MARKUS AENISHÄNSLIN LE TRACTATUS DE WITTGENSTEIN ET VETHIQUE DE SPINOZA ETUDE DE COMPARAISON STRUCTURALE SPRINGER BASEL AG Library of Congress Cataloging-in-Publication Data Aenishänslin, Markus: Le Tractatus de Wittgenstein et 1' Ethique de Spinoza : Etude de comparaison structural / Markus Aenishänslin. p. cm. Originally presented as the author's thesis (these d'Etat franchise), Universite de Provence (Marseille et Aix-en-Provence), 1988. Includes bibliographical references. ISBN 978-3-0348-9693-1 ISBN 978-3-0348-8592-8 (eBook) DOI 10.1007/978-3-0348-8592-8 1. Wittgenstein, Ludwig. 1889-1951. Tractatus logico-philosophicus. 2. Logic, Symbolic and mathematical. 3. Language and languages-Philosophy. 4. Spinoza, Benedictus de, 1632-1677. Ethica. 5. Ethics. I. Title. B3376.W563T73198 1993 192-dc20 Die Deutsche Bibliothek - CIP-Einheitsaufnahme Aenishänslin, Markus: Le Tractatus de Wittgenstein et 1' Ethique de Spinoza : Etude de comparaison structural / Markus Aenishänslin. - Basel ; Boston ; Berlin : Birkhäuser, 1993 ISBN 978-3-0348-9693-1 This work is subject to copyright. All rights are reserved, whether the whole or part of the material is concerned, specifically the rights of translation, reprinting, re-use of illustrations, recitation, broadcasting, reproduction on microfilms or in other ways, and storage in data banks. For any kind of use permission of the copyright owner must be obtained. © 1993 Springer Basel AG Originally published by Birkhäuser Verlag in 1993 Softcover reprint of the hardcover 1st edition 1993 Typography: Albert Gomm and M. Ae. Printed on acid-free paper produced of chlorine-free pulp 9 8 7 6 5 4 3 2 1 5 INTRODUCTION Cet ouvrage, qui est la these de doctorat d'Etat que j'ai soutenue devant a a l'Universitede Provence Aix-en-Provencele 30juin1988,mais laquelle j'ai toutefoisapporteposterieurementcertainesrectifications,apourobjet lacomparaison structuraledu Tractatus de Wittgenstein avec I'Ethique de Spinoza. Monsieurle Professeur Gilles-GastonGranger, qui m'aconfie le soin de cette etude comparative et en a suivi I'elaboration, et auquel je renou velle ici l'expression de ma respectueuse gratitude, a perl;u la pensee de Wittgensteincommeune transposition modernede ladoctrinede Spinoza et illui a paru interessant de comparer les oeuvres representatives de ces deux auteurs que sont le Tractatus et l'Ethique. Lestravauxde Martial Gueroultm'ontguidedans mes recherchesen a vue d'approfondir le systemede I'Ethique etj'aiegalement mis profit les a critiques qui ont ete formulees la soutenance de ma these par Madame le Professeur Elisabeth Schwartz, presidente du jury. Je remercie l'Universite de Bäle, la Freiwillige Akademische Gesell a a schaft Bäle et la fondation Berta Hess-Cohn Bäle qui ont bien voulu financer I'edition de cet ouvrage. Et je suis reconnaissant aux Editions a a Birkhäuser Bäle et particulierement Monsieur Albert Gomm de I'at a tention qu'ils ont apportee son impression tout en respectant, dans la mesure du possible, la presentation materielle de ma these de doctorat. Dans la «Premiere Partie» de cet ouvrage est examinee la maniere a dont Wittgenstein construit le monde partir des «choses» auxquelles il confere la propriete de posseder une seule «nature substantielle» leur appartenant en propre et pouvant etre ou la spatialite ou la colorite ou tout autre. Les choses existent necessairement alliees en «configurations a de choses». A toute chose correspond un «norn» et un seul, toute configuration de choses une «configuration de noms» et une seule. Une configuration de noms est une «proposition elementaire» susceptible d'etrevraie, encecaslaconfigurationdechosescorrespondanteexiste, ou d'etre fausse et la configuration de choses correspondante n'existe alors pas. Une configuration de noms existe etemellement, meme fausse, de sorteque laconfigurationdechosescorrespondanteestprefigureeHemel lement. Lorsqu'elle n'existe pas, elle est «possible». 