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Le Monde - 07 04 2020 PDF

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UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws MARDI 7 AVRIL 2020 76E ANNÉE– NO 23403 2,80 € – FRANCEMÉTROPOLITAINE WWW.LEMONDE.FR – FONDATEUR : HUBERTBEUVE-MÉRY DIRECTEUR:JÉRÔMEFENOGLIO COVID­19 : LES DÉFIS DU TRAÇAGE PAR TÉLÉPHONE 1 ▶Un consortium de cher­ ▶Une application sur ▶La Chine et la Corée du ▶Le dispositif impose ÉDITORIAL cheurs européens est sur smartphone peut permet­ Sud ont déjà franchi le pas, « une vigilance particu­ le point de lancer une in­ tre de savoir, non pas où sans s’inquiéter du respect lière », estime la prési­ D’INDISPENSABLES  frastructure pour aider les s’est rendu un malade, mais de la vie privée. Le Royau­ dente de la CNIL, qui n’y GARDE­FOUS autorités sanitaires à ga­ qui il a côtoyé, en détectant me­Uni et l’Allemagne est cependant pas hostile rantir un suivi des patients les téléphones proches s’y préparent à leur tour PAGES 14-15 ET IDÉES – PAGE 25 PAGE 26 Terrorisme CHINE : À WUHAN EN DEUIL, L’HOMMAGE AUX MORTS MASQUES L’attaque au  Le port du masque pour­ ▶Retour dans la ville, épicentre initial de la pandémie, qui va sortir du confinement rait être étendu à toute couteau de  la population : la volte­ ▶Les lenteurs et les dissimulations du système d’alerte chinois PAGES 2-3 face du gouvernement Romans­sur­Isère PAGE 8 SOIGNANTS L’assaillant, un réfugié soudanais, s’était plaint Les personnels médicaux dans des écrits religieux font face à un deuxième de vivre dans « un pays de front : protéger leurs mécréants ». Il a tué deux familles… d’eux­mêmes personnes et en a blessé PAGE 6 cinq autres, dont trois grièvement, samedi ÉQUATEUR 4 avril, dans la Drôme A Guayaquil, la deuxième PAGE 13 ville du pays, des dizaines Procès de cadavres attendent des jours sur les trottoirs Une justice PAGE 5 qui tâtonne et  ROUMANIE tourne au ralenti La colère des médecins, envoyés à la mort sans masques et sans aucun Les comparutions immé­ matériel de protection diates se poursuivent PAGE 4 pendant l’épidémie, sans grandes précautions, dans ROYAUME-UNI des salles presque vides –et à Paris, sans avocats Boris Johnson, malade de­ Le 4 avril, veille de Qingming, jour pour les plus pauvres. consacré à la mémoire des morts, puis dix jours, a été hospi­ Reportages dans quatre Wuhan s’est arrêté trois minutes talisé ; la reine a appelé tribunaux d’Ile­de­France pour honorer les victimes. les Britanniques à l’unité GILLES SABRIÉ POUR « LE MONDE » PAGES 10-11 PAGE 4 LE REGARD DE PLANTU Tribune Economie La crise du Harari : « La  coronavirus coopération  et le grand retour de l’Etat est l’antidote » PAGES 16-17 Pour l’auteur de « Sapiens. Une brève histoire de l’hu­ Social 220PAGES manité », le passé nous 12 € FedEx sommé montre que l’on ne se de protéger ses protège pas en s’isolant et en fermant ses frontières équipes à Roissy PAGE 24 PAGE 18 Entretien Entreprises « Faire de la  La Coface prévoit une hausse de Philharmonie 25 % des faillites une référence » PAGE 18 En cinq ans, Laurent Bayle Mayotte a fait du complexe musical Les fragilités parisien qu’il dirige une ANALYSEZ2018 // DÉCHIFFREZ2019 marque qui s’exporte. En de l’île face cette période difficile, il en­ à l’épidémie tend en conforter le succès PAGE 12 PAGE 22 Algérie 220 DA, Allemagne 3,70 €, Andorre 3,50 €, Autriche 3,80 €, Belgique 3,10 €, Cameroun 2 400 F CFA, Canada 5,70 $ Can, Chypre 3,20 €, Côte d'Ivoire 2 400 F CFA, Danemark 36 KRD, Espagne 3,50 €, Gabon 2 400 F CFA, Grande-Bretagne 3,10 £, Grèce 3,50 €, Guadeloupe-Martinique 3,20 €, Guyane 3,50 €, Hongrie1 330 HUF,Irlande3,50 €,Italie3,50 €,Liban6 500 LBP,Luxembourg3,20 €,Malte3,20 €,Maroc22 DH,Pays-Bas3,80 €,Portugalcont.3,50 €,LaRéunion3,20 €,Sénégal2 400 F CFA,Suisse4,40 CHF,TOMAvion500 XPF,Tunisie4,10 DT,AfriqueCFAautres2 400 F CFA UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws 2 | CORONAVIRUS 0123 MARDI 7 AVRIL 2020 A Wuhan en deuil,  un hommage aux  morts sous contrôle En passe d’être déconfiné le 8 avril, Wuhan, épicentre initial de la pandémie, revient à la vie, dans une atmosphère d’étroite surveillance. Officiellement, 2 570 personnes sont décédées dans cette capitale provinciale de 11 millions d’habitants REPORTAGE nes plus tard, quand l’épidémie était déjà A Wuhan, dans hors de contrôle. Le 23 janvier, Wuhan, et le Hubei, le 5 avril, wuhan (chine) ­ envoyé spécial C bientôt toute la province du Hubei, était M. et Mme Feng, omme un long sanglot sonore, placé en quarantaine. âgés de 70 ans et les sirènes et les klaxons de la A cette date, le Dr Li Wenliang, ophtalmolo­ 68 ans, discutent ville de Wuhan, dans le centre giste à l’hôpital central, souffrait déjà de gra­ par vidéo, au bord de la Chine, retentissent trois ves symptômes du Covid­19. Sa mort, le 7 fé­ du Yangzi Jiang, minutes en hommage aux vrier, avait suscité une explosion de colère : avec leur fille, qui 3 338 morts officiellement du une unanimité sur les réseaux sociaux rare­ habite de l’autre Covid­19 dans le pays, dont 2 570 dans cette ment vue en Chine. Depuis, les autorités côté du fleuve. capitale provinciale de 11 millions d’habi­ l’ont réhabilité et élevé au rang de martyr de C’est leur première tants. La Chine a choisi le 4 avril, jour de la nation, aux côtés de treize autres méde­ sortie après plus Qingming, la fête des morts, pour saluer les cins morts en combattant l’épidémie. Le de deux mois. GILLES victimes de la pandémie, en passe d’être soir, leurs visages sont projetés sur l’un des SABRIÉ POUR « LE MONDE » maîtrisée dans le pays. A Pékin, et dans tou­ gigantesques ponts qui traversent le Yangzi. tes les villes chinoises, les dirigeants se te­ Mais cette tentative de récupération passe naient face aux drapeaux en berne. A mal. « Le gouvernement a fait une erreur. Le re­ Wuhan, les rues étaient fermées autour du connaître, c’est bien, mais si le système ne lieu de la cérémonie, en bordure du Yangzi, change pas, cela ne sert à rien. J’ai entendu par­ là où se dresse une stèle gravée d’un poème ler de ce virus dès fin décembre. Pourquoi ont­ de Mao Zedong, en mémoire aux victimes ils attendu si longtemps pour avertir la popula­ d’une grande inondation en 1954. Face à tion ? », accuse un jeune homme, qui préfère deux policiers, casquette à la main et tête garder l’anonymat. Il est venu avec un ami dé­ baissée, quelques dizaines de passants se te­ poser un bouquet devant l’hôpital. Une jeune naient, certains en silence, d’autres en femme a traversé toute la ville pour aller voir pleurs, d’autres encore, filmant la scène, l’hôpital central. « Aujourd’hui, beaucoup smartphone à la main. Un trentenaire d’habitants de Wuhan ne peuvent toujours pas A Wuhan, le 4 avril, tombe dans les bras de sa compagne, sanglo­ sortir de chez eux. Je ne voulais pas que les mé­ des habitants tant. Il est sorti de l’hôpital sain et sauf, mais decins partent sans personne pour leur rendre honorent leurs ses parents, contaminés, y sont toujours. hommage », explique­t­elle. morts en brûlant La ville de Wuhan reste largement confi­ du faux papier­ née. Dans certains districts, les habitants PHOTOS INTERDITES monnaie. peuvent sortir deux heures par jour au plus Depuis le 23 mars, la ville de Wuhan a relâ­ Les contrôles mais, dans d’autres, le confinement est en­ ché un peu le confinement et les habitants continuent dans core strict. Les autorités de la ville, qui peuvent récupérer les cendres de leurs pro­ la ville encore avaient annoncé la fin du confinement ches morts pendant la quarantaine. La plu­ largement pour le 8 avril, ont précisé que l’ouverture part s’y sont pressés les premiers jours, confinée, comme serait progressive, face au risque d’une créant de longues files d’attente qui ont jeté ici (à droite), à deuxième vague d’infection. Plus de 1 300 le doute sur le bilan officiel de 2 570 morts à l’entrée d’un parc. patients du Covid­19 sont encore hospitali­ Wuhan. Deux semaines plus tard, quelques GILLES SABRIÉ POUR sés, tandis qu’un millier de patients asymp­ rares familles se rendent encore dans les « LE MONDE » tomatiques ont été détectés ces derniers crématoriums, accompagnées de volontai­ jours, risquant, eux aussi, de transmettre le res des comités de résidents qui les aident à virus. A Wuhan, toutes les résidences et gérer les démarches administratives, et s’as­ lieux publics sont encore gardés par du per­ surent qu’ils ne fassent pas d’esclandres… Le minutes. Beaucoup portent les portraits des boliser l’argent et les offrandes faites aux DANS CERTAINS  sonnel en combinaison blanche, visage ca­ processus est strictement encadré. Interdic­ défunts en noir et blanc : surtout des hom­ ancêtres. « Comme on ne peut retourner ché par un masque et des lunettes, qui véri­ tions formelles de prendre des photos pour DISTRICTS, LES  mes âgés, crâne dégarni et sourcils brous­ dans notre village d’origine pour aller ba­ fie la température, les autorisations de cir­ les familles. Même à l’extérieur d’un des sailleux. Les urnes funéraires sont placées layer les tombes des ancêtres comme le veut culer, et le code QR des passants : une appli­ sept crématoriums de la ville, l’apparition HABITANTS PEUVENT  dans de petits coffres en bois, entourés de la tradition de Qingming, on fait ça ici », ex­ cation sur smartphone traque les d’un appareil photo fait jaillir plusieurs soie rouge et jaune. Des urnes de jade ont été plique le patron d’un petit kiosque vendant SORTIR DEUX HEURES  mouvements de chacun et permet de savoir agents de police. offertes par le gouvernement et les places cigarettes et boissons. s’ils se sont trouvés dans une zone à risque, Même scène à Biandanshan, le plus grand PAR JOUR  dans les cimetières ont vu leur prix abaissé ou à proximité d’une personne infectée. cimetière de la ville. Des dizaines d’agents de 30 %. Les crémations ont aussi été ren­ MORTS SANS LEURS PROCHES Dans ces conditions, les hommages sont en uniforme bleu marine et masque blanc AU PLUS MAIS,  dues gratuites pendant toute la période, Un jeune couple ralentit le pas, pour obser­ discrets. L’hôpital central de Wuhan est en­ contrôlent l’entrée. Pandémie oblige, seuls pour faciliter la gestion de l’afflux de corps. ver. Lui, 27 ans, épaisse tignasse noire et lu­ DANS D’AUTRES,  touré de palissades en plastique jaune : les proches de personnes mortes depuis le La famille de Wan Du a préféré attendre. nettes, un bouquet d’orchidées à la main. fermé au public pour désinfection jusqu’au début de la quarantaine sont autorisés à ac­ LE CONFINEMENT  Pas pressée de se mêler à la foule pour récu­ Elle, cheveux longs, décolorés, lentilles 6 avril, indique une affiche. C’est l’un des céder au cimetière pour l’enterrement. Ils pérer les cendres de cet oncle de 70 ans em­ bleues sur les yeux. Tous les deux portent le principaux hôpitaux de la ville, et celui qui a sont déposés par des chauffeurs volontai­ EST ENCORE STRICT porté par le virus, fin janvier. « Nous avons masque chirurgical de rigueur. Ils ont l’air vu le plus de décès liés au Covid­19. Certains res, deux personnes par famille, plus un vo­ organisé une cérémonie à la maison. Nous un peu ému par ces rituels de la génération ont déposé des gerbes d’orchidées blanches lontaire des comités de résidents, ou un avons accroché sa photo, allumé des bougies, de leurs parents. La jeune femme, qui ne et jaunes au pied des barrières, en hommage membre du « danwei », l’unité de travail du et lui avons rendu hommage avec toute la fa­ donne que son prénom anglais − Cathy −, aux victimes. « Saluons les héros, pleurons les défunt, explique un panneau à côté du haut mille », raconte Xie Hanlin, la belle­sœur du 26 ans, vit seule chez elle. Sa mère est encore héros », peut­on lire sur une carte attachée à portail de pierres gardant l’entrée des lieux. défunt, jointe par téléphone. « Il doit y avoir à l’hôpital, elle récupère des suites du Co­ un bouquet. « Docteur Li, le monde devrait Quand certaines familles font mine de ré­ une file très longue pour récupérer les cen­ vid­19. Et son père est mort il y a plus d’un être aussi sincère et honnête que le tien. Feifei, pondre à nos questions, les chaperons des dres… Wan Du était un cas suspect de mois, emporté par le virus. Shanghaï », lit­on sur une autre carte. Le doc­ organisations officielles les poussent vers Covid­19, mais il n’avait pas pu être testé Une chance dans son malheur : l’hôpital, teur Li Wenliang, 34 ans, avait été l’un des le couloir fait de palissades de plastique avant sa mort. Il n’est donc pas compté dans débordé en début d’épidémie, l’a laissée s’oc­ premiers à donner l’alerte au sujet d’un mys­ jaune, aménagé pour mieux contrôler les les statistiques. Le nombre réel de morts doit cuper de son père jusqu’à son décès, fin fé­ térieux virus ressemblant au SRAS, fin dé­ flux de visiteurs. être bien plus élevé que les chiffres officiels », vrier. Sa mère, également hospitalisée, se cembre. Il avait été réprimandé, comme sept Les plus âgés portent souvent un brassard souffle Mme Xie. La nuit tombée, dans une trouvait aussi à leurs côtés. Légère consola­ autres médecins, tous accusés de « diffuser de tissu noir marqué de l’idéogramme rue du centre, non loin du fleuve, des habi­ tion quand la plupart des malades sont des rumeurs ». Les autorités chinoises « xiao », signifiant la piété filiale et le deuil. tants, plutôt âgés, font brûler de faux billets morts sans leurs proches, n’ayant pour com­ n’avaient finalement réagi que trois semai­ Une dizaine de familles défilent en trente dans des cercles tracés à la craie pour sym­ pagnie que du personnel médical débordé, UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws 0123 | 3 coronavirus MARDI 7 AVRIL 2020 Entre dissimulations et lenteurs, l’échec du système d’alerte chinois Les autorités ont sommé les médecins de Wuhan de se taire et ont tout fait pour minimiser les risques de transmission entre humains pékin ­ correspondant LA DOCTEURE AI FEN EST  quelque chose, tu dois bien élever les enfants. » Elle ne lui confiera la E n ce 4 mars 2019, Gao Fu CONVOQUÉE AU BUREAU  vérité que le 20 janvier, après que est un scientifique encore Zhong Nanshan, une sommité plein de certitudes. « Il y DE L’INSPECTION DE LA  médicale, aura révélé à la Chine aura à l’avenir d’autres virus com­ entière ce que Ai Fen et ses collè­ DISCIPLINE DE L’HÔPITAL.  