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Le 'sultangalievisme' Au Tatarstan: Les Mouvements Nationaux Chez Les Musulmans de Russie, I PDF

287 Pages·1960·5.939 MB·French
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LES MOUVEMENTS NATIONAUX CHEZ LES MUSULMANS DE RUSSIE ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES - SORBONNE SIXIÈME SECTION : SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES SOCIÉTÉ ET IDÉOLOGIES DEUXIÈME SÉRIE DOCUMENTS ET TÉMOIGNAGES 3 PARIS MOUTON & CO LA HAYE MCMLX ALEXANDRE BENNIGSEN et CHANTAL QUELQUEJAY L E S M O U V E M E N T S N A T I O N A U X CHEZ LES MUSULMANS DE RUSSIE ★ LE « SULTANGALIEVISME » AU TATARSTAN PARIS MOUTON & CO LA HAYE MCMLX © i960, Mouton & Co, Publishers, Paris-The Hague. Printed in France. PRÉFACE L'étude des peuples turcs et musulmans de Russie, dans leur histoire récente, n'a guère fait jusqu'ici ehe% nous l'objet de travaux ; aussi doit-on féliciter Alexandre Bennigsen et Chantal Quelquejay d'avoir, en orientalistes compétents, entrepris, pour combler cette lacune, une série de recherches dont le présent ouvrage est le premier et heureux résultat. Les deux auteurs ont traité, avec conscience et objectivité, un sujet à la fois actuel et délicat, inclinant le lecteur à la réflexion, à l'heure où les peuples d'Asie et d'Afrique, dans leur effort d'indépendance, desserrent les liens qui les unissaient aux grands États colonialistes d'Europe. La solution du problème national en U.R.S.S. est, en effet, une des solutions possibles, — celle qui concilie l'unité de l'État et l'autonomie de la minorité allogène dans un cadre fédéral. Elle s'est heurtée à d'autres solutions, parmi lesquelles celle de l'indépendance : moment pathétique où le rapport des forces a imposé le choix et déterminé l'avenir commun des peuples slaves orientaux et des peuples en majorité turcs et musulmans qui vivaient dans les limites du même État. Certes, parmi ces minorités allogènes, les Tatars de la région de la Volga présentent un exemple particulièrement attachant : il s'agit en effet d'une minorité de groupes plus ou moins dispersés sur une vaste région, pénétrée par la colonisation russe, formant une société asse% différenciée où quelques familles nobles, reçues à la Cour, avaient en définitive moins de poids social qu'une Bourgeoisie marchande, cultivée, dont l'État s'est servi jusque vers 1880 comme instrument de pénétration vers l'Asie Centrale. Paradoxale­ ment les Tatars étendent alors leur influence vers l'Oural, vers la Balkirie. Cette circonstance et l'originalité de leur culture musulmane ont été pour beaucoup dans la résistance qu'ils ont opposée aux tentatives de conversion et 1 Préface d'assimilation poursuivies systématiquement par l'État, maître après 1880, de l'Asie Centrale où fonctionnaires et marchands russes agissent dès lors souverainement et librement, sans intermédiaire. Même la dévolution de 190 j, qui a vu, parmi les Tatars, les premières ébauches d'organisation politique, n'a guère modifié la situation ; elle a cependant permis, sous forme de Congrès, les premiers rassemblements de délégués de tous les peuples musulmans de l'Empire et renforcé en eux une conscience nationale. Ces préliminaires, exposés dans des pages denses et suggestives, soulignent l'originalité des réactions tatares à la politique d'ailleurs tardive de russifica­ tion, mais montrent également combien a été grande l'influence de la pensée philosophique et politique russe sur les libéraux tatar s. C'est reconnaître à la fois les excès de la colonisation et son caractère « progressiste ». Il est une autre conclusion qui se dégage de l'étude : l'écroulement très rapide du rêve pan- turc qui n'a pas résisté aux divergences des intérêts économiques et religieux des différents peuples de l'Empire, — ce rêve que le Tatar Sultan Galiev reprendra en vain, lorsqu'après la dévolution d'Octobre le problème des nationalités est posé à nouveau dans le cadre d'un État socialiste. Aussi bien, c'est le « sultangalievisme » — ensemble des conceptions poli­ tiques et sociales de Sultan Galiev, haut dignitaire communiste de 1917 à 1929, — qui forme le fond du travail de A . Bennigsen et Ch. jQuelquejay. Sultan Galiev — l'un des principaux dirigeants de la République tatare fondée en mai 1920 —, c'est le communisme appliqué à une minorité tatare, musulmane et antirusse, et dont il veut faire, par des voies