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Le roi Arthur et ses preux chevaliers PDF

281 Pages·1994·1.37 MB·French
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JOHN STEINBECK LE ROI ARTHUR ET SES PREUX CHEVALIERS traduit de l’anglais par Patrick et Françoise Reumaux J’ai Lu l’histoire Note des traducteurs. L’édition américaine de ce livre comprend une courte introduction de Steinbeck et une série de lettres où l’auteur explique sa fascination pour le texte de Malory (manuscrit de Winchester) et donne, au jour le jour, l'état de son travail et des difficultés qu’il rencontre. Nous avons préféré, dans l’édition française, ne donner que le texte de la légende arthurienne, pensant, peut-être à tort, que le choc des gloses assourdirait celui des lances. À ceux qui nous reprocheraient d'avoir tenu secret le mode d’emploi, nous répondons que l'érudition sera pour une autre fois. Cet ouvrage a paru sous le titre original : THE ACTS OF KING ARTHUR AND HIS NOBLE KNIGHTS © Elaine Steinbeck, 1976 Pour la traduction française : © Jean-Cyrille Godefroy, 1982 MERLIN Au temps où Uther Pendragon était roi d’Angleterre, le bruit courut que son vassal, le duc de Cornouailles, avait pris les armes contre le pays. Uther ordonna au duc de se rendre à sa cour, accompagné de sa femme Igraine, aussi célèbre pour sa sagesse que pour sa beauté. Lorsque le duc se présenta, les seigneurs du conseil l’invitèrent à faire la paix avec le roi, afin que celui-ci lui offrît amitié et hospitalité. Alors Uther porta ses regards sur Igraine et s’aperçut qu’elle était aussi belle qu’il l’avait ouï dire. Il l’aima et la désira, et la supplia de partager sa couche, mais Igraine, qui était une femme fidèle, repoussa les avances du roi. Elle s’en ouvrit au duc, son mari. — On ne vous a pas mandé parce que vous avez violé les lois du royaume, dit-elle, mais pour, à travers moi, porter atteinte à votre honneur. Je vous supplie, mon époux, d’écarter ce danger : réfugions-nous cette nuit dans notre château, car le roi ne tolérera pas mon refus. Ainsi firent-ils, en si grand secret, que ni le roi ni ses preux, ne s’aperçurent de rien. Quand Uther découvrit leur fuite, la rage le saisit et il convoqua son conseil pour lui faire part de la trahison du duc. Craignant la colère de leur suzerain, les preux lui conseillèrent d’envoyer des messagers pour ordonner au duc de revenir sur-le-champ, avec Igraine. — S’il refuse, dirent-ils, ce sera votre devoir et votre droit de lui faire la guerre et de le détruire. Ainsi fut fait. Les messagers partirent au galop et revinrent du château ducal porteurs d’une réponse laconique : ni le duc ni sa femme ne reviendraient. Furieux, Uther fit aviser le duc de se préparer à se défendre, parce qu’avant quarante jours il l’aurait forcé hors de son repaire. Fort de cet avertissement, le duc ravitailla et arma deux forteresses. Il envoya Igraine au château de Tintagel sur les hautes falaises dominant la mer, tandis qu’il défendait Terrabil, une place forte aux murailles épaisses, aux nombreuses portes et passages secrets. Le roi Uther rassembla une armée et marcha contre le duc. Il planta ses tentes autour du château de Terrabil et y mit le siège. Les assaillants se heurtèrent à une résistance farouche ; maints braves périrent sans que la victoire se décidât pour l’un ou pour l’autre camp, si bien qu’Uther finit par tomber malade de rage, de frustration et de désir pour la belle Igraine. Alors Ulfius le preux se rendit à la tente du roi et lui demanda quelle était la nature de son mal. — Je vais te le dire, répondit le roi. Je suis malade de colère et d’amour, et contre ces maux il n’existe pas de remède. — Sire, dit Ulfius, je vais me mettre en quête de Merlin l’Enchanteur. Cet homme sage et de vif esprit vous donnera un breuvage qui vous rendra la joie du cœur. Enfourchant son destrier, Ulfius se mit en quête de Merlin. Merlin était un homme aussi subtil que sage, doté d’étranges et secrets pouvoirs de prophétie, et de cet art de falsifier l’évidence qu’on appelle magie. Il connaissait les replis tortueux de l’esprit humain et, sachant combien un homme simple et ouvert est sensible au mystère, la mystification l’enchantait. Ainsi, comme par hasard, le chevalier quêteur rencontra sur son chemin un mendiant loqueteux qui lui demanda ce qu’il cherchait. Le chevalier, n’étant