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Le mélange des genres PDF

424 Pages·2021·4.113 MB·French
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s e Sébastien Motta r n e g s e d e g n a l é Le passé existe-t-il ? Une statue est-elle identique à la M matière qui la compose ? Combien y a-t-il de choses dans e l’univers ? Se baigne-t-on jamais deux fois dans le même L Le Mélange fleuve ? Ces questions paradigmatiques de la philosophie donnent aisément lieu à un type d’enquête qui prétendrait accroître nos c onnaissances : une enquête de métaphysique des genres substantielle. L ’objectif du présent ouvrage est de montrer a qu’il serait égarant de s’y engager. Une telle enquête tt o ontologique est égarante car elle risque – à chaque instant M – d’adopter une c onception c onfuse des termes clés en jeu n e (chose, catégorie, existence, identique, même, monde) et ti Critique de l ’ontologie s a de se rendre ainsi coupable d ’un mélange des genres. b é par l ’élucidation du concept d ’identité S ISBN 978-2-406-10946-4 PHC 13 philosophies contemporaines, 13 philosophies contemporaines sous la direction de Jocelyn Benoist et Bruno Gnassounou 13 Le Mélange des genres Ouvrage publié avec le soutien du Centre Gilles Gaston Granger (UMR 7304) d’Aix-Marseille Université Sébastien Motta Le Mélange des genres Critique de l’ontologie par l’élucidation du concept d’identité PARIS CLASSIQUES GARNIER 2021 Sébastien Motta est maître de conférences à Aix-Marseille Université (CGGG – UMR 7304). Il y enseigne la philosophie et la logique. © 2021. Classiques Garnier, Paris. Reproduction et traduction, même partielles, interdites. Tous droits réservés pour tous les pays. ISBN 978-2-406-10946-4 (livre broché) ISBN 978-2-406-10947-1 (livre relié) ISSN 2426-0010 INTRODUCTION Dire ordinairement q u’il y a un « mélange des genres », c’est dire que se trouve mélangé ce qui ne devait surtout pas l ’être, ce qui aurait mieux fait ou qui ferait mieux de rester séparé, et regretter que l’on écope par là même d ’une situation proprement aberrante. C ’est l ’expression d’un grief et le constat d’une incongruité qui servent alors de base à une sorte de chef d ’accusation : si vous estimez qu’il y a un « mélange des genres » lorsque vous avez affaire – disons – à de la politique-spectacle, à de la pizza à l’ananas, à des intérêts publics qui ne servent au fond que des intérêts privés, ou encore à des jeux de mots sur les devantures des salons de coiffure, vous estimez que s’est opéré un amalgame, et que cet amalgame est de surcroît malvenu. Le problème identifié dans ces situations est alors un problème dans leur assemblage, pas dans leurs éléments : aucun problème, direz-vous volontiers, d ’une part avec l’ananas, et d ’autre part avec la pizza, ce qui pose à vos yeux problème, c’est la réunion des deux. De la même façon, aucun problème avec le spectacle, et aucun problème avec la politique, c’est quand l’un et l’autre marchent main dans la main ou se confondent que votre malaise commence. Il vous reviendra toutefois de dire pourquoi un tel mariage est en définitive malheureux car votre accusation pourra forcément donner lieu à des désaccords et susciter des c ontroverses. À son tour, le présent ouvrage est également tout à la fois le fruit d’une insatisfaction et l ’établissement d ’un diagnostic. Quelle est la source ou l ’origine de ce malaise ? Elle se trouve dans une partie de la production philosophique contemporaine. La cible du présent travail dépasse toutefois sa source car les confusions qui seront épinglées dans les pages qui suivent sont au fond très répandues et se retrouvent de fait bien au delà des productions strictement académiques. En particulier, ce travail est la conséquence d’une gêne face à une certaine tendance, que l’on peut identifier c omme la résurgence ou le renouveau d’une forme lourde et néanmoins décomplexée de spéculations de métaphysique 8 LE MÉLANGE DES GENRES substantielle, spéculations entendues comme des enquêtes théoriques sus- ceptibles d ’accroître nos c onnaissances en dressant des sortes d ’inventaires du réel (autrement dit la métaphysique conçue comme ontologie). Ce sont ces spéculations métaphysiques qui sont accusées d’avoir commis un « mélange des genres1 ». Ce chef d ’accusation aura du reste un sens plus précis que la vague confusion des sphères que je viens d’évoquer. Le contexte dans lequel se situe ce travail est un contexte dans lequel il est possible (et en fait fréquent) de lire, dans les meilleures revues philosophiques, et chez les meilleurs éditeurs (« Meilleurs » au sens d’influents), des traités, des chapitres, des monographies ou des articles entiers c onsacrés à nous dire, à nous apprendre ou à nous révéler ce qu’il y a et ce qu’il n’y a pas dans le monde, des ouvrages cherchant à défendre ou à nous convaincre qu’il y a dans le monde ceci mais qu’il n’y a pas cela ; ou au c ontraire qu’il y a cela mais qu’il n’y a pas ceci – par exemple qu’il y a des tropes (mais qu’il n’y a pas d’universaux), qu’il y a des phrases (mais qu’il n ’y a pas de propositions), q u’il y a des mondes possibles (mais q u’il n’y a pas de mondes impossibles), q u’il n ’y a pas de tables et de chaises (mais q u’il y a en revanche des agrégats ou des entités abstraites), q u’il n’y a que le présent (mais que n ’existent ni le passé ni le futur), et ainsi de suite. Ce genre de questions existentielles et les positions ontologiques qu’elles génèrent c onstituent une partie importante des débats agitant la philosophie c ontemporaine dite analytique depuis maintenant une cin- quantaine d’années. Les auteurs y rivalisent d ’ingéniosité et de subtilité pour soutenir, défendre, ou embrasser de telles positions. Bien entendu, il existe une vénérable lignée s ’inquiétant ou même s’alarmant de la fougue et des ardeurs spéculatives d’une telle dis- cipline putative qu’on appellerait métaphysique et dont la fonction serait d’accroître nos connaissances en répondant à de telles questions ontologiques. Au demeurant, une partie importante de la tradition analytique s ’inscrit d’ailleurs sans mal dans cette lignée. Dans une certaine mesure, le présent travail se situe dans la filiation de cette vénérable tradition (tradition que l’on qualifierait volontiers de critique). Les reproches adressés à la métaphysique sont toutefois aussi connus que 1 Je précise immédiatement que le terme de « genre » ne doit évidemment pas ici se comprendre en référence à ce que l’on appelle aujourd’hui les « théories du genre » (les gender studies). Il ne sera donc pas question dans ce livre d’opposer ou au contraire d’identifier le genre et le sexe, par exemple. Ce sera un des objectifs du chapitre p. 97 que de saisir le sens de ce terme de « genre ». INTRODUCTION 9 divers : la métaphysique serait tour à tour gratuite (faute de méthode nous permettant de justifier nos propos prétendument métaphysiques, nous pourrions tout aussi bien tenir des propos inverses ou opposés), stérile (ne produirait aucun résultat digne de ce nom – aucun résultat qui puisse être reconnu par tous comme un résultat indiscutable ou établi), ou encore inutile (les questions posées se situant au delà de nos capacités d’y répondre ou dépassant les conditions d’intelligibilité requises pour avoir affaire à des propos ayant un sens), etc. Il n’y a dès lors pas qu’une seule façon de s’inscrire dans cette tradition (tradition ainsi unifiée de manière purement négative). Parler de renouveau ou de résurgence de la métaphysique présuppose qu’elle ait pu – ne serait-ce qu’un temps – disparaître. Je pense qu’il y a quelque chose d ’illusoire à prendre trop au sérieux cette idée, et à soutenir que c’est ce qu’il a pu effectivement se produire à un moment ou à un autre. Je ferai allusion à ce qui peut justifier ces réserves dans la note 28 p. 340 ci-dessous. Cette idée que la métaphysique aurait disparu un certain temps repose en effet certainement sur une c onception trop linéaire et forcément sélective de l ’histoire de la discipline. Puisque ce n’est pas mon propos d’en