Les archives de la révolution algérienne Les archives de la révolution algérienne rassemblées et commentées par Mohammed Harbi postface de Charles-Robert Ageron î II les éditions jeune ofrique LES ARCHIVES DE LA REVOLUTION ALGERIENNE Introduction Quand on aborde l’histoire de ta révolution algérienne, tout devient d’une extrême complexité. Chargée de passions en France, elle a été sujette, en Algérie, aux interprétations tendancieuses de tous ceux qui varient l’utiliser à leur profit. Malgré les nombreux travaux qui lui ont été consacrés, cette histoire reste donc lacunaire et peu comprise. Certes des facteurs objectifs y contribuent. Le nationalisme révolu tionnaire s’est forgé dans la clandestinité et s’est développé dans le con texte d’une guerre inégale et meurtrière. Ces conditions se prêtent plus à la propagande qu’à la diffusion d’une information aisément contrôlable. Par ailleurs, la diversité des expériences, des formations et des orienta tions des leaders du mouvement national ne facilite pas l’interprétation des positions de leurs organisations. Enfin le nationalisme a souvent considéré la dissimulation comme une arme tactique légitime à l’égard d’ennemis puissants ou d’alliés chancelants. L‘occultation et la déforma tion intentionnelle des faits n’épargnaient pas les acteurs eux-mêmes. Peu de militants algériens peuvent se vanter d’avoir toujours fait leurs choix en connaissance de cause. Peut-on éclairer une scène où règne la confusion sans en finir avec le culte du secret et la censure, forcée ou volontaire, que chacun s’impose ? Evidemment non. La publication de ces archives se veut donc une réponse à cette question. On trouvera là des écrits de toutes les composantes du mouvement national. C’est que l’histoire de la révolution algérienne ne se confond pas, quoiqu’on en dise, avec celte du FLN. Il est certes légitime de consi dérer te triomphe du FLN comme la seule vote alors possible pour l’Algé rie. Mais si l’on ne veut pas tomber dans te fatalisme historique, il est nécessaire de prendre en compte toutes tes virtualités inhérentes au pro cessus historique et de jauger tes opacités non déployées ou gaspillées. 10 INTRODUCTION D’où l’intérêt de l’étude des alternatives proposées par le MNA de Mes- sali Hadj et le Parti communiste algérien. J’ai utilisé une partie de ces archives à l’occasion de mes travaux star le FLN, en particulier dans mon ouvrage Le FLN, mirage et réalité >. L’autre m‘était parvenue trop tard pour être exploitée. Sa lecture jette un éclairage nouveau sur la tragédie du MNA, une tragédie qui, contrairement à ce que beaucoup pensent, continue à avoir des effets, ne serait-ce que par lesilence ou l’ignorance qui l’entourent. Le passé, en Algérie, doit redevenir le patrimoine de chacun. Privé de mémoire, un peuple peut errer longtemps dans les ténèbres. Pour qu’une réflexion collective éclaire les problèmes actuels de l’Algérie et soit éclairée par eux un préalable est requis : l’accès de tous à l’information. L’histoire, on lésait, est une reconstruction. Les mêmes matériaux peu vent donna' naissance à des interprétations différentes. Les archives de la révolution algérienne ne doivent pas resta le monopole de gardiens jaloux, hommes du pouvoir ou opposants, qui gèrent le passé sans que personne ne soit en mesure de les contesta. La confrontation des idées et des expériences et la formation des opinions politiques ne peuvent qu’y gagner. Sans cela, il n’est pas de progrès réels et irréversibles. Quiconque s’intéresse à une véritable libération sociale ne peut s’accommoder des mythologies héroïques et des récits moralisateurs que l’on sert à un peuple désorienté et meurtri. Il ne fait pas de doute que les considérations de pouvoir entravent la recherche de la vérité historique. Or, l’Algérie n’a aucun intérêt à voir s’organisa l’ignorance. L’intelli gence des problèmes qu’eut à affronter le mouvement national, et des crises successives qui perturbèrent son évolution, est indispensable. Un livre d’histoire