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LE MATRICULE DES ANGES Erri de Luca PDF

60 Pages·2009·1.55 MB·French
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LITTÉRATURE LE MATRICULE R O M A N S P O É S I E N O U V E L L E S T H É AT R E DES ANGES 39 E S S A I S 5 € j u i n - a o û t 2 0 0 2 Erri de Luca Les éditions Tarabuste LUDOVIC JANVIER • JÉRÔME CHARYN • JEAN-YVES MASSON LIVRES • Ebisu N°25 • Elena Botchorichvili Opéra Carnets du dessert de Lune (Les) • Satomi Ichikawa Mon cochon Amarillo REÇUS • La Marge N°2 • Jorge Edwards L' Origine du monde • Paule Marie Duquesnoy Le Lévrier • Philippe Dumas Comptines coquines • Le Cahier du refuge, spé- Alternatives blanc • Collectif Contes siciliens, le prince cial palindrome • Vladimir Korolenko Le Songe de Makar Castor Astral (Le) d'amour • Comme un terroir dans Amourier (L’) • Pascale Gautier Frères • Christian Oster Le Loup, le géant et l'igloo N°38 • Yves Ughes Décapole Cent Pages le distributeur de chewing-gums • L' Œil électrique N°23 • Juliette Jolivet Tunnel • Arthur Bernard C'était pire avant Editinter • Brèves N°64 • Charles Dobzynski L' Escalier des Cercle d’art • Christian Cottet-Emard Le Grand • Fin N°11 questions • Collectif L' Humanité de l'homme variable • Ouste N°11 • Bai Chuan Éclat du fragment Chambre (La) Elytis • Cancer (numéro spécial) André Dimanche • Pascal Poyet Expédients • Gérard Sansey Fables • La NRf N°561 • Jean-Christophe Bailly Phèdre en Inde • Véronique Janzyk Auto • Claude Peyroutet Les Vitraux de • 22 (montée) des poètes N°39 • Cécile Reims Plus tard • Francis Bérezné La Vie vagabonde Mirande • Le Jardin d'essai N°25 • Edmond Amran El Maleh Mille ans, Champ Vallon En Forêt • Ligne de risque N°17 un jour • Christian Doumet Illettrés, durs • Laurent Grisel La Nasse • Action poétique N°166 Apogée d'oreille, malbâtis Encrage • Décharge N°113 • Michel Dugué Le Chemin aveugle • Mona Thomas La Chronique des choses • Thierry Maricourt Galibot parle • L' Indicible frontière N°2 Arche (L’) • Claude Dourguin Escales Encre marine • Missives N°225 • Biljana Srbljanovic Histoires de Cherche midi éditeur (Le) • Françoise Dastur Dire le temps • Parages N°6 famille/La Trilogie de Belgrade • Gérard Oberlé Palomas canyon • François Cheng Double chant • Écrire & éditer N°37 Arfuyen Cheyne • François Mauriac Mozart • Europe N°876 • Jean-Paul Klée … Oh dites-moi si • Hélène Lanscotte Simplement descendu • Robert Misrahi La Problématique du • L' Animal N°11/12 l'ici-bas sombrera…? d'un étage sujet aujourd'hui • Le Genre humain N°37 Arléa • Hélène Clerc Têtapoux Escampette (L’) • Frictions N°5 • Didier Lahais Lettre à Jean Circé • Giuseppe Conte Villa Hanbury & autres • Arsenal N°6 • Anne Le Cam Paris pour le pire • Ossip Mandelstam Le Deuxième livre poèmes • Propos de campagne N°12 • Érasme Plaidoyer pour la paix (1916-1925) • Pierre Peuchmaurd Bûcher de scève • Auteurs en scène N°4 • Jean-Claude Guillebaud L' Esprit du • Jon Fosse Melancholia II Esprit des péninsules (L’) • I rouge N°21, N°22 lieu Citadel Road Éditions • Antonio Elio Brailovsky Maudite luxure • Présages N°14 • Ignace de Loyola Exercices spirituels • Marie-Josée Christien Sentinelle Ether vague • Les Cahiers de Prospero N°12 (précédés de)Le Testament Climats • Yvan Serouge Ceux qui restent • Cahiers de la Villa Gillet N°16 Arpenteur (L’) • André Gardies Derrière les ponts • Marcel Moreau Le Bord de mort • Le Foudulire N°7 • Mylène Couton Noir métal • Renée Granat Quand tout fait défaut Farrago/Léo Scheer • Contre-allées N°11 Atalante (L’) Comp'Act • Catalina de Erauso La Nonne Alferez • Le Passe-Muraille • Arthur Keelt Le Merle • Jean-Pierre Ceton Les Voyageurs • Louis Chadourne Le Maître du navire • If N°20 Atelier Akimbo modèles • Jean-Paul Curnier Aggravation • Bulletin de l'association études Jean-Ri- • Thierry Acot Mirande Ceux qui blessent • Henri Jaboulay Le moins du monde (1989-2001) chard Bloch Atelier de l'Agneau (L’) • Florence Pazzottu L' Accouchée • François Cariès Enfin • Jim N°2 • Jean Maison Géométrie de l'invisible Complicités Fata Morgana • Le Passant ordinaire N°39 • Christophe Manon Ruminations • Bruno Streiff Le Peintre ou le philosophe, • Lionel Bourg Les Chiens errants de • La Sous-cape N°2 • Jean Maison Géométrie de l'invisible ou Rembrandt et Spinoza à Amsterdam Bucarest • Le Coin de table N°10 Atelier La Feugraie Coop Breizh Fayard • Conférence N°14 • Giorgio Caproni Le Mur de la terre • Tristan Corbière Armor & Gens de mer • Hubert Haddad Quelque part dans la • Polystyrène N°52 Au signe de la Licorne • Charles Le Goffic Le Pirate de l'île Lern voie lactée 10/18 • Manuel Alba L' Homme qui trottine… Corridor bleu (Le) • Patrick Da Silva Depuis • Vladimir Nabokov Une beauté russe Autrement • Evelyne ‘‘Salope’’ Nourtier Écrits Fides • Caroline Roe Consolation pour un pécheur • Robert Laxalt Basque Hotel, Nevada Cygnes (Les) • Edna O’Brien James Joyce • Colm Tóibín Désormais notre exil • D.H. Lawrence L' Arc-en-ciel • Julien Marcland Neige • Edmund White Marcel Proust • Victor Hugo Le Droit et la loi et d'autres Autres et Pareils/ La conscience • Géraldine Keiflin Laisse passer les anges Flammarion textes citoyens du vilebrequin • Catherine Verlaguet Sous l'archet d'une • Nicolas Richard Les Cailloux sacrés • Lauren Haney Le Visage de Maât • Patrick Sainton Comment et pourquoi contrebasse • Alberto Moravia Histoires de guerre • Antonio Tabucchi Une malle pleine des portraits de carton, scotch, ficelle, Dé bleu (Le) et d'intimité de gens papier,etc. • Ariane Dreyfus La Belle Vitesse • Philippe Clerc Rendez-vous sur la Roya • Lauren Haney La Main droite d'Amon Baleine • Georges L. Godeau La Vie est passée • Denise Le Dantec L' Estran, autour • Ugo Riccarelli Un nommé Schulz • Sylvie Desilles De deux choses lune Dé bleu (Le)/Écrits des forges d'Île Grande • Herman Melville Le Paradis Balthazar • Thierry Renard L' Éclosion du coquelicot • Jean-Dominique Rey Berthe Morisot, des célibataires • Michel Foissier Devenu muet Delbor théâtre la belle peintre • David Baddiel L' Amour Bartavelle (La) • France David Les Spectateurs • Magali Wiéner La Poésie à travers • Dashiell Hammett Histoires de détective • Bernard Baritaud Le Passager Deleatur les âges (Vol. 1 et 2) du demi-siècle • Jean Cagnard L' Homme, l'homme, Folio • Lucía Etxebarría Beatriz et les corps • Claude de Burine Les Médiateurs l'homme et l'homme • Régine Detambel Graveurs d'enfance célestes • Carole de Sydrac D'arches, et d'alliances • Denis Johnson Un pendu ressuscité • René Frégni On ne s'endort jamais seul • Pierre Charras Comédien Bartillat • Mariella Mehr Noir sortilège • Jacques Courrière Jacques Prévert • Edmund White L' Homme marié • Hans Wisskirchen Thomas Mann • B.M. Spaight Dieu était sur le mur en vérité • Philip Hensher Le Nom sur la porte et les siens Denoël • Guy Goffette Elle, par bonheur, et • Barbara Trapido L' Épreuve du soliste Baudoin Lebon • Helena Noguerra L' Ennemi est à toujours nue • Edward Marston La Folle courtisane • Pierre Joinul Mézavi l'intérieur • Jacqueline Chénieux-Gendron «Il y aura • C.