chant pour attirer l’âme de Nartrach vers son nouveau corps. L’âme commença par tourner autour de son ancienne enveloppe, puis, à force de persuasion de la part du souverain, elle accepta de s’y fondre de nouveau. Le jeune homme se remit aussitôt à respirer, et son cœur à pomper son sang neuf et ambré. Imperturbable, Tilly demeura auprès de lui, jusqu’à ce qu’il reprenne enfin connaissance. Nartrach battit des paupières et croisa le regard du roi. — Comment te sens-tu ? — C’est difficile à dire… On dirait que je suis léger comme une plume. — Excellent. Tilly l’aida à se remettre debout. — Ta mutation est complète, mais il te faudra t’habituer à ta nouvelle densité corporelle. — J’ai donc vraiment changé de poids. 9 — Pourquoi penses-tu que les Fées peuvent voler ? — Je n’y avais jamais songé. — Surtout, ne t’éloigne pas du palais avant quelques jours. Tu es devenu si léger que tu risques de t’élever dans le ciel et, selon les vents, nous n’arriverons peut-être pas à te retrouver. — Comme c’est encourageant. Le monarque tourna sur ses talons, en direction de la sortie. — Merci, fit le nouvel homme-Fée. — Ne répands pas trop la nouvelle. Je n’ai pas envie de passer le reste de mes jours à transformer d’autres humains qui ne pourront jamais être munis d’ailes. Tilly quitta la salle des regrettés, laissant Nartrach seul avec ses pensées. « Je suis devenu une Fée », se répéta-t-il plusieurs fois. Il baissa le regard pour mieux examiner son corps et subit un grand choc en s’apercevant qu’il avait deux bras ! Il approcha ses doigts de son visage pour mieux les observer, les frottas ensemble, heureux d’éprouver des sensations tactiles dans les terminaisons nerveuses de ce nouveau membre. — Juste pour ça, le jeu en valait la chandelle, murmura-t-il, ébahi. Le roi lui avait recommandé de ne pas s’aventurer loin du château de verre, mais tout ce qu’il voulait, c’était courir jusqu’à sa belle pour l’étreindre. — Nartrach, on se calme, se dit-il. Il inspira profondément et fit quelques pas dans la pièce sphérique où il se sentait en sécurité. Il eut alors l’impression de marcher sur une surface duveteuse. Pourtant, à son arrivée dans la salle, il n’avait rien senti de tel. Il se pencha et toucha le sol de ses mains. Il était effectivement fait d’une matière dure rappelant le verre. Pour ne pas tenter le sort, Nartrach franchit la porte et décida d’entrer dans le palais où il pourrait faire sans crainte d’autres essais. Des Fées passèrent au-dessus de sa tête en se poursuivant. Leurs voix cristallines, qui n’avaient été y jusqu’à présent pour l’Emérien que des murmures, lui crevèrent les tympans. Il plaça vivement les mains sur ses oreilles jusqu’à ce que les jeunes filles se soient éloignées. « Les sens de ces créatures sont beaucoup plus aiguisés que les nôtres », conclut- il. 10

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