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Le Nunavut: entre le rêve et la réalité Bilan de dix années d’autonomie gouvernementale inuite et prospective socio-économique PDF

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Le Nunavut : entre le rêve et la réalité Bilan de dix années d’autonomie gouvernementale inuite et prospective socio-économique André Légaré Journal of Canadian Studies/Revue d'études canadiennes, Volume 43, Number 2, Spring 2009, pp. 23-56 (Article) Published by University of Toronto Press For additional information about this article http://muse.jhu.edu/journals/jcs/summary/v043/43.2.legare.html Access Provided by York University at 10/16/11 8:52PM GMT JJoouurrnnaall ooff CCaannaaddiiaann SSttuuddiieess •• RReevvuuee dd’’ééttuuddeess ccaannaaddiieennnneess Le Nunavut : entre le rêve et la réalité Bilan de dix années d’autonomie gouvernementale inuite et prospective socio-économique André Légaré Le 1er avril 2009, le gouvernement du Nunavut a fêté son dixième anniversaire d’existence. La naissance du Nunavut fut le résultat de plus de 20 ans de négociations entre le gouvernement fédéral du Canada et les Inuits de l’Arctique de l’est. L’un des objectifs visé par la création du gouvernement du Nunavut fut de permettre au peuple inuit de contrôler son programme politique afin de mieux gérer les défis socio-économiques de la société inuite à l’approche du 21ième siècle. Toutefois, après dix ans d’existence du gouvernement, force est de constater que le bilan de la situation socio-économique est plutôt sombre. Néanmoins, tous les espoirs ne sont pas perdus. Le Nunavut bénéficie de la plus forte croissance économique annuelle au Canada; de plus, certaines initiatives prises récemment par le gouvernement du Nunavut, dont notamment la réforme scolaire, la construction de logements sociaux supplémentaires, la mise en œuvre d’une loi visant à protéger la langue inuite, nous porte à croire que le Nunavut pourra prendre un virage positif à plus long terme. En somme, le Nunavut est encore jeune; il devra apprendre à grandir en affrontant ses défis socio-économiques. On 1 April 2009, the Government of Nunavut celebrated its 10th anniversary. The birth of Nunavut was the result of more than 20 years of negotiations between the federal government and Inuit of the Canadian Eastern Arctic. One of the objectives attached to the creation of Nunavut was to give to Inuit the opportunity to control their political agenda so as to tackle the socio-economic challenges faced by Inuit society at the dawn of the 21st century. After 10 years of existence, however, the socio-economic conditions in Nunavut remain bleak. Still, there are some signs that the situation will improve in the future: Nunavut benefits from the highest economic annual growth in Canada, it is currently implementing an Inuit-based school curriculum reform, it is building additional social housing units, it has recently passed a language law that will reinforce the use of the Inuit language throughout Nunavut. All of these initiatives may lead to better socio- economic conditions in the longer term. Nunavut is still a young jurisdiction that will have to continue to grow through some painful socio-economic realities. Volume 43 • No. 2 • (Printemps 2009 Spring) 23 André Légaré Source: http://atlas.gc.ca 24 Journal of Canadian Studies • Revue d’études canadiennes Le 25 mai 1993, les négociateurs inuits de même que ceux du gouvernement canadien signèrent l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut (MAINC 1993). L’Accord a permis la naissance du gouvernement et du Territoire du Nunavut (MAINC 1993, 25). Celui- ci fut inauguré le 1er avril 1999. Le Nunavut (voir carte 1) occupe le plus vaste espace géographique parmi les provinces et territoires membres de la Confédération canadienne, soit environ 20 % (2,121,103 km²) du territoire canadien. Malgré son espace immense, le Nunavut ne compte qu’une population de 29,474 résidants1, dont la vaste majorité (84,8 %) est composée d’Inuits (Canada 2007a, 1). Puisque l’essentiel de sa population est inuite, la gouverne du Nunavut, bien que sous l’égide d’un gouvernement public, peut être qualifiée d’autonomie gouvernementale inuite de facto (Légaré 1996; Hicks et White 2000; White 2000, 2006; Teveny 2001; Timpson 2007). En 1994, le gouvernement canadien qualifia l’avènement du Nunavut comme un point tournant dans l’histoire du peuple inuit (MAINC 1994, 5). Pour Ottawa, l’un