-L. Grace La Rose de Raby Belfond • Rémi Cassaigne Transports une fois», une anthologie du surréalisme Actes Sud • Gohar Marcossian Pénélope prend • Alice Massat Les Forces de l'ordre • Marie Nimier La Nouvelle Pornographie • Héctor Tizón Deux étrangers sur la terre un bain • Dorit Rabinyan Larmes de miel • J. M. G. Le Clézio Cœur brûle et autres • Giorgio Pressburger La Neige et la faute • Heidi Julavits Des anges et des chiens • René Nicolas Ehni Algérie roman romances • Stefano Benni Spiriti • Matthew Kneale Les Passagers anglais • Roland Gori Logique des passions Gallimard • Claudio Piersanti Le Pendu Blanc Silex • A. S. Byatt Histoires de feu et de glace • Juliette Kahane Fabrique • Virginie Lou L' Œil du barbare • Jacques Josse Jules Lequier et la Desclée de Brouwer • Alain Duault Où vont nos nuits perdues • Mohed Altrad Badawi Bretagne • Françoise Kerisel La Lanterne de • Marie-Thérèse Schmitz L' Amour • Arezki Mellal Maintenant ils peuvent venir • Hervé Bellec Le Beurre et l'argent du Diogène au diable • Saïd Al-Kafrawi Le Kiosque à musique beurre Différence (La) • Françoise Nicoladzé La Lecture et la vie • Espido Freire Pêches glacées • Jehan Despert Saint-Pol-Roux et la • Jean-Jacques Brochier Danger! Secte • Danièle Sallenave D'amour • Sébastien Lapaque Mythologie française Bretagne verte • Guillevic Quotidiennes • Hallgrímur Helgason 101 Reykjavík • Marc Le Gros Roger Judrin et la • Michel Waldberg La Parole putanisée • Corinne Lovera Vitali Nitti • José Carlos Somoza La Caverne des idées Bretagne • Alexandre Vvedenski Œuvres complètes • Amos Oz Seule la mer • Paul Auster Le Livre des illusions • Hervé Carn Benjamin Péret et la • Patrizia Runfola Leçons de ténèbres Gallimard (découvertes) Actes Sud-Papiers Bretagne • Daniel Habrekorn Les Splendeurs • Frédéric Martel La longue marche des • Guillaume Le Touze Les Nuits de Léo • Bernard Berrou Le Rendez-vous irlandais du progrès gays Actes Sud/Leméac Bleu autour • Marie-Claire Bancquart Paris Gallimard (L'imaginaire) • Hubert Nyssen Zeg ou les infortunes de • Philippe Bohelay Chibanis «fin-de-siècle» • Rabindranath Tagore Le Vagabond et la fiction • Leïla Soazig Sebbar/Jean-Michel • François Augiéras Le Diable ermite autres histoires Actes Sud/Sindbad Belorgey Femmes d'Afrique du Nord Dilettante (Le) • Thomas de Quincey De l'assassinat • Collectif Le Droit au retour (le problème Buchet Chastel • Anna Rozen Méfie-toi des fruits considéré comme un des beaux-arts des réfugiés palestiniens) • Marie-Hélène Lafon Liturgie Droz • Leonardo Sciascia Les Oncles de Sicile • Abdou Filali-Ansary L' islam est-il • Anne Guglielmetti Le Chas de l'aiguille • Sylviane Coyault-Dublanchet Gallimard-jeunesse hostile à la laïcité? Cadex La Province en héritage (Pierre Michon, • Erik L’Homme Le Livre des étoiles Agnès Pareyre • Nathalie-Noëlle Rimlinger L' Impossible Pierre Bergounioux, Richard Millet) (Vol I et II) • Sylvain Goebels Cadastre manque École des Loisirs (L’) • Victor Hugo Chanson pour faire danser • Marie-Laure Dagoit Et les lèvres et • Jean-Pierre Chambon Goutte d'eau • Dominique Souton Quand on raconte en rond les petits enfants la bouche • Monique Viannay La Toile de la fontaine des histoires horribles, il