, 4 BIBLIOTHÈOUE DE PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE HISTO| IRE DE LASectPiHonILdOirSiOgPéeHIpEar ÉEmTile PBHRIÉLHOISEORPHIE GÉNÉRALE LES DIALOGUES _ DE PLATON. | STRUCTURE ETMÉTHODE(DIALECTIQUE 7 PAR LU 2 Vicror GOLDSCHMIDT Docreur és Lerrres PRESSES UNIVERSITAIRES D| E FRANCE 108, Boulevand SAÎNT-Germain, Panis | 1947 DÉPOT LÉGAL . ro édition., .. ,.,. 3° trimestre 1947 TOUS DROITS detraduction,dereproductionctd’adaptation __ réservés pour tous pays | COPYRIGHT | by Presses Universitaires de France, 1947 À Monsieur Émile BRÉHIER PRÉFACE ‘ Le sujet du présent travail nous à été suggéré au cours de notre étude sur le Cralyle. Nous avons alors été conduit, à établir un programme dont voici les points essentiels : « Une étude sur .« Les procédés dialectiques chez Platon » devra recueillir et classer les différents modes de recherche et d'exposition qu’on trouve dans les dialogues. La méthode dialectique, loin d’être _ une et uniment définissable, comporte beaucoup de variations et, surtout, de degrés\, » .- Après:sept ans, ce programme nous paraît bien vaste et nous nousempressons d’avouer, dès le début, que nous sommes loin de l'avoir réalisé. Il nous semblé surtout qu'il confond généreusement deux sujets dont une seule étude ne saurait venir à bout. Le problème des procédés est différent de celui dela méthode. Or il fallait examiner d'abord ce dernier. Car précisément parce que la méthode comporte plusieurs « degrés », ou niveaux, il fallait d’abord décrire le cadre où viennent s'in- _sérer les procédés. Différents selon les niveaux où ils se trouvent, les procédéssont, en vérité, fonction de la méthode?. À commen- cer par l'inventaire et la description des procédés, on ne saurait aboutir qu'à un recueil de recettes dialectiques qui, prises en elles-mêmes, présentent souvent un caractère éristique. Il a paru inutile de refaire les livres des Topiques. Sur la méthode dialectique, des clartés ne manquent pas, ‘semble-t-il, à quiconque pratique un peu les Dialogues. Ascen- sion et redescente, un et multiple, dichotomie, hypothèse, autant de termes qui paraissent suffisamment définir la méthode dialectique. En de nombreux textes, les Dialogues décrivent cette méthode et lillustrent par des exemples. Maïs dès qu'il s'agit d'observer le fonctionnement de la méthode dans la ‘démarche même des Dialogues, des difficultés se présentent 1. Essai sur Le « Cralyle.», Paris, 1940, p. 63, n. 1. , | 2, Nous nous permetions de renvoyer à notre élude sur Le paradigmedans la dialectique plalonicienne, Paris, 1947, dont Je premier chapitreessaie de définirles emplois d’un de ces procédés par rapport à la méthode dialectique, VIII LES DIALOGUES DE PFLATON et il apparait finalement que le problème fondamental de la méthode dialectique el, à vrai dire, le problème unique, est de savoir quel usage en font les Dialogues. I] ne suffit donc pas de développer une théorie de la méthode, théorie qui tirerait sa” substance des passages méthodologiques et qui n’invoquerait la démarche des Dialogues qu'à titre d'exemples sporädiques, Il faut étudier en premier lieu la démarche des Dialogues, leur: progression dialectique, c'est-à-dire leur structure, Il n'est ni évident, au premier abord, ni probable que méthodeet structure se confondent. Mais il paraît légitime d'expliquer Îles textes qui enseignent la méthode par ceux qui la pratiquent el d'englober, autrement dit, la méthode et la structure des Dialogues dans uneseule et même étude. : Le sujet ainsi entendu n’a pas encore été traité systémati- quement, ni même clairement défini. Mais le problème de la _ structuré a été posé très nettement (et, à notre connaissance, pour la première fois) par M. R. Schaerer qui, dans une Étude sur les rapports de la pensée el de l'expression dans les Dialogues, a été amené à décrire « une forme théorique et complète » des Dialogues qu'il applique àplusieurs d’entre eux? et'à établir plusieurs points importants que nous retrouverons plus loin : la description du mouvement final de certains dialoguest, la distinction entreles « dialogues complets »et les « dialogues incom- plets »6, le rôle qui revient « dans l'exégèse des Dialogues», à la : « considération d'aspect», Si