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Le Transfert et le désir de l’analyste PDF

235 Pages·1988·1.922 MB·French
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1 Que le transfert — découvert dès l’aube de la psychanalyse — soit seulement l’ombre d’un amour passé qui se répète sur la personne du médecin et que le désir de ce dernier n’y soit pour rien ; qu’il renvoie au fantasme de l’analysant dont l’objet reste un x indéfini ; qu’il implique impasse parce qu’il est tout à la fois le moteur de l’analyse et celui de la résistance : telle fut la conviction de Freud, qui laissait le transfert impensable. De là qu’après Freud, dans une série d’études dont il est rendu compte ici exhaustivement, on ait oscillé autour des thèmes pré-analytiques de l’identification de l’analysant à l’analyste (mis en place ou d’idéal du moi, ou de surmoi, ou de moi sain). Repenser le transfert, c’est pointer qu’il s’exprime — pour ne pas dire s’analyse — à travers les jeux autonomes du signifiant ; et qu’il se porte sur une personne oui, mais pour autant qu’elle masque l’objet perdu du fantasme ; et encore, qu’il ne peut se dénouer que parce que l’analyste est lui-même habité par un désir bien en place, c’est-à-dire débarrassé de tout vouloir- savoir. Telle est la structure du transfert ressaisie pas à pas par Jacques Lacan, et c’est la seule qui permette d’articuler transfert, résistance, liquidation — bref : de rendre intelligible la psychanalyse. 2 MOUSTAPHA SAFOUAN LE TRANSFERT ET LE DÉSIR DE L’ANALYSTE ÉDITIONS DU SEUIL 27, rue Jacob, Paris VIe 3 Sommaire Couverture Présentation Page de titre Introduction CHAPITRE I - L’histoire d’Anna O. : une révision CHAPITRE II - Freud sur le transfert CHAPITRE III - Les théories psychanalytiques après Freud Ia. Alexander : la répétition apprivoisée par le psychanalyste médiateur de l’assomption de réalité Ib. Strachey : l’interprétation du transfert, où l’analyste devient un surmoi tolérant IIa. Nunberg : la répétition comme identité de perception. L’analyste comme démiurge IIb. Sterba : la répétition comme résistance à l’identification au moi du psychanalyste. Le savoir comme maîtrise du ça III. Transfert et structure : l’analyste support d’Éros contre Thanatos CHAPITRE IV - Les théories du contre-transfert 4 CHAPITRE V - Le transfert selon Lacan et le désir du psychanalyste I. Le Discours de Rome : du moi au sujet et la position du tiers II. Variantes de la cure type : les deux chaînes et le savoir oublié III. La Verneinung. Le Symbolique, l’Imaginaire et l’image non spéculaire du phallus IV. La Chose freudienne : la responsabilité au regard du manque V. La Direction de la cure : théorie du désir et fin de l’analyse VI. Sur le rapport de Daniel Lagache : des deux transferts à la place de l’objet (a) VII. Le séminaire sur le transfert comme tromperie VIII. Les Quatre Concepts : aliénation et séparation et le désir de l’analyste IX. La Proposition d’octobre 1967 : la chute du désir de savoir Conclusion À propos de l’auteur Notes Copyright d’origine Achevé de numériser 5 Introduction Dans le premier volume de sa biographie monumentale, Jones décrit comment Freud finit par s’assurer la collaboration de Breuer en vue de la publication des Études sur l’hystérie : en lui expliquant que la troublante histoire d’Anna O. devait être mise sur le compte de ces incidents fâcheux qui résultent des phénomènes transférentiels, caractéristiques de certains types d’hystérie. Cette explication avait déculpabilisé Breuer ; elle lui avait permis de reprendre l’habit de l’homme de science, uniquement soucieux d’expliquer un certain ordre de phénomènes. Il est vrai qu’il s’agit, en l’occurrence, avec les symptômes hystériques, de phénomènes ayant cette particularité que leur explication par le médecin est censée les dissiper ; mais cette particularité n’implique pas que ledit médecin soit responsable de leur genèse. De même pour le transfert : Breuer n’en était pas plus responsable qu’il ne l’était des symptômes d’Anna O. Cette conception du transfert a prévalu dans la plupart des milieux psychanalytiques jusqu’à nos jours. Elle implique que le désir de l’analyste n’est pour rien dans sa praxis. Cette implication se renforce de ce qu’on pose par ailleurs, à savoir que, même là où le désir inconscient de l’autre, de l’hystérique, concerne l’analyste, c’est