arrive des • Francis Jammes Prière pour aller au • Isabelle Nicou Parésie • Francis Dannemark 33 voix histoires horribles Paradis avec les ânes Al Dante Cadex/Fata Morgana • Tran Quoc Trung Pigeons : mode • Claude Roy Farandoles et fariboles • Laure Limongi Éros peccadille • Joël Vernet Lettre d'Afrique à une jeune d'emploi • Marissa Moss Le Cahier d'Amélia • Jérôme Gontier (Ergo sum) fille morte • Valérie Dayre C'est la vie, Lili • Arthur Ténor Le Bouffon de chiffon Al Manar Cadratins • Stéphanie Blake Les Poissons rouges • Jacqueline Wilson Ma chère momie • Abdellatif Laâbi Petit musée portatif • Bernard Manciet Cobalt • Louise Erdrich Omakayas • Ann Brashares Quatre filles et un jean Allusifs (Les) Caractères • Moka Un sale moment à passer • Pan Bouyoucas L' Autre • Bertrand Renaudin Optimiste • Gaye Hiçyilmaz Le Guetteur *Sélection des ouvrages reçus avant le 30 avril 2002 02 LE MATRICULE DES ANGES N°39 www.Lematricule.net Paris.Le 1ermai 2002 Merci et n n o B e m ô ér J © L’ANACHRONIQUE La correctrice Un mois après l’envoi du roman, j’avais reçu les premières épreuves -appelées «non corrigées», c’est-à-dire que l’éditeur n’était intervenu que sur la mise en forme du texte. Elles comportaient dans les marges des annotations manuscrites qui portaient cette fois sur le sens et sur l’orthographe. «Sur», par exemple, y aurait été repéré -trois fois en trois lignes- et puis tiens, tant qu’on y était, «cette fois» aussi ( on aurait lu, au feutre fin, «Cette fois»?Je n’en vois pas d’autre…). Un Chronopost. Je ne l’avais pas ouvert tout de suite. Au téléphone, on m’avait dit, Des broutilles, presque rien… Je sais dorénavant qu’il ne faut pas croire ce ton anodin; on craint de vous fâcher, voilà tout. Les didascalies couvraient certaines pages au point que dans les moments d’humour, je cherchais la mieux ornée. De retour sur terre, je n’avais pas de mots assez durs envers moi-même. C’était un travail d’écrivain que j’avais sous les yeux, un feuillet égaré d’un VRAI manuscrit, questionneur, intelligent, fouillé. Certes, mais pas Éric Holder le mien. Je me mis au travail de façon effarée: je savais que j’en laissais passer, mais autant de bêtises confinaient à une joyeuse imbécillité. La maison pouvait brûler, l’ur- gence commandait de ne laisser filer l’état de ce roman sous aucun prétexte. À la fin de la première journée de travail, j’écrivis une dédicace, un rectificatif plutôt. J’aurais demandé qu’on le plaçât en début de volume, restituant à ce dernier la maternité de la correctrice. Jusqu’à présent, j’avais cru que sa tâche consistait à débusquer la tournure malhabile, le tic langagier, la faute d’in- advertance. Or l’inadvertance, pour qui sait lire, est hautement significative, je l’appris immédiate- ment. Un exemple? Claude, incorporé à la fin des années cinquante, étudiant en médecine. J’avais écrit à son propos -dans ma tête, il était clair qu’il s’agissait de sa génération- «Nous étions ces jeunes gens qui relevions du bout du pied, en rica- nant, de vieux chefs implorant d’épargner leur village…» Nous?interrogeait le feutre fin, et l’on entendait, Est-ce que vous croyez sincèrement que person- ne en France n’était pour le peuple algérien? Vous êtes sûr de ne pas vous rappeler le manifes- te des 121, dites? Et que Lindon avait mouillé sa chemise pour publier Alleg? Entre autres choses, hein. Je vous dis ça en passant. Et puis «jeunes gens»… Qui c’est? les