nous nous accordons moins aisé- ment avec M. Schaerer sur l'analyse même de lastructure des Dialogues, c'est parce que l'auteur ne lie pas assez, à notre avis, le problème morphologique au problème dialectique (méthodo-. logique), et aussi parce que son sujet, très général, ne-lui a pas permis de consacrer plus de pageset de recherches à ces qüestions. Notre enquête ne pourra présenter quelques chances de succés qu'étendue à un grand nombre dedialogues. La méthode dialcetique n’est peut-être pas « une ». Maïs qu'elle soit multiple ou même infinie, ce serait une raison de plus pour recueillir sur elle le plus dé renseignements possible. Et aussi (puisqu'elle 4 J pFr8, R. Senaeren, La Queslion plaïonicienne, Paris et Neuchâtel, 1938, pp. 135-142. ; 4. CT, plus loin, 8 5, n. 8. 5. Quesl.plal., loc, cit, G. Loc. cil,, p. 135.Cette dualité des concepts est enseignée par Platon lui- même (au sujet de l’arilhmétique, Phil., 57 d) et L. Ronpe a expliqué par là le paradoxe du Ménon (Psyehe, L, IL, p.293, n. 1 ; 9eot 10° éd., Tobingen, 1926). Mais c'ost à M. Schacror querevient le mérile incontestable d'avoir généralisé co principe d'explicalion {voir en particulier les chap, V et VIT de soulivro). : PRÉYACT Li: .£st la méthode de Platon), pour essayer d’en prendre une « vision d'ensemble ». —— Nous avons donc interrogé tous les dialogues proprement dialectiques, c’est-à-dire en exceptant l'Apologie, le Ménexène, le Timée, le Crilias eb les Lois. Nous avons cru “devoir écarter encore, après examen, tous les dislogues dits « suspects » eb « apocryphes ». L'interrogatoire n'aurait fait que confirmer le jugement d’inauthenticité sur lequel tout le monde aujourd'hui semble d'accord. Et les vingt-trois dialogues qui restent formaient déjà un dossier suffisamment volumineux. : Comment mener l’enquête ? — La méthode comparative, qui de toute manière s’imposait, comportait deux modes d'ap- plication. On pouvait. consulter, un à un, tous les documents du dossier, sans idée préconçue ni sur l'ordre à adopter, ni sur les questions à poser, et établir, chemin faisant, les points communs. On pouvait également procéder à un classement. préalable des Dialogues, et confronter les dialogues et les textes qui auraient répondu aux mêmes questions. Le-premierprocédé, analytique, était le plus sûr ; le second, synthétique, le plus clair. — Nous avons adopté une’ solution intermédiaire. Il a paru commode de classer les dialogues par groupes selon des critères sur lesquels nous nous expliquerons plus loin. Mais il nous à paru indispensable d'analyser la structure de chaque dialogue, plutôt que de nous borner àune étude comparative des textes d'un même niveau dialectique. Get examen successif de tous les dialogues semblait la meilleure garantie contre l’es- prit de systèmequi est la subtile tentation de toute exégèse de Platon. En revanche, cette façon de procéder entraîne faci- lement la monotonie. Nous avonsfait de notre mieux pour . éviter ce danger, probablement sans y réussir. Au demeurant, ce n'est jamais que d'une manière accessoire que des études d'histoire de la philosophie ressortissent à l'art de plaire.et ce serait faire injure au lecteurque de ne paslui l'aire partager la discipline que l'auteur a cru devoir s'imposer à lui-même. De pius, l'analyse détaillée des Dialogues n'est pas, dans notre . esprit, déstinée principalement à établir les pièces justificatives que suppose notre Conclusion. Au contraire, si cette conclusion présente quelque intérêt, c'est uniquement dans la mesure où elle peut contribuer à l'interprétation.des Dialogues. I] importe très peu au lecteur de connaître une théorie de plus sur la dia- lectique plakonicienne, si cette théorie ne le renvoie pas à ce qui soul l’intéresse, au texte même de Platon. É Nous n'avons pas ou l'ambition d'écrire un système de la théorie de la connaissance chez Platon. Copendant, nous avons x LES DIALOGUES DE PLATON eu soin de présenter les Dialogues dans un ordre qui permit de préciser progressivement et d'enrichir les éléments de cekle théorie. Aussi avons-nous multiplié les renvois d’une analyse. à l’autre. L'étude de chaque dialogue bénéficie des études pré- cédentes et s'appuie sur elles. Le grand nombre de