seulement au titre d’objet. Mais, s’il en va ainsi, pourquoi faut-il que l’analyste sache quelque chose concernant son propre désir inconscient ? Autrement dit : pourquoi l’analyse didactique ? Quel homme de science, quel physicien ou quel biologiste doit s’occuper de son désir avant de s’occuper de physique ou de biologie ? La réponse courante, pour ne pas dire officielle, à cette question, c’est que l’analyse didactique est justement nécessaire pour garantir la neutralité de l’analyste : la non-interférence de son désir dans les analyses qu’il prend en charge. Admettons. Mais en quoi la didactique constitue-t-elle une telle garantie ? Résoudre le problème en le supposant résolu au niveau de l’analyste didacticien est, certes, nécessaire pour l’existence des instituts psychanalytiques ; mais, tant que cette résolution est seulement supposée, c’est 6 l’existence de l’analyste qui reste on ne peut plus problématique. Car on admet, d’une part, que l’analyse didactique est une analyse de transfert au même titre que l’analyse thérapeutique, et, d’autre part, que le transfert est tout à la fois ce qui ouvre l’inconscient de façon à conditionner l’efficacité de l’interprétation analytique et ce qui le ferme. Or, tant que cette aporie qui marque la fonction du transfert ne sera pas résolue, rien ne garantira que l’analyse didactique puisse faire autrement que de laisser à la fin un transfert non analysé, c’est-à-dire quelque chose de l’ordre de ce qui fait justement obstacle. De fait, les analystes n’ont pas tardé à parler de ce qu’ils ont appelé, à l’instar de Freud, le « contre-transfert », terme qui, en faisant de l’interférence du désir de l’analyste une espèce d’accident, donne à entendre que les choses sont du moins résolues au niveau des principes, autrement dit que les instituts font bien les choses. Seulement, puisque contre-transfert il y a, qui dira si l’analyste ne satisfait pas à ses pulsions dans les interprétations qu’il donne à l’analysant, au même titre que celui-ci dans ses associations libres ? Qui dira si l’analysant n’a pas raison lorsqu’il rejette une interprétation de l’analyste ? Si un tel rejet relève de la résistance, ou constitue plutôt une réponse adéquate au contre-transfert de l’analyste ? Cette dernière question s’aggrave lorsqu’on pense repérer le transfert dans l’« écart par rapport à la réalité » prétendument simple de la situation analytique : qui sera juge, alors, de ce qui est réel et de ce qui ne l’est pas ? Le réel par lequel l’analyste est concerné, qu’il l’appelle réminiscence, trauma, fantasme ou comme on voudra, serait-il suspendu à sa prétention que ce qu’il dit, lui, est vrai ? En quoi cette prétention se distingue- t-elle d’un désir de convaincre ? Bref, en quoi la psychanalyse se différencie- t-elle alors de la suggestion ? Ces questions n’ont pas cessé de faire retour dans la littérature psychanalytique, pour ne pas dire qu’elles hantaient tous les analystes soucieux de l’authenticité de leur expérience. Pour cheminer vers une réponse adéquate, il nous a paru nécessaire de revenir sur l’histoire d’Anna O. afin de mettre à l’épreuve l’explication de Freud. Ce sera l’objet d’un chapitre préliminaire, où nous verrons, à la lumière des documents qui n’ont été publiés qu’après la disparition des protagonistes de cette histoire, que le transfert de Bertha Pappenheim (vrai nom d’Anna O.) renfermait un désir inconscient qui était celui de Breuer avant d’être celui de sa patiente. Est-ce à dire que l’explication de Freud était une invention ad hoc destinée à emporter la décision de son aîné ? Ou bien traduisait-elle quelque chose de l’expérience 7 de Freud lui-même ? Dans le deuxième chapitre, nous verrons que, en appliquant au transfert le modèle explicatif dégagé de l’analyse des symptômes, Freud a été amené à une conception de l’amour de transfert (et partant, de tout amour, puisque l’amour de transfert est censé nous apprendre quelque chose de l’amour en général) qui en fait l’ombre d’un amour passé ou infantile ; et que cette conception a donné lieu à des formulations fâcheusement problématiques : qu’il s’agisse du ressort du transfert, de la place que l’analyste y occupe, de sa fonction dans la cure, de sa résolution ou des effets de son interprétation. En examinant quelques thèses soutenues par des auteurs qui ont travaillé à