gens… «Relevions» ou «relevaient»? Des conneries de ce genre, j’en avais marqué cent. De ce genre? Pas sûr. Je m’aperçus le deuxième ©Nicolas Douez jour que je n’étais pas irrémédiablement perdu. Ces grosses étourderies, là, dont j’avais taché le texte, commençaient à se défendre. Les répétitions -comme les arbustes, elles exigent selon la norme d’être plantées à au moins un mètre les unes des autres- regimbaient à l’éclaircissage. Si «dans» était écrit plusieurs fois, c’était que ça lui arra- chait la gueule, au texte, de se retrouver avec des berlingots: «parmi lesquels» ou «au sein de». Le surlendemain matin, je me rendis au travail dans un drôle d’état: en gants blancs, un peu circonspect. Je m’étais demandé si cela valait la peine, virgule, d’écrire. À présent, j’en retrouvais les motifs profonds. Claude n’y connaissait rien en art. À preuve, il énumérait quelques noms de peintres qu’il avait retenus avec application. Un trait noir avait entouré celui de Van Dongen et renvoyait à un commentaire qui s’achevait par Mêmemoi jeconnais. Ttt, tt, tt. Nous ne fréquentions pas les mêmes incultes, et d’évidence, côté feutre, on n’avait pas attendu l’âge de vingt- cinq ans pour se rendre à une première grande exposition. Je ne tins pas compte de la remarque, avec une sorte de joie sourde. Celle-là avait pris toute la place, la dernière page du manuscrit achevée, et le roman cette fois dûment paraphé. Je savais pourquoi je n’avais pas écrit certaines phrases, et certains mots resteront à leur place. Jacques Rebotier, dans un entretien donné à cette revue, Le Matricule des anges, se disait frappé par le radical commun à «mot» et à «muet», mutus. Sans doute est-on en droit de demander aux écrivains de la fermer, de temps en temps, à moins qu’ils y parviennent sans l’aide de personne. Mais un examen approfondi de mutusnous apprend que le terme reproduit le son inarticulé d’un muet, lorsqu’il essaie de parler: Mout, mout, mout! Ce qui signifie en clair: Écoutez-moi! C’est im- portant. Nous nous avançons (tous. Tous les écrivains.) sur l’estrade en faisant Mout, mout, mout! Les correctrices ont raison de refuser de paraître. Je nous trouve cependant du courage. Éric Holder 04 LE MATRICULE DES ANGES N°39 www.Lematricule.net S’ouvrir SOMMAIRE En votant pour l’extrême droite le 21 avril der- nier, des millions de Français se sont prononcés epno ucr ounnnea ipsoslaitnicqeu ed dee c faeursmee touur ei.n Fsetirnmcetitvuerem aeunxt L’Auteur Erri de Luca autres, repli sur soi. Certains par pure xénopho- p.14-21 bie, d’autres par angoisse. De ses années d’ouvrier et de militant engagé, l’écrivain Depuis bientôt dix ans qu’il existe, Le Matricule napolitain a façonné une œuvre âpre et lumineuse. des angess’est voué à défendre la littérature comme expression, chemin, démarche vers l’autre, vers plus de connaissances, vers plus d’ouverture. Depuis dix ans, nous voulons pro- L’Éditeur Tarabuste mouvoir toutes les voies qui explorent l’inconnu en nous et hors de nous, toutes les voix qui font p.12-13 À Saint-Benoît-du-Sault, Claudine Martin et Djamel entendre l’autre en nous et hors de nous. Malgré Meskache construisent avec patience leur fabrique poétique. notre nom, nous voulons le faire sans angélis- me, refusant de mettre dans le même panier les Ludovic Janvier Silence livres qui nous émeuvent et les produits fabri- qués pour être vendus par palettes. p.30-31 Le rythmicien enragé ouvre son