contemporaine est nécessairement lu par ceux-là mêmes qui en ont vécu les péripéties. Or, ces acteurs historiques, souvent hommes de pouvoir, ont à l’égard d’une histoire objective une attitude ambiguë, caractéristique de leur vision politique. Ils relèvent tel ou tri détail qui leur paraissent hypothéqua l’ensemble mais refusent le débat public dans toute son ampleur et dans ses implications. En même temps, ils sont persuadés que l’histoire étant toujours en cours, il n’est pas bon de la raconter, avant d’en connaître la fin. Mais précisément n’est-ce pas un des rôles des historiens de l’immédiat que de permettre aux acteurs de « faire le point » et de récupéra par ta réflexion et la raison ce qu’ils ont produit par la passion et parfois l’aveuglement ? Il ne s’agit pas de dis tribua blâmes ou éloges mais de rendre intelligible un devenir social que l’action quotidienne et les affrontements tendent à obscurcir. Cet ouvrage n’est pas un choix de textes. Je rends publics ici tous les documents que j ’ai pu rassembler. L’absence de témoignage enregistrant l’activité autonome des masses ne m ’est donc pas imputable. Si l’enregis trement documentaire des quations qui nous intéressent le plus (attitude u LES ARCHIVES DE LA REVOLUTION ALGERIENNE des simples militants et des masses face à la direction du FLN, niveau de conscience politique, aspirations des groupes sociauxj fait défaut, c’est que la vision unitaire de la société est imposée à tous et que les positions non conformistes sont perçues en Algérie comme relevant de l’anarchie. La première partie du recueil porte sur la préparation de l’insurrection et la scission du MTLD. J’en regrette la minceur. L’attention des histo riens a été surtout concentrée sur la période 1954-1962. Or, plus on étu die l’histoire contemporaine de l’Algérie, plus on se rend compte de l’importance décisive des années qui ont précédé le 1er novembre 1954. Il est temps d’en finir avec les exégèses discutables qui font d’une période d’accumulation des forces une ère de « jeux stériles » et de « faillites des partis ». La seconde partie qui porte sur la révolution armée est plus homo gène. Elle se prêtait mieux à une présentation par groupe de textes, et non plus texte par texte comme dans la première partie. En définitive, la méthode nous a été dictée par la matière elle-même. Si nous n ‘avons pas adopté l’ordre chronologique, c’est qu’il ne nous paraissait pas indispen sable à la lecture des documents. L’ouvrage se compose dans sa quasi-totalité d’inédits. Nous avons cependant retenu quelques documents déjà publiés en raison de leur importance. Le lecteur doit pouvoir s’y référer. Ce sont les positions du Comité central contre Messali, la déclaration du FLN en date du 31 octo bre, des articles et des tracts de l’année 1955-1956 occultés depuis le ral liement de l’UDMA et des centralistes, etc. Notre but n’était pas défaire une édition critique. Nous nous sommes contentés de situer les documents et de les annoter pour en rendre la lec ture plus msée. Quelques textes de Messali ont posé des problèmes particuliers. Il a fallu parfois procéder à des coupes mineures pour éviter les répétitions. Les titres sont toujours ceux des documents, sauf pour quelques-uns où il n’y en avait pas. Dans ce cas nous avons mis des titres purement expli catifs. Pour bien distinguer les notes incluses dans les textes originaux de celles que nous avons ajoutées pour éclaira1 ceux-ci, les premières, fort peu nombreuses d’ailleurs, sont indiquées à l’aide d’un * les secondes sont numérotées. B nous faut, enfin, remercia tous ceux qui ont bien voulu nous céder les archives en leur possession aux fins de publication. Que la plupart aient voulu garda l’anonymat, le lecteur le comprendra aisément. Mohammed Harbi l. Fm m 1990 ma MMon Jji. S'y itftnr U l'on vtul d'tutt part dbpoxr d’une mis» <n situation htao- rit/nt ttpoHtiqm UnHUt rim tkmmntsprésentés dro ctt oumte et d'mtrtpart pmdrt connaissance de 12
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