David HUME (1752) DISCOURS POLITIQUES Traduction anonyme, 1754 Un document produit en version numérique par Philippe Folliot, bénévole, Professeur de philosophie au Lycée Ango à Dieppe en Normandie Courriel: [email protected] Site web: http://perso.wanadoo.fr/philotra/ Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web: http://classiques.uqac.ca/ Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.ca/ David Hume, Discours politiques (1754) 2 Politique d'utilisation de la bibliothèque des Classiques Toute reproduction et rediffusion de nos fichiers est interdite, même avec la mention de leur provenance, sans l’autorisation for- melle, écrite, du fondateur des Classiques des sciences sociales, Jean-Marie Tremblay, sociologue. 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Jean-Marie Tremblay, sociologue Fondateur et Président-directeur général, LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES. David Hume, Discours politiques (1754) 3 Un document produit en version numérique par M. Philippe Folliot, bénévole, Professeur de philosophie au Lycée Ango à Dieppe en Normandie Courriel: [email protected] Site web: http://perso.wanadoo.fr/philotra/ David HUME DISCOURS POLITIQUES traduit de l'anglais par un anonyme (certainement Eléazar de Mauvillon), Amsterdam, Chez J. Schreuder, & Pierre Mortier le jeune. MDCCLIV, à partir de : “Political Discourses”. A. Kincaid & Donaldson. 1752. Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times New Roman, 14 points. Pour les citations : Times New Roman 12 points. Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 12 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2004 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition numérique réalisée le 9 mars 2010 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, province de Québec, Canada. David Hume, Discours politiques (1754) 4 Remarque : Comme il était impossible de travailler avec un logiciel de recon- naissance. j'ai dû tout taper au clavier (avec en plus, l'orthographe "bi- zarre" du XVIIIème) le texte de ces essais. Philippe Folliot Bénévole, professeur de philosophie au Ly- cée Ango A Dieppe en Normandie 1er mars 2010. David Hume, Discours politiques (1754) 5 Table des matières Avis du traducteur Discours I. Du commerce Discours II. Du luxe Discours III. Sur l’argent Discours IV. De l’intérêt Discours V. Sur la balance du commerce Discours VI. De la balance du pouvoir Discours VII. Sur les impôts Discours . Sur le crédit public Discours IX. Sur quelques coutumes remarquables Discours X. Sur le nombre d’habitans parmi quelques nations an- ciennes Discours XI. Sur la succession protestante Discours XII. Idée d’une république parfaite David Hume, Discours politiques (1754) 6 David Hune, Discours politiques (1752) [Traduction anonyme, 1754.] AVIS DU TRADUCTEUR Retour à la table des matières Je me suis amusé à traduire ces Discours Politiques de Mr. HUME, gentilhomme écossais déjà connu dans la république des lettres. J’ai cru que le public les verroit avec plaisir dans une langue plus généra- lement entendue. Je me suis surtout attaché à bien rendre les pensées de l’auteur, & la force de ses expressions. C’est au public à juger si Mr. HUME a toujours raison, & jusqu’à quel point on doit adopter ses sentimens. Quant à moi, il me convient de me taire. On pourroit m’accuser de prévention, si je disois tout le bien que je pense de son ouvrage. David Hume, Discours politiques (1754) 7 David Hune, Discours politiques (1752) [Traduction anonyme, 1754.] Discours I DU COMMERCE Retour à la table des matières On peut diviser la plus grande partie du genre-humain en deux classes ; celle des esprits superficiels, qui ne font qu’effleurer la véri- té ; & celle des esprits solides, qui l’approfondissent. La dernière est de beaucoup la moins nombreuse, & j’ose dire la plus utile & la plus estimable. En effet ceux qui la composent, suggèrent