des objectifs principaux de l’autonomie gouvernementale inuite visait à doter le peuple inuit d’outils politiques nécessaires leur permettant de pallier les nombreux problèmes sociaux omniprésents au sein de la société inuite à la fin du 20e siècle. Dans son article, la sociologue Janet M. Billson (2001) soutient que la transition entre le mode de vie ancestral et nomade des Inuits vers celui d’une sédentarisation forcée dans les communautés ne s’est pas fait sans heurts. Ainsi, dans les années 50 et 60, la société inuite fut complètement transformée. La sédentarisation a marginalisé le peuple inuit. Le système de l’État providence fit son apparition; il contribua largement à perturber le tissu social des Inuits (Billson 2001, 283). Plusieurs problèmes sociaux émergèrent, causés par l’instauration rapide d’un mode de vie sédentaire. Ainsi, l’homme chasseur, désormais localisé loin de ses terres de chasse traditionnelles, perdit son rôle de pourvoyeur au profit de l’aide sociale offerte par le gouvernement canadien aux familles inuites sédentarisées. Outre le chômage et le faible niveau d’estime de soi, la sédentarisation entraîna une série de problèmes sociaux : alcoolisme, drogues, violence conjugale, etc. (Billson 2001 : 284). En somme, les Inuits perdirent le contrôle de leur société; ils devinrent dépendants de l’État providence. Billson souligne que l’élite politique inuite, qui émergea dans les années 60 à la suite de l’instauration du système d’éducation qallunaat2, déclencha une prise de conscience politique chez le peuple inuit. Ceux-ci n’acceptèrent plus d’être considérés comme citoyens de seconde zone (Billson 2001, 286). L’élite éduquée suivant la méthode qallunaat comprenait maintenant le 25 André Légaré système politique canadien; elle avait la capacité d’émettre les revendications politiques du peuple inuit. Cette élite, regroupée au sein de l’organisation inuite pancanadienne Inuit Tapirisat du Canada3, demanda au gouvernement canadien, par le biais du Projet Nunavut (ITC 1976)4, d’accorder aux Inuits des Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.) la pleine gestion des pouvoirs politiques en matière de développement social et économique. Trente-trois ans après le dépôt du Projet Nunavut, le gouvernement canadien créa le Territoire du Nunavut qui accorda aux Inuits une forme unique d’autonomie gouvernementale5. Le gouvernement canadien a toujours maintenu que la création du Nunavut permettrait au peuple inuit des T.N.-O. de contrôler leur programme politique (Molloy 1993). Par ailleurs, l’élite inuite soutena que le Nunavut permettrait au peuple inuit de mieux gérer les défis socio-économiques auxquels la société inuite contemporaine était confrontée (Ernerk 1990). Ces défis socio-économiques regroupent notamment la santé, l’éducation, les logements sociaux, la perte de la culture et de la langue inuite, l’abus d’alcool et de drogues, de même que la violence conjugale. Le 1er avril 2009, le Nunavut fêtera son dixième anniversaire de naissance. Depuis qu’il est membre de la Confédération canadienne, le Nunavut a tenu trois élections (1999, 2004, 2008). Aujourd’hui, tous ces ministères, agences et institutions politiques sont en pleine activité. En guise de complément à l’évolution de la situation politique du Nunavut, nous croyons à propos de tirer un bilan de la situation socio-économique du Nunavut et d’établir une analyse prospective quant aux défis sociaux, culturels et économiques avec lesquels le gouvernement du Nunavut devra composer au cours de la prochaine décennie. À la lecture des objectifs socio-économiques contenus dans le Mandat Bathurst6 (Nunavut 1999, 2004a), nous tenterons de découvrir avec quel degré de succès le Nunavut a su pallier, depuis son inauguration en 1999, les défis socio-économiques contemporains de la société inuite. Nous tenterons également d’établir la probabilité du succès possible des objectifs fixés par le Mandat Bathurst d’ici 2020. Nous exposerons certaines recommandations qui, nous croyons, pourraient faciliter l’atteinte des objectifs contenus dans le Mandat Bathurst. Pour ce faire, nous répondrons à trois questions. D’abord, il s’agira de savoir si l’autonomie gouvernementale inuite acquise par le biais du Projet Nunavut a permis au peuple inuit d’améliorer ses conditions socio- économiques. Ensuite, il s’agira de découvrir si les diverses initiatives politiques prises par le gouvernement du Nunavut, jusqu’à ce jour, ont