faire l’histoire (pas même l’histoire toute récente), je m’épargne d’avancer ces grandes narrations, et propose, plus modestement, de répondre à ce que j’identifie comme étant des tendances. « Tendances » compris en deux sens : à la fois au sens des « modes » car il y a certainement des modes dans les productions académiques comme il y a des modes dans les productions textiles – mais également au sens des « dispositions » car nous avons tendance, soutiendrais-je, à tomber dans certains écueils récurrents identifiés dans le présent travail lorsqu’il s’agit de c onstruire des théories, et plus généralement dès lors qu’il s ’agit de penser ou de juger. On trouve dans la littérature philosophique, et sans aucun mal, des exemples en masse de ce que l ’on appelle la « métaphysique analytique » quand on aurait peut-être pu croire un temps que cette expression était oxymoronique. Ces discussions de métaphysique analytique s’insèrent dans des sortes de chambre d’écho (typiquement à travers un réseau de revues, de monographies, et par le jeu des citations) dans lesquelles de nombreuses thèses deviennent des présupposés et ne sont de ce fait jamais (ou très rarement) examinées ou questionnées. En outre, des c onditions extérieures bien connues pesant sur la production philosophique contemporaine 10 LE MÉLANGE DES GENRES tend – sans doute parce qu’elle s’inscrit désormais dans un processus guidé de toutes pièces par une idéologie néo-libérale dans laquelle les notions « d ’innovation », de « performance » et de « c ompétition » sont surévaluées – à concentrer les attentions sur une fenêtre de publication excédant rarement une dizaine d’années, incitant ainsi les autrices et auteurs à entrer dans la course à l ’originalité de circonstance. Face à cela, il peut certainement y avoir quelque chose de bon (de salutaire) à rappeler, à remettre au goût du jour et peut-être même à approfondir des considérations critiques dont l’objectif est précisément de calmer l ’inflation métaphysique ( d’en dégonfler les prétentions), des considérations qui ont donc un temps eu une certaine influence et qui, pour une raison ou pour une autre, ont été oubliées (ou mises de côté). C ’est ce que je me suis proposé de faire dans ce travail en prenant comme angle d’attaque (ou comme « fil rouge ») la notion d’identité. J’aimerais montrer comment des considérations à partir de la notion d’identité peuvent nous mener sur un enchevêtrement de notions voisines ou connexes. Ces notions voisines sont les notions d’objet, de catégorie, d’existence et de réalité. Je ne prétends pas que cet angle d’attaque soit la seule porte d ’entrée pour le but que je me suis fixé ; mon propos ne revient pas à dire « c ’est seulement grâce à l ’élucidation de la notion d’identité que nous allons pouvoir nous débarrasser de la métaphysique substantielle et de ses prétentions monstrueuses ». De la même façon, ce ne sont pas seulement les autrices et auteurs issus de la tradition ana- lytique qui sont susceptibles de tenir des propos dont l ’intelligibilité est discutable. Leur résection pourrait au fond être bénéfique pour d’autres traditions philosophiques, voire même – en partie en vertu de la porosité des discours – pour d’autres champs disciplinaires. Je disais à l’instant que les confusions autour de ces questions dépassaient le cadre strictement académique – elles se retrouvent en effet au cœur de débats fondamentaux qui ne sont d’ailleurs pas toujours strictement philosophiques. Cela s ’explique par le fait que des pièges particulière- ment pernicieux se logent dans les notions que j ’évoquais à l ’instant, notions qui ne sont que rarement l’objet de controverses ou de débats explicites et qui balaient pourtant l ’ensemble des disciplines scientifiques (sans égard à la souplesse – molle ou dure – des sciences en question). Cela étant dit, cette notion d ’identité présente un avantage cer- tain : elle jouit d ’une sorte de statut d ’intouchable dans la littérature

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