répertoire Inutile de dire combien le 21 avril au soir nous étions effondrés, meurtris. Après l’abattement, les sentiments divers qui nous ont assaillis en Jérome Charyn Trafic fonction de nos sensibilités (colère, honte, tris- p.36-37 À New York, le commissaire Sidel est à ses ordres tesse), il s’agit de reconsidérer le travail accom- pli depuis dix ans. De remettre en cause les moyens avec lesquels nous avons suivi l’actua- Dinis Machado Verbe lité littéraire, donné la parole à des écrivains, p.39 Le chef-d’œuvre retrouvé d’un Portugais détonant des éditeurs, des directeurs de revues. La littéra- ture, l’art, font rejaillir la richesse que l’homme peut acquérir à fréquenter les espaces de l’altéri- té: les nouvelles formes, les nouvelles voix, les Jean-Yves Masson Eden nouvelles sensibilités. L’ouverture à laquelle la p.48-49 Inspiré, son festin céleste est délectable littérature appelle, grandit l’homme, aiguise ses émotions, lui fait toucher le sentiment d’être en vie. Mais l’art, la littérature ne sont pas la cultu- Fabrice Combes re et nous devons nous interroger sur certaines pratiques culturelles qui, malgré les bons senti- p.60 Les deux larrons aiment les contraintes et les tomates Marché ments qui les engendrent, peuvent conduire vers Gilles Moraton la mort de ce qu’elles pensent défendre. Conscient que la société du spectacle et de la L’Anachronique p.4 consommation engendre une exclusion de la pensée et de l’art, notre pays a mis en place des d’Éric Holder aides et des actions pour maintenir vive une Théâtre p.6-7 création dont il a besoin, notamment pour sa Jeunesse p.8-9 grandeur. Mais ce système engendre des effets pervers dont celui qui voit les acteurs culturels Revues p.10-11 (dont nous sommes) œuvrer de plus en plus ex- clusivement pour d’autres acteurs culturels, ou Repères p.22 leur financeurs. Le petit monde de l’ouverture se replie ainsi sur lui et les autres (laissons le Premiers romans p.24 mot de «public» au spectacle) sont exclus. La littérature ne peut rien pour résoudre la dé- Événement p.25 tresse liée aux réalités économiques et sociales. Valérie Rouzeau En revanche, elle dit assez ce qu’est le monde, Domaine français p.26-33 ce qu’est la vie pour désigner et prouver l’inani- té des réponses xénophobes exprimées par cer- Domaine étranger p.34-44 tains. Il ne sert à rien de répéter cela à ceux qui en sont convaincus. Il faut le proclamer à tous. Il faut, plus que jamais, défendre la lecture pu- Poésie p.45-52 blique et au sein de celle-ci la lecture d’œuvres littéraires, il faut, plus que jamais, exiger qu’une Poches p.53 place plus grande soit faite à la pensée, dans les médias, dans les manifestations, dans tous les Essais p.54 lieux publics. Il faut refuser la spectacularisa- Les Intemporels tion marchande de la création. Il nous faut être p.55 André Hardellet intransigeant envers ceux qui, par intérêt, veu- lent nous abêtir. Il faudra l’être aussi envers Histoire littéraire p.56 Les égarés, les oubliés nous-mêmes. Nous le serons. p.57 Marie Borrély Thierry Guichard Bulletin d'abonnement page 59. Photo de couverture: Olivier Roller 05 LE MATRICULE DES ANGES N°39 www.Lematricule.net THÉÂTRE Éclopés de la langue L’ABUS Gilles Laubert crie de Gilles Laubert éructe l’itinéraire douloureux de la vie GILLES LAUBERT la langue. L’écrivain Les Solitaires Intempestifs commence son récit et de la langue d’un jeune homme, victime de L’Abus. 46 