permis d’améliorer les conditions socio-économiques du Nunavut. Enfin, il s’agira de déterminer si la vision prospective d’une société inuite en effervescence pour l’année 2020, 26 Journal of Canadian Studies • Revue d’études canadiennes telle qu’exprimée dans le Mandat Bathurst, s’avère réaliste. Pour répondre à ces questions, nous nous appuierons surtout sur la lecture des données socio- économiques fournies principalement par Statistique Canada, dont les résultats ont souvent fait la une des manchettes dans les médias locaux : Nunatsiaq News, CBC News North. Nous relèverons également certains discours7 publiés dans les médias locaux, portant sur la problématique socio-économique, exprimés par des citoyens et des dirigeants inuits du Nunavut. Le Mandat Bathurst Le Mandat Bathurst (1999, 2004a) est un énoncé de priorités sociopolitiques établies par les membres du premier cabinet du gouvernement du Nunavut, en octobre 1999. Le Mandat Bathurst fut renouvelé, en avril 2004, à la suite des deuxièmes élections des membres de l’Assemblée législative. Sous le titre « Pinasuaqtavut » (« ce dont nous désirons accomplir »), le document identifie quatre thèmes socio-économiques : Innuuqatigiittiarniq (« communautés en santé »); Pijarnirniqsat Katujjiqatigiinnirlu (« unité et simplicité »); Namminiq Makitajunnarniq (« l’autosuffisance économique ») ; Ilippallianginnarniq (« formation continue »). Sous chacun de ces thèmes, le gouvernement a établi les attentes et les objectifs qu’il souhaite atteindre d’ici 2020. Le Mandat est en quelque sorte une vision prospective des conditions socio-économiques qui règneront au Nunavut en 2020 : (…) I am confident that we will reach these objectives and our goal which is improving the lives of all Nunavummiut by strengthening our culture and expanding our economy (Nunavut 2004a, 1-2)8. Nous vous proposons ici de passer en revue chacun des thèmes du Mandat Bathurst. Notre objectif consiste à démontrer si les attentes et objectifs socio-économiques contenus dans le Mandat pourront être réalisés. Nous soulignerons notamment les avancées et les reculs socio-économiques de la société inuite, depuis l’avènement du Nunavut en 1999, jusqu’à ce jour. Il s’agira donc de dresser un bilan de la situation socio-économique du Nunavut depuis son instauration, de proposer certaines recommandations visant à améliorer les conditions socio-économiques actuelles du Nunavut, puis de déterminer si les objectifs du Mandat Bathurst pourront être atteints d’ici 2020. 27 André Légaré Inuuqatigiittiarniq : « communautés en santé » Sous ce thème, l’objectif du gouvernement du Nunavut est de répondre à l’ensemble des besoins en santé de tous les Nunavummiut9 et d’accroitre le nombre d’habitations au Nunavut. Ainsi, le Mandat Bathurst prédit que les conditions sociales et la qualité de vie (santé) au Nunavut seront, en 2020, équivalentes, voir même supérieures, à celles des autres Canadiens ailleurs au pays (Nunavut 1999, 1-2; Nunavut 2004a, 4-7). Ce thème porte donc sur : les conditions sociales, la santé et les logements sociaux. Conditions sociales La sédentarisation a déraciné les Inuit de leurs terres et de leur mode de vie ancestral. Elle a créé des conditions propices aux problèmes sociaux qui sévissent aujourd’hui au sein des communautés inuites, jour après jour, depuis les années 60 : abus d’alcool et de drogues, violence conjugale, taux de suicide alarmant, dépendance de l’aide sociale. La plupart des Inuits sédentarisés ont perdu les compétences ancestrales qui permettaient à leurs grands-parents de survivre de la chasse, de la pêche et de la trappe . Par ailleurs, les jeunes Inuits n’ont généralement pas acquis les compétences pour se débrouiller avec succès dans le monde qallunaat moderne (Billson 2001, 289). En fait, les Inuits réagissent aux effets du changement de la vie nomade à la vie sédentaire de façon différente. Certains s’adaptent, d’autres sont marginalisés et deviennent parfois des candidats au suicide, aux crimes violents ou à l’abus de narcotiques. Les jeunes Inuits au Nunavut s’ennuient. Les petites communautés isolées du Nunavut ne leur donnent pas l’occasion de s’épanouir. Plusieurs se sentent perdus entre les mondes inuit et qallunaat : (…) our children identify better with a Chinese character named Li than they do with their own grandfather. They know hip-hop or rap music better than they know how to drum-dance or throat-sing. They could probably build a shack better