parables au SRAS [syndrome res­ gues savent depuis trois semai­ piratoire aigu sévère, en 2003], « DIS À CHACUN DE NE  nes : le nouveau coronavirus se mais il n’y aura plus d’épidémie transmet entre humains. comparable », promet le directeur PAS PARLER DE CETTE  Un retard lourd de conséquen­ général du centre chinois de con­ ces. « Si les initiatives non pharma­ PNEUMONIE. N’EN PARLE trôle et de prévention des mala­ ceutiques [distanciation sociale] dies, au cours d’une réunion or­ À PERSONNE, Y COMPRIS  avaient pu être menées une, deux ganisée à Pékin, la veille de ou trois semaines plus tôt en l’ouverture des deux sessions du À TON MARI », Chine, le nombre de cas aurait pu Parlement. être diminué de 66 %, 86 % et 95 % LUI ORDONNE­T­ON Depuis 2004, un système infor­ respectivement », affirment alors matisé de reporting des maladies douze scientifiques dans une contagieuses permet à chaque étude publiée le 13 mars. hôpital d’informer Pékin en cerné, elle envoie la vidéo et une Entendu par la police le 3 jan­ temps réel de l’apparition de cas photo du rapport à son camarade vier, le docteur Li Wenliang devra douteux, et d’obtenir une exper­ de promotion et aux médecins de rédiger son autocritique. Il tom­ tise en quelques heures. « Nous son département en entourant bera malade le 10 janvier. Sa mort, avons construit un très bon réseau de rouge l’expression : « Coronavi­ le 7 février, suscitera une im­ de détection des maladies conta­ rus­SRAS ». Le message circule. Un mense émotion dans tout le pays. gieuses. Si des virus viennent, on les ophtalmologue de l’hôpital, le Pour se racheter, les autorités bloquera. » D’ailleurs, le système a docteur Li Wenliang, le transfère l’ont élevé – ainsi que treize autres déjà fait ses preuves. « Regardez le à une centaine de collègues avec médecins décédés – au rang de MERS [un coronavirus apparu au cette mention : « Sept cas de SRAS martyr. Moyen Orient en 2012], un tou­ confirmés au marché de Hua­ riste coréen venu en Chine en était nan ». C’est sur ces messages que Les compteurs s’emballent porteur. On l’a repéré et isolé. En tombe Gao Fu. Dès le 31 décem­ Si l’alerte a donc été donnée le Corée du Sud, il y a eu 186 malades bre, il envoie neuf personnes à 30 décembre, nul ne sait avec cer­ et 32 morts », explique­t­il. Wuhan, par le vol de 6 h 45. titude quand le virus est apparu. Dans la capitale du Hubei, les Officiellement, le premier cas est « Trouver le responsable » ennuis ont déjà commencé pour un certain M. Chen, tombé ma­ Pourtant, le 30 décembre 2019, Ai Fen. Le 30 décembre, à 22 h 20, lade le 8 décembre et qui, depuis, lorsque, comme tous les soirs la commission de la santé de la s’est rétabli. Il n’aurait pas de lien avant d’aller se coucher, Gao Fu ville lui envoie un message : « Il ne avec le marché de Huanan. Mais surfe sur quelques forums spécia­ faut pas diffuser cette information selon le South China Morning lisés pour vérifier que la situation au public. Si panique il y a, il faudra Post, qui a pu consulter un rap­ est sous contrôle, ce médecin, à la trouver le responsable. » La me­ port officiel, le premier cas identi­ tête d’un organisme de 2 000 per­ nace est claire. Le 31 décembre, la fié remonterait au 17 novembre, sonnes, a un choc. A Wuhan, des Chine prévient l’Organisation et concernerait un malade de médecins commencent à discu­ mondiale de la santé. 55 ans. Entre une et cinq person­ ter d’une pneumonie d’origine Sur ordre de Pékin, les autorités nes auraient été contaminées inconnue. Il appelle immédiate­ de Wuhan publient alors un pre­ chacun des jours suivants. ment la commission de la santé mier communiqué, rassurant. El­ Rapidement, les compteurs de Wuhan, qui lui confirme les les ont découvert 27 cas suspects s’emballent. A partir du 17 dé­ faits. Plus de trois personnes sont de pneumonie virale liés au mar­ cembre, plus de dix personnes concernées. L’information aurait ché, mais « jusqu’à présent, les in­ sont infectées quotidiennement. dû remonter à Pékin, mais c’est vestigations n’ont pas pu permet­ Le 31 décembre, il y aurait eu presque par inadvertance que tre d’établir de manière évidente 266 cas confirmés. 381 le jour sui­ Gao Fu l’a apprise. Le système na­ une transmission d’humain à hu­ vant. Mais, durant la première tional d’alerte n’a pas fonctionné, main ni une infection du corps quinzaine de janvier, les méde­ ouvrant la voie à l’une des plus médical ». cins n’ont pas la parole. Seules les graves épidémies de l’histoire Pourtant, quelques heures plus autorités régionales valident les contemporaine. tard, le 1er janvier, le propriétaire cas suspects, et uniquement à Ce même 30 décembre, à midi, d’une clinique privée située à partir de critères extrêmement Ai Fen, directrice du département proximité du marché et qui a soi­ restrictifs. « Elles semblent très re­ des urgences de l’hôpital central gné plusieurs patients atteints de lax », constate le 9 janvier un épi­ de Wuhan, regarde la vidéo des fièvre franchit à son tour la porte démiologiste venu de Pékin. poumons d’un patient atteint du service des urgences que di­ Le 11 janvier, il n’y a officielle­ d’un virus, lorsqu’un camarade rige Ai Fen. Pour elle, la transmis­ ment que 41 cas confirmés, mais d’études travaillant dans un autre sion entre humains ne fait plus la Chine annonce le premier dé­ emmitouflé dans des combinaisons blan­ hôpital lui transfère un message de doutes. Elle ordonne à son cès dû au coronavirus. Les pre­ AU PIED DE LA STÈLE  ches. La jeune femme attend désormais que qui circule sur les réseaux so­ équipe de porter un masque, une miers travaux effectués par les la­ sa mère sorte de l’hôpital pour organiser les OÙ A EU LIEU LA CÉRÉMONIE  ciaux : « N’allez pas au marché charlotte et de se laver fréquem­ boratoires sur le génome sont funérailles de son père. Elle raconte son his­ [d’animaux vivants] de Huanan, il ment les mains. A 23 h 46, le direc­ passés sous silence. Un premier toire d’une voix fragile, hésitant parfois sur D’HOMMAGE AUX VICTIMES,  y a plusieurs cas de fièvre ». « C’est teur du bureau de l’inspection de cas à l’étranger est signalé en les détails. Elle­même contaminée, avec des vrai ? », lui demande­t­il. la discipline de l’hôpital lui en­ Thailande le 13 janvier. Le 15 jan­ UN HOMME SANGLOTE. IL A  symptômes plus légers, elle a passé vingt Depuis près de deux semaines, voie un message : « Passez me vier, Li Qun, chef des urgences à la jours à l’hôpital, puis est restée confinée qua­ PERDU UN CAMARADE DE  le service de Ai Fen et celui des voir demain matin ». Elle n’en commission nationale de la torze jours chez elle avant de pouvoir sortir, maladies respiratoires reçoivent dort pas de la nuit. santé, affirme à la télévision être il y a à peine quelques jours. Une proche de la L’ARMÉE MORT DU COVID­19  quelques patients atteints de fiè­ Le 2 janvier, à 8 heures, alors « parvenu à la conclusion que le famille s’est occupée de récupérer les cen­ vre ou de toux, sur lesquels les qu’elle n’a pas fini la tournée de risque de transmission d’humain ET SON PÈRE, DÉCÉDÉ  dres de son père. médicaments traditionnels ne ses patients, nouveau coup de té­ à humain est faible ». Un peu plus loin, au pied de la stèle autour D’UNE AUTRE CAUSE  produisent aucun effet : un pa­ léphone : « Venez maintenant ». Dès lors, il n’y a aucune raison de laquelle a eu lieu la cérémonie aux victi­ tient a été reçu le 16 décembre, un « En tant que directrice, comment d’annuler le traditionnel ban­ mes, des fleurs et des bougies ont été posées le 27 décembre et sept le 28 dé­ as­tu pu répandre des fausses ru­ quet organisé à l’approche du le matin même. Un jeune homme assis en cembre. Mme Ai a demandé un meurs ? Retourne dans ton dépar­ Nouvel An lunaire, le 18 janvier à tailleur, sanglote à en perdre le souffle. Il a examen approfondi du patient tement et dis à chacun, individuel­ Wuhan, auquel participent perdu son père, décédé d’une autre cause, et vant l’hôpital central de Wuhan, en soirée, il reçu le 27, transféré entre­temps lement, de ne pas parler de cette 40 000 familles. Le même jour, un camarade de l’armée, mort du Covid­19. ne reste que quelques pétales d’orchidées, les au département des maladies res­ pneumonie. N’en parle à personne une nouvelle équipe médicale Une forte odeur de baijiu, un alcool de grains bouquets ont déjà été jetés. L’hommage ne piratoires. Ce 30 décembre, à d’autre, y compris à ton mari », la envoyée par Pékin prend cons­ à plus de quarante degrés, suggère qu’il a doit pas s’éterniser. Mais un livreur de fleurs 16 heures, un collègue lui apporte sermonne­t­il. Ayant le senti­ cience de la tragédie en cours et tenté de noyer son chagrin, sans succès. Des surgit sur son scooter électrique. Un bou­ les résultats : « Coronavirus­ ment d’avoir « nui au développe­ conseille le confinement de la amis, volontaires avec lui dans leur comité quet de plus, une carte et un nouvel hom­ SRAS », est­il écrit. Transmission : ment de Wuhan », confiera­t­elle, ville. Annoncé par les autorités le de résidents, tentent de le consoler, puis mage à Li Wenliang. Le livreur prend une par postillons à courte distance elle propose de démissionner et 22 janvier à 20 heures, celui­ci s’impatientent. Ils essaient de jouer sur sa fi­ photo, l’envoie à sa cliente, puis l’appelle ou par le toucher, est­il précisé. même qu’on la mette en prison. sera effectif le 23 janvier, à bre patriotique : c’est un ancien militaire, ils pour confirmer. Elle habite dans le Sichuan, « J’ai eu des frissons en lisant cela. « Non, c’est le moment pour toi de 10 heures du matin. Entre­temps, l’enveloppent d’un grand drapeau chinois, à plus d’un millier de kilomètres de Wuhan. Je me suis dit que c’était terrible », faire tes preuves », lui répond­on. cinq millions de personnes rouge avec ses cinq étoiles jaunes, et jouent « Ils ont sacrifié leur vie. Je voulais juste le re­ racontera­t­elle par la suite. Le soir, en rentrant chez elle, auraient quitté la ville. Et le doc­ l’hymne national sur leur smartphone. Il fi­ mercier », déclare­t­elle au téléphone. Après en avoir parlé à son ho­ cette mère de famille se contente teur Gao a perdu ses certitudes. nit par se lever, aidé par ses compagnons. De­ simon leplâtre mologue du département con­ de dire à son mari : « S’il m’arrive frédéric lemaître UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws 4 | 0123 coronavirus MARDI 7 AVRIL 2020 Malade depuis dix jours, Boris Johnson hospitalisé à Londres Lors du cinquième discours de son règne, Elizabeth II a appelé les Britanniques à l’unité londres ­ correspondante déré comme premier ministre adjoint et endosse le rôle provi­ D ans un très rare dis­ soire de « survivor ». cours télévisé, Eliza­ Carrie Symonds, la compagne beth II s’est adressée de M. Johnson, a tweeté samedi aux Britanniques, di­ 4 avril qu’elle se remettait tout Une famille manche 5 avril au soir, pour les juste après avoir passé la semaine rassemblée appeler au courage, à l’unité et au au lit. La jeune femme, 32 ans, en­ pour regarder respect des mesures de confine­ ceinte de plus de six mois, attend le discours ment, de plus en plus difficiles à son premier enfant. d’Elizabeth II, tenir avec l’arrivée du beau Dans son discours, Elizabeth II, à Manchester, temps. L’heure est grave au souveraine à l’exceptionnelle dimanche 5 avril. Royaume­Uni, où l’épidémie cau­ longévité (94 ans le 21 avril, PHIL NOBLE/REUTERS sée par le coronavirus s’emballe soixante­huit ans de règne), a et le nombre de décès a bondi ces commencé dimanche par remer­ derniers jours (619 morts comp­ cier les personnels du NHS, le tabilisés dimanche, pour un total système de santé britannique, ayant cultivé une parole très rare Downing Street a kerque », quand Matt Hancock, le préparation. Tests, ventilateurs, approchant les 5 000 morts à « en première ligne », « ceux tra­ tout au long de son règne. Elle en ministre de la santé de Boris John­ équipements de protection : tout précisé dimanche l’hôpital). vaillant dans les maisons de re­ prononça un pour la guerre du son, a appelé tous les laboratoires manque dans les hôpitaux. Les Le virus sévit désormais au traite, ceux qui mènent à bien des Golfe, en 1991 (« Le pays est fier de soir que le du royaume à contribuer à l’effort décès de personnels soignants se cœur du pouvoir : peu après le missions essentielles, qui, sans ses forces armées »), un autre à pour tester les Britanniques – fin multiplient : cinq médecins, premier ministre discours de la souveraine, Dow­ égoïsme, continuent à faire leur l’occasion de la mort de la prin­ mai 1940, une flotte composée de deux infirmières de 36 et 39 ans, ning Street a fait savoir que Boris devoir hors de chez eux pour nous cesse Diana en 1997 (« Je vous « continue centaines de bateaux de toute une sage­femme, deux aides­soi­ Johnson, testé positif le 26 mars, aider tous ». La reine a également parle avec tout mon cœur, en tant sorte avait réussi à évacuer les gnants… Dimanche, Matt Han­ à diriger le venait d’être admis à l’hôpital : remercié « ceux d’entre vous qui que reine et en tant que grand­ troupes britanniques encerclées cock a admis que le NHS pourrait « Il s’agit d’une étape de précau­ restez à la maison, aidant de cette mère »), un pour les funérailles de gouvernement » à Dunkerque, en France. disposer à terme de 18 000 ven­ tion, le premier ministre conti­ manière les plus vulnérables ». sa mère, Elizabeth, en 2002 (« Je tilateurs (aidant les malades les nuant à présenter des symptômes vous remercie pour l’amour que Manque de ventilateurs plus graves à respirer), contre persistants dix jours après avoir Référence au Blitz vous lui avez donné, durant sa Son fils, le prince Charles, futur 10 000 environ actuellement, été testé positif au coronavirus. » Faisant référence à la résilience vie ») et un pour son jubilé roi George VI, et le pays – a roi, a contracté le virus et est mais peut­être pas à temps pour Boris Johnson, 55 ans, a été ad­ nationale durant la seconde (soixante ans de règne), en 2012. beaucoup compté aux yeux des sorti sans encombres de ses sept le pic épidémique, attendu mis à Saint­Thomas, un hôpital guerre mondiale, Elizabeth II, qui Tous les détails avaient, ce di­ Britanniques. jours de quarantaine. Elizabeth II autour du 12 avril. londonien, vers 20 heures, pour était adolescente pendant ce con­ manche, leur signification : l’air Elle participe ainsi de la légen­ est en bonne santé, mais, étant Les Britanniques