Marie-Dominique Philippe, o.p. W ׳ B Les béatitudes t r évangéliques - ך U Une lumière chrétienne sur !׳athéisme contemporain Varole et Silence Marie-Dominique Philippe, o.p. LES BÉATITUDES ÉVANGÉLIQUES Une lumière chrétienne sur Γathéisme contemporain Varole et Silence Nihil obstat Fr. Philippe-Marie Mossu Communauté Saint-Jean © Éditions Parole et Silence, 2009 ISBN: 978-2-84573-788-4 Préface Le père Philippe aimait dire que le travail du théologien est inséparable de celui du prédicateur. Autrement dit, la théologie ne prend son sens que lorsqu’elle permet de communiquer aux hommes de manière vivante la Parole de Dieu. Le théologien est donc un contemplatif saisi par le mystère de Dieu, qui met toute son intelligence et tout son cœur à en scruter la Parole. Il doit être en même temps un homme miséricordieux, attentif aux hommes de son époque et à leur forme d’intelligence. Il communique la Parole de Dieu en y donnant accès largement, sans la diminuer. Et il le fait d’une manière adaptée au contexte dans lequel ses auditeurs reçoivent cette Parole. Les conférences rassemblées dans ce livre, données dans le cadre des Associations Familiales Catholiques à Paris, en 1976 et 1977, expriment bien cette intention du père Philippe. En s’adressant à des pères et des mères de famille, il propose à tous un itinéraire pour entrer person- nellement dans le mystère des béatitudes évangéliques. Les béatitudes sont comme l’épanouissement de la vie de la grâce en nous. La grâce s’enracine dans nos intelli- gences et dans nos cœurs en nous permettant d’exercer la foi, l’espérance et la charité, mais elle réclame aussi de s’emparer de toute notre vie humaine, jusqu’à notre corps. L’Esprit Saint, le Paraclet, qui nous donne part au mystère 8 LES BÉATITUDES ÉVANGÉLIQUES de Jésus', veut que toute notre vie soit saisie par ce mystère. Sous sa conduite, notre vie chrétienne est une participation de plus en plus forte à cette béatitude du Christ. Les béati- tudes sont ainsi comme huit reflets complémentaires de la manière dont la grâce du Christ rayonne à travers toute sa vie, en particulier à la Croix: « Heureux les pauvres; heureux les doux; heureux les affligés^. » A travers chacune d’elles se dévoile à nous, dans la foi, le visage du Christ, mais aussi le mystère de notre vocation chrétienne, dans l’attente de la pleine vision du Ciel où « nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est^. » La soif de bonheur que nous portons en nous et à laquelle ces béatitudes répondent est un appel profond de notre cœur. Elle est aussi un des lieux de notre vie les plus fragilisés par les conséquences du péché. Plutôt que d’at- tendre la pleine expérience de la Béatitude qui, ici-bas, ne nous est donnée que dans l’obscurité de la foi, nous sommes très sensibles aux promesses de bonheur immédiat. Au lieu d’attendre de Dieu seul la réponse à notre soif de bonheur, nous sommes enclins à chercher en nous-mêmes cette réponse. La nostalgie du Paradis terrestre est comme une clé qui permet de comprendre le développement des idéologies athées depuis un peu plus de deux siècles. Refusant que le chérubin au glaive tournoyant nous ferme l’accès du jardin d’Éden, nous désirons rétablir un état de justice et de paix par nos propres moyens. Notre désir de béatitude se développe alors sans relation à Dieu. Les grandes idéologies contemporaines expriment à la fois ce désir de bonheur et ce refus de Dieu considéré comme un rival. Si l’on scrute ces idéologies à la lumière de l’Evangile, 1. Cf. Jn 16,14: <1 Le Paraclet me glorifiera, car c’est de mon bien qu’il prendra pour vous en faire part. !> 2. Cf. Mt 5,3-5. 3. 