documents nous a obligé’ à certaines restrictions d'ordres divers. Nous avons renoncé à comparer la méthode de Platon avec celles des philosophes postérieurs. En particulier, nous avons négligé la méthode d'Aristote et même, à quelques exceptions près, les critiques que le’ Stagirite adresse à son maître. Il a fallu réserver pour unprochain travail le problème des prolongements néoplatoniciens. Mais il nous semble dès à présent que l'analyse structurale des Dialogues permet de découvrir, au fond des spéculations sur les hypo- stases, une inspiration authentiquement platonicienne. —Pour en revenir aux Dialogues mêmes : presque jamais nous n'avons posé de questions de chronologie. Elles n'auraient d’ailleurs: servi qu'à jeter la plus grande confusion dans une enquête qui recherche l'unité de la méthode platonicienne, au delà de toute « évolution », apparente ou réelle. — Il est impossible d’étudier la forme des Dialoguessans des références constantes à leur contenu dogmatique, C'est dire qu’il aurait fallu tenir compte de l'immense bibliographie qui fait cortège au moindre d’entre eux. Lé volume de ce travail s'en serait trouvé accru démesu- rémenk. L'analyse, déjà longue et laborieuse, en eût étéralentie et troublée. De plus, une discussion sur des questions de détail ne pourrait, à notre avis, s'instituerutilement qu'après unaccord: sur la manière dontil faut les poser et, bien souvent, sur le fait même de savoir s’il faut les poser?. Or, s’il est vrai, comme nous le croyons, que la méthode et la structure des Dialogues sont solidaires et qu’elles font l’objet d’une même étude comparative, c’est cette. étude qui pourrait fournir ce principe d'accord et c'esb par rapport à elle qu’il y aurait intérêt à situer tousles problèmes concernant la dialectique, la composition et.même la doctrine des Dialogues. Il va sans dire que le cadre de ce travail ne nous à pas permis de procéder à cette mise en place de tous. les problèmes ni, là où nous l'avons tenté, de prendre toujours. position à l'égard de résültats voisins, proposés par d'autres chercheurs à partir d'autres points de vue. Sans entrer dans le détail, signalons seulement que notre étude rencontre les syn- c 7. Ainsile problème du nombre exact de reuves Qqu'aligne le Phédon en aveur de l'imnortalilé de l'äue est, du point de vue structural, suns objet, VHLPACÉ thèses platoniciennes, pourlent d'inspiralion brès différente sus elles, du R. P. Festugière® el de M. Moreau’, eu plutienr résultoté sur Pinterprétation el sur Fulilisation desquek: oi peut hésiter, mais qu'il importe d'abord d'établir. Mous pensons: en particulier à l’abandon conscient — et qu'on voudrait défi. nitit — de l'exégèse aristotélicienne de la théorie des Formes. Nous pensons également aux rapports entre le Bien et les Formes inférieures, rapports dontil semble bien maintenant que l'image plotimienne de la procession donne encore l'idée la moïns inexactes. Et c'est pour avoir pris au sérieux le rôle éminenk que joue le Bien dans la philosophie de Platon que Goblotu1, Cornfordi? et le R. P. Festugière® ont pu rétablir dans toute son originalité la logique platonicienne. Avant de terminer, nous voudrions dire toute notre recon- naissance à M. H. Margueritte qui nous a initié à l'étude de la. philosophie grecque, guidé dans.nos premières recherches et que des circonstances, en 1942, nous ont empêché de remercier publiquement de tout ce que lui doit notre Essai sur le « Cra- _dyle ». M. &. Bréhier a accepté de diriger le présent travail et ne nous a jamais ménagé ses conseils. Ses encouragements el l'accueil bienveillant qu'il à fait à certaines de n0S idées nous ont aidé à surmonter nombre de : doutes et de difficultés qui ont surgi au-cours de nos recherches. Qu'il veuille bien trouver ici l'hommage de. notre profonde reconnaissance. 8. A.-J. FESTUGIÈRE, Conlemptation el Vie contemplative selon Plalon, Par1iQs0,,.pJo1,s95.M6.ocinl.r,apua,ssiLma; eConnpsatrrtuicctuiloinerdCeonile'mIpdlé[.a,i,iestmce.,! pppla.l2on0i4.c-i2e6n,6 ;PCaornis.si,r.,1e9l3c9.., p,. 