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Le Mouvement paysan chinois (1840-1949) PDF

189 Pages·1976·21.095 MB·French
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Le mouvement paysan chinois 1840-1949 Jean Chesneaux Le mouvement paysan chinois 1840-1949 Editions du Seuil t:11 C'OUverture . Peinture epoque Tsing. Photo Marc Rtboud /Magnum. ISBN2 -02-004442-0. (edition originalc: ISBN 0-500-71001-5 Thames and Hudson). Titre original : Peasant Revolts in China ( I 840-I 949). © 1973, Thames and Hudson Ltd, Londres. © 1976, Editions du Seuil, pour la traduction franc;aise. La lo, Ju 11 mart 1957 in1erdi1 lcs copies ou reproductions desunees a unc u1ilisation c.>llecllvc. Toure rcprcscnlalion ou reproduclion 1ntearale ou partiellc faile par qudque procede que ce soit, &an! le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause. est illici1e el consiitue unc contrcfa,on sanct,onncle par In articles 425 el suivantl du Code penal. Introduction L 'histoire n 'est pas une fuite dans le passe, elle n 'est pas )'occasion d'une evasion vers un exotique qui se definirait par la recherche de l'alterite, dans le temps et non plus dans l'espace. L'histoire est au contraire la somme des experiences humaines, dont )'analyse nous permet de mieux nous definir nous-memes; sa fonction est de permcttre le dialogue du present et du passe, et non pas seulement d'encourager la collecte a sterile de cc faits » appartenant un temps fugitif et disparu. Encore faut-il accepter que ce soit le present, et non le passe, qui ait la direction du dialogue. La recherche historique et la reflexion historiquc sont commandees, non pas par Jes « le9ons du passe », que le present devrait docilement assimiler, mais par les ~ommations imperieuses que le present adresse ( au passe. La Revolution chinoise est un excellent exemple de cette relation historique qui met le passe dans la depen dance du present. Du fait meme que Jes mouvements a paysans ont contribue de fa9on considerable I' arrivee des communistes chinois au pouvoir en 1949, nous a a sommes conduits poser l'histoire de Chine de nou velles questions, auxquelles ne songeaient guere les histo- 8 Introduction riens de l'epoque precedente : quelles sont les racines de ce mouvement paysan? quelle place reelle a+il tenu dans l'histoire de Chine? pourquoi l'a-t-on si longtemps laisse dans I 'ombre? Le terme de rewriting, si sou vent utilise pour exprimer une' accusation de distordre la verite historique », traduit au contraire 1c a cette necessite d 'une vision nouvelle, adequate I 'his toire de notre temps et capable par la meme de voir plus clair dans le passe. L 'etude du mouvement paysan aux x1xe-xxe siecles (ce livre deja trop rapide ne peut remonter plus avant, malgre le grand interet des guerres paysannes qui reus a a sirent autrefois menacer ou renverser la puissance dynastique des Han et des Tang, des Song et des Ming) a se trouve la jonction de deux grands problemes historiques : celui de la capacite politique des paysans dans une societe pre-industrielle et celui de la contri bution de la paysannerie aux revolutions contem poraines. La premiere question est fondamentale pour la connaissance des societes de l'Ancien Monde : Russie tsariste, Europe medievale et proto-moderne, Islam classique. La seconde est essentielle pour l'avcnir a des pays du ccT iers Monde >> 1' epoque contemporaine : Amerique latine, Sud-Est asiatique, Afrique noire. Dans les deux cas, I 'exemple chinois a presque valeur d 'archetype ; la guerre des Taiping est peut-etre la plus grande guerre paysanne de l'histoire pre-contem poraine, et Jes theories de Mao Zedong sur la place des paysans dans la revolution ont cu et ont toujours un immense echo en Asie. en Afrique et en Amerique latine. Les luttes des paysans chinois font doublement partie de notre heritage historique. L' heritage des revoltes paysannes de !'age c!assique Toutes les grandes societes pre-industrielles ont connu la tievre des" fureurs paysannes » et ant conserve le souvenir territie et admiratif des grands rebelles paysans : Jack Cade, Wat Tyler et les Lollards en Angleterrc, les « Jacques » du Beauvaisis et les « Cro quants » de Normandie en France, Stenka Razine et Pougatchev en Russie, Thomas MUnzer et ses bandes de paysans allemands affames. Pourtant, aucun pays ne semble disposer en ce domaine d'un heritage aussi riche et surtout aussi continu que la Chine. De siecle en siecle, toute l'histoire bi-millenaire de la Chine imperiale est jalonnee de revoltes paysannes : celles des Turbans jaunes, des Sourcils rouges et des Chevaux de bronze au debut de notre ere. celles de la dynastie Song, aux x11•-x111•s iecles, celles du milieu du xv11• siecle, pour ne citer que les principales. Non seulemcnt ii s'agit d'une serie chronologique excep tionnellement dense et massive, mais cette tradition de luttes paysannes etait restee vivante et presentc dans !'esprit des paysans chinois des xix• et xx• siecles. Ce riche heritage n 'etait pas une don nee inertc de " l'histoire » en tant que passe revolu: ii etait un ele ment dynamique d'une histoire en mouvement • cellc " ·-·-. 0 ·1 \ ~! ..·. -,. . e,, -•-,--• HEILON<'.iJIANG \,. . ...,•' \ ,.._,.✓ i ,. ./ \ _,..' ·'\ ·-·,.-:::i---,. ..._ ___.,_, ! ,·-.J \ l , r JtuN , - 1-·-·i .i. . ,·,/· ,,..·: t~-.", .'/ / ,. ., , (.i,. _... , .,;. ,1. ...... ... .\ ~t •) •-•._ ·, -•1 -~7 ~T ° /, I "'fo:i \,•~ ,,.. • / ' CJt ' I REH- __ .