than an igloo, drive a vehicle better than a dog team (Arngnanaaq 2004, 2). Le nombre de jeunes Inuits qui se sont enlevé la vie au cours de ces dernières années est accablant. Ainsi, depuis l’instauration du Territoire du Nunavut, en 1999, 230 Nunavummiut se sont suicidés (CBC News North 2008). La situation ne s’est pas améliorée entre 1999 et 2008 où, en moyenne, 25 personnes se sont suicidées chaque année au Nunavut (CBC News North 2008). La plupart étaient des hommes âgés entre 15 et 24 ans10. Le taux de suicide élevé au Nunavut est lié de près aux conditions socio-économiques qui sévissent dans 28 Journal of Canadian Studies • Revue d’études canadiennes les communautés : manque d’encadrement parental, faible taux d’éducation, taux de chômage élevé, logements insalubres et surpeuplés, abus d’alcool et de drogues (NTI 2004, 42). Tous ces facteurs contribuent au taux élevé de suicide11. Les gens qui effectuent une tentative de suicide ont généralement une faible estime d’eux-mêmes et vivent dans des conditions économiques difficiles : It should be noted that it is the sub-regions which have experienced the most development in recent decades that have generally experienced the lowest rates of death by suicide (Hicks, Bjerregaard, Berman 2007, 53). Bien que le gouvernement du Nunavut soit confronté à une situation alarmante concernant son taux de suicide élevé, il n’a pas encore instauré une politique ferme pour contrer ce fléau. Des initiatives ont été prises au niveau communautaire, mais tout semble indiquer que celles-ci ne sont guère suffisantes. L’abus d’alcool et de narcotiques, chez la population inuite, sont des problèmes omniprésents au sein de la plupart des communautés, abus qui engendrent, à leur tour, un taux élevé de : violence conjugale12, familles monoparentales13 et crimes violents. En 2005, il fut révélé que le taux de violence envers les femmes au Nunavut était 14 fois plus élevé qu’ailleurs au pays14. Ceci a poussé James Eetoolook, vice-président de l’organisation inuite Nunavut Tunngavik Inc. à déclarer : (…) problems of domestic violence are symptoms of deeper economic and social problems in Inuit society that are aggravated by such things as: unemployment, underemployment, inadequate and poorly designed government social policies and programs (Hicks et White 2000, 84). Billson (2006) souligne que dans la société inuite ancestrale, la violence conjugale était un fait rare. Elle soutient qu’avec la sédentarisation des Inuits dans les communautés, le rôle des hommes à titre de pourvoyeurs fut affecté (Billson 2006, 72). Williamson (2006) appuie cette thèse et constate que les chasseurs inuits désormais sédentarisés n’avaient plus un accès facile à leurs terres de chasse ancestrales et que ces terres étaient dorénavant géographiquement fort éloignées des villages. De plus, avec l’introduction de la motoneige et du bateau motorisé, et des coûts associés à l’utilisation de ces moyens de transport (entretien, essence, etc.), les activités de chasse, de pêche et de trappe devenaient trop coûteuses pour plusieurs Inuits (Williamson 2006, 60). Ceux-ci ne pouvant plus se permettre de chasser régulièrement perdirent leur rôle de pourvoyeur principal au sein du foyer. Une plus grande dépendance auprès de l’État providence (aide sociale) s’instaura. Par ailleurs, 29 André Légaré suite à la création du Nunavut, plusieurs femmes trouvèrent un emploi au sein du nouveau gouvernement du Nunavut. Dans plusieurs foyers, elles devinrent la principale source de revenus. Ceci créa donc un renversement des rôles traditionnels : de l’homme vers la femme. Billson soutient que ce changement de rôle chez certains hommes les affectèrent sérieusement; ils se mirent alors à afficher un comportement violent à l’endroit de leur épouse (Billson 2006, 76). En somme, le chômage, la pauvreté, l’abus d’alcool sont tous des maux sociaux qui naquirent de la sédentarisation du peuple inuit. Cette sédentarisation soudaine mena à la perte de valeur et d’estime de soi-même chez l’homme inuit. Ceci, nous croyons, est l’une des causes principales du taux élevé de violence conjugale au sein des foyers inuits du Nunavut. Seule la mise en œuvre d’une politique économique dynamique, visant à redresser le rôle des hommes dans l’économie moderne du Nunavut, pourrait renverser la tendance et permettre d’amoindrir le taux élevé de violence conjugale. Au Nunavut, la criminalité est omniprésente. En 2005, le nombre de Nunavummiut