Un silence consterné, quelques apartés, des ordres donnés, des seigneurs qui se déguisent en domestiques, et ces voitures au galop sur les chemins. Il n'y avait pas de lune en cette nuit du 16 juillet 1789, et lorsque je me suis retournée sur Versailles, le château, caché par la forêt encore plus sombre que le ciel, avait disparu. Je voudrais raconter cette désertion. Pour apaiser les intrus de mes nuits et adoucir l'isolement de mes jours, dans ma chambre, cet enclos de silence, de veille et d'écriture, que je ne quitte plus guère, et que je nomme, à mes heures, «mon château de Solitude». J'accueillerai tout ce qui me reviendra à la mémoire, ces fragments d'un monde naufragé que je n'aurai pas le coeur de tuer, d'une rature, une seconde fois. Je ne cesse de prendre et reprendre en esprit les mêmes faits, de les métamorphoser au gré de mes songeries, tandis que d'autres, peut-être plus essentiels, se sont effacés. J'ai cette excuse: je parle d'il y a longtemps -d'un temps qui ne conduisait à rien et surtout pas à ce sinistre XIXème siècle, dont, par simplisme numérique et leurre rétrospectif, on le réduit à n'être que l'antichambre.
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