pas habitué à être questionné par un pouilleux, ne daigna pas répondre, ce qui fit éclater de rire l’homme en haillons. — Tu n’as pas besoin de me le dire, je le sais. Tu cherches Merlin. Ne cherche pas plus loin. Je suis Merlin. — Toi… ? Tu es un mendiant, répondit Ulfius. Ravi de son tour, l’Enchanteur rit sous cape. — Je suis également Merlin, dit-il. Si le roi Uther me promet la récompense que je désire, j’exaucerai les souhaits de son cœur, et il en tirera plus que moi honneur et profit. — Si cela est vrai, et si votre demande est raisonnable, répondit Ulfius émerveillé, je peux vous promettre qu’elle vous sera accordée. — Alors, tournez bride. Je vous suivrai aussi vite que je le pourrai. Heureux, sire Ulfius tourna bride. Forçant sa monture, il revint jusqu’à la tente où Uther se languissait, et dit au roi qu’il avait trouvé Merlin. — Où est-il ? — Sire, dit Ulfius, il est à pied. Il arrivera aussi vite qu’il le pourra. Mais il n’avait pas plus tôt prononcé ces paroles qu’il vit Merlin debout à l’entrée de la tente, et Merlin souriait, car il aimait causer des prodiges. Uther le vit et lui souhaita la bienvenue. Merlin lui dit brusquement : — Sire, je lis à livre ouvert dans votre cœur et votre esprit. Si, par votre royauté sacrée, vous jurez de m’accorder ce que je demande, vous aurez ce que je sais que votre cœur désire. Si vif était le désir d’Uther qu’il jura par les quatre Évangiles de tenir sa promesse. — Sire, dit Merlin, tel est mon vœu. La première fois que vous connaîtrez charnellement Igraine, elle concevra de vous un enfant. Quand cet enfant naîtra, il devra m’être donné pour que je l’élève à ma guise. Mais je promets solennellement que ce sera tout à votre honneur et à l’avantage de l’enfant. Y consentez-vous ? — Il en sera comme vous le désirez, dit le roi. — Alors levez-vous et préparez-vous, répondit Merlin. Cette nuit même vous partagerez la couche d’Igraine dans le château de Tintagel près de la mer. — Comment cela est-il possible ? demanda le roi. — Par magie, je lui ferai croire que vous êtes le duc, son époux. Ulfius et moi vous accompagnerons, mais nous aurons l’apparence de deux hommes liges du duc. Je dois cependant vous prévenir : lorsque vous arriverez au château, parlez le moins possible, ou vous risquez d’être découvert. Dites que vous êtes las et que vous vous sentez mal, et gagnez le plus tôt possible votre couche. Le lendemain matin, ne vous levez surtout pas avant que je vienne à vous. À présent, préparez-vous, car Tintagel est à dix miles d’ici. Ils firent leurs préparatifs, enfourchèrent leurs montures et partirent. Des remparts du château de Terrabil, le duc aperçut le roi Uther quitter le siège et, voyant que les forces royales n’avaient plus de chef, il attendit la tombée de la nuit pour tenter une sortie en force. Dans la bataille, le duc fut tué, trois bonnes heures avant que le roi arrivât à Tintagel. Tandis que Uther et Merlin, et sire Ulfius chevauchaient vers la mer dans une obscurité parsemée d’étoiles, des traînées de brume couraient sans cesse sur les landes, comme des spectres aux vêtements flottants. Du brouillard sortait tout un peuple aux formes indécises, et les silhouettes des cavaliers, à l’instar des nuages, changeaient. Lorsqu’ils arrivèrent aux portes de Tintagel, sur l’éperon rocheux dominant la murmurante mer, les sentinelles saluèrent les silhouettes familières du duc, de sire Brastias et de sire Jordanus, ses hommes liges. Et dans les sombres corridors du château, Igraine accueillit son époux et se fit un devoir de le mener à sa couche. Alors le roi Uther connut charnellement sa dame et, cette nuit-là, un enfant fut conçu. Quand pointa l’aube, Merlin apparut comme il l’avait promis. Dans l’indécise lumière, Uther baisa Igraine aux lèvres et se hâta de partir. Les sentinelles ensommeillées ouvrirent les portes au faux duc et à ses hommes, et les trois cavaliers s’éloignèrent dans la brume du matin. Plus tard, lorsque Igraine apprit que son mari était mort et l’était déjà lorsqu’elle avait accueilli sa forme dans son lit, elle fut troublée et saisie par ce triste prodige. Mais elle était seule à présent, elle avait peur et prit en secret le deuil de son époux sans parler de rien. Le duc mort, il n’y avait plus de raison de continuer la guerre et les barons supplièrent le roi de faire sa paix avec