achèvent leur « de nouveaux tests ». Le premier flit, a espéré que « dans les années grave, la robe vert émeraude très daire résilience nationale mon­ donné son grand âge, elle s’est deuxième semaine de confine­ ministre souffrait ces derniers qui viennent, tout le monde sobre, le bureau dépouillé, sans trée durant le Blitz, la campagne isolée début mars à Windsor avec ment. Et, dimanche, nombre jours d’une forte fièvre persis­ pourra être fier de la manière qu’il photos de famille, juste des fleurs de bombardements du pays par son mari, le prince Philip, 98 ans. d’entre eux ont profité d’un ra­ tante et, à en croire le Times, les aura eue de relever le défi. Et ceux en pot. l’Allemagne nazie, entre septem­ Pour l’enregistrement télévisé dieux soleil pour prendre l’air. Le médecins lui ont administré un qui viendront après nous diront La reine reste exceptionnelle­ bre 1940 et mai 1941 (plus de diffusé dimanche, un seul came­ ministre de la santé a aussitôt me­ « traitement à base d’oxygène », que cette génération était l’une des ment populaire, malgré les 40 000 civils périrent). Eliza­ raman de la BBC était présent, en nacé : si les mesures de distancia­ mais Downing Street précisait plus fortes. Que la discipline per­ multiples scandales et aléas de la beth II a d’ailleurs évoqué cette équipement de protection, et à tion sociale n’étaient pas parfaite­ dimanche soir qu’il ne « s’agit sonnelle, la détermination dans famille Windsor (comme tout période dimanche, faisant réfé­ bonne distance de la souveraine, ment respectées, la promenade pas d’une admission d’urgence », une relative bonne humeur et l’at­ récemment, le départ du prince rence à son premier discours ra­ dans le fameux salon blanc du de santé journalière ne serait et que le premier ministre « con­ tention aux autres caractérisent Harry et de sa femme, Meghan diodiffusé, « avec ma sœur Mar­ château, souvent utilisé pour les bientôt plus autorisée. Tout le tinue à diriger le gouvernement ». toujours ce pays ». Markle, ou pire, l’amitié au long garet », depuis le château de événements familiaux de la fa­ monde ne donne pas l’exemple, Ces derniers jours, malgré son La reine a conclu un discours, cours du prince Andrew pour le Windsor, fin 1940. Elle avait 14 ans mille royale. même au plus haut niveau : Ca­ état, Boris Johnson a participé largement rédigé par elle­même, délinquant sexuel américain et avait adressé un message aux L’allocution a été programmée therine Calderwood, la con­ par vidéoconférence à toutes les selon le Sunday Times, par une Jeffrey Epstein). Elle a accompa­ autres enfants du pays. en concertation avec le gouver­ seillère médicale du gouverne­ « réunions Covid » quotidiennes note d’espoir, assurant que « des gné les Britanniques durant les L’« esprit du Blitz », cette capa­ nement Johnson. Le moment est ment écossais de Nicola Stur­ de son cabinet. Pour autant, c’est meilleurs jours reviendront, nous grandes crises qu’ils ont eu à cité des Britanniques à continuer crucial : ce dernier pensait pou­ geon, a dû démissionner diman­ Dominic Raab, le ministre des af­ serons à nouveau avec nos amis, traverser. Sa présence à Windsor, à vivre sous les bombes, est passé voir éviter un scénario à l’ita­ che soir, après avoir été prise en faires étrangères, qui devait pré­ avec nos familles, nous nous re­ avec sa petite sœur Margaret, au rang de mythe national. Il a lienne. Mais le nombre de décès flagrant délit de week­end dans sa sider la réunion de 9 h 15, lundi trouverons de nouveau ». durant la seconde guerre souvent été évoqué ces derniers augmente très vite et les criti­ résidence secondaire, au nord 6 avril. En tant que premier se­ C’est la cinquième adresse de la mondiale – sa mère ayant refusé jours par les médias conserva­ ques enflent, à mesure que les d’Edimbourg. crétaire d’Etat, M. Raab est consi­ sorte au pays, pour une reine que les filles quittent leur père, le teurs, tout comme celui de « Dun­ médias pointent son manque de cécile ducourtieux En Roumanie, la colère des médecins « envoyés à la mort » Les démissions se multiplient pour protester contre le manque de moyens, alors que la densité médicale du pays est la plus faible d’Europe bucarest ­ correspondant La colère des praticiens monte UKRAINE des milliers de médecins ont que la Roumanie n’a pas encore « Beaucoup, revenus de l’étran­ en Roumanie. L’épidémie due au quitté le pays depuis son entrée atteint le pic de l’épidémie. Et le ger, ont pris d’assaut notre hôpi­ C’ est une petite ville si­ coronavirus met en difficulté un dans l’Union européenne, pire est peut­être encore à venir, tal sans prévenir les médecins HONGRIE tuée à la frontière avec système médical sous­financé en 2007, pour des postes mieux car un autre danger menace le qu’ils venaient de pays contami­ l’Ukraine, dans le qui accuse un manque dramati­ Suceava MOLD. rémunérés dans les pays de pays à l’occasion de la fête ortho­ nés, affirme Dorin Stanescu, chef nord­est de la Roumanie : Su­ que d’équipements de protection, l’Ouest, rejoignant 4 millions de doxe de Pâques, le 19 avril. Cha­ du département d’anesthésie et ceava, quelque 100 000 habi­ et de plus en plus de médecins ROUMANIE leurs compatriotes partis cher­ que année, plus d’un million de de thérapie intensive à l’hôpital tants et 33 morts depuis la con­ préfèrent démissionner. « C’est cher ailleurs une vie meilleure – Roumains partis travailler à départemental. Ce sont eux qui firmation officielle de la pré­ facile de nous blâmer, déclare la Bucarest soit un cinquième de la popula­ l’Ouest reviennent au pays à ont contaminé nos cadres médi­ sence du coronavirus dans le docteure Camelia Roiu, qui tion. La France, l’Allemagne et le cette occasion. Les autorités ten­ caux. Nous avons essayé de nous Danube pays, fin février. Dans cette paisi­ exerce à l’hôpital pour les grands SERBIE Royaume­Uni en ont été les prin­ tent d’empêcher qu’un tel afflux procurer des dispositifs de protec­ ble commune devenue le princi­ brûlés de Bucarest. Nous deman­ cipaux bénéficiaires. Selon le mi­ de personnes potentiellement tion, mais il n’y en avait plus sur le Mer pal foyer d’infection au Covid­19 der de lutter contre le virus sans BULGARIE Noire nistère de la santé, 25 000 méde­ infectées devienne un désastre marché. C’était la catastrophe, et en Roumanie, 866 personnes nous assurer la moindre protec­ cins et infirmières ont ainsi complet pour le système hospi­ des départements entiers de l’hô­ ont contracté la maladie (sur tion est criminel. » 100 km quitté la Roumanie ces dix der­ talier du pays. pital ont été décimés. Les méde­ 3 894 cas au total, et 148 morts à nières années. cins ont démissionné pour se met­ ce jour). Un quart d’entre eux « Serment d’Hippocrate » Sortant de sa réserve, le prési­ Empêcher les retours tre à l’abri. » sont des médecins et des infir­ Une opinion qui ne fait cepen­ ban. On peut interdire aux méde­ dent, Klaus Iohannis, a appelé à « Je lance un appel à nos conci­ Le président Iohannis a or­ mières, qui ont démissionné en dant pas l’unanimité. « Tous les cins qui démissionnent de prati­ des mesures exceptionnelles. toyens de la diaspora, a imploré donné, le 3 avril, la reprise en masse. Ils accusent les autorités cadres médicaux ont l’obligation quer en Roumanie, ou leur donner « Nos cadres médicaux sont la le président Iohannis, vendredi main par des médecins militaires locales de ne pas leur avoir de sauver leurs patients, affirme un préavis avec un temps de ré­ première ligne du front dans cette 3 avril. Ne revenez pas à la maison de l’hôpital de Suceava, épicentre fourni de masques et de maté­ l’anesthésiste Radu Tincu, aux ur­ flexion. La première, extrême, est guerre contre l’épidémie, je sais pour les fêtes. Votre retour serait de l’épidémie en Roumanie. riels de protection. gences de l’hôpital Floreasca de plus facile à mettre en place, mais qu’ils travaillent dans une situa­ extrêmement dangereux pour « C’était une mesure nécessaire « On nous a envoyés à la mort », Bucarest. Il n’est pas moral d’aban­ nous avons besoin de chaque mé­ tion de stress énorme et qu’ils ont vous­mêmes et pour ceux qui pour stabiliser la situation sur assure un médecin qui cache son donner les patients au moment où decin et de chaque infirmière. Je besoin de davantage que des vous sont chers. » Depuis la fin fé­ place, a­t­il déclaré. Nous avons identité en cette période d’état ils ont le plus besoin de nous. » leur demande de respecter le ser­ mots d’encouragement, a­t­il vrier, plus de 200 000 Roumains doté l’hôpital de 5 000 combinai­ d’urgence et de couvre­feu, assu­ L’état d’urgence ayant été dé­ ment d’Hippocrate. Le gouverne­ souligné, le 2 avril. J’ai donc de­ sont déjà rentrés dans leur pays sons et de 20 000 masques. Cet hô­ rés par la police et l’armée. « Pas crété, les autorités ne communi­ ment continuera à fournir les hôpi­ mandé au gouvernement de trou­ sans avoir pu être testés. Or, la pital doit être désinfecté en ur­ de gants, pas de masques, pénurie quent plus les chiffres relatifs à taux en matériels de protection. » ver une solution pour offrir une majorité d’entre eux venaient gence et la même mesure doit s’ap­ de désinfectants et de combinai­ ces démissions, mais les témoi­ La Roumanie, 19 millions d’ha­ prime mensuelle de 500 euros à d’Italie et d’Espagne, les princi­ pliquer à la ville entière. » Suceava sons, rien, nada, que dalle, protes­ gnages des médecins révèlent bitants, connaît l’une des plus tous les médecins qui font face. » paux foyers d’infection en est désormais en quarantaine, et te­t­il. Comment traiter les mala­ l’ampleur du phénomène. « Nous faibles densités médicales en Eu­ Cette prime suffira­t­elle ? Les Europe de l’Ouest – c’est ce qui seuls les militaires peuvent y en­ des ? Nous sommes des médecins, avons deux options, a réagi le pre­ rope. Malgré une hausse des sa­ spécialistes des maladies infec­ explique le drame de la ville de trer et en sortir. pas des magiciens. » mier ministre libéral, Ludovic Or­ laires de 50 % décidée en 2018, tieuses ont prévenu les autorités Suceava. mirel bran UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws 0123 | 5 coronavirus MARDI 7 AVRIL 2020 En Equateur, « la crise a tourné à l’horreur » A Guayaquil, ville la plus touchée, des cadavres attendent plusieurs jours dans la rue avant d’être emportés bogota ­ correspondante nées. Sur les cartes du ministère de la santé, la province de D ans la ville équato­ Guayas, dont Guayaquil est le rienne de Guayaquil, chef­lieu, est en rouge sombre, Gilber Arango lance, avec 2 388 cas et 102 décès, soit vendredi 3 avril, un plus du 70 % du total national. appel à l’aide sur le réseau Twit­ Veronica Castillo, cadre d’entre­ ter. « Cela fait 80 heures que ma prise, a elle aussi dû attendre mère est décédée. Personne ne plus de quarante­huit heures vient la chercher. Aidez­nous », pour que les services funéraires implore­t­il. Enveloppé dans un viennent chercher son père, dé­ drap blanc, le corps de Maria del cédé « très probablement » du Co­ Carmen, décédée d’une insuffi­ vid­19. Elle qui vit dans un grand sance rénale, gît à ses pieds sur le appartement avec l’air condi­ trottoir. « Les hôpitaux sont dan­ tionné a aussi « trouvé le temps gereux et débordés à cause du co­ long ». Elle conclut : « Je com­ ronavirus. Ils n’en ont pas voulu », prends que dans les quartiers pau­ explique quelques heures plus vres, les gens confinés ne veuillent tard Yureinis, la sœur de Gilber. pas cohabiter avec leurs cada­ La famille d’origine vénézué­ vres. » Guayaquil est un port dy­ lienne vivait dans une chambre namique, animé mais marqué misérable, la logeuse n’a pas par les inégalités sociales. La voulu garder la morte, qu’il a température y dépasse 30º C. fallu veiller dans la rue. « La po­ lice est finalement venue, pour­ « Droit à la dignité humaine » suit Yureinis. On nous a dit qu’elle Comme partout, les services hos­ serait incinérée, mais qu’on pitaliers qui manquent de mas­ n’aurait pas les cendres. » Les ques et de tests peinent à faire images de cadavres gisant dans face à la pandémie ; plus les rues de Guayaquil ont fait le qu’ailleurs, les services funérai­ tour du monde. Elles contri­ res ont été débordés. Jeudi, le pré­ buent à semer la panique sident Lenin Moreno a mis en parmi les 2,4 millions d’habi­ place une « force d’intervention tants de la ville. « La crise, ici, a conjointe » afin que « les morts de tourné à l’horreur », soupire Mar­ Guayaquil aient l’enterrement di­ tha Roldos, directrice du média gne qu’ils méritent ». digital Milhojas. La Commission interaméri­ Premier pays du continent sud­ caine des droits de l’homme a ex­ américain touché par le corona­ primé, vendredi, « sa consterna­ virus, l’Equateur enregistrait, tion » face aux difficultés que vendredi, 3 368 cas de Covid­19 et rencontrent les gens de Guaya­ Un cadavre abandonné depuis trois jours, selon des témoins, devant une clinique de Guayaquil, en Equateur, le 3 avril. MARCOS PIN/AFP 145 décès. Personne n’accorde de quil pour transporter et enterrer crédibilité à ces chiffres. Le prési­ leurs proches, rappelant que « le dent Lenin Moreno lui­même a soin des restes mortels est une municipalité de Guayaquil a Les consignes Les échanges commerciaux tain nombre d’entreprises de admis que « les statistiques offi­ forme de respect du droit à la di­ compliqué la gestion de la crise, avec la Chine sont dynamiques, pompes funèbres ont cessé mettant en place cielles ne reflètent pas la réalité » gnité humaine ». avant que la maire, Cynthia Vi­ mais cette potentielle source de d’opérer l’après­midi. D’autres et a évoqué la possibilité que Pourquoi le Covid­19 s’est­il ré­ teri, testée positive au coronavi­ un couvre-feu contamination n’est pas évoquée. ont mis la clé sous la porte « par « des dizaines de milliers de per­ pandu plus rapidement à Guaya­ rus, ne soit contrainte à une La « patiente zéro » de Guayaquil crainte de contagion », alors que à partir sonnes » puissent être contami­ quil que partout ailleurs en Amé­ stricte quarantaine. venait d’Espagne. Elle a été dia­ les mesures administratives pri­ rique latine ? Dans ce pays divisé Les habitants de la capitale, de 14 heures gnostiquée le 29 février. La se­ ses pour faire face à une augmen­ qu’est l’Equateur, la question ra­ Quito, logée dans la montagne, maine suivante, un match de tation de la mortalité compli­ ont été