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L'Élision dans la poésie latine PDF

667 Pages·1966·27.056 MB·French
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ETUDES ET COMMENTAIRES LXIII JEAN SOUBIRAN Chargé d'enseignement à la Faculté des Lettres de Toulouse L’ELISION DANS LA POESIE LATINE PARIS LIBRAIRIE C. KLINCKSIECK 1966 260 Tous droits de reproduction réservés. € Jean Soubiran, 1966. A MES MAITRES Roserr LUCOT Jacques PERRET INTRODUCTION Un gros livre sur l'élision latine : pourquoi ? Nous espérons que la lec- ture de cet ouvrage démontrera l'opportunité d'une telle entreprise. Mais s’il lui fallait une justification liminaire, nous n’aurions pas à la chercher trés loin. TI nous suffirait d'ouvrir le récent Traité de métrique latine classique de M. Louis Nougaret, et d'en extraire les lignes suivantes : « Quand une voyelle finale rencontrait une voyelle de méme nature à l'initiale du mot suivant, il est probable qu'il y avait élision pure et simple dans la prononciation : atque ego devait s'articuler atqu'ego, tout comme, à l'intérieur d'un mot, deesse et deero s’articulaient désse et dero. « En était-il de méme quand la voyelle finale rencontrait une voyelle initiale différente : ill(e) orator, ull(i) oratores ? Ou bien avait-on alors le phénomène connu sous le nom de synaléphe (ouvañotwñ, fusion) qui consistait à fondre en une seule émission de voix ces deux voyelles succes- sives ? « On réserve plus particuliérement le nom de synaléphe à la rencontre d'une finale en -m avec une initiale vocalique : illum oratorem, illam uxorem. Comment les Latins pronongaient-ils dans ce cas, la question est mal connue. » (8 8, p. 4). Ce n'est pas encore le lieu de discuter les règles qui sont formulées dans ces paragraphes. Nous n'en retiendrons pour l'instant que le ton dubitatif et l'aveu final: « La question est mal connue. » Saluons la probité intellec- tuelle de l'auteur, mais reconnaissons le caractére inquiétant et para- doxal de cette ignorance. Inquiétant, car les rencontres vocaliques constituent un des problémes majeurs de la poésie, en quelque langue qu'elle s'exprime. En latin ce sont des dizaines, peut-étre des centaines de milliers d'élisions qui sont accu- mulées dans les ceuvres en vers, de Livius Andronicus à Rutilius Nama- tianus. Aucun accident prosodique n'est plus banal. Si l'on se résigne à ignorer la nature véritable de celui-ci, comment prétendre jamais saisir la beauté formelle des grands poémes, ou simplement se représenter la diction d'un hexamétre ou d'un sénaire, de vers conçus pour être récités et entendus, non pour étre lus dans une solitude silencieuse ? Nous croyons que la philologie a élucidé les oppositions quantitatives qui fondent leur hme, nous reconnaissons, dans Arma uirumque cano, le schéma mé- trique et sa réalisation verbale ; mais, dés le troisiéme vers, ... multum ille et terris..., voilà notre faible science en défaut : nous savons quelle valeur, en mores, le poàte a accordée à ses phonémes ; nous ignorons comment il les pronongait. Cette lacune de nos connaissances est d'autant plus surprenante — et là réside le paradoxe signalé plus haut — que l'élision dans la poésie latine n'a pas laissé les métriciens indifférents. La bibliographie que l'on trouvera en téte de ce livre réunit une longue liste d'ouvrages ou d'articles que l'on ne prétend point exhaustive — tant s'en faut —, et où brillent les plus grands noms de la philologie : L. Mueller, Ritschl, Norden, Havet, 8 L’ELISION DANS LA POESIE LATINE Lindsay..., pour ne citer que les défunts. Où tous ces savants ont échoué, se peut-il que nous prétendions nous-même réussir ? De leur échec, en fait, ils ne sont qu'en partie responsables : si le pro- bléme a jusqu'ici résisté à leurs efforts, c'est moins faute de science et d’intelligence que faute de méthode. Car dans ces travaux, auxquels nous faisions tout à l'heure allusion, on peut distinguer deux groupes. Dans l'un se rangent les traités de phonétique, les ouvrages sur là pro- nonciation du latin. Tout occupés à résoudre des problémes positifs et constants — et non occasionnels comme les rencontres vocaliques —, soucieux aussi de se placer sur un large plan historique, ils n'accordent aux élisions, saisissables seulement en poésie, qu'une place fort restreinte ; et ils essaient d'élucider cette question en se fondant moins sur ]a métrique que sur. des principes phonétiques généraux ou sur des faits de langue isolés (type animaduerto), dont nous n'aurons pas de peine à montrer que la valeur probante est mince. D'oü leurs affirmations, parfois justes — mais sans démonstration —, parfois arbitraires et inexactes. Le deuxiéme groupe, de loin le mieux fourni, englobe les ouvrages de métrique où l'élision est étudiée non en fonction de sa valeur phonétique, mais en tant qu'accident du vers. Sans doute y lisons-nous souvent que telle élision est dure, telle autre douce ; mais ceux qui décernent ces épi- thétes se gardent, le plus souvent, d'en préciser le sens, sur le plan de la prononciation. Ils préférent en général dresser des listes, établir des rele- vés, affirmer — non sans légèreté parfois — que l'élision est rare à telle place, fréquente à telle autre ; que l'élision de tel monosyllabe est moins usuelle que celle de tel autre ; que ce poéte-ci admet plus d'élisions que celui-là.... Bref, le chapitre De