pages, 7 e par un prologue où le Des lambeaux de phrases pour en finir avec la chair. narrateur est victime d’une agression pédophile à l’âge de 6 ans : «Tout cul par-dessus tête j’étais. Tout le zizi je Ce qui est déroutant dans ce monologue, c’est la ces putrides. Ces Atrides. Ces atrocités. Ces le savais plus. Tout à moi le petit garçon que collision entre un récit très intime et une vision foies dévorés. Ces yeux crevés. Ces malédic- j’étais il était parti. Volé. Tout il était mort. à vif du monde. La mise à nu plonge à l’inté- tions…»Et l’écrivain avance un désir qui réson- Mort il était. Tout l’institueur déjà battu il rieur même des tripes. Ainsi, dans une séquence, ne particulièrement en ces temps inquiétants où m’avait…»La langue en ressort explosée. «Et l’écrivain place son narrateur dans le ventre de la langue est de bois: «Ô mes pauvres cocus de l’institueur le touchait, le tuait, le terrorisait, le sa mère, demandant à son père de se retirer pour l‘histoire! Ô mes agneaux assassinés, exploités malmenait, le pendait par la langue au tableau ne pas devoir venir au monde. Et dans le même muets ne le restez pas. Analphabètes, ano- noir». Cette langue pendue, toute noire trempée temps, le monde et ses guerres, en particulier rexiques de mots ne le devenez pas. Vous, tous dans l’encrier, est l’image de cette amputation celle d’Algérie et la Deuxième Guerre mondia- ceux des légions des enfants maltraités, vendus, de soi. Se succèdent alors toute une série de ta- le, sont englouties dans les tripes… Gilles Lau- exploités, le dos courbé sur les métiers à tisser bleaux, comme l’Histoire de l’enfant avant qu’il bert mêle la violence intime à celle du monde, et (…)laissés sur le pavé langue coupée, mains ne naisse!ou encore L’éducation politique du l’endroit de convergence de ces deux violences arrachées, sans l’écrit, dans le silence du jeune homme!, des séquences tout en interjec- est la langue. Pour l’écrivain, être privé de meurtre, vous tous mes frères humains, éclopés tion. Le narrateur se perd dans toutes sortes d’er- langue, c’est être dépossédé du monde et de sa de la langue, une tour de Babel nous finirons rances, de haines, de combats, de fuites qui le propre humanité. bien par l’habiter. Ô mes camarades! Il faut in- mènent jusqu’à l’alcoolisme. Au bout du comp- C’est à 38 ans que le narrateur voit la «douleur venter des poèmes, des chants, des mots nou- te, chaque dérive est une manière d’«aligner les se sécher au soleil du midi» dans la clinique du veaux à faire pâlir les proxénètes, à faire rougir mots, pour enfin les mettre à la redresse de son Centre d’Action et de Libération des Maladies les bourreaux, à soulever les voiles des palais, à corps; pour enfin qu’il soit propre, en ordre, ce Éthyliques. Le temps pour lui de la reconquête révolutionner la terre.» Un idéal de société on corps de l’extrême…»La langue est éructée, vi- de la chair par le verbe. Le moment où la langue ne peut plus d’actualité. rulente, très sonore. Comme des lambeaux de peut «se languir»et enfin dire le flux de l’his- phrases pour essayer d’en finir avec la chair. toire. L’âge aussi de grandir et d’«en finir avec Laurence Cazaux Le miracle au racloir LES PROSCRITS JÓHANN SIGURJÓNSSON 11 SEPTEMBRE 2001/11 SEPTEMBER 2001 peut faire penser à celle de l’évangéliste dans Traduit de l’islandais par MICHEL VINAVER les Passions de J. S. Bach». Raka Asgeirsdottir et Nabil El Azan L’Arche