6 Introduction Touteslesconfigurationsdechosespossiblesreservantuneplaceaune chosedetermineeforment le«faisceaudeconfigurationsdechoses»derive de cettechose. Un faisceau est I'equivalentde la nature substantiellede la chose dont il est derive. Les configurations existantes ayant pour origine le meme faisceau de configurations de choses constituent I'unique «situation de choses» exis tante propre a ce faisceau; une teile situation de choses possede la nature substantielle de la chose dont le faisceau est derive; elle est spatiale ou coloree ou autre. Une situation de choses n'existe pas eternellement, mais, a sa dispari tion, uneautreadvienta I'existence. La substitutioncontinueetinfinie, au sein d'un meme faisceau, de situations de choses a d'autres situations de choses engendre la «parcelle de la realite» propre a ce faisceau; celle-ci possede la nature substantielle de lachose dont le faisceau est d6rive; elle est spatiale ou coloree ou autre. Dans I'ensemble des situations de choses formant une parcelle de la realite, chaque sous-ensemble propre determine un «fait)) defini surcette parcelle de la realite. Ce fait existe des que l'une des situations de choses du sous-ensemble existe. 11 emprunte la nature substantielle de la parcelle de la realite; il est spatial ou colore ou autre. La totalite des faits definis sur toutes les parcelles de la realite est le «monde)). Chaque fait possede une «image logique)) qui n'a pas de nature sub stantielle et ne peut des lors faire partie du monde; mais, ces images 10 giquessontace pointprochesdu mondeque, regroupeesendesensembles d'images interconnectees, elles en sont les limites quijouissent ainsi d'une certaine continuiteet s'apparentent ades surfacesc1oses, plongees dans le monde pour le limiter de l'int6rieur. Ces limites sont les «sujets)) dont chacun constitue la pensee d'un homme. Les faits sont connectes entre eux de sorte que le monde beneficie d'une continuite comparable a celle dont disposent les limites. La connaissance des faits et la perception des limites du monde don nentaI'hommela«vuedu monde)). Wittgensteincon'Yoitunevue«juste)) parlaquellelemondesemanifesteaI'hommecommeunensemblecontinu de faits avec toutes ses limites. L'homme doue d'une teile vueest heureux et apparait comme etant une limite reguliere et continue du monde. Cependant, I'homme doit sa vue du monde aux images logiques dont il n'est pas lui-meme I'auteur, mais qui sont produites par une instance denommee par Wittgenstein le «vouloir)). Les images logiques etant con nectees entre elles, la destruction d'une image existante ou I'adjonction Introduction 7 d'une nouvelle image par le vouloir entraine des modifications de la sur face-limite du monde qu'est la pensee d'un l'homme. Dans la «Deuxieme Partie» est retrace le procede par lequel Spinoza construitla «Naturenaturante)) aumoyende l'unique «substance))com poseed'une infinited'«attributs)) dont les «modifications)) finies ou infi nies forment la «Nature naturee)). Chacundes attributs possedeuneseulenature proprequi peutetreou l'Etendue ou la Pensee ou tout autre et transmet sa nature ci ses modifica tions ou «modes)). Les modes finis de I'Etendue sont les «corps)) dont I'existence repose sur le principe regissant les systemes planetaires et en vertu duquel des corpsd'un type «eIementaire)) appeles«corpstres simples)) sont unis par l'effet de leurs «mouvements)) concordants pour engendrer un «corps compose)), lescorpscomposess'alliantencoreentreeuxjusqu'ciconstituer une sorte d'ultime corps qu'on peut assimiler ci un «corps maximab). Un corps compose est capable de transformations qui sont soumises ci certaines regles relevant tant de son «plan de construction)) que des plans des corps le composant et des plans des corps qui lui sont etrangers et qui viennent I'affecter. Les modes finis de la Pensee sont les «idees)); ces idees sont de trois types: d'abord l'«idee d'un corps)) qui possede un plan de construction isomorphe au plan de construction du corps et qui est comparable ci un systeme planetaire; ensuite l'«idee d'une transformation d'un corps) qui correspond ci la transformation de I'idee de ce corps ou ci une «fluctua tion)) de cette idee; enfin, 1'«idee de l'idee d'un corps ou de I'idee d'une transformation d'un corps)). Parmi lescorpscomposesexistele «Corps humain))et parmi lesidees composees l'idee de ce corps appelee «Ame humaine). Le Corps humain et son Ame, aux plans isomorphes, font l'homme. L'etudedes plansdeconstructiondeson Corpsetdeson Amedevient la preoccupation majeure de I'homme en vue de prolonger son existence, d'acceder cilaconnaissancede Dieud'ou il tire sabeatitudeet, finalement, d'obtenir l'eternite pour une partie au moins de son Ame. Dans la «Troisieme Partie)), la comparaison des deux systemes met en evidence les points de concordance et de dissemblance de leurs cons tructions respectives. 