elisionibus que comporte obligatoirement une étude sur]a métrique de Manilius, de Valerius Flaccus ou de n'importe quel autre poéte est constitué de relevés qui décrivent un usage. Puis l'accord entre les différentes œuvres permet de reconnaître des tendances générales, que codifient les traités de métrique comme ceux de L. Mueller ou de W. Christ. Nous savons, grâce à eux, où, quand et comment appa- raissent les élisions ; nous saurons, s'il nous prend fantaisie de faire des vers latins, ce qu'on peut se permettre et ce qu'il faut s'interdire. Mais nous ne savons pas ce que sont les élisions. Or nous avons cru qu'il n'était pas impossible de le savoir, et de cette foi est né ce livre. Il nous a semblé que, dans ce domaine, la phonétique et la métrique ne devaient pas être séparées par une cloison étanche, mais bien plutôt éclairées l'une par l'autre. Ces différences d'usage, que les métriciens relèvent, ne peuvent s'expliquer par un pur caprice des poètes : elles ont à coup sûr leur origine dans la langue, dans la prononciation. Une méthode rigoureuse — c’est par là surtout qu’ont péché nos devan- ciers — doit pouvoir établir ce qui est réellement, en fonction du maté- riel linguistique, de ses suggestions et de ses contraintes, recherché ou évité. Et de ces prédilections, de ces répulsions, il doit ètre possible de trouver la cause phonétique. Il faut donc partir des chiffres, des statis- tiques austeres et desséchées, pour s'élever jusqu'aux inflexions de la parole vivante. Bref, il ne s’agit pas seulement de décrire, mais de com- prendre. Nos prédécesseurs ont accumulé une masse énorme d’observa- tions dont il est temps de tirer le suc. Où leur travail s’est arrêté, le nôtre commence. Au lecteur de décider si nous sommes allé plus loin qu'eux sur le che- INTRODUCTION 9 min de la connaissance. Mais à nous de le guider dans cet ouvrage en lui montrant le fil conducteur. Après un premier chapitre qui, en guise d’in- troduction, étudie les origines de l'élision latine et ses modalités dans les plus anciens textes, le second chapitre pose sans plus tarder le problème de la prononciation des finales élidées : fondé sur l’examen des critères communément invoqués à ce sujet, fondé aussi sur l’examen des faits métriques les plus nets, il formule une hypothèse dont la suite du livre s’attachera à montrer le haut degré de vraisemblance {nous pensons, quant à nous, la certitude). Dans ce but, nous étudions d'abord les deux phonèmes en contact, celui qui subit l'élision et celui qui la reçoit — le second n'est pas, on le verra, plus négligeable que le premier : problémes de quantité, évidemment, mais aussi problémes de nature phonétique (initiales aspirées, longues par nature ou par position) ou méme gramma- ticale, et naturellement problémes de timbre. Puis notre vision du phéno- méne s'élargit progressivement. Des deux voyelles en contact, la curiosité s'étend au mot entier qui subit l'élision, à sa forme prosodique. Elle s'étend ensuite au vers : pourquoi l'accident phonétique que constitue l'élision y apparalt-il à tel pied plutót qu'à tel autre ? Et du vers notre regard finit par embrasser l’œuvre entière : pourquoi tous les poètes n'admettent-ils pas un nombre égal d'élisions ? Les évitent-ils ? Les recherchent-ils ? Dans quelle mesure l'élision est-elle un élément du style, un effet d'art ? Tels sont les problèmes que nous nous sommes, aprés bien d'autres, posés, mais en nous souvenant toujours qu'on ne peut les ré- soudre sans une représentation phonétique concréte du phénoméne. Il est traditionnel — et combien juste ! — que l'auteur d'une thèse rappelle, au seuil de son ouvrage, tout ce qu'il doit à ses maîtres. A tous ceux qui ont éveillé et entretenu notre goût du latin, dela classe de sixième à la Faculté, ce livre doit évidemment quelque chose. Mais il est deux latinistes, deux amis et deux fervents de poésie, envers lesquels cette dette est immense. Leurs noms sont inscrits à la premiére page de ce volume. Et c'est justice, car sans l'un d'eux il ne serait pas ; sans l'autre, il ne serait pas ce qu'il est. A M. R. Lucot, notre maitre — maintenant collégue et ami — toulousain, nous devons l'éveil d'une vocation de métricien dont il a guidé les premiers pas en dirigeant notre D. E. S. sur la métrique des poésies de Cicéron ; nous lui devons aussi, en grande partie, le choix de ce sujet de thése. Et surtout, nous lui devons une certaine conception de la poésie latine, chaude et vivante. Les deux derniers chapitres, qui rat- tachent la forme métrique à la pensée, aux sentiments et à l'art du poéte, sont particuliérement inspirés par son enseignement, dont ils ne reflétent point assez, à notre gré, l'éclat et la séduction. Quant à M. J. Perret, il a été pour nous plus qu'un directeur de thése : un conseiller et un confident. Pendant plusieurs années s'est poursuivi entre lui et nous un dialogue ininterrompu, gráce à ses cours de recherche, à la Sorbonne, ou à une abondante correspondance. Aucun de nos travaux ne l'a laissé indifférent ; il a Ju, discuté et critiqué tous nos essais. C'est peu de dire que chaque chapitre porte sa marque ; il faudrait dire que presque chaque page a gagné, grâce à lui, en solidité et en rigueur. Puissions-nous paraître, à notre tour, un disciple point trop indigne de ces maîtres |

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