Igraine. Uther sourit intérieurement et se laissa persuader. Il demanda à Ulfius d’arranger une rencontre, et très bientôt le roi et la dame furent face à face. Alors, en présence du roi et d’Igraine, Ulfius s’adressa ainsi aux barons : — Quel mal peut-il y avoir ? Notre roi est un fort et galant chevalier, et il n’a pas de reine. Dame Igraine est aussi sage que belle… (Il fit une pause avant de poursuivre :)… et libre de se marier. Ce serait une joie pour nous tous si le roi consentait à faire d’Igraine sa reine. Criant leur approbation, les barons pressèrent le roi d’agir en ce sens. En galant chevalier, Uther se laissa persuader et en toute hâte, toute joie, et toute liesse, ils furent mariés dans la matinée. Du duc, Igraine avait trois filles ; selon les vœux et les suggestions d’Uther, la fièvre du mariage devint contagieuse. Le roi Lot de Lothian et Orkney épousa la fille aînée, Margawse, et le roi Nentres de Garlot, la fille cadette, Elaine. La troisième fille d’Igraine, Morgane la Fée, était trop jeune pour l’hyménée. Elle fut mise à l’école dans un couvent, où elle apprit l’art de la magie et de la nécromancie, dont elle devint grande prêtresse. Six mois ne s’étaient pas écoulés qu’il devint évident que la reine Igraine attendait un enfant. Une nuit, tan-dis qu’il reposait à ses côtés, Uther mit à l’épreuve sa fidélité et son innocence. Il lui demanda sur la foi qu’elle lui devait qui était le père de son enfant, et la reine fut grandement troublée pour répondre. — Ne soyez pas troublée, dit Uther. Quelle que soit la vérité, dites-la-moi et je ne vous en aimerai que plus. — Sire, répondit Igraine, je vais vous la dire bien que je ne la comprenne pas. La nuit où mon époux fut tué, et après sa mort si les récits des chevaliers sont vrais, il vint dans mon château de Tintagel un homme exactement semblable à lui tant par les paroles que par l’apparence et les façons de faire. Et avec lui vinrent deux chevaliers que je connaissais : sire Brastias et sire Jordanus. Je fis donc partager ma couche à celui que je crus être mon seigneur et cette nuit-là, je le jure Dieu, cet enfant fut conçu. Je suis perplexe, seigneur, car ce ne pouvait être le duc. Et je n’en sais, ni n’en comprends pas plus. À ce récit, le roi Uther fut rempli de joie, car il eut la preuve que la reine était fidèle. — Vous avez dit l’exacte vérité, s’écria-t-il. C’est moi qui suis venu vous rejoindre en prenant l’apparence de votre mari. Cela fut possible grâce aux sortilèges de Merlin. Chassez de votre esprit le trouble et la crainte ; je suis le père de votre enfant. À ces mots, la reine fut soulagée, car ce mystère l’avait plongée dans un grand trouble. Peu après, Merlin s’en vint trouver le roi et lui dit : — Sire, la date approche. Nous devons songer à la manière dont l’enfant sera élevé. — Je me souviens de ma promesse, dit Uther. Il en sera comme vous l’entendez. — Je vous suggère, dit alors Merlin, de faire mander l’un de vos barons, dont l’honneur et la loyauté sont sans faille. Son nom est Hector, et il possède des terres et des châteaux en maints endroits d’Angleterre et de Galles. Faites mander cet homme et, si vous êtes satisfait, demandez-lui de confier son fils à une autre femme de manière à ce que la sienne puisse allaiter le vôtre. Selon votre promesse, votre fils me sera remis dès sa naissance sans avoir été baptisé ni nommé, et je le confierai alors secrètement à sire Hector. Lorsque ce dernier se présenta devant Uther, il promit d’élever l’enfant et le roi le remercia en lui octroyant de nombreuses terres. Et lorsque la reine Igraine fut délivrée, le roi ordonna aux chevaliers et à deux dames d’honneur d’envelopper l’enfant dans un linge d’or, et de le transporter jusqu’à la grille d’une poterne où un gueux le prendrait en charge. C’est ainsi que l’enfant fut livré à Merlin, qui le remit à sire Hector, dont la femme le nourrit au sein. Alors Merlin fit venir un saint homme pour baptiser l’enfant, qui fut nommé Arthur. Moins de deux ans après la naissance d’Arthur, un mal dévorateur s’abattit sur Uther. Voyant le roi réduit à l’impuissance, ses ennemis ravagèrent le royaume, défaisant ses chevaliers et massacrant son peuple. Merlin vint alors trouver le roi et lui dit abruptement : — Quel que soit votre mal, vous n’avez pas le droit de rester dans ce lit. Votre place est sur le