confuses, OCÉAN vive les conflits politiques et le pointent du doigt la décontrac­ football réunissait plus de quaient, en pratique, la procé­ PACIFIQUE COLOMBIE régionalisme. « La gestion très tion et le manque de civisme des désorganisant 20 000 personnes dans le stade dure de levée des corps. La pani­ centralisée de l’administration sa­ gens de la côte, qui auraient de la ville et les féministes des­ que a aggravé la situation. Esmeraldas les entreprises de nitaire par le gouvernement de moins bien respecté les consi­ cendaient massivement dans la Jorge Wated, directeur de la Quito Rafael Correa [l’ex­président qui gnes de confinement. Le prési­ pompes funèbres rue à l’occasion de la Journée « force d’intervention con­ a gouverné de 2006 à 2016] et la dent Moreno et la directrice du internationale des droits des jointe » mise en place par le prési­ Manta corruption ont fragilisé le système Service national de gestion des femmes. dent, a prévenu que le nombre de ÉQUATEUR de surveillance épidémiologique risques les ont publiquement ac­ morts du Covid­19 dans la pro­ de la ville de Guayaquil », affirme cusés d’être « indisciplinés ». Le vacances durant les mois de fé­ Journée de prières vince de Guayas pourrait se si­ Guayaquil Mme Roldos. En attente de son ju­ qualificatif exaspère évidem­ vrier et mars, en provenance no­ Le gouvernement central a réagi tuer entre 2 500 et 3 500 au cours gement dans une affaire de cor­ ment les habitants de la tropicale tamment d’Espagne (où vivent vite : dès le 15 mars, il fermait ses des prochains mois. A la de­ PÉROU Machala ruption, M. Correa, qui vit à Guayaquil. plus de 400 000 Equatoriens) et frontières. Mais les consignes mande des Eglises catholique et Bruxelles, se déchaîne, lui, contre Le calendrier scolaire de la ville d’Italie. Par ailleurs, quand l’épi­ pour la mise en place de la qua­ évangéliques, la municipalité de Loja le gouvernement en place. portuaire est celui de l’hémis­ démie a atteint l’Europe, les étu­ rantaine, doublée d’un couvre­ Guayaquil a décrété une journée Le manque de coordination en­ phère Sud : beaucoup de tra­ diants aisés ont parfois fait le feu à partir de 14 heures, ont été de prière, dimanche 5 avril. 100 km tre les autorités centrales et la vailleurs migrants viennent en choix de rentrer. confuses. A Guayaquil, un cer­ marie delcas Un « germe d’espoir » dans les hôpitaux espagnols Avec 674 morts dimanche, un nombre en baisse pour le deuxième jour d’affilée, le dernier bilan illustre une stabilisation de l’épidémie madrid ­ correspondante que l’on voyait des personnes une augmentation des cas confir­ c’est parce que ces régions ont tri­ transformée en salle de soins in­ ont été infectés par le virus ». âgées assises au milieu des cou­ més de seulement 5 % par jour. Le plé leur nombre de chambres en tensifs. Et la docteure Carrillo a Ceux qui ne l’ont pas été, comme I l est 8 h 40 ce dimanche loirs, accrochées à leur bonbonne directeur de l’Organisation mon­ soins intensifs. Et que « les soi­ testé tous les « systèmes D » : ven­ elle, sont épuisés. Et leur crainte 5 avril, lorsque le message ar­ d’oxygène, lançant des regards diale de la santé (OMS) pour l’Eu­ gnants ont intensifié le triage des tiler des malades avec des mas­ est que le confinement ne soit rive sur WhatsApp : « Les ur­ désemparés autour d’elles. Ici rope, Hans Kluge, a aussi exprimé, patients susceptibles d’être intu­ ques de plongée Decathlon, utili­ levé trop vite. « Le virus n’a pas gences de l’hôpital Severo­Ochoa qu’une infirmière s’est effondrée dimanche, un « optimisme pru­ bés », ajoute­t­elle. ser des sacs­poubelle comme disparu et, quand les gens sorti­ reviennent à la normale après en larmes, devant les caméras de dent » quant à la situation en Espa­ Peu à peu, mêmes si tous souli­ blouse médicale, fabriquer des lu­ ront de chez eux, les épisodes de tant de jours de lutte contre le co­ la télévision publique espagnole gne. Une prudence partagée par le gnent leur douleur de voir « mou­ nettes de protection avec des in­ contagion reprendront, mais il ronavirus. » Jorge Rivera, le res­ TVE, en demandant l’impossible : président du gouvernement, le so­ rir seuls » tant de malades, les mé­ tercalaires transparents… faudra éviter d’avoir de nouveaux ponsable de communication de « S’il vous plaît, les familles, soyez cialiste Pedro Sanchez, qui a dé­ decins aperçoivent le bout du pics », estime la docteure Lopez­ ce modeste centre hospitalier de tranquilles, nous leur donnons cidé de prolonger l’état d’alerte tunnel. « Le nombre de guérisons « Le virus n’a pas disparu » Tappero, qui espère que la levée Leganes, dans la banlieue sud­ beaucoup d’amour et de ten­ jusqu’au 25 avril. « Passé le pic de commence à dépasser celui des Après avoir « beaucoup pleuré les du confinement se fera « par ouest de Madrid, n’a pas résisté à dresse… Ayez confiance en nous… » contagion, nous sommes en me­ nouvelles hospitalisations et la premiers jours » et s’être réveillée tranches d’âge ». l’envie de partager la nouvelle. Ce dimanche, dans les couloirs sure de faire plier la courbe, a­t­il pression sur les soins intensifs s’est la nuit « avec de la tachycardie », Le gouvernement travaille déjà Non pas pour crier victoire. Il est apaisés, plus de cohue, de chaos et déclaré, le 4 avril. L’objectif suivant un peu relâchée, souligne Diego en pensant aux gens « qui comp­ à un plan pour généraliser les encore trop tôt. Mais parce que la de corps en détresse. Mais sur les est de réduire encore plus les conta­ Gil Mayo, anesthésiste à l’hôpital taient sur nous, médecins, alors tests d’anticorps et de diagnostic, sensation, en Espagne, est que le murs, des dessins réalisés par les gions pour que les hôpitaux récu­ Ramon­y­Cajal de Madrid. Nous que nous ne savions rien et que habiliter des hôtels pour isoler les pire de la crise sanitaire est peut­ enfants des écoles de la ville en pèrent leurs capacités. » sommes en train de désintuber nous avions peur », elle est « opti­ malades avec des symptômes lé­ être passé. Le dernier bilan fait honneur aux soignants, affublés « Nous nous trouvons face à un pas mal de gens, ce qui nous ré­ miste ». Cette mère de famille n’a gers, et rouvrir l’activité de ma­ état de plus de 130 000 person­ d’habits de super­héros. Ils por­ germe d’espoir, mais les unités de conforte. » Depuis le début de pas vu ses filles de 7 et 10 ans de­ nière progressive… Les médecins, nes positives et 12 418 mortes tent un message : « Todo ira bien » soins intensifs restent encore l’épidémie, plus de 38 000 per­ puis cinq semaines. « Elles sont eux, ne veulent plus être des « hé­ du Covid­19, dont 674 dimanche. (« Tout ira bien »). sous tension », avertit au télé­ sonnes positives ont guéri en Es­ chez leur grand­mère paternelle : ros ». « Nous sommes des profes­ Un chiffre en baisse pour le phone Angela Hernandez, porte­ pagne, soit près de 30 % du total je ne pouvais pas risquer de les sionnels. Nous avons des enfants, deuxième jour consécutif. « Systèmes D » parole du syndicat de médecins des cas confirmés. contaminer », explique­t­elle. des parents, et nous aussi nous L’hôpital Severo­Ochoa revient Les autorités veulent y croire. « Les Amyts. Dans les régions de « Depuis cinq jours, on voit En Espagne, plus de 12 000 soi­ tombons malades, souligne la de loin. C’est ici qu’avaient été fil­ chiffres de la semaine confirment Madrid, de Catalogne, mais aussi qu’enfin la courbe s’aplatit », con­ gnants ont été testés positifs et 12 docteure Lopez­Tappero. Nous mées, le 21 mars, les images de une stabilisation et un ralentisse­ de Castille­Leon et de Castille­la­ firme Raquel Carrillo, interne au sont morts du Covid­19. Aux ur­ voulons juste pouvoir affronter malades allongés sur le sol de la ment de l’épidémie », a souligné le Manche, les capacités ont atteint service des infections de l’hôpital gences de l’hôpital La Paz de cette épidémie dans les meilleures salle des urgences, dans l’attente ministre espagnol de la santé, leurs limites la semaine dernière. Gregorio­Maranon de la capitale. Madrid, où travaille Laura Lopez­ conditions possibles… » interminable d’une chambre. Ici Salvador Illa, mettant en avant Si elles ne les ont pas dépassées, Ici, même la bibliothèque a été Tappero, « 70 % de mes collègues sandrine morel UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws 6 | 0123 coronavirus MARDI 7 AVRIL 2020 Les soignants face à la peur de contaminer leurs proches En première ligne face au Covid­19, ils sont nombreux à transposer chez eux les règles strictes d’hygiène qu’ils appliquent au travail A près des heures passées à Clémentine Fensch, infirmière libérale soigner à l’hôpital, « j’ai l’im­ dans une maison de santé parisienne, a res­ pression d’être un foyer d’in­ senti les premiers symptômes le 17 mars. fection, un réservoir à virus », « J’ai d’abord eu une phase de déni, dit­elle. confie Jean Letoquart, infir­ C’est compliqué lorsqu’on est soignant d’ad­ mier anesthésiste au service mettre de se retrouver dans la position du ma­ mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) lade. » Le temps d’incubation de la maladie de Lens. C’est avec la peur au ventre de « ra­ est généralement de trois à cinq jours. Mais mener le coronavirus à la maison » qu’il ren­ la période peut s’étendre jusqu’à quatorze tre chez lui. Parfaitement formés aux gestes jours, pendant lesquels le soignant peut être barrières, les soignants sont nombreux à contagieux. transposer dans leur propre logement les rè­ Etre positif au Covid 19, « c’est bon, c’est fait !, gles d’hygiène strictes qu’ils appliquent dans tente de dédramatiser un rhumatologue les établissements de santé. francilien qui en subit encore les symptômes. Se laver, briquer, désinfecter est le leitmotiv Je pense que j’ai contaminé mon épouse. » des soignants de retour près de leurs proches. « Une semaine avant d’avoir été testé positif, journée de travail, je toque à la porte avec ma toujours simple à mettre en œuvre. En « J’AI D’ABORD EU  « Dès que je rentre, je passe mes mains à la Be­ j’avais assisté à une réunion de famille avec clé. Mon mari m’ouvre, je retire mes chaussu­ sortant du centre de soin de Rouen où elle tadine », témoigne Jean Letoquart. « Je me lave mes six enfants, j’ai averti tout le monde, dis­ UNE PHASE DE DÉNI.  res, je file directement jusqu’à une petite dé­ travaille, Mathilde Padilla aurait voulu, le de tout ce qui a pu me toucher à l’hôpital », pensé des conseils sur WhatsApp, raconte pendance, où je mets toutes mes affaires dans 3 avril, prendre le tramway en direction de la abonde un médecin psychiatre d’un hôpital l’homme de 62 ans. Mais mon angoisse a été C’EST COMPLIQUÉ,  un sac­poubelle, je me lave entièrement des gare pour rejoindre ses parents. Mais elle parisien. Corps, vêtements, tout est récuré. aussi d’avoir pu transmettre le Covid­19 à mes pieds à la tête et je fais tourner une machine à s’est arrêtée à l’arrêt Hôtel de ville, pour s’iso­ LORSQU’ON EST  Huit heures, c’est le temps que Mathilde Pa­ patients à risques, immunodéprimés. » laver le linge. Je procède également à une dé­ ler dans sa chambre d’étudiante, seule. « Je ne dilla a passé, jeudi 2 avril, avec le même mas­ SOIGNANT, D’ADMETTRE  sinfection régulière des interrupteurs et des vais plus voir mes parents depuis le début du que chirurgical sur la bouche et le nez à soi­ « JE N’AI JAMAIS EU DE TELLES CRAINTES » poignées de porte », détaille la pharmacienne confinement, je pourrais être porteur sain, ex­ gner, laver, nourrir. Affectée à un centre de « L’idée est de préserver la maison, explique le DE SE RETROUVER  avant de confier : « Je n’ai jamais eu de tel­ plique la jeune femme. Il y a des individus qui soin et de réadaptation accolé à un établisse­ psychiatre hospitalier parisien, dont la com­ les craintes. » n’ont pas de comorbidité, et pourtant déve­ DANS LA POSITION  ment d’hébergement pour personnes âgées pagne attend un enfant. Je sais qu’il n’y a pas Cette angoisse engendre aussi une « ten­ loppent une forme grave de la maladie. Je ne dépendantes (Ehpad) de l’agglomération de de risque pour l’embryon, mais à l’hôpital, je DU MALADE » sion permanente » pendant les heures de veux pas prendre le risque de porter le virus Rouen, l’étudiante infirmière, 21 ans, termine ne dispose que d’un seul masque chirurgical travail, dit­elle, « pour ne pas contaminer ni chez mes parents. » sa journée sous un pâle soleil et s’autorise à lâ­ par jour qui, au bout de quatre heures, est un CLÉMENTINE FENSCH être contaminé ». « Mais à des moments, la A 28 ans, une aide­soignante lyonnaise a cher : « Je suis crevée. » Pourtant, pas question nid à bactéries. » « Nous n’avons pas de maté­ infirmière libérale dans une vigilance retombe un peu », s’inquiète­elle, entrepris une démarche plus radicale en­ de quitter le front de l’épidémie : « C’est le mé­ riel de protection en quantité nécessaire, nous maison de santé parisienne alors que certains clients de la pharma­ core : partir de chez elle, pour s’installer chez tier que j’ai choisi », assume la jeune femme. déambulons dans l’hôpital dans nos tenues cienne s’autorisent des comportements une collègue infirmière avec qui elle s’enten­ Solidarité, abnégation, résilience, l’étu­ civiles alors que nous avons accueilli dans no­ désinvoltes. « Je suis très choquée de voir des dait bien. Et ce, dès le 15 mars. « Je vis chez ma diante décline les qualités de milliers tre service des cas qui se sont révélés positifs, gens prendre la pharmacie comme une bonne mère, elle a de très gros problèmes respiratoi­ d’infirmiers, médecins, chirurgiens­dentis­ poursuit le soignant. Comme je ne me sens excuse pour sortir », résume Garance Le Bian, res, ma sœur aussi, et elle est diabétique insu­ tes, aides­soignants… mobilisés face au pas en sécurité à l’hôpital, à la moindre cour­ citant une vieille dame venue trois matins lino­dépendant, résume la jeune femme qui Covid­19. Toutefois, s’ils acceptent le danger bature, j’ai peur de l’avoir chopé. » d’affilée, pour des raisons différentes, ou travaille dans un service de gériatrie où les pour eux­mêmes, jour après jour l’inquié­ Branle­bas de combat chez Garance Le cette jeune femme qui a fait le déplacement cas de suspicion de Covid­19 se multiplient. tude d’être un vecteur de contamination Bian, pharmacienne à Cergy (Val­d’Oise). Dès pour n’acheter, finalement, qu’une crème Ramener la maladie