accusés de crimes était cinq fois plus élevé qu’ailleurs au pays (George 2006a). Le Nunavut détient le titre peu enviable du taux d’incarcération le plus élevé au Canada (George 2006a). En fait, le nombre d’individus accusés chaque année de crimes a doublé depuis la naissance du Nunavut15! Ainsi, en 1999, 1362 Nunavummiut furent condamnés pour des actes criminels, en 2003, ce nombre grimpa à 2333 (Bell 2004a). Fait éloquent, dans la seule communauté de Kugluktuk, en 2007, il y eu 678 accusations criminelles pour une population totale de 1302 personnes (George 2006b). Pour pallier ce fléau, il faudra d’abord améliorer les conditions socio- économiques des communautés où le taux de sans-emploi atteint souvent 70 %. Par ailleurs, il faudra instaurer des programmes de réhabilitation pour les accusés incarcérés dans les prisons territoriales. Présentement, la plupart d’entres eux sont des récidivistes16. Les conditions sociales alarmantes que nous avons décrites proviennent généralement de changements sociaux trop rapides causés par l’instauration soudaine de la sédentarisation du peuple inuit. Comme Billson et Williamson ont souligné dans leurs travaux (Billson 2001, 2006, Williamson 2006), la société ancestrale inuite a éprouvé des difficultés à s’adapter au monde moderne sédentarisé. Ces difficultés sociales sont aujourd’hui envenimées par la réalité économique problématique du Nunavut. Au Nunavut, la population inuite fait face à un taux de chômage élevé (24 %), à un revenu individuel moyen faible (moins de 16,000$ par année) et une dépendance chronique de l’État providence (aide sociale). Ces facteurs contribuent à une faible estime de soi-même chez plusieurs Nunavummiut. Cette situation entraîne, par 30 Journal of Canadian Studies • Revue d’études canadiennes conséquent, une dépendance à l’alcool et aux drogues; un fléau présent partout dans les communautés inuites, qui conduit parfois certains individus à la violence conjugale, aux crimes violents ou au suicide. La solution réside dans la mise en place d’une économie puissante qui créerait davantage d’emplois dans les communautés. Toutefois, la question demeure : comment améliorer le secteur économique au Nunavut? Santé Au Nunavut, les mauvaises habitudes alimentaires, les taux élevés de tabagisme et d’alcoolisme, l’omniprésence des maladies transmises sexuellement et la consommation de narcotiques, sont parmi les problèmes les plus sérieux auxquels doit faire face le système de santé publique. Ainsi, le taux d’incidence du cancer du poumon est cinq fois plus élevé ici qu’ailleurs au Canada17; le diabète et la tuberculose18 sont des maladies qui font des ravages au Nunavut. Elles sont causées par la mauvaise alimentation et la présence de logements insalubres et surpeuplés. L’obésité est aussi un phénomène inquiétant19; les populations des communautés sont peu actives, elles se nourrissent davantage de produits gras achetés dans les épiceries que de gibier, de phoque et de poisson frais provenant de la nature qui sont beaucoup plus sains. En fait, au Nunavut les données sur la santé se comparent davantage à celles des pays en voie de développement plutôt qu’à celles du reste du Canada! Par exemple, la mortalité infantile au Nunavut est quatre fois supérieure à la moyenne canadienne20. Depuis 1996, l’espérance de vie chez les Inuits du Nunavut est passée de 69,4 (en 1996) à 68,2 (en 2003) (Wilkins et al. 2008, 6), ce qui constitue une espérance de vie de 11 ans inférieure à celle des autres citoyens du Canada. En raison de l’éloignement géographique du Nunavut du reste du Canada, les coûts pour la gestion des services de santé (hôpitaux, cliniques) sont nettement plus élevés qu’ailleurs au Canada21. Chaque année, le Territoire du Nunavut dépense en moyenne 8,700$ par personne, tandis qu’ailleurs au Canada cette dépense n’est que de 4,100$ (CBC News North 2004). De plus, l’importante rotation des professionnels de la santé au Nunavut22 nuit à la stabilité et à l’amélioration des programmes et des services de santé dans les communautés. Ainsi, le Nunavut connaît une pénurie sérieuse de professionnels de la santé23 : il n’y a que 11 médecins de famille pour une population de près de 30,000 personnes (NTI 2004, 49) répartie sur un territoire cinq fois plus grand que la France! Par ailleurs, tous les médecins sont Qallunaat et seulement deux des 160 infirmiers/infirmières du Nunavut sont 31

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