-·-· ... -)-~·-·-·,.,_,._ .,.-•-·- v ... ..::,. \ >--- ,·-·-- xr....iHANG .,,... \,. !v1"v , ..., ~,..\ ..}. . -.. ', "...,-,") c+-/ •,r.:, ~ _,,/ ,, ..., . ! ·----'-... ... ..,. .. ...._..,.. .' • •. .__ ( -..._..P .. -----.'-;---•,,_,.,·-·-.-r~: J. I \ • .---- ---i\ ,'!•--~ ~,. ... _,.,1-·Allj.~•l, s.u11ou ':-.... _ __.,--·( '·..__.~.., - -- ,-..;--',___ • s Wu.oac. 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Pour les mandarins, gardiens de l 'ordre politique et defenseur de la propriete fonciere, Jes rebelles paysans etaient des bandits, des fei, et ce terme chinois etait plus impitoyable encore que le terme occidental de bandit. Le bandit est celui contre lequel on a « dit le ban », contre lequel on a prononce une condamnation qui l'isole des autres hommes. C'est un « hors-la-Joi ». Le fei se voit purement et sim plement refuser le droit d'exister, le fait meme d'exis ter : Fei est une particule grammaticale negative de la langue classique. Alors que chaque homme rei;oit un nom (ming) qui definit sa place dans la machine sociale. le fei est « celui qui n 'existe pas », aux yeux a de la bonne societe. L 'historien n 'a pas le connaitre car ii traite des hauls fails accomplis par les puissants personnages et de la machine sociale telle que ceux-ci l'ont fai;onnee. Celle tendance est longtemps restee celle des historiens occidentaux de la Chine, lesquels a avaient decouvert l'histoire de Chine !ravers Jes annalistes imperiaux chinois (traduits par Jes jesuites des le xv11• siecle). Un des ouvrages Jes plus celebres et Jes mieux documentes, consacres par la sinologie a occidentale l'histoire chinoise des xv11•-xx• siecles ne s'appelle+il pas Eminent Chinese of the Ch'ing Period(« Eminents » chinois de la dynastie mandchoue)? 12 L'heritage des revoltes paysannes L 'historiographie chi noise traditionnelle, et derriere elle toute la theorie politique confuceenne, ne consen a tait noter I' existence des revoltes paysannes que dans un seul cas : celui ou elles se revelaient capables de renverser !'Empire et de porter au pouvoir une nouvelle dynastie. La societe chinoise classique est en effet fondee sur le respect de l 'ordre etabli; chacun doit accepter son destin, accepter de n 'exister qu 'en tant qu 'element constitutif d 'un certain systeme social. C'est ainsi qu'est assuree l'adequation de l'ordre social et de l'ordre cosmique; le « Mandat celeste » (tian ming) garantit done l'harmonie generate du monde. Mais ii peut neanmoins arriver que cette harmonie soit troublee et que l'empereur, depositaire du Mandat, s'en revele indi gne. Cctte ccr upture de Mandat » (ge ming) est annoncee par des prodiges dans le ciel. des perturbations climati ques, la corruption de la bureaucratie, la degradation des digues et des canaux, et plus encore par la poussee de I 'agitation agraire : ce sont les cc signes precurseurs de la chute des dynasties ». Le mecontentement populaire peut done se reveler assez fort pour renverser I'empereur et ses mauvais ministres. C'est souvent le chef des rebelles paysans qui assume le pouvoir imperial, reta blissant ainsi la legitimite confuceenne par le jeu meme de l'insoumission populaire. C'est-a-dire que I 'ordre politique traditionnel est assez fort pour reintegrer a meme ses adversaires l'interieur de son propre sys teme de pensee, pour leur assigner un role dans le bon fonctionnement de la machine sociale. Les revoltes paysannes, loin de menacer l 'ordre etabli dans ses principes memes, sont finalement acceptees comme fonctionnelles, comme capables de retablir l'ordre un moment trouble; elles servent de soupape de surete, de I' iige classique 13 elles peuvent restituer au monde les bienfaits du Man dat celeste. La rigueur de la condition paysanne, dans I 'ancienne Chine, justifie amplement la vigueur et la frequence a des revoltes paysannes. Le paysan doit la fois faire front dans trois directions : ii tient tete au milieu nature!, a au proprietaire fancier, l'Etat. Si le travail paysan est minutieux, incroyablement patient et savant, s 'ii a reussi a socialiser profonde ment le paysage rural (en particulier du fait des exi gences de la riziculture : omnipresence de l'eau qu'il faut faire venir, decoupage du sol en elements parfai tement plans et done en terrasses). ii n 'a pourtant pas' triomphe des conditions climatiques et hydrogra phiques. L 'agriculture chi noise reste marginale, du fait surtout de l 'inegalite des pluies; les sechercsses, Jes inondations, les typhons, Jes epidemies, les vols de sau terelles sont tres frequents, et done les mauvaises recol tes et les famines. Traditionnellement, !es paysans sont associes en communautes villageoises qui restent bien vivantes au debut du x1xe siecle; elles ont leurs notables, leur juridiction coutumiere, leurs fonctions fiscales, leurs responsabilites economiques (organisation des ressources hydrauliques), leurs fetes et leurs temples. La recherche de structures communautaires d 'accueil par les pay sans s 'exprime aussi par la vitalite des clans, reputes descendre d'un meme ancetre et dont les membres ont des droits et des obligations mutuelles. Mais Jes elements de solidarite paysanne, vijlage, clan, famille, s'effacent devant Jes facteurs de differenciation sociale a l'interieur meme du village, c'est-a-dire de l'anta gonisme entre paysans pauvres et proprietaires fonciers.

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