à la maison est un risque pour les autres et pour leurs proches gagne le 14 mars, au lendemain de la fermeture des anticellulite. « Cela nous rend nerveux, pour que je ne pouvais prendre. » du terrain. Leur tour de garde terminé, les écoles pour cause d’épidémie, elle met en ne pas dire autre chose. » « On est nombreuses à avoir eu les symptô­ soignants partent sur un autre front : il leur place pour sa famille « un protocole qui vaut L’autre outil pour préserver sa famille est mes, on n’a pas le choix d’aller bosser », rap­ revient de protéger leur famille. ce qu’il vaut ». « Lorsque je rentre de ma la « distanciation » avec ses membres, pas pelle la soignante, qui se sent ainsi soulagée Le Conseil d’Etat saisi devant l’« inégalité d’accès aux soins » L’association Coronavictimes estime que des critères transparents devraient être appliqués dans le choix d’hospitaliser ou non les malades A lors que la liste des victi­ ne pas tenter de peser afin que le quelle seraient confrontés les ré­ perçu comme tel par les malades et la légalité de l’action publique et Hannotin, conseil de Corona­ mes du Covid­19 s’al­ gouvernement prenne les mesures sidents des Ehpad et les person­ leurs familles, précise­t­il. Ils doi­ la protection des droits et libertés victimes. La véritable cause de longe chaque jour, le Con­ nécessaires pour limiter l’héca­ nes maintenues à domicile « à vent être assurés qu’un handicapé des citoyens, d’enjoindre d’ur­ leur décès ne sera pas le virus, mais seil d’Etat a été invité, jeudi 2 avril, tombe », explique le mathémati­ chacune des étapes de développe­ soit traité comme une personne gence au premier ministre et au la pénurie de matériel et la désor­ en référé, à examiner la situation cien Michel Parigot, chercheur au ment potentiel de la maladie ». valide et que le niveau social n’en­ ministre des solidarités et de la ganisation des soins face à cette singulière des « personnes résiden­ CNRS, président de Coronavicti­ L’association réclame « de toute trera pas en compte dans le choix ». santé d’édicter des directives et maladie. » tes des Ehpad [établissements mes et du Comité anti­amiante urgence » un traitement équitable Les requérants demandent un protocole explicites pour Pour l’avocat, « le silence du gou­ d’hébergement pour personnes Jussieu. et transparent des malades. donc au Conseil d’Etat, garant de « encadrer la décision de faire vernement ajoute au dénuement âgées dépendantes] et personnes « Le tri des malades en fonction bénéficier, ou non, les malades qui matériel, auquel sont déjà maintenues à domicile » actuelle­ Un « tri » des patients « opaque » de leur espérance de vie et de leurs en ont besoin de l’accès à la réani­ confrontés les soignants, une ment privées « de fait » d’accès Procédure d’urgence, le référé chances de survie se pratique déjà, mation, afin que ce choix soit forme de dénuement moral et aux soins hospitaliers. permet de contraindre l’exécutif dans un cadre fixé et admis, pour­ « ON PRIVE  effectué en vertu de décisions juridique, en leur faisant porter la Cette requête de 30 pages, que à prendre dans un délai très bref suit M. Parigot. Mais avec 7 650 transparentes », dont la responsa­ responsabilité du tri des patients DES SOINS  Le Monde a consultée, a été intro­ « toutes les mesures nécessaires » morts du Covid­19 dont plus de bilité n’incombe pas « aux seuls sans en fixer le cadre qui relève duite par l’association Coronavic­ quand l’administration porte 2 000 en Ehpad [au 4 avril] et un médecins ». d’un choix de société ». NÉCESSAIRES times, récemment fondée à l’ini­ « une atteinte grave et manifeste­ système hospitalier submergé, la Selon nos informations, le juge tiative de membres du Comité ment illégale » à une liberté fon­ situation est très différente. On DES PERSONNES  « Dénuement moral et juridique » du Conseil d’Etat a admis la re­ anti­amiante Jussieu (du campus damentale, et ce dans l’exercice prive des soins nécessaires des per­ « Dans la loi d’urgence sanitaire quête de Coronavictimes et l’a universitaire parisien éponyme), de l’une de ses prérogatives. Accès sonnes qui, en situation normale, QUI, EN SITUATION  du 23 mars, aucune disposition n’a communiquée au premier minis­ collectif engagé depuis les années au 15 et à l’hôpital, fin de vie et auraient pu guérir. » été prise pour assurer aux person­ tre et au ministre des solidarités NORMALE, AURAIENT  1990 dans la défense des victimes soins palliatifs, décès et identifi­ Quant au « tri » des patients, nes qui vont mourir du Covid­19 et de la santé, qui doivent de l’amiante et les questions de cation des causes de la mort… M. Parigot estime qu’il est « réalisé PU GUÉRIR » hors du système hospitalier, dont apporter leur réponse d’ici à lundi sécurité sanitaire. « Pour nous, il dans sa requête, Coronavictimes dans une opacité qui peut faire l’accès leur est dénié, des soins pal­ 6 avril, 10 heures. La décision était inimaginable de rester – qui évoque rien moins qu’un douter de son équité ». « Or, le MICHEL PARIGOT liatifs de qualité leur garantissant devrait ensuite intervenir très inactifs devant un crime sanitaire « massacre silencieux » – détaille “choix” réalisé ne doit pas seule­ chercheur au CNRS et président une fin de vie digne et sans rapidement. qui se déroule sous nos yeux, et de la discrimination arbitraire à la­ ment être juste, mais aussi être de Coronavictimes souffrance, déplore Me Guillaume stéphane foucart UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws 0123 | 7 coronavirus MARDI 7 AVRIL 2020 La réserve sanitaire, une « grosse structure qui patine » face à la crise Le dispositif, mis en place pour répondre à ce type de situation, est pris de vitesse par la plate­forme de l’ARS d’Ile­de­France, élaborée avec une start­up L’ épidémie de grippe H5N1, Il n’existe, en effet, aucune coordi­ RENFORTS­COVID CONFIE  en 2007, avait convaincu la nation. « Renforts­Covid, explique France d’anticiper d’autres AUX ÉTABLISSEMENTS  l’ARS d’Ile­de­France, est une plate­ crises en créant un corps de réserve forme indépendante de la réserve sa­ sanitaire, de plusieurs milliers de DE SANTÉ LA VÉRIFICATION  nitaire. » De fait, ce dispositif, pensé personnes, capable de venir, en ur­ comme un complément, est devenu DES COMPÉTENCES DES  Dans un gence, en soutien de professionnels la principale porte d’entrée pour laboratoire de santé submergés par l’afflux de VOLONTAIRES. LA RÉSERVE  l’envoi de renforts dans le pays. L’ARS de biologie malades. Treize ans plus tard, face de Bourgogne­Franche­Comté, qui médicale, au Covid­19, la réserve sanitaire SANITAIRE EFFECTUE ELLE­ l’utilise, le confirme tout en mettant à Neuilly­sur­ peine pourtant à remplir son office. les formes : « Renforts­Covid permet MÊME LE CONTRÔLE, AVEC…  Seine (Hauts­de­ A tel point que l’agence régionale de l’expression de solidarités locales, Seine), santé (ARS) d’Ile­de­France a dû HUIT PERSONNES cela ne se fait pas au détriment de la le 23 mars. créer, le 21 mars, un dispositif de réserve. » Autre abonnée à Renforts­ CHRISTOPHE ENA/AP renfort alternatif, Renforts­Covid, Covid, l’ARS d’Occitanie constate monté avec la start­up de santé pont contre le Covid. » Nathalie, elle, qu’elle est « très opérante et qu’elle MedGo. est médecin généraliste. Habitant en fait correspondre la demande et Ce dispositif a été adopté, par la Rhône­Alpes, elle s’est portée candi­ l’offre. Renforts­Covid va sans doute suite, par sept autres ARS. Depuis le date pour la réserve sanitaire. « Au rebattre les cartes ». 17 mars, la réserve sanitaire a même bout de dix jours, je n’avais toujours Claude Le Pen, professeur à l’uni­ envoyé sur le terrain près de huit pas de réponse, alors j’ai choisi la versité Paris­Dauphine, où il dirige le fois moins de personnes que la plate­forme Renforts­Covid, qui per­ master économie et gestion de la plate­forme Renforts­Covid. Pour met de choisir la zone de mission. J’ai santé, estime que « la réserve sani­ expliquer ce naufrage, les volontai­ rejoint une clinique à 20 kilomètres taire paie le refus de l’Etat de lui accor­ res comme les ARS estiment que de chez moi. » der davantage d’autonomie ». Or, son fonctionnement et ses moyens Sous­dimensionné, le serveur in­ ajoute­t­il, « dans les crises, on se re­ sont inadaptés à une telle situation formatique de la réserve sanitaire trouve avec une grosse structure qui d’urgence. est tombé en panne face au nombre patine d’un côté, et de l’autre des pro­ Pourtant, les volontaires ne man­ de connexions. Même sans cet aléa, fessionnels qui n’ont pas d’interlocu­ quent pas. Depuis le début de la c’est le fonctionnement même de la teur. La haute administration de la crise, fin janvier, près de 19 000 epr­ réserve qui pèche. Là où la plate­ santé en France, très centralisatrice, a sonnes ont fait acte de candidature forme Renforts­Covid met en con­ beaucoup de mal avec des dispositifs pour rejoindre la réserve sanitaire, tact direct les établissements de ponctuels et très réactifs. » qui comptait déjà 21 000 membres. santé et les volontaires, la réserve Mais selon le décompte fait le 3 avril, sanitaire répond aux demandes des « Noyée dans la bureaucratie » seuls 719 réservistes ont été mobili­ ARS qui, elles­mêmes, font le relais Née en mars 2007 de la loi sur la pré­ sés jusqu’ici. Pour sa part, au 1er avril, avec les hôpitaux, cliniques ou éta­ paration du système de santé à des la plate­forme Renforts­Covid lan­ blissements d’hébergement pour menaces sanitaires de grande am­ d’un « poids énorme ». Une situation qui lui cée le 21 mars avait déjà pourvu plus personnes âgées dépendantes (Eh­ pleur, la réserve sanitaire avait été « C’EST VIOLENT permet également de dépanner en retour­ de 5 500 demandes de renfort. De pad) qui ont besoin d’aide. Par confiée à l’Etablissement de prépara­ nant travailler sur ses temps de repos, quand  DE DIRE À SON FILS  plus, sur les 16 363 volontaires ins­ ailleurs, le système Renforts­Covid tion et de réponse aux urgences sani­ cela se révèle nécessaire. crits sur cette interface numérique, confie aux établissements de santé taires (Eprus). En 2015, elle compte Si la nouvelle vie en colocation se passe DE S’ÉLOIGNER  13 319 volontaires avaient un métier la vérification des compétences des 2 078 personnes et sa gestion mobi­ sans encombre, dans les 40 mètres carrés recherché par les établissements de volontaires, alors que la réserve lise six personnes, deux de moins EN PERMANENCE,  partagés, cela reste « du bricolage », « fait à santé, en majorité des infirmières et sanitaire effectue elle­même le qu’en 2020. La même année, le séna­ l’arrache », pointe l’infirmière avec qui elle ET DE PARFOIS DEVOIR  des aides­soignantes, en réanima­ contrôle des dossiers de milliers de teur (UMP) Francis Delattre écrit, loge désormais. « L’hôpital aurait dû faire tion et en gériatrie. volontaires avec… huit personnes. dans son rapport sur l’Eprus, que quelque chose pour aider dans ces situations. HURLER QUAND IL  Isabelle Mouginot n’avait pas seuls 120 réservistes sont réellement J’ai plein de collègues hyperstressées quand el­ Pannes informatiques exercé son métier d’infirmière de­ actifs, car, dit­il, cette réserve, surtout S’APPROCHE TROP PRÈS » les rentrent chez elles. J’en ai souvent vu une Maud Picaud, 29 ans, infirmière, ré­ puis trente ans. Elle s’est inscrite sur composée de retraités, est avant tout en pleurs… » side normalement au Qatar. Blo­ la plate­forme Renforts­Covid le un outil de « diplomatie sanitaire ». GARANCE LE BIAN quée en France par le confinement, 26 mars. « La réserve sanitaire n’ad­ En 2016, dans un climat de pres­ pharmacienne à Cergy « LE RISQUE ZÉRO N’EXISTE PAS » elle s’est inscrite le 23 mars sur la met pas les profils comme le mien, ses sion financière, la petite équipe de Tenir ses parents à distance pour les plus plate­forme Renforts­Covid. « J’ai critères sont trop restrictifs, dit­elle. l’Eprus et de la réserve sanitaire est jeunes, ou, à l’inverse, éloigner ses enfants hésité avec la réserve sanitaire, mais Dès le lendemain, on m’a appelée absorbée dans la grande agence pour les soignants actifs. Telle est l’obses­ Yvan Tourjansky, kinésithérapeute au sein je savais que je serais “déclenchée” pour des gardes de nuit à la clinique Santé publique France. « Dans mon sion des soignants engagés dans la lutte de la clinique de Meudon (Hauts­de­Seine). moins vite et que ce serait beaucoup Labrousse, à Paris. Quand j’avais des rapport, en 2015, se souvient M. De­ contre le coronavirus. Au lendemain de la Malgré les mesures barrières que nous prati­ plus bureaucratique. » Son profil est questions, je demandais à un cadre. lattre, je militais, au contraire, pour fermeture des écoles, une infirmière et un quons, sans virer à la paranoïa, le risque zéro recherché. Disponible, elle a tra­ Depuis, trois autres établissements leur accorder plus de liberté. C’était aide­soignant en couple, travaillant aux n’existe pas. » Parmi les soignants interrogés, vaillé en réanimation et aux urgen­ m’ont contactée. » des missionnaires. Au nom de la sécu­ Hospices civils de Lyon, ont décidé, pour des et chez ceux qui disposent à leur domicile de ces. « J’ai commencé à la clinique L’agence Santé publique France, rité sanitaire, la réserve a été noyée raisons pratiques, de confier leur enfant de suffisamment d’espace, plusieurs ont re­ Claude­Galien, dans l’Essonne, puis dont dépend la réserve sanitaire, dans la bureaucratie et confiée à des 4 ans à ses grands­parents. Initialement, connu ne plus partager le lit de leur compa­ j’ai été au centre de régulation de tente de se dédouaner. « La réserve gestionnaires à la petite semaine. » c’était l’affaire de quelques jours, tout au gne ou de leur compagnon. l’hôpital de Villeneuve­Saint­Geor­ n’est en aucun cas décisionnaire sur En 2010, la Cour des comptes, dans plus. Plus de trois semaines plus tard, le gar­ Chez Garance Le Bian, à Cergy, les règles de ges. » Depuis, elle reçoit des centai­ les renforts à apporter, mais répond son rapport sur l’Eprus, estimait déjà çon y est toujours. « C’est dur, mais nous distanciation sont également valables pour nes de propositions. « Le privé est aux demandes des ARS », affirme­t­ que « les difficultés de recrutement avons préféré ne pas le récupérer. Si nous la famille – elle est mère d’un garçon de 11 ans plus réactif, l’hôpital public de la Sal­ elle. Résultat, comme le répète à [de la