114127,.0.CFf..Mp.luCsonlvoirno,no5,1P2l6a,lo'n.s TŸh.eory of Knowledge, Lô|ndon, 1995:, pp. a-6VS8° 273. | 13. Fasruciène, doe, cit., pp. 183 sq. n. 1. INTRODUCTION : LES ÉTAPES DE LA DÉMARCHE DIALECTIQUE . Obxous 8% nov Réyos ye dv yÜfoy dxépaaos Éréy #GTaATROUL * mhuyGuEyoc ap &hv E€na#yTp Totu+biTo.c Éuopeoc palvalro. Lois, 752 a. Kol Gti puxpév n Pou- XÉY MÉREL OÙdÈAÉYEL, dv LLÔVOY Ut 105 Üvrac. : oc -_ Théélèle, 172 d. 1. Dans sa critique de l'Erélicos de Lysias, Platon ne trouve pas de plus grave reproche à l'adresse du rhéteur que l'absence de plan :‘« Tout discours doit être constitué comine un être vivant : avoir uncorps à lui, de façon à n'être-ni sans tête ni sans pleds, mais à avoir un milieu el des extrémités qui soient * écrits de mamièré-à convenir entre eux et au toutt, » [Il faut - s'attendre à voir le censeur de Lysias composer ses propres . discours, les Dialogues, avec une rigueur qui réponde à ces exigences. . Defait, Montaigne n’est pas resté un prédicateur dans le désert quand.1il jugea les dialogues « traînants ». Aujourd’hui encore, certains raisonnements nous semblent tortueux, certaines païtics disproportionnées avec l'ensemble, et volontiers nous demanderions avec les gens du commun : « Mais enfin, pourquoi tant de discours sous tant de formes sur ce sujet ? », ou encore : « Pourquoi ne pas le dire tout de suite, plutôt que de 1, 1. Phèdre, 264 ç. — La conception du Logos comme d'un tout organique est plus imporlante dans ce passoge (cf. encore Georg. 50%d) que l'idée dé Ia tripartilion, d'origine pythagoricienne (cf. ARISTOTE, De Caelo, À, 1, 268 a 10) qui ne nous semble pas pouvoir s'appliquer, dans son acception littérale, aux dialogues de Platon. 2, Essais, IL, IQ, d Prot,, dt 6, VO AAPNOMITRENT 1 ne LESDIALOGUES DE PLATON tourneren rond et de faire quantité de distinctions pourrien ?4 » Un lieu commun, qui n'est pointfaux, affirme que les dia- Jogues de Platon. sont des drames philosophiques. Il permet de tromper notre déception par l'admivation des éléments litféraires de l'œuvre platonicienne. On peut louer les péripéties du drame philosophique habilement amenées, les coups de théâtre artisie- ment ménagés, la diversité des épisodes harmonieusement dis- tribués. De teis éloges ne sont peut-être pas sans fondement. Ils concernent en tout cas l'élément dramatique plus que l'élé- ment philosophique. Encore peut-on se demander si ce dernier n'est vraiment, dans l'économie du dialogue, qu'un « élément », « Chaque fois qu'il s’agit de blämer ou dé louerla brièveté aussi bien que la longueur d'un discours — quel que: soit le sujet. traité —, il faut juger les longueurs, non pas les unes par rapport aux autres, mais, conformément à cette partie del’art de mesurer dont on doit, disions-nous tout à l'heure, se souvenir : parrap- port à la convenancef. » Ce n'est donè plus selon-leur rapport mutuel qu'il faut juger les différentes parties d’une œuvre, mais . par rapport à ce critère absolu que Platon appelle« la conve- nance ». Si c'est là un critère littéraire, il n'est certes ni courant . ni facile à manier. Quoi qu'il en soit, il ne semble pas que le drame pMmiosophique cbéisse à la doctrine classique et remplisse le programme contenu dans sa double dénomination : plaire en même temps qu'instruire. « Nous n'avons nullement besoin de concilier encore la longueur avec le souci de plaire, à moins que ce ne soit de façon accessoire®. » Il ne semble donc pas que. la composition d'un dialogue puisse être pleinement éclairée par les lumières des Bellés-Lettres. PT Il est devenu banal de dire qu’un dialogue de Platon n'est pas construit comme un manuel de philosophie, Mais ce n'est pas assez de l’affirmer. Encore faut-il montrer ce qui fait le propre de la composition platonicienne. Car ce n'est souvent . qu'une façon polie de présumer, dans le fouillis de la démarche dialectique avec ses incidentes et ses: ruptures, ses redites et ses brachylomes, un ordre caché, en quelque ‘sôrte nouménal, et qui ressemble beaucoup à ‘du désordre. - Si le dialogue, par sa composition, se distingue du manuel, il en diffère avant tout par son but. Le manueldu type courant 4. Poll, 288 D Là | , 5. Polit., 286 c 5-d 2 : un npèc &AnAG tù un xplvovrec LARG... mpèc rû mére, cf.Phèure, 264CS : Rpénovss das Jalr6 po. , u Polit., 28 -6 : obtTe yap pds Thv hôovav uhxouc éouéTrovroc obBÈV reoobencéuelx, niv el TApOpé ee EP PE