les 50 ans du syndicat de la rédaction du soleil Louise Fradet les 50 ans du syndicat de la rédaction du soleil 1950-2000 Un combat pour la profession septentrion Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons éga- lement l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition. Photos de la couverture: La nouvelle salle de rédaction du Soleil, source: Archives Le Soleil. L’édifice du Soleil de la rue Saint-Vallier, le véritable alma mater des journalistes, d’où ils ont été déracinés en décembre 1994 par l’éditeur de l’époque, Gilbert Lacasse, source: Archives Le Soleil Révision: Solange Deschènes Mise en pages et couverture: Folio infographie Si vous désirez être tenu au courant des publications des ÉDITIONS DU SEPTENTRION vous pouvez nous écrire au 1300, av. Maguire, Sillery (Québec) G1T 1Z3 ou par télécopieur (418) 527-4978 ou consultez notre catalogue sur Internet: www.septentrion.qc.ca © Les éditions du Septentrion, 2001 Diffusion au Canada: 1300, av. Maguire Diffusion Dimedia Sillery (Québec) 539, boul. Lebeau G1T 1Z3 Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2 Dépôt légal – 2e trimestre 2001 Ventes en Europe: Bibliothèque nationale du Québec Librairie du Québec ISBN 2-89448-189-6 30, rue Gay-Lussac 75005 Paris pourquoi et comment raconter l’histoire d’un syndicat? Les anniversaires sont occasions de célébration, mais aussi de réflexion. À l’occasion de son cinquantième anniversaire, le Syndicat de la rédaction du Soleil pose un geste de commémoration. Raconter son histoire, c’est rap- peler les événements, tenter de leur donner un sens, faire un bilan, mesurer le chemin parcouru. Commémorer, c’est vouloir poursuivre l’œuvre entreprise. C’est aussi un hommage aux générations de journalistes qui ont fait le syndicat, souvent dans l’ombre, parfois dans la contro- verse, mais toujours à la poursuite d’idéaux. De par sa nature même, le syndicalisme est engagé. Un syndicat se veut un organisme de combat, tout au moins de défense des droits de ses membres. L’histoire d’un mouvement syndical peut-elle donc ne pas être enga- gée? Cette histoire peut certes se réaliser à coups de sta- tistiques et de tableaux graphiques, mais elle risquerait de passer à côté de l’âpreté des luttes et ne pas refléter les difficultés et craintes vécues ou ressenties par les dirigeants ou les membres du syndicat. À notre ère informatisée et 8 les 50 ans du syndicat de la rédaction du soleil virtuelle, les conditions actuelles du journalisme peuvent trop aisément nous faire oublier les difficultés de la longue marche des journalistes du Soleil depuis la fondation du journal. On ne peut raconter sans aucune émotion des luttes pour des meilleures conditions de travail, une meil- leure qualité de vie et le perfectionnement du journalisme. Dans notre société néolibérale du tournant du xxiesiècle, le syndicalisme n’a pas bonne presse et est critiqué plus souvent qu’à son tour. Cependant, le syn- dicalisme est de plus en plus l’objet d’études scientifiques. Le syndicalisme est un phénomène que l’on ne peut négliger: il a affecté et continue d’affecter l’économie, la société, la politique. Reconnaissons-le d’emblée, il y a syndicalisme et syndicalisme. Le syndicalisme a changé avec le temps. Au Soleil comme ailleurs, il a connu des mutations, comme ce fut aussi le cas de la gestion des entreprises. Le syndicalisme doit s’adapter, sinon il prône des discours dépassés et défend des positions qui indiffè- rent ses membres car ils ne s’y reconnaissent plus. Il a existé et il existe encore diverses formes de syn- dicalismes. L’activité syndicale est complexe et multiforme. Le syndicalisme s’adapte aux combats à mener. D’une entreprise à l’autre, d’un métier à l’autre, d’une profession à l’autre, les priorités syndicales sont diverses. Dans le milieu de la presse, comme dans beaucoup d’autres, on est passé, au cours des 50 dernières années, d’un syndicalisme de combat à un syndicalisme davantage corporatif. Ce qui ne veut point dire que l’on n’y mène plus de luttes et que l’on ne vise plus d’idéaux. Pourquoi et comment raconter l’histoire d’un syndicat? 9 La syndicalisation au Soleil: de l’imprimerie à la salle de rédaction À Québec, en 1880, est fondé le journal L’Électeur. Son objectif est de défendre les principes du parti libéral face aux journaux associés au Parti conservateur, Le Courrier du Canada et L’Événement. Le Parti libéral est alors vu comme un parti radical et doit affronter les réprimandes et les attaques d’une bonne partie des élites et du clergé catho- lique. Condamné par l’Église en 1896, le journal L’Électeur devient Le Soleil, conservant toutefois même directeur et même personnel. Le journal a été forcé de changer de nom afin de contourner l’interdiction de l’Église et de conserver ses abonnés. L’entreprise occupe alors d’étroits locaux dans une maison de la côte de la Montagne. Dès la fondation du journal, une partie du personnel est déjà syndiquée. En effet, comme alors dans toutes les autres entreprises de presse d’Amérique, les typographes font partie d’une union ouvrière. Ce sont eux qui sont aux origines de la syndicalisation dans les imprimeries. Comme dans plusieurs types d’entreprises, l’acte de s’unir ou de se syndiquer a d’abord été l’affaire des travailleurs ou des ouvriers qualifiés, c’est-à-dire qui exercent des métiers requérant l’apprentissage de techniques ou l’usage d’outils et de machines. Le journalisme est alors vu comme une profession sans qualifications, ne requérant pas d’appren- tissage ou de formation particulière. À Québec, jusqu’aux premières décennies du xxe siècle, on ne parle pas de syndicats, mais plutôt d’unions. C’est en France que l’on retrouve la lointaine racine du mot syndicat. À l’origine du mot, il y a syndic. 10 les 50 ans du syndicat de la rédaction du soleil Ce dernier était un conseiller ou un avocat qui représentait les intérêts d’un client dans une action en justice. Du concept de défense des intérêts, le mot syndic donnera naissance au mot syndicat. C’est en 1839 que l’on voit apparaître en France le mot syndicat au sens d’union ou d’association ouvrières. On associe généralement la naissance du syndicalisme à la Révolution industrielle que connut l’Europe occi- dentale, plus particulièrement l’Angleterre, à compter de la fin du xviiiesiècle. Les premières unions d’ouvriers expri- ment leur désarroi face à des entrepreneurs de plus en plus puissants qui mécanisent la production. Le syndicalisme est d’abord une solidarité protectrice. Dans des entreprises de plus en plus grandes, le syndicalisme se distingue et succède ainsi au compagnonnage et à l’apprentissage des boutiques d’artisans. Au xixe siècle, Québec est une ville britannique. Jusqu’en 1871, ville de garnison, elle est, avec sa citadelle, le pivot de la défense de l’empire britannique en Amé- rique. Son port accueille les marchandises et immigrants britanniques. C’est aussi d’Angleterre que le syndicalisme parviendra à Québec dans la première moitié du xixesiècle. Et le premier syndicat y sera constitué dans une entreprise de presse par les typographes. La Quebec Gazette, propriété de la famille Neilson, est le grand journal de Québec, capitale du Bas-Canada. Selon la tradition, reprise par beaucoup d’historiens, c’est en 1827 que les typographes de Québec forment leur union, la toute première au Canada. À Toronto, les typographes se syndiquèrent en 1832 et ceux de Montréal en firent autant en 1833. Ce que nous savons cependant avec certitude