réserve] conduisent à envisager étions porteurs sains, quelles pourraient être et d’une fille de 14 ans : « C’est violent de dire à pêtrière, à Paris, ne me faisait venir l’envi Catherine Lemorton, ex­dépu­ une réorientation profonde tendant à les conséquences pour mes parents qui ont son fils de s’éloigner en permanence, et de par­ qu’après avoir fini les tâches admi­ tée (PS) à la tête de la réserve sani­ une décentralisation des recrute­ 70 ans ? », s’interrogel’infirmière. fois devoir hurler quand il s’approche trop nistratives, soit plusieurs jours. » taire depuis un an, « beaucoup ne ments (…) en situation de crise ». Jus­ Autre crainte partagée concernant l’épidé­ près. Cela fait dix jours sans bisou, sans câlin. Jean­Luc, 46 ans, originaire de la ré­ sont plus disponibles quand on les qu’au début des années 2010, ce sont mie : « La vérité d’un jour n’est pas celle du len­ On a juste craqué une fois la semaine dernière. gion Grand­Est, également infir­ sollicite, parce qu’ils ont déjà été ap­ les préfets qui signaient les contrats demain », rapporte un médecin hospitalier Juste une minute. » mier, est membre de la réserve sani­ pelés ». Les établissements peuvent d’engagement des candidats à la ré­ parisien. « Nous connaissons peu la maladie éric nunès, stéphane mandard taire depuis plusieurs années. « Ils également solliciter directement serve sanitaire. et les terrains qu’elle peut occuper, admet et camille stromboni m’ont appelé, mais j’étais déjà sur le des volontaires. jacques follorou Epidémie de Covid-19 : situation au 5 avril, 14 heures DÉCÈS À L’HÔPITAL HOSPITALISATION HOSPITALISATIONS PAR DÉPARTEMENT COMPARATIF EUROPÉEN ET RÉANIMATION 28 747 pour 100 000 habitants Guadeloupe Italie France Espagne 15 887e nm Itoarlties 14 000 5 889 Allemagne Royaume-Uni de 150 à 159,5 12 641 morts 12 000 de 100 à 150 en Espagne depuis le 1er mars Personnes de 50 à 100 Martinique 10 000 hospitalisées de 25 à 50 Les données 8 078 morts* de 10 à 25 commencent au 10e décès. en France 8 000 RETOUR À DOMICILE Mayotte moins de 10 16 182 1 584 morts 6 000 en Allemagne En réanimation La Réunion et en soins intensifs 4 000 2 972 Petite couronne 4 943 morts au Royaume-Uni 6 859 Guyane (jour 22) 2 000 816 771 0 18 mars 5 avril 18 mars 5 avril Jour 0 Jour 10 Jour 21 Jour 29 Jour 40 Infographie Le Monde Sources : Santé publique France, Johns Hopkins University * Chiffre comprenant 5 889 décès à l'hôpital et au moins 2 189 décès en Ehpad UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws 8 | 0123 coronavirus MARDI 7 AVRIL 2020 L’interminable sortie de crise de l’exécutif Après avoir évoqué le déconfinement, le gouvernement doit gérer la longueur de la crise sanitaire G ouverner, c’est pré­ voir, mais peut­on pré­ voir quoi que ce soit face à cette crise « iné­ dite » et à ce « risque inconnu » que représente l’épidémie de Co­ vid­19, dont la gestion au quoti­ dien « a sa marge d’incertitude », aux dires du ministre de la santé, Olivier Véran ? L’exécutif ne cesse de se confronter à cette question depuis trois semaines. Si bien que la perspective d’une sortie de crise devient difficile à dessiner, au risque de se prendre les pieds Le premier dans le tapis. ministre, Le 13 mars, le premier ministre, Edouard Philippe, Edouard Philippe, n’assurait­il et le ministre pas qu’« à partir du mois d’avril, il de la santé, va falloir penser au rebond et à la Olivier Véran, lors façon dont on va préparer la de leur audition suite » ? Un tel discours n’a plus devant la mission droit de cité aujourd’hui. « La crise d’information de va durer, il va falloir tenir », répète l’Assemblée sur le dorénavant le chef du gouverne­ Covid­19, le 1er avril. ment. « La commande de Mati­ THOMAS SANSON/AFP gnon et de l’Elysée, c’est d’être à 100 % dans la crise. La crise, la crise, la crise », souffle un con­ seiller. Car le temps vers « l’après » risque bien de s’étirer telle une montre molle. Si la France est confinée officiel­ lement jusqu’au 15 avril, la date de fin réelle de cette mesure excep­ tionnelle reste en suspens. « On peut avoir des indices qui laissent à penser que, probablement, ça de­ vra durer, mais je n’en ai pas la cer­ titude », a prévenu Olivier Véran, samedi 4 avril, dans un entretien l’école ? « C’est impossible de ré­ « La commande thème du déconfinement allait « Nous encourageons le grand « Les habitudes resteront pertur­ au média en ligne Brut. Le conseil pondre », a reconnu, samedi, le arriver. Jean­Luc Mélenchon était public, s’il le souhaite, à porter des bées, la menace réelle, note Chloé de Matignon et scientifique chargé d’appuyer ministre de l’éducation natio­ dessus, les médias aussi, justifie­ masques, en particulier ces mas­ Morin, experte associée à la Fon­ Emmanuel Macron dans sa prise nale, Jean­Michel Blanquer, après de l’Elysée, c’est t­on à Matignon. Cela fait partie ques alternatifs qui sont en cours dation Jean­Jaurès. Ceux qui de décision préconisait pour sa avoir brandi dans un premier de la stratégie de ne pas subir le de production », a déclaré le direc­ auront été au front seront épuisés, d’être à 100 % part un confinement « au moins » temps la date du 4 mai. tempo des questions, à commen­ teur général de la santé, Jérôme ils risquent de vivre une forme jusqu’au 22 avril. Le premier ministre s’est mal­ dans la crise. cer par celles de l’opposition, et de Salomon, vendredi, ouvrant une d’abandon ou de manque de com­ gré tout risqué à dessiner un coin le faire dans une transparence brèche dans la doctrine gouver­ préhension, comme les poilus qui La crise, la crise, « Impossible de répondre » de ciel bleu dans ce paysage mo­ complète. » Dès le lendemain de nementale. Le lendemain, M. Sa­ ne pouvaient pas raconter les La France a enregistré, dimanche rose, en évoquant la perspective la crise », souffle son audition à l’Assemblée natio­ lomon a précisé que « cela ne tranchées et mouraient de cha­ 5 avril, un bilan de 357 morts sup­ du déconfinement. Edouard Phi­ nale, Edouard Philippe a néan­ remplace en aucun cas les mesu­ grin face à la légèreté d’une so­ un conseiller plémentaires sur une journée. lippe a expliqué, mercredi moins cru bon de préciser sur TF1 res de distanciation sociale, de ré­ ciété qui faisait la fête dans les an­ Son chiffre le plus bas en la ma­ 1er avril, lors de son audition de­ que « le déconfinement, ça n’est duction des contacts, de distance nées 1920. Qu’est­ce qui va se pas­ tière sur une semaine. Mais il est vant la mission d’information de pas pour demain ». physique d’un mètre, les mesures ser quand les gens, qui espéraient impossible, pour l’heure, de faire l’Assemblée nationale sur le Co­ cap du pic épidémique déjà, cha­ de confinement et le respect des un retour brutal à la vie d’avant, des prédictions sur l’état sani­ vid­19, que la démarche était à que chose en son temps », souffle « On rêve tous du grand soir » gestes barrières ». vont réaliser que, sur le plan éco­ taire à venir du pays et la durée l’étude et qu’elle pourrait être de son côté une tête d’affiche de Est­ce pour ne pas être accusé de Car il est trop tôt pour imaginer nomique et sanitaire, ce ne sera de l’épidémie. « Nous ne som­ « progressive ». la majorité. Un conseiller de nourrir le « relâchement », ou, les Français retrouvant leur vie pas le cas ? » mes pas capables aujourd’hui Ce qui lui a valu, depuis, une l’exécutif reconnaît qu’aborder la plus prosaïquement, pour ne pas d’avant d’un claquement de Selon son entourage, Emma­ d’avoir une chronologie précise », foule de critiques, alors que des suite peut avoir un aspect « dé­ se dédire ? L’exécutif se refuse à doigts. « On rêve tous du grand soir nuel Macron devrait recevoir au convient­on dans l’entourage images de flâneurs profitant du sincitatif » pour le « rester chez assumer un changement de doc­ de la crise, où chacun reprendrait la début de cette semaine des « élé­ d’Edouard Philippe. « On ne sait beau temps se sont répandues au soi ». « Le déconfinement, c’est un trine sur la question du port du même vie du jour au lendemain, ments tangibles » pour mesurer pas si on va être sur le pic de la cours du week­end. « Le mot “dé­ sujet, mais on sait qu’on a le masque, qui pourrait être généra­ comme si cela n’avait été qu’une pa­ l’efficacité du confinement. De crise, s’il y aura une deuxième va­ confinement” a été prononcé trop temps d’en parler, souffle une mi­ lisé dans le cadre du futur décon­ renthèse. Mais, en réalité, la sortie quoi l’aider, dit­on, à « fixer un gue… Personne n’a de regard sur tôt », entraînant un « relâche­ nistre. C’est compliqué d’y penser finement. Depuis le 31 mars, des de crise sera progressive, en bi­ cap et un horizon » qu’il pourrait la durée de ce qu’il se passe, on ne ment » de la part des Français, a quand on a 400 morts par jour. » masques textiles sont produits seau », dit Stanislas Guerini, délé­ exposer dans une nouvelle allo­ sait pas grand­chose de ce satané estimé Damien Abad, président Selon un cadre de La Républi­ pour les professionnels situés en gué général de LRM. D’autant que cution télévisée. Et essayer de virus », ajoute un ténor de l’oppo­ du groupe Les Républicains (LR) que en marche (LRM), « c’est l’opi­ « deuxième ligne » (caissiers, li­ la crise économique – dont l’am­ prévoir, un peu. sition au fait de ces questions. au Palais­Bourbon. nion qui a poussé le premier mi­ vreurs, etc.), en plus de ceux (chi­ pleur pourrait se révéler compara­ olivier faye, Quand les enfants, par exem­ « Se projeter dans le déconfine­ nistre » à sortir du bois. Une pres­ rurgicaux et FFP2) réservés en ble à celle de 1929, selon l’exécutif – alexandre lemarié, ple, pourront­ils retourner à ment, c’est prématuré. Passons le sion assumée à demi­mot. « Ce priorité aux personnels de santé. guette derrière la crise sanitaire. et solenn de royer Port du masque : le virage à 180 degrés du gouvernement Dans l’optique du déconfinement, et si la production le permet, le port du masque pourrait être étendu à l’ensemble de la population C eci « n’est pas un change­ que, mais en fonction des capaci­ rapporté à ses concitoyens qu’il res pour tout le monde » et que cette crise avec un stock donné, et en train de regarder cela en lien ment de doctrine », assu­ tés disponibles. » était désormais conseillé de se leur usage généralisé pourrait on a bâti notre stratégie pour réser­ avec les experts en virologie et le re­t­on au sein de l’exécu­ La brèche a été ouverte, ven­ couvrir le visage lorsqu’ils sor­ même s’avérer « contre­produc­ ver les masques chirurgicaux aux conseil scientifique », rapporte­ tif. Le port du masque, pourtant, dredi 3 avril, par le directeur géné­ tent de chez eux. tif » s’ils étaient mal portés. soignants, souligne un proche du t­on au ministère de la santé, tout pourrait bien être généralisé, en ral de la santé, Jérôme Salomon. N’y a­t­il pas, dès lors, un para­ premier ministre, Edouard Phi­ en précisant qu’il est « trop tôt » particulier dans l’optique du fu­ « Nous encourageons le grand pu­ Eviter une ruée doxe à opérer un virage à 180 de­ lippe. C’était du reste cohérent avec pour parler de déconfinement. tur déconfinement de la popula­ blic, s’il le souhaite, à porter des Depuis le début de la crise du co­ grés en la matière ? « Ce n’est pas le discours de l’OMS [Organisation « Ne baissons pas la garde, alerte tion française, dont la date est masques, en particulier ces mas­ ronavirus, le gouvernement fran­ paradoxal par rapport au stock mondiale de la santé], qui disait un proche d’Edouard Philippe. encore loin d’être connue. Le mi­ ques alternatifs qui sont en cours çais oriente en priorité les mas­ dont nous étions en possession. La que ça ne servait à rien à la popula­ L’essentiel du combat n’est pas ga­ nistre de la santé, Olivier Véran, a de production », a­t­il déclaré lors ques – qu’ils soient chirurgicaux politique de masques a été ajus­ tion générale. Maintenant, grâce gné, à savoir donner des masques reconnu lui­même que cette me­ de son point presse quotidien. ou FFP2 – vers les personnels soi­ tée à nos capacités, reconnaît un aux efforts de l’Etat, les soignants aux soignants. » Car il n’est pas sure pourrait compléter utile­ Depuis le 31 mars, des masques gnants. Des hôpitaux, d’abord, conseiller de l’exécutif. Nous allons ont accès à un stock de masques. » question de laisser penser que des ment le recours aux gestes bar­ en textile sont en effet produits mais aussi des établissements maintenant être en capacité de pro­ masques seront distribués à tous rières face au coronavirus. « Etre pour les professionnels situés en d’hébergement pour personnes duire et d’importer massivement « Ne baissons pas la garde » dès demain. « Nous avons une capables d’avoir d’autres moyens « deuxième ligne », comme les âgées dépendantes (Ehpad). Afin pour répondre à l’ensemble des be­ Emmanuel Macron a incarné ce priorité absolue pour protéger nos de protection de la population caissiers ou les livreurs. Vendredi, que les citoyens ne se ruent pas soins. » « Nous avons commencé changement de pied en se rendant soignants, qu’ils soient en ville ou lorsqu’on aura levé le confine­ l’Académie de médecine a sug­ vers les masques, l’exécutif a par dans une usine de production de à l’hôpital, a souligné Jérôme Sa­ ment, avec une sensibilisation géré que le port d’un masque ailleurs communiqué quant à masques, le 31 mars, dans le Mai­ lomon, samedi, comme pour pré­ complète de la population, ça fait « grand public » ou « alternatif » leur supposée inutilité pour le « La politique ne­et­Loire. « Les masques, c’est ciser ses propos de la veille. Peut­ sens », a­t­il souligné, samedi, aux masques médicaux soit grand public. « Il n’y a pas besoin une bataille essentielle », a alors dé­ être qu’un jour nous proposerons de masques dans un entretien au média en li­ rendu obligatoire pour les sorties de masque quand on respecte la claré le chef de l’Etat. « Nous avons à tout le monde de porter une pro­ gne Brut. « Nous sommes en train pendant la période de confine­ distance de protection vis­à­vis des a été ajustée une demande sociale et des avis fa­ tection, mais on n’en est pas là. » d’évoluer vers ça, reconnaît de ment et lors de sa levée. Un avis autres », assurait ainsi la porte­pa­ vorables à l’utilisation de masques « Depuis le début de cette épidé­ à nos capacités », son côté un interlocuteur régu­ conforme à celui rendu dans un role du gouvernement, Sibeth en dehors des populations de soi­ mie, nous apprenons chaque jour, lier d’Emmanuel Macron. Il n’est nombre croissant de pays du Ndiaye, le 25 mars. Quelques jours note un conseiller gnants, donc on y travaille avec des a­t­il ensuite reconnu. On adapte pas impossible qu’on étende et monde. Le président américain, plus tôt, elle affirmait déjà que masques alternatifs », souligne­ notre position, on évalue. » de l’exécutif qu’on généralise l’usage du mas­ Donald Trump, a notamment « les masques ne sont pas nécessai­ t­on à Matignon. « Nous sommes o. f. UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws 0123 | 9 coronavirus MARDI 7 AVRIL 2020 Paris repense sa stratégie face aux crises Les responsables de la ville tentent de tirer de premières leçons de la catastrophe liée au Covid­19 C omment mieux tenir le En 2017, à la faveur d’une propo­ choc ? Comment rebon­ sition de soutien financier de la Sur le parvis dir après un désastre Fondation Rockefeller, Paris avait de l’Hôtel de comme le coronavirus ? été la première ville française à se ville de Paris, A la Mairie de Paris, tout en parant doter officiellement d’une « straté­ le 31 mars. au plus pressé et en anticipant le gie de résilience », votée par le con­ ANTOINE déconfinement, l’élue sortante, seil municipal, et à nommer au WDOWCZYNSKI/ Anne Hidalgo, et son équipe com­ sein de l’administration un « haut HANS LUCAS VIA AFP mencent à tirer les leçons de cette responsable de la résilience ». A épreuve. « Qu’est­ce que le monde l’époque, il s’agissait de se préparer d’après : juste un retour à l’ancien, à des attentats, des crues, des inon­ ou autre chose ? La maire nous a de­ dations, des canicules ou des grè­ der des messages de prévention sagée, compte tenu de l’énorme La constitution va nécessairement être posée. A mandé d’y réfléchir très librement, ves massives, plutôt qu’à des pro­ dans les halls d’immeubles. échec actuel en la matière. Paris, elle était déjà évoquée par de solides stocks et on y passe pas mal de temps », dit blèmes sanitaires. Le mot « pandé­ « Du fait des épisodes précédents C’est le deuxième sujet mis en de nombreux candidats aux mu­ un membre de son cabinet. mie » figurait tout de même dans que nous avons dû gérer, notre cel­ évidence par la crise actuelle : les de masques, gels, nicipales, en général pour dénon­ Certaines pistes pourraient dé­ le discours d’Anne Hidalgo. lule de crise fonctionne efficace­ menaces de pénurie. De médica­ respirateurs cer la « bétonisation ». L’épidémie boucher rapidement. Pour éviter Le plan de 2017 ne prévoyait pas ment, ajoute Célia Blauel. Chacun ments et de produits de santé, ne peut que donner de nouveaux et autres biens de nouvelles contaminations, cer­ moins de 35 actions plus ou moins connaît son rôle, et la maire tran­ mais aussi de nourriture ou arguments en ce sens. « Les métro­ tains imaginent par exemple concrètes. Quelques­unes ont été che en cas de besoin. » Alors que d’énergie. « Aujourd’hui, un ali­ stratégiques poles hyperdenses sont des bom­ d’installer des distributeurs de gel lancées, en particulier l’aménage­ seuls 20 % des agents municipaux ment effectue en moyenne 660 ki­ bes virales », estime David Bel­ est envisagée hydroalcoolique un peu partout, ment des cours d’école en îlots de travaillent encore, les services de lomètres avant d’arriver dans l’as­ liard. « Pour l’humanité, les bien­ notamment dans les abribus, fraîcheur en retirant le bitume, ou la ville se sont repliés en bon ordre siette d’un Parisien, relève Célia faits de la densité l’emportent lar­ « comme on l’a fait pour les défi­ la formation de volontaires aux sur leurs missions essentielles : les Blauel. C’est une aberration envi­ gement », juge néanmoins Fouad brillateurs ». De même, dans les ca­ « gestes qui sauvent ». Beaucoup rues restent globalement net­ ronnementale, et un danger en cas « En termes de résilience, rappro­ Awada, de l’Institut Paris région. fés, une distance d’un mètre doit­ d’autres sont restées à l’état de pro­ toyées, les ordures collectées, l’eau de blocage des transports. Nous de­ cher les logements des emplois, et Les responsables ont aussi en elle être imposée entre les tables ? jet, comme celle visant à « assurer potable continue à couler, les vons relocaliser une partie de la pas seulement le temps des crises, tête l’autre grande menace pour Mais au prix du mètre carré, les ca­ un soutien psychologique à l’en­ morts sont enterrés ou incinérés. production alimentaire, et la ques­ doit devenir une priorité », estime Paris, celle d’une crue aussi im­ fetiers y survivraient­ils ? D’autres semble de la population face à des tion est voisine pour l’électricité. » Sébastien Maire. En 2017, la ville portante qu’en 1910. La ville, la ré­ interrogations, beaucoup plus vas­ chocs ». Elle aurait pourtant été De nombreuses failles L’Ile­de­France dépend en effet à s’était fixé l’objectif de diminuer gion paraissent mal préparées. tes, concernent l’urbanisme, le lo­ utile en cette période anxiogène. L’épidémie a néanmoins montré 90 % du courant produit dans de 30 % le nombre de déplace­ « Nous sommes considérablement gement, les sans­abri… « Le travail mené nous sert plusieurs failles. La plus criante est d’autres régions. ments domicile­travail à l’échelle plus vulnérables qu’en 1910, car « C’est toute notre stratégie de ré­ aujourd’hui », affirme Célia Blauel, la faiblesse du système hospitalier, Autre préoccupation majeure, le de l’agglomération d’ici à 2030, très dépendants désormais des ré­ sistance aux crises que nous actua­ l’adjointe chargée de l’environne­ en Ile­de­France comme ailleurs. logement. En particulier celui du notamment grâce au télétravail et seaux d’électricité, de chaleur, de lisons, pour tenir compte de ce que ment. La Mairie a mobilisé son ré­ Proche de la saturation en temps personnel clé des collectivités pu­ à la création d’espaces de cowor­ transport, de gestion des déchets, nous apprend celle­ci et mieux seau de citoyens solidaires, les normal, il se révèle à présent tota­ bliques et des entreprises : des ca­ king placés près des logements. qui ont été construits le long de la nous armer face aux prochaines », « volontaires de Paris », pour pren­ lement débordé. La responsabilité dres, des informaticiens, mais Mais le dossier n’a guère avancé. Seine », constate Ludovic Faytre, note Sébastien Maire, le « M. Rési­ dre quotidiennement des nouvel­ principale en ce domaine revient à aussi des soignants, des éboueurs, Au passage, la crise met en relief spécialiste des inondations à l’In­ lience » de la Mairie. les des personnes âgées ou placar­ l’Etat, mais les élus locaux n’en des caissières… « Comment faire en le problème de ceux qui n’ont pas titut Paris Région. étudient pas moins la façon dont sorte que ceux qui assurent la conti­ de logement. « L’épidémie fait ap­ En cas de crue, la capitale pour­ ils peuvent agir, d’autant qu’Anne nuité de la vie de la nation puissent paraître toutes les fragilités d’une rait être coupée en deux, sans mé­ Un conseil municipal exceptionnel en vue Hidalgo préside l’Assistance publi­ le faire en toutes circonstances et de ville hyperdense et ultra­inégali­ tro, de nombreux immeubles pri­ que­Hôpitaux de Paris (AP­HP). façon sûre ?, s’interroge Fouad taire comme Paris, analyse David vés d’électricité, d’eau potable, les Le 3 février au soir, beaucoup d’élus parisiens avaient quitté l’Hôtel Faut­il construire de nouveaux Awada, le directeur de l’Institut Pa­ Belliard, élu de Paris et candidat hôpitaux pourraient être inutili­ de ville, après un ultime conseil municipal – du moins est-ce ce hôpitaux ? Rouvrir l’hôpital des ar­ ris Région, un organisme public de écologiste à la Mairie. Il y a ceux qui sables. « De vous à moi, quand la que tous pensaient. En réalité, les membres du Conseil de Paris mées du Val­de­Grâce ou les ur­ recherche sur l’aménagement et ont des résidences secondaires et crue arrivera, mieux vaudra quitter vont probablement être appelés à se réunir à nouveau, au moins gences de l’Hôtel­Dieu ? « La ville l’urbanisme. La crise montre que ce peuvent partir, ceux qui vivent dans Paris », confie une experte de la ré­ de façon virtuelle. Le second tour étant repoussé à une date en- dispose aussi d’Ephad dont nous al­ n’est pas si facile. Nous sommes un de grands appartements, et tous les gion. Mais, que faire si la crue né­ core inconnue, peut-être en octobre, la maire sortante, Anne Hi- lons devoir repenser la configura­ peu défaillants. » Le télétravail ré­ autres – y compris les SDF, les Roms, cessitant des évacuations massi­ dalgo, envisage de convoquer un Conseil en mai, notamment pour tion, afin de mieux séparer les ma­ sout une partie des difficultés, pas les migrants… » Des mesures ont ves survient en pleine pandémie, valider le versement de certaines subventions à des associations lades et les bien portants », avance toutes. A Paris, la mairie doit ainsi été prises en urgence : une partie imposant un confinement ? « Ce qui se retrouveraient, sinon, en difficulté. La question doit être dis- Jean­Louis Missika, l’un des princi­ trouver en urgence des héberge­ de ceux qui vivent à la rue ont été serait totalement contradictoire », cutée, lundi 6 avril, avec les présidents des groupes politiques. paux adjoints d’Anne Hidalgo. La ments provisoires pour quelque placés à l’abri, notamment dans reconnaît M. Faytre. Deux crises « Juridiquement, il n’est peut-être pas indispensable de réunir un constitution de solides stocks de 200 personnes, des agents muni­ des gymnases. Mais cela n’a rien qui se conjuguent, et c’est la catas­ conseil, mais politiquement, cela va devenir délicat de gérer la ville masques, gels, respirateurs et cipaux qui habitent en banlieue, d’une réponse structurelle. Quant trophe. Sans solution à ce stade. sans débat démocratique », commente un proche de la maire. autres biens stratégiques est envi­ des infirmières, etc. à la densité de la ville, la question denis cosnard La parole politique mise à mal dans la lutte contre le Covid­19 La défiance d’une partie de l’opinion et la prolifération de « fake news » mettent en difficulté le pouvoir dans sa gestion de la crise L e phénomène n’est pas nou­ moment où il doit convaincre la affronter une telle crise. On re­ responsables de la majorité s’in­ sur les réseaux sociaux. Une initia­ « Evitez de croire dans toutes les veau. Mais il s’amplifie avec population de respecter ses consi­ trouve un syndrome du mouve­ quiètent de la prolifération des tive essentielle aux yeux du délé­ fausses rumeurs, les demi­experts l’épidémie du Covid­19. gnes de confinement sur le long ment des “gilets jaunes”, avec l’idée fausses informations qui re­ gué général, Stanislas Guerini, qui ou les faux­sachants », a­t­il de­ Alors que l’exécutif doit faire face à terme. Sans se relâcher, alors que que la classe politique aurait collec­ jaillissent sur Internet, et de la y voit un affrontement idéologi­ mandé, en vantant « la parole une crise sanitaire sans précédent, des dizaines de Français ont pris tivement failli. » perméabilité de la société fran­ que entre deux modèles : « C’est un claire » et « l’information transpa­ la défiance envers la parole offi­ des libertés avec l’attestation de çaise aux théories du complot. combat à la vie, à la mort entre rente » de l’exécutif. cielle atteint des sommets. Selon déplacement, ce week­end. « On Percée des théories complotistes Dans un sondage IFOP diffusé le ceux qui ont la conviction que c’est « Clarté » et « transparence ». Ce un sondage Elabe publié le 1er avril, constate un délitement de la parole Si la volte­face de l’exécutif sur la 28 mars, 26 % des Français esti­ dans les démocraties qu’on trou­ sont justement les mots d’ordre 41 % des Français font confiance au politique, réduite au même niveau question des masques suscite le ment que le coronavirus a été vera la solution à cette crise multi­ d’Edouard Philippe dans sa com­ pouvoir pour « lutter efficacement que le pékin moyen sur Facebook », trouble en interne – « Dire qu’il n’y créé intentionnellement en labo­ forme, et ceux qui ont une tentation munication de crise. Après quel­ contre l’épidémie », soit 18 points regrette le délégué général adjoint avait pas besoin de masques est ratoire. « Sur les réseaux sociaux, populiste, voire autoritaire. » ques faux pas, le premier ministre de moins en deux semaines. de LRM, Pierre Person. une erreur, qui a entaché la crédi­ toutes les paroles se valent. Notre « La crise du coronavirus est un a multiplié les prises de parole, ces Plus grave, près de deux Français Les critiques de l’opposition et bilité du propos du gouvernement société verse dans l’idée qu’on ca­ test pour la démocratie, qui doit af­ derniers jours, pour rassurer sur la sur trois pensent que le gouverne­ des personnels soignants contre la dans son ensemble », enrage un cherait la vérité sur nombre de su­ fronter les mensonges des nationa­ gestion du gouvernement. Sa mé­ ment leur ment sur la gestion de pénurie de matériel ont contribué député LRM –, elle donne surtout jets », se désole Pierre Person. listes qui se prétendent mieux à thode ? Tout dire, sans nier les pro­ l’épidémie : 63 % estiment qu’on à nourrir la défiance actuelle. des arguments à l’opposition. « Les théories complotistes per­ même de protéger les peuples que blèmes ou les hésitations. leur « cache des choses », selon un « Dans l’opinion, on constate une La présidente du Rassemble­ cent dans notre pays, avec une re­ les autres, observe M. Anglade, en Le 2 avril, sur TF1, le locataire de sondage OpinionWay, publié le très forte grogne contre le manque ment national, Marine Le Pen, a mise en cause de toute parole offi­ dénonçant des ingérences étran­ Matignon a ainsi reconnu les 30 mars ; 70 % que l’Etat « ne dit pas de masques et des tests, avec l’idée dénoncé un gouvernement qui cielle, qu’elle soit politique, scienti­ gères. Derrière la guerre sanitaire, « vraies difficultés » auxquelles se la vérité aux Français », dans une que les premiers à en pâtir sont les ment sur « absolument tout, sans fique ou médiatique, s’alarme se joue une guerre d’influence me­ heurte la France pour s’approvi­ étude Odoxa publiée cinq jours salariés, qui continuent à travailler aucune exception ». Des propos Aurore Bergé, porte­parole de née par la Chine et la Russie, qui sionner en masques, et admis des plus tôt. « La confiance dans la pa­ sur le terrain », observe Jérôme « démagogiques », selon les ma­ LRM. Il y a un vrai risque que la présentent leurs systèmes politi­ « tensions très fortes » sur certains role politique était déjà basse au dé­ Fourquet, directeur du pôle opi­ cronistes. « Marine Le Pen affai­ crise sanitaire et économique ac­ ques comme des modèles pour médicaments. « Nous ne savons but du quinquennat. Elle a baissé nion de l’IFOP. Avant de pointer le blit la démocratie en se faisant tuelle rejaillisse sur une crise dé­ vaincre la pandémie. » pas tout », a­t­il encore affirmé, le au moment des “gilets jaunes”, et risque d’une recrudescence du cli­ porte­drapeau des complotistes mocratique et d’information. » Un combat qui tient à cœur à 1er avril, devant la mission d’infor­ continue de s’effriter. Le discrédit vage entre « les élites » et « le peu­ en tout genre, assène le député Déterminé à traquer « les fausses Emmanuel Macron. Le 16 mars, mation de l’Assemblée. Comme s’il est aujourd’hui majeur », se désole ple » : « Cela réactive un ressenti­ LRM Pieyre­Alexandre Anglade. informations », le mouvement lors de sa deuxième allocution té­ s’agissait de tout mettre sur la ta­ l’ex­député La République en mar­ ment de la France d’en bas contre Elle mélange faits et avis pour présidentiel a mis en place une ru­ lévisée, il a mis en garde les Fran­ ble, afin de se prémunir contre che (LRM) Matthieu Orphelin. Un les technos, accusés de ne pas avoir créer de la confusion. » Au­delà brique « désintox » sur le site Inter­ çais contre les « fausses informa­ toute accusation de mensonge. souci de taille pour l’exécutif, au suffisamment préparé le pays à du rôle joué par l’opposition, les net de LRM pour mener la bataille tions », qui « circulent à tout­va ». alexandre lemarié UPLOADED BY "What's News" vk.com/wsnws TELEGRAM: t.me/whatsnws 10 | 0123 coronavirus MARDI 7 AVRIL 2020 « J’ai peur d’être enfermé là­bas, y a trop de cas » : scènes de la justice sous Covid­19 Malgré l’épidémie, la justice continue de fonctionner cahin­caha, parfois sans avocats, et avec des prétoires qui se sont largement vidés. Non­respect du confinement, trafic de masques… de nouveaux délits émergent, ainsi que de nouvelles règles d’audience RÉCIT On a vu des avocats contraints de chuchoter béquilles. En détention provisoire à Fresnes très fort, à un ou deux mètres de distance, les (Val­de­Marne) pour avoir conduit sans per­ M conseils qu’ils glissent habituellement à mis et sans assurance, mais avec stupé­ oins d’un mètre sépare l’oreille de leurs clients ; un président de tri­ fiants et en récidive, il demande sa mise en la juge et ses deux asses­ bunal rassurer l’assemblée après de multiples liberté dans l’attente de son procès, prévu seures dans la trop quintes de toux ; des policiers suggérer aux quelques jours plus tard. Son avocat évoque étroite salle n° 7 du pa­ prévenus de ne pas s’approcher de la vitre du la promiscuité en prison, et les risques liés lais de justice de Bobi­ box, parce que « sur les vitres, ça reste très, très aux diverses pathologies de son client, re­ gny. Alors l’audience se longtemps » ; une audience renvoyée (et une connu handicapé. déplace, prend ses aises dans la vaste salle des détention provisoire prolongée) parce que le « J’ai peur d’être enfermé là­bas compte tenu assises, où les magistrates peuvent laisser un prévenu n’avait pu être soumis à une exper­ de tout ce qui se passe avec le coronavirus, fauteuil d’écart entre elles. A Nanterre aussi, tise psychiatrique, l’expert qui devait la prati­ plaide Walid. J’ai une infection à la jambe, je on migre vers la salle d’ordinaire réservée aux quer n’ayant pu se rendre à la maison d’arrêt descends même plus en promenade. Je suis assises : le dispositif de visioconférence per­ en raison du confinement. Et tout un tas de vraiment désolé, je sais que tout est de ma met d’y faire comparaître certains prévenus scènes inédites que l’on ne reverra plus ja­ faute, mais j’ai trop peur d’être enfermé là­bas, confinés sans les extraire de prison. Toute la mais une fois l’épidémie achevée. y a trop de cas de coronavirus. » Demande de journée, dans le hall du tribunal de Paris, gi­ mise en liberté acceptée, sous contrôle judi­ gantesque fourmilière en temps normal, on « Laisser des gens sans défense, ciaire, en attendant le procès. n’entend rien d’autre que le ronron des esca­ Arrive Mehdi, lui aussi pour une demande ce n’est pas bien » lators et les voix des vigiles postés à l’unique de liberté avant son procès pour « escroque­ porte d’accès ouverte. A Créteil, l’audience Tribunal de Paris. Pas une seule affaire liée au rie en bande organisée ». Debout derrière la s’achève à 20 heures quand, certains soirs Covid­19 mercredi 1er avril devant la chambre vitre en Plexiglas, le prévenu pose allègre­ avant le confinement, les débats peuvent 23­1, qui ne se penchait que sur des dossiers ment ses mains sur le rebord du box, saisit à s’étirer jusqu’à une heure du matin. prépandémie renvoyés à ce jour. Cela n’a pas pleine paume la tige du micro pour expli­ Malgré l’épidémie de Covid­19, la justice empêché le virus de perturber les débats, et quer à la présidente qu’il doit absolument continue. Au ralenti, tant bien que mal, mais de faire des victimes : les justiciables privés sortir parce qu’il a des problèmes de vue et elle continue. Mercredi 1er avril, Le Monde s’est d’avocats. Le bâtonnier de Paris a en effet dé­ des problèmes de dents avant, joignant le rendu dans quatre tribunaux d’Ile­de­France cidé de ne plus désigner de commis d’office geste à la parole pour qu’elle comprenne pour assister aux comparutions immédiates – les avocats payés par l’Etat, mis à disposition bien, de se frotter les yeux et les gencives – l’un des rares « contentieux essentiels » que de ceux qui n’en ont pas les moyens –, esti­ avec les doigts. Pendant ce temps, son avocat le ministère de la justice n’ait pas mis sur mant que les conditions ne sont pas réunies apporte un certificat médical à la présidente, pause. Partout, le même constat : le coronavi­ pour assurer la sécurité sanitaire des avocats qui le saisit à l’aide d’un mouchoir pour ne rus a vidé les prétoires et bouleversé les et des justiciables. pas le toucher directement. audiences. Cambrioleurs, pickpockets et pe­ Seuls sont présents à cette audience les avo­ tits trafiquants, habitués de ces procès expé­ cats choisis, et payés, par leurs clients. Unani­ elle serait à l’hôpital. » Dix­huit mois de pri­ « Un crachat, en période de ditifs, représentent encore la majorité des mes dans leur désarroi, ils sont divisés. « Per­ son, dont six avec sursis. dossiers. Mais les comparutions immédiates sonne ne devrait se trouver dans cette salle contamination, c’est odieux » sanctionnent ces jours­ci de nouveaux com­ aujourd’hui, s’offusque l’une. Ni magistrats, « Une promiscuité difficile portements délictueux estampillés Covid­19 : ni avocats, ni prévenus, ni policiers… ni la Tribunal de Créteil. Ahmed en avait plus non­respect du confinement, crachat sur les presse. C’est scandaleux, ce virus est dange­ qu’assez d’être confiné, ce que le tribunal de avec le confinement » forces de l’ordre, trafic de masques, ou violen­ reux, cela ne rime à rien de poursuivre ces Créteil, qui ne l’est pas, pouvait compren­ ces conjugales sur fond de forte promiscuité. audiences. » « Je ne comprends pas l’attitude dre, sinon approuver. Lorsqu’il est tombé Tribunal de Bobigny. Le 28 mars, Marvin, Pour limiter celle qui règne dans les mai­ du bâtonnier, estime un autre. Il y a des solu­ sur un contrôle de police, le 31 mars, à la 110 kg, a donné un coup de poing à sa con­ sons d’arrêt, redoutables foyers infectieux, la tions pour s’entretenir avec les prévenus dans gare de Villeneuve­Saint­Georges (Val­de­ jointe qui lui criait dessus parce qu’il n’avait « PERSONNE NE DEVRAIT  garde des sceaux, Nicole Belloubet, a de­ les geôles en faisant attention aux gestes bar­ Marne), cet Algérien de 53 ans est passé de­ pas nourri les quatre premiers enfants ni mandé aux procureurs de recourir le moins rières, même si ce n’est pas idéal. Laisser ces SE TROUVER vant tout le monde, s’est collé à cinquante changé la couche du petit dernier pendant possible à l’incarcération. Résultat : des ma­ gens sans défense, surtout dans une période centimètres des policiers et leur a tendu qu’elle était sortie faire les courses. La pro­ gistrats du parquet tiraillés entre la volonté de aussi anxiogène, ce n’est pas bien. » DANS CETTE SALLE  une attestation de sortie toute raturée en cureure, constatant « une promiscuité diffi­ sanctionner et la crainte d’engorger les pri­ Premier dommage collatéral : Yassine (tous leur disant qu’ils « n’avaient rien à faire là ». cile avec le confinement à 7 dans 71 m2 », re­ AUJOURD’HUI,  sons. Tendance paradoxale chez les juges éga­ les prénoms ont été modifiés). Un mois et On lui a demandé ses papiers, il a sorti un ti­ quiert du sursis et l’interdiction de retourner lement : au nom de la lutte contre la propaga­ demi plus tôt, en pleine grève des avocats, six S’OFFUSQUE  tre de séjour et a craché dessus en disant au domicile familial pour le prévenu, qui re­ tion du virus, ils libèrent certains prévenus d’entre eux s’étaient relayés auprès de lui lors qu’il avait le Covid­19. connaît les faits. qui attendent leur procès en détention provi­ d’une action de défense massive destinée à UNE AVOCATE. C’EST  Garde à vue, comparution immédiate. Le Le tribunal a fini de délibérer, l’audience re­ soire avant d’être jugé en comparution « im­ entraver les procédures. Ils avaient déposé monsieur est passablement embarrassé. prend, Marvin est censé revenir dans le box SCANDALEUX, CE VIRUS  médiate ». Mais pour y maintenir certains six conclusions pour des nullités de procé­ « J’ai craché dessus pour pas qu’il me le pour le jugement, mais se fait attendre. A sa autres dont les dossiers sont épineux, ils pro­ dure et cinq questions prioritaires de consti­ EST DANGEREUX,  prenne, je ne sais pas ce qui m’a pris », expli­ place apparaît un policier masqué qui, par la fitent de l’ordonnance prise le 25 mars, dans le tutionnalité (QPC). Interpellé en flagrant délit que Ahmed, il était un peu énervé, il venait fente du box vitré, explique à la présidente cadre de l’état d’urgence sanitaire, qui fait pas­ dans le métro en train de voler le téléphone CELA NE RIME À RIEN déjà d’écoper d’une amende de 135 euros. que Marvin ne peut pas revenir tout de suite à ser de deux à quatre mois la durée maximale portable dans la poche d’une voyageuse, Yas­ D’ailleurs, il n’a pas le Covid­19, il a une cir­ cause d’un sérieux problème digestif, pour le DE POURSUIVRE d’une détention provisoire. Le coronavirus sine avait refusé de se soumettre au prélève­ rhose. Trois mois de prison avec sursis. dire poliment. « Je crois qu’on ne va pas le re­ vide les cellules d’un côté et entretient la ment d’empreintes digitales. Pour cette rai­ Il a de nouveau été question de crachat monter, parce que franchement, il est mal. » CES AUDIENCES » surpopulation carcérale de l’autre. son, le tribunal avait décidé de le juger plus quelques minutes plus tard avec Demba, Moment de flottement à l’audience, la pré­ Curieuse atmosphère dans ces salles où les tard et de le placer en détention provisoire en grand gaillard de 25 ans qui a frappé son an­ sidente ne sait pas trop quoi faire. La jeune flacons de gel hydroalcoolique fleurissent sur attendant. Six semaines à Fleury­Mérogis cienne petite amie à coups de poing et de greffière n’a pas tout saisi, et voudrait com­ les pupitres, et où la vigilance vis­à­vis des (Essonne) plus tard, empreintes digitales en­ casque de moto le 30 mars à Saint­Mandé prendre ce qui se passe pour noter l’incident gestes barrières décline au fil de l’audience. registrées, Yassine est de retour au tribunal, (Val­de­Marne) – elle en porte les stigmates sur son procès­verbal d’audience. Derrière le Bien vite, les prévenus – rarement masqués – mais les avocats ne sont plus là. Les QPC et un peu partout sur le visage. Trois agents de Plexiglas et son masque chirurgical, le poli­ comparaissent épaule contre épaule dans le nullités que personne n’est venu soutenir la police municipale, appelés par les voisins, cier hésite, semble chercher ses mots, puis box, les dossiers passent sans précaution de sont évacuées. Seul face au juge, les yeux rou­ sont intervenus et se sont fait insulter, eux dit, un peu embarrassé : « On ne peut pas main en main, et personne ne tient huit heu­ gis par les larmes, Yassine est condamné à et leur mère, de tous les noms. Le jeune faire remonter le prévenu, il a été pris d’une res sans se gratter le nez. Le concept de distan­ huit mois ferme. Bonne nouvelle pour lui : il homme a été maîtrisé non sans mal, et non chiasse soudaine. ciation sociale varie d’un palais de justice à sort de prison le soir même, avec une convo­ sans cracher au visage d’une policière. – Quoi ?, demande la greffière, qui n’a pas l’autre. A Créteil, le public – les familles des cation chez le juge de l’application des peines « C’est un peu abject ? », demande douce­ bien entendu, à cause du masque et du Plexi­ prévenus – était autorisé dans la salle ; pas à chargé d’aménager la sienne. ment le président. La policière en tremble glas qui les séparent. Nanterre, où le huis clos sanitaire avait été dé­ encore, et explique qu’elle est maman, – Le monsieur a été pris d’une chiasse sou­ crété. A Paris, aucun policier chargé d’escorter qu’elle a deux enfants. « Un crachat, c’est déjà daine, répète le policier, sans se démonter, ni « J’ai une infection à la jambe, je les prévenus dans le box ne portait de mas­ extrêmement humiliant en période normale, ôter son masque. que chirurgical ; à Bobigny, tous en avaient descends plus en promenade » insiste la procureure, mais en période de con­ – Il a été pris de quoi ?, insiste la greffière, en un, l’audience a d’ailleurs failli s’achever car tamination, c’est odieux. » Le prévenu recon­ se levant pour faire le tour du box et se placer leur stock arrivait à épuisement – de nou­ Tribunal de Bobigny. Walid, 30 ans, se dé­ naît quelques coups, s’excuse à peine. En devant l’ouverture du plexiglas. veaux masques sont arrivés à temps. place péniblement dans le box avec ses garde à vue, il avait dit : « Si je l’avais tapée, – Euh… Bah d’une chiasse soudaine. »

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