au-moins des idées, font naître des difficultés, qu’ils n’ont peut-être pas toujours le talent de résoudre ; mais qui donnent souvent lieu à d’importantes dé- couvertes, étant maniées par des personnes plus capables & d’un es- prit plus pénétrant. Tout ce qu’on peut leur reprocher (2), c’est que leurs discours sont au-dessus de la portée du vulgaire ; mais s’il en coute 1 un peu de peine pour les comprendre, on a en revanche le plai- sir dapprendre des choses qu’on ignorait. C’est peu de chose qu’un auteur qui ne nous dit que ce qui se débite tous les jours dans les ca- fés. 1 Nous n’avons pas modifié l’orthographe. Seules les majuscules des substan- tifs ont été supprimées. (le numérisateur) David Hume, Discours politiques (1754) 8 Les hommes superficiels sont naturellement portés à décrier les es- prits solides & pensans, qui ne s’occupent que de recherches & de ré- flexions, & ils ne croient pas qu’il puisse y avoir de la justesse dans tout ce qui est au-delà de la sphère de leur pensée. J’avoue qu’il est des cas où à force de raffinement on se rend suspect d’erreur, & où en ne raisonnant point on passe pour aisé & naturel. Quand un homme réfléchit sur sa conduite, sans quelque affaire particulière, & qu’il se fait un plan de politique, de commerce, d’économie, ou de quelque autre affaire que ce soit, il ne s’avise pas d’argumenter en forme, ni de faire un long tissu de raisonnemens. En tout cas il arriveroit surement quelque chose qui dérangeroit la liaison de ses sillogismes, & d’où il résulteroit un succès différent de ce qu’il se seroit imaginé. Il n’en est pas de-même lorsqu’on raisonne sur des affaires générales ; & l’on peut assurer que les spéculations ne sont jamais trop subtiles, si elles sont justes, & que la différence entre un homme ordinaire & (3) un homme d’esprit, consiste principalement dans la frivolité ou la solidité des principes d’où ils partent. Les raisonnemens généraux paroissent embrouillés, purement par- ce qu’il sont généraux : d’ailleurs il n’est pas aisé au gros des hommes de distinguer dans une infinité de cas particuliers, la circonstance commune à tous, ou d’en faire, pour ainsi dire, un extrait sans mêlan- ge d’aucune circonstance inutile. Tous leurs jugemens, toutes leurs conclusions sont particulières. Ils ne sauroient étendre leur vue à ces propositions universelles qui contiennent en soi une infinité de points individuels, & renferment une science entière dans un théorême singu- lier. Leurs yeux sont confondus & offusqués par une si vaste perspec- tive ; & les conséquences qui en résultent, quelque clairement qu’elles soient énoncées, paroissent obscures & embrouillées. Mais malgré cette obscurité apparente, il est certain que des principes généraux, s’ils sont justes & solides, doivent toujours l’emporter dans le cours général des choses, bien-qu’ils puissent être fautifs dans des cas parti- culiers. Or c’est à ce cours général des choses que les philosophes doivent principalement faire attention, surtout dans le gouvernement intérieur de l’Etat, où le bien public, qui est, ou du-moins est supposé David Hume, Discours politiques (1754) 9 être leur unique objet, dépend du concours (4) d’une infinité de cir- constances ; au-lieu que dans le gouvernement extérieur, il dépend de certains cas fortuits, & du caprice d’un petit nombre de personnes. Et c’est de-là que naît la différence entre des délibérations particulières & des raisonnemens généraux, & qui fait que la subtilité & le raffine- ment convient mieux à ceux-ci qu’à celles-là. J’ai cru cette introduction nécessaire aux discours suivants sur le commerce, le luxe, &. attendu qu’on y trouvera peut-être quelques principes peu communs, & qui paroîtront trop subtils dans des sujets si ordinaires. S’ils sont faux, je consens qu’on les reprouve : mais aus- si qu’on ne s’avise pas de les rejetter, par la seule raison qu’ils s’écartent de la