champ de bataille, à la tête de vos hommes, même si vous devez y être transporté dans une litière, car vos ennemis ne seront jamais vaincus tant que vous ne paierez pas de votre personne. La victoire est à ce prix. Le roi Uther en convint et, par ses chevaliers, se fit transporter sur une litière tirée par deux chevaux, menant ainsi ses troupes au combat. Ils rencontrèrent à St. Albans le gros des forces des envahisseurs du Nord ; ce jour-là, sire Ulfius et sire Brastias accomplirent maintes prouesses, et les troupes d’Uther, galvanisées, se battirent farouchement, taillant l’ennemi en pièces et obligeant les survivants à fuir. Lorsque le combat fut terminé, le roi revint à Londres pour célébrer sa victoire. Mais ses forces l’avaient abandonné et il sombra dans le coma. Pendant trois jours et trois nuits, il resta paralysé sans pouvoir prononcer une parole. Les barons étaient tristes et, appréhendant le pire, demandèrent à Merlin ce qu’ils devaient faire. — Dieu seul possède le remède, dit Merlin. Mais si vous vous réunissez tous autour du roi demain matin, j’essaierai, avec l’aide de Dieu, de le faire parler. Le lendemain, les barons s’assemblèrent, et Merlin s’approcha du lit où le roi gisait et dit d’une voix forte : — Sire, est-ce votre volonté que votre fils Arthur soit couronné roi après votre mort ? Alors Uther Pendragon se retourna et, avec effort, dit à voix haute de sorte que tous les barons l’entendirent : — Je donne à Arthur la bénédiction de Dieu et la mienne. Je lui demande de prier pour mon âme. Puis, rassemblant ses forces, il s’écria : — Si Arthur ne revendique pas la couronne d’Angleterre dans l’honneur et le droit, il perdra ma bénédiction. À ces mots, le roi retomba sur sa couche et mourut. Uther fut enterré avec tous les honneurs dus à un roi, et sa reine, la belle Igraine, ainsi que tous ses barons prirent le deuil. La cour devint un lieu de lamentations, et pendant très longtemps il n’y eut plus de roi en Angleterre. Le danger venait de partout : des frontières où les ennemis étaient massés, et de l’intérieur du royaume où les seigneurs étaient dévorés d’ambition. Les barons levèrent des armées, chacun voulant s’approprier la couronne. La vie devint précaire en cette période d’anarchie, où les lois étaient sans cesse violées, si bien que Merlin se décida à demander à l’archevêque de Canterbury de convoquer à Londres pour Noël tous les seigneurs et gens d’armes du royaume sous peine d’excommunication. On espérait que, puisque Jésus était né le soir de Noël, il profiterait de cette nuit sainte pour désigner, d’un signe miraculeux, le roi légitime du pays. Lorsque seigneurs et chevaliers reçurent le message de l’archevêque, beaucoup s’émurent et se purifièrent afin de rendre leurs prières plus agréables à Dieu. Dans la plus grande église de Londres, Saint-Paul très probablement, ils se réunirent longtemps avant l’aube pour prier. Et après la première messe des matines, on découvrit dans le cimetière, près du maître-autel, un gros bloc de marbre dans lequel était scellée une enclume d’acier où une épée était enfoncée. On pouvait lire en lettres d’or : Quiconque retirera cette épée De la pierre et de l’enclume Sera roi d’Angleterre Par droit de naissance. Stupéfaits, les barons crièrent au miracle et allèrent apporter la nouvelle à l’archevêque, qui leur dit : — Retournez dans l’église et priez Dieu. Que personne ne touche l’épée avant que la grand-messe soit chantée. Ainsi firent-ils, mais lorsque le service fut achevé, tous les seigneurs allèrent regarder la pierre et l’épée ; certains essayèrent de retirer la lame, mais aucun ne réussit. — L’homme qui retirera cette épée n’est pas ici, dit l’archevêque, mais je ne doute pas que Dieu le fasse connaître. En attendant, je suggère que dix chevaliers de grand renom soient commis à la garde de l’épée. C’est ce qui fut fait, et il fut proclamé que quiconque le désirait pouvait essayer de retirer l’épée. Afin que seigneurs et chevaliers ne se dispersent pas, l’archevêque annonça qu’un grand tournoi aurait lieu le jour de l’An, car il estimait qu’en ce jour, Dieu ferait savoir à qui appartenait l’épée. Le jour de l’An, après avoir entendu la messe, les barons se dirigèrent vers le champ où certains allaient jouter – un chevalier en armure essayant de

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