particulières, à partir de Katlan, le point de départ d'une révolution générale parmi les peuples d'Asie. Indépendance nationale, socialisme national, panturquisme forment, dans les théories de Sultan Galiev, un ensemble assez peu cohérent, mais qui reflète les aspirations diverses d'une intelligentsia active et, pendant quelques années, assez indépendante du pouvoir soviétique. Il est assez caractéristique que, malgré la méfiance du gouvernement et en particulier de Staline à l'égard des chefs de la dévolution tatare, Sultan Galiev ait pu, six années durant, concilier tant bien que mal son appartenance au Parti, une obéissance relative aux ordres reçus et une politique personnelle que lui permettait la faiblesse du nouveau régime à ses débuts. Exclu cependant du Parti en 1929, il exerce désormais une activité antirévolutionnaire, jusqu'à sa condamnation en 1929. L'étude du « sultangalievisme » n'éclaire pas seulement me période décisive de l'histoire des peuples tatar s ; elle est un test de l'application d'une politique des nationalités par le gouvernement soviétique. Pour juger de celle-ci, on ne doit pas oublier que Kazan est à moins de sept cent cinquante kilomètres de Moscou, c'est-à-dire en plein corps de la Russie européenne, et qu'elle est presque une ville d'étape, à faible distance au sud de la grande route Moscou- Ekaterinbourg (Sverdlovsk) qui s'enfonce dans la lointaine Sibérie. L'indé­ pendance du Tatarstan, c'eût été une rupture d'unité, un démembrement. 8 Préface auquel le nationalisme révolutionnaire, dans Vintérêt même de la dévolution et peut-être de Vavenir du peuple tatar, ne pouvait consentir. Toutefois, la solution définitive n'a pas été retardée seulement par la résistance d'une partie du peuple tatar. Dès octobre 1917, on vit bien que l'égalité des peuples, contre­ partie du fédéralisme et sincèrement proclamée, était une utopie et devait être imposée par l'État. Les premiers Comités révolutionnaires écartent la participation des Tatars : le « Sovnarkom » de la « dépublique de Ka^an » n'en comprend qu'un seul : Sultan Galiev, commissaire à l'Éducation nationale. Le nouveau régime se présentait donc comme un régime « russe ». Ce fait devait peser longtemps sur les rapports russo-tatars. La méfiance du gouver­ nement à l'égard des minorités turques susceptibles de s'unir dans une même opposition — danger que rendait pressant le projet de Sultan Galiev d'une dépublique tataro-baîkire — s'est manifestée dans la création de dépubliques séparées, où la minorité turque restait, dans le cadre du nouvel État autonome, me minorité, sur laquelle la prépondérance des dusses était assurée, mais où l'attribution de droits identiques aux uns comme aux autres préparait pour l'avenir me égalité de fait. Il y a loin de cette conception égalitaire et mitaire à la fois à celle de Sultan Galiev qui tentait de réaliser l'indépendance du peuple tatar en créant déjà, par son action administrative, m « État dans l'État ». Un tel sujet est explosif, encore qu'une réflexion actuellement plus sereine sur le passé conduise les historiens soviétiques à faire, dans l'activité de Sultan Galiev, la part de l'efficacité révolutionnaire et celle de l'esprit sépara­ tiste. Les auteurs ont, avec une rare impartialité, tenu compte des opinions exprimées, et leur jugement — car ils prennent parti — a ce caractère de conciliation qui, en définitive, apparaît dans la solution soviétique du problème des nationalités. Ils ont aussi montré, dans la pensée de Sultan Galiev, Tatar orienté vers l'Asie par le souvenir, et par une analyse perspicace des structures sociales du XXe siècle, ce qui est bien une vue prophétique de l'avenir : l'idée que l'Europe, industrielle et ouvrière, était un « foyer révolutionnaire éteint » et que le flambeau de la dévolution se déplaçait vers le vieux continent asia­ tique, porté par une masse de paysans misérables. Ces quelques notes d'une lecture qui m'a paru passionnante, témoignent de la richesse d'un ouvrage qui utilise me abondante bibliographie et apporte en annexe des textes remarquables où s'expriment, sous forme de discours et d'articles, les idées de Sultan Galiev. Exposé de synthèse, instrument de travail, cette étude du « sultangalievisme » fait honneur aux jeunes orientalistes qui l'ont menée à bien. Roger P ortal, Professeur à la Faculté des Lettres de Paris.

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