la suite de Freud, thèses choisies en raison de leur valeur exemplaire et non pas à des fins d’exhaustion historique, le troisième chapitre vise à montrer que les différents courants du mouvement psychanalytique constituent, dans une large mesure, autant de tentatives en vue de résoudre les problèmes concernant la théorie du transfert laissés par Freud. La raison théorique fondamentale pour laquelle ces tentatives ont abouti soit à un échec, soit à une réduction psychologique de l’analyse sera alors claire : une référence naïve et incritiquée à ce qui apparaît faussement comme l’évidence, à savoir que la psychanalyse est une expérience qui englobe deux personnes. Entendez : deux personnes aussi peu crédibles l’une que l’autre. Aucune issue n’est à espérer des apories du transfert (et partant du transfert lui-même) si on ne revient pas sur cette erreur de compte, que seul Lacan, à ma connaissance, a su éviter. Cependant, avant d’exposer le tournant lacanien et ses conséquences relativement au transfert, la multiplication, pour ne pas dire la vague des écrits sur le contre-transfert, après la Seconde Guerre mondiale, nous obligera à un examen critique qui fera l’objet du quatrième chapitre, et qui mettra en lumière la raison pratique pour laquelle ces théories ont tourné court : un conformisme zélé où l’on a cru trouver le seul moyen d’assurer la transmission de la psychanalyse et qui a interdit toute interrogation sur la psychanalyse didactique, autant dire sur la définition même du psychanalyste. C’est bien la question de la fin de l’analyse didactique qui se pose ici, dont peut s’éclaircir celle de l’analyse tout court. De fait, tel est, nous le verrons, le renversement opéré par Lacan, dont nous suivrons le cheminement au dernier chapitre de ce livre. Que nous terminerons en tirant les conclusions de ce parcours, tant concernant la scientificité de l’analyse que de ses instituts. 8 François Wahl a relu le manuscrit. Ses critiques et ses suggestions (j’ose dire sa participation effective) m’ont décisivement aidé à bien concevoir ce que j’avais à dire. Mes avis concernant la scientificité de la psychanalyse et ses institutions sont le fruit de mes échanges avec les membres de la Convention psychanalytique. 9 CHAPITRE I L’histoire d’Anna O. : une révision Il serait fastidieux de s’étendre ici sur l’histoire de la maladie de Bertha Pappenheim ; histoire qui, à partir de l’entrée en scène de Joseph Breuer, en décembre 1880 (à la fin de la « période d’incubation latente », dont le point de départ avait été une maladie physique grave de son père bien-aimé, en juillet 1880), se confond avec celle de la cure. Notre principale source est le rapport de Breuer publié dans les Études sur l’hystérie. H.F. Ellenberger a publié une étude critique de ce rapport, qui s’appuie sur deux documents nouveaux : a) une copie d’un rapport écrit par Breuer lui-même en 1882 ; b) une observation écrite par l’un des médecins du sanatorium Bellevue, dans la petite ville suisse de Kreuzlingen, tout près de Constance. La conclusion d’Ellenberger, à laquelle je souscris, se résume dans cette phrase sans équivoque : « Le prototype d’une guérison cathartique ne fut ni une guérison, ni une catharsis1 » Il est pourtant indéniable que l’état de Bertha Pappenheim s’est considérablement amélioré à un moment donné de sa cure : le 1er avril 1881, elle a pu quitter son lit. Ce moment est aussi celui où elle a introduit Breuer dans ce qu’elle appelait son « théâtre privé », en lui racontant sous hypnose, avec forte émotion, des histoires romanesques qui rappelèrent à Breuer le Livre d’images sans images d’Andersen. Comme le suggère Ellenberger, cette référence au théâtre n’était sans doute pas étrangère à l’introduction, que nous devons à Breuer, de la notion de catharsis comme ressort thérapeutique. L’intérêt suscité par la publication, en 1880, d’un livre sur la notion aristotélicienne de catharsis par Jacob Bernays (l’oncle de la future femme de Freud) était tel que, pendant quelque temps, « la catharsis fut un des sujets les plus discutés parmi les érudits et un des thèmes de conversation dans les salons blasés de Vienne2 ». Seulement, le public athénien était autrement plus expansif que le public moderne. Un acteur, qui n’était pas libre de choisir ses 10

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