Mélange de voix, celles des passagers des Éditions Théâtrales/Maison Antoine Vitez 72 pages, 9,50 e 88 pages, 14,50 e avions, des contrôleurs aériens, des employés des diverses sociétés des Twin Towers, un Il y a certains événements qui marquent à ja- compte rendu des feuillets d’instruction aux Avec Les Proscrits, voici (re)traduite une des mais les esprits. Les attentats du 11 septembre terroristes, mêlées avec les voix de Bush ou de pièces majeures du répertoire islandais. Son contre les Twin Towers et le Pentagone ont Ben Laden… Avec ce temps compté, ces mi- auteur, Jóhann Sigurjónsson est né en Islande modifié notre perception du monde. Difficile nutes qui passent impitoyablement entre le en 1880. Il part à Copenhague en 1899 faire de dire exactement de quelle manière. Écrire premier crash et l’effondrement de la deuxiè- des études vétérinaires qu’il abandonne pour pour le théâtre sur le 11 septembre semblait me tour. Des petites voix d’anges coincées l’écriture poétique puis dramatique, plongé impossible. Quelle métaphore théâtrale était entre deux Dieux, celui de Bush ou celui de au cœur d’une activité artistique sans précé- capable de retranscrire la portée d’un tel évé- Ben Laden. Ce texte comporte effectivement dent au Danemark avec Strindberg, Ibsen, nement? Michel Vinaver s’en tient à la réalité. un mélange entre le profane et le sacré, on Comme si, saturé de mots et d’images, il es- pense à un opéra de Philip Glass mais aussi à Munch, Hamsun... Les Proscritsdécrit une his- sayait d’en retenir quelques-uns pour en gar- un mémorial. On retient particulièrement ces toire d’amour hors norme, inspirée d’un fait der précieusement la trace. Vinaver écrit ce petites choses, comme le seau en métal de Jan divers du XVIIIesiècle. Une riche fermière, texte dans les semaines qui suivent le double Demczur, un laveur de vitres. Jan Demczur Hatla, abandonne tout pour suivre un pros- attentat. Une première version en américain, était coincé dans l’ascenseur avec cinq autres crit, Kari, en fuite dans la montagne. Seuls fa- provenant de la lecture de la presse quotidien- personnes pendant l’explosion. C’est grâce à ce à la nature, les amants vont vivre la splen- ne, qu’il traduit en français par la suite. La pu- l’arête métallique de son racloir qu’il a pu per- deur puis la déchéance de leur amour. Ce face blication de L’Arche est donc bilingue. La cer puis découper une paroi, lui permettant de à face est tout aussi fort que celui de Belle du forme de ce texte se rapproche, selon l’auteur, descendre les étages et de déboucher dehors Seigneurd’Albert Cohen. Avec en plus, la tou- «de celle des cantates et des oratorios, se cinq minutes avant que la tour ne s’effondre. te puissance de la nature superbement évo- composant d’airs (à une, deux ou trois voix), «Cet homme avec son racloir, il a été comme de parties chorales (qui, dans la version fran- notre ange gardien», dit l’un des rescapés. Un quée, où les nuages deviennent les rêves de la çaise, restent dans la langue originale,c’est- tout petit miracle au racloir. terre et l’amour les parois d’un glacier. à-dire en américain, ndlr), et de récitatifs pris en charge par un “journaliste”, fonction qui L. C. L. C. 06 LE MATRICULE DES ANGES N°39 www.Lematricule.net THÉÂTRE Magyars moqueurs Les éditions Théâtrales nous offrent la possibilité de découvrir en un volume cinq dramaturges hongrois dont quatre contemporains. Un théâtre