11 en resulte que les concepts majeurs du Tractatus tels que la substance du monde, le fait et le monde, l'image logique d'un fait et le sujet, la vue du monde sub specie aeterni, ont des concepts 8 Introduction correspondantsdansI'Ethique; leconceptduvouloir, bonoumauvais, fait exception et n'est pas conforme au systeme de I'Ethique. a Wittgenstein et Spinoza construisent tous les deux leur systeme partir de la substance, mais, tandis que le premier aboutit au monde en tantque totalitedesfaits en passant parles parcellesde la realiteet parles a faits detinis sur elles, sans avoir ensuite recours la substance lorsqu'il construitlesimageslogiquesetlessujets, lesecond n'admet rien en dehors a de la substance pour parvenir l'union de la Nature naturante et de la Nature naturee. La pensee d'un homme wittgensteinien, con~ue comme une surface dose plongee dans le monde, reste etrangere au monde; l'homme spino a ziste, par contre, demeure retenu par son Ame comme par son Corps l'interieur de la Nature naturee. Finalement, le Dieu wittgensteinien, rendant vraies ou fausses les a imageslogiques,appelle l'existencelesfaits dumondeoulesabolit. Mais a Wittgensteinlaisseleslimitesdumonde,ousujets, l'influenceduvouloir, a pla~ant ainsi cöte de Dieu une seconde puissance, alors que Spinoza, laissant Dieu investir toute la Nature, ne reconnait aucune autre puissance, meme subsidiaire. 9 PREMIERE PARTIE LE MONDE CONSTRUIT PAR LE TRACTATUS 11 CHAPITRE PREMIER LA FORME CYCLIQUE DU TRACTATUS 1 La numerotation des theses du Tractatus Dans le Tractatus, Wittgenstein exprime ce qu'il appelle le «poids logique des theses»l par des nombres decimaux qui jouenten meme temps le röle de numecos de theses. Faut-i!lire les theses dans I'ordre apparent de leur seule succession? Ne faut-i! pas greffer les numeros sur une trajectoire de forme cyclique de fa90n a ce que certaines theses, lues une premiere fois, soient relues ulterieurement? o 2 :1 "'"1.1 0 1.13 1.11 1.12 1.2 Par exemple, le debut du Tractatus peut etre lu ainsi: Le monde est tout ce qui se produit la. 1.1 Le monde est la totalite des faits, non pas des choses. 1.11 Le monde est determine par les faits et parcela meme que ce sont tous les faits. 12 Premiere Partie 1.12 Car la totalitedes faits determinecequi se produit la et aussi tout ce qui ne va pas se produire la. 1.13 Les faits dans l'espace logique sont le monde. 1.1 Le monde est la totalite des faits, non pas des choses. 1.2 Le monde se fragmente en faits. 1.21 Quelque chose [Eines] peut se produire la ou ne pas se pro duire la, et tout le reste peut demeurer inchange.2 1.2 Le monde se fragmente en faits. Le monde est tout ce qui se produit la. 2 Ce qui se produit la, le fait, est l'existence [das Bestehen] d'etats de choses. On pourraitimagineruneedition du Tractatus Ollcertainesthesesseraient reproduites aplusieursendroits selon les phasessuccessivesde I'expose. Si I'on accepte une telle repetition des memes theses, I'interpretation des theses 1, 1.1, 1.11, ...,2est la suivante: le monde est, selon la these 1, la totalite d'instances d'un unique type nomme: «ce qui se produit la»: das, was der Fall ist. L'expression der Fall sein signifie moins une situation ou un evenement en soi que I'existence incontestable d'une situation ou d'un evenement. Ainsi, dans I'expression «ce qui se produit la», il faut insister sur le pronom «ce»: das, qui indique des instances susceptibles de se produirela. Touteinstancedont onnesauraitdirequ'elleseproduitla, est exc1ue du monde. Cette exc1usion suggere qu'il peut yavoir des instances en dehors du monde. La these suivante (1.1) confirme qu'il existe des instances autres que ce1les dont la totalite est le monde: les choses, Dinge, etintroduitune nouvelleinstance, les «faits»: Tatsachen. L'explication de ces termes est remise a plus tard, car la troisieme these (1.11) indique que le monde est distinctde tout le reste grace aux faits, a condition qu'il n'en manque aucun pour constituer une totalite. Oe la quatrieme these (1.12) il appert que tout ce qui est exc1u de se produire la, constitue une anti-to talite vis-a-vis de la totalite de ce qui se produit la. Ces deux totalites sont determinees par ce1le des faits; ce qui finalement ne se produit pas la, constitue une instance virtuelle et le monde est la totalite de certaines virtualites realisees. Selon la cinquieme these (1.13) les faits se situent in alio, a l'interieur d'une autre instance que le monde, appelee «espace». C'est a condition d'etre situes a l'interieur de cet espace que les faits
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