1 Jn 3,2. PRÉFACE 9 on ne peut qu’être frappé de la manière dont chacune d’elles constitue comme une parodie de l’esprit des béati- tudes évangéliques. C’est pourquoi le père Philippe, après avoir présenté chaque béatitude, s’efforce de considérer quelle idéologie contemporaine la caricature de la manière la plus forte. Plutôt qu’un traité philosophique des idéologies modernes, ces conférences introduisent dans un regard de foi. Elles font appel à l’intelligence du croyant pour le rendre attentif aux déviations possibles de sa soif de bonheur. Les idéologies modernes ne manipulent-elles pas l’homme à son insu? En même temps ces enseignements invitent à plonger dans une contemplation aimante du visage du Christ pour être saisis par sa lumière. N’est-ce pas la manière la plus forte de répondre aux idéologies athées ? Frère Jean-Hilaire Communauté Saint-Jean I Bienheureux les pacifiques car ils seront appelés fils de Dieu Fruit du don de sagesse Pour entrer à fond dans le sujet de cette année, il faudrait disposer de plus de temps que nous n’en avons ; mais il faudrait aussi que chacun d’entre nous le « creuse » par la prière. Les béatitudes évangéliques ont toujours été regar- dées par la Tradition comme ce que Jésus apportait de nouveau par rapport à ce que représentait la Loi. C’est le grand dépassement de la Loi. Si nous étions vraiment chré- tiens, nous devrions vivre toujours des béatitudes évangé- liques ; elles devraient mettre au plus intime de notre cœur une conformité parfaite à !’Esprit Saint. « Ce sont ceux qui sont mus par !’Esprit de Dieu qui sont fils de Dieu’ »; et Jésus désire que nous soyons vraiment des fils de Dieu. Saint Augustin disait déjà et il le dirait encore plus fortement aujourd’hui que quantité de chrétiens re tournent à !’Ancien Testament et vivent uniquement de la Loi (aujourd’hui, saint Augustin dirait qu’ils vivent en dessous de la Loi!), sans voir l’exigence profonde du message évangélique, de la grâce du Christ, qui implique toujours un dépassement de ce que nous sommes dans 1. Rm 8,14. 12 LES BÉATITUDES ÉVANGÉLIQUES notre nature humaine, de ce que nous sommes au niveau de notre psychologie, selon la pente naturelle de notre être. C’est du reste pour cela qu’il est si difficile d’être chrétien : on est très vite fatigué! On fait des efforts merveilleux quand on est jeune, mais cela ne dure pas. C’est pourquoi il faut de temps à autre se reprendre. Les retraites sont faites pour cela ; mais on sait que les résolutions de retraite, cela ne dure pas très longtemps, et qu’il faudrait se reprendre tous les jours. Cette année, nous allons essayer de nous rappeler successivement chacun de ces sommets vers lesquels nous tendons. On ne peut pas vivre toujours également de toutes les béatitudes. Parmi vous, certains vivent plus de telle ou telle béatitude. Chacun d’entre nous, en effet, est plus lié à telle ou telle spiritualité particulière, dans la grande famille du Christ; et les différentes spiritualités chrétiennes, jus- tement, mettent en lumière telle ou telle béatitude. Seuls Jésus et Marie ont vécu pleinement de toutes les béatitudes. Nous, nous essayons de vivre de ces béatitudes, et surtout de telle ou telle que !’Esprit Saint grave plus profondément dans notre cœur. D’autre part, il y a des moments, dans !’Église, où telle béatitude apparaît avec plus de force. Quand notre Pape, Paul VI, nous rappelle que !’Église d’au- jourd’hui doit être !’Église des pauvres, il nous indique que cette béatitude doit être vécue d’une manière plus intense. Au Moyen Âge, les Ordres mendiants étaient déjà un appel à la béatitude des pauvres ; cet appel revient constamment, du reste. À d’autres moments, c’est la béatitude de la misé- ricorde qui est vécue davantage, ou la béatitude des paci- fiques. Aujourd’hui la béatitude des pacifiques est particulièrement importante, comme nous essaierons de le voir. Avant d’aborder la béatitude des pacifiques, il aurait fallu une conférence initiale qui introduise au mystère des béatitudes. Nous n’avons pas pu prévoir cette conférence