route ordinaire. Quoiqu’à certains égards on puisse supposer la grandeur d’un Etat & le bonheur des peuples comme deux choses indépendantes l’une de l’autre, on les considère néanmoins communément comme insépara- bles à l’égard du commerce ; & il est vrai de dire, que tout comme l’autorité publique assure le commerce & la fortune des particuliers, ainsi les richesses & l’étendue du commerce des particuliers augmen- tent à proportion l’autorité & la puissance souveraine. Cette maxime, à parler en général, est incontestable, quoiqu’on ne puisse disconvenir aussi qu’elle ne soit susceptible de (5) quelques réserves ; & souvent même nous ne l’établissons qu’avec quelques petites modifications & exceptions. Il peut y avoir des circonstances où le commerce, l’opulence & le luxe des particuliers, loin d’augmenter la puissance souveraine, ne servent qu’à en diminuer les forces, & à lui faire perdre de son autorité parmi ses voisins. L’homme est un animal fort inconstant, susceptible d’une infinité d’opinions différentes, de principes & de règles de conduite qui ne se ressemblent point. Ce qui étoit vrai, selon lui, lorsqu’il pensoit d’une certaine façon, lui paroît faux aussitôt qu’il change de sentiment. On peut diviser le gros des hommes en laboureurs, & artisans ou manouvriers. Les premiers sont employés à la culture des terres ; & les derniers à mettre en œuvre les matériaux que les premiers leur David Hume, Discours politiques (1754) 10 fournissent, pour les besoins, ou pour la parure des hommes. Aussitôt que le genre-humain sortit de l’état sauvage où il vivoit au commen- cement, ne s’occupant qu’à la chasse ou à la pêche, il faloit nécessai- rement qu’il se partageât en ces deux classes ; avec cette différence néanmoins, que le nombre des laboureurs fit d’abord la plus grande partie de la société 2. Le tems & (6) l’expérience a si bien perfection- né l’agriculture, que la terre peut aisément nourrir un plus grand nom- bre d’hommes que ceux qui sont employés à la cultiver, ou que ceux qui sont occupés aux ouvrages les plus nécessaires aux premiers. Si les mains superflues sont tournées aux Beaux-Arts, appelés communément les arts du luxe, c’est un accroissement de bonheur pour l’Etat, puisqu’ils procurent à plusieurs le moyen de goûter des agrémens qu’ils n’auroient même pas connus sans cela. Ne pourroit- on pas proposer un autre plan pour l’emploi de ces mains superflues ? Le souverain ne pourroit-il pas les reclamer & les employer sur ses escadres & dans ses armées, pour étendre les bornes de sa domination, & porter la gloire de l’Etat chez les nations les plus reculées ? Il est certain que moins les laboureurs & les propriétaires de terres ont de désirs & de besoins, moins ils ont de mains à employer, & par consé- quent le superflu des hommes, au-lieu d’être artisans & marchands, pourroit être matelots ou soldats, & (7) renforcer les flottes & les ar- mées, ce qui ne peut se faire quand il faut un grand nombre d’ouvriers pour fournir au luxe des particuliers. C’est pourquoi il semble qu’il y ait ici une sorte de contradiction ou d’opposition, entre la grandeur d’un Etat & le bonheur des sujets. Un Etat n’est jamais plus grand, que tous ses membres superflus sont employés au service du public. Les commodités des particuliers demandent que toutes les mains su- 2 Mr. Melon assure dans son Essai politique sur le commerce que si l’on divi- se actuellement les (6) peuples de France en vingt parties, seize seront de laboureurs ou paysans, deux seulement d’artisans, une de gens de loi, d’Eglise, de guerre, & une de marchands, financiers & bourgeois. Il y a cer- tainement de l’erreur dans ce calcul. En France, en Angleterre, & même dans la plupart des pays de l’Europe, la moitié des habitants vit dans les vil- les, & parmi ceux qui demeurent à la campagne, il y en a beaucoup qui sont artisans, & peut-être plus d’un tiers sont de ce nombre.