Description:Largement utilisé par les historiens modernes pour son témoignage sur le règne des derniers Capétiens directs, le Memoriale historiarum n'avait jusqu'alors pas fait objet d'une étude globale. Or, derrière ce texte, exploré ici jusque dans ses traces les plus matérielles que sont les manuscrits, apparaît un auteur dans son environnement social et intellectuel. Pendant une vingtaine d'années, sous les règnes de Philippe le Bel et de ses fils, Jean, chanoine de Saint-Victor, est le maître d'oeuvre d'un projet historiographique ambitieux porté sur l'ensemble de sa communauté religieuse. Sous la direction des abbés Guillaume de Rebais et de Jean de Palaiseau, les victorins entendent retrouver leur place dans le débat intellectuel qui anime alors les milieux universitaires. Revenant aux intuitions de "maître Hugues", qui au XIIe siècle, avait fait de l'histoire le fondement de la théologie, ils s'efforcent de penser l'histoire pour comprendre le monde qui est le leur. Les richesses rassemblées depuis deux siècles dans la bibliothèque de l'abbaye, les règles et les instruments de travail intellectuel forgés au siècle précédent offrent la matière et la forme d'un récit rigoureux, guidé par le souci pédagogique. Il déroule l'histoire du Salut depuis la Création jusqu'aux tempora moderna, à l'intérieur d'un cadre universel, à la fois temporel et spatial. Synthèse des sources et des connaissances, ce manuel pour étudiants est aussi le lieu du renouvellement de la réflexion des victorins, l'occasion pour eux de faire la part entre leur attachement traditionnel à la pensée de saint Augustin et l'influence triomphante d'Aristote, d'exprimer enfin leur résistance aux progrès inexorables de l'Etat moderne mis en oeuvre par les successeurs de saint Louis. A travers la réalisation du Memoriale historiarum, la communauté canoniale fait preuve d'une vitalité insoupçonnée et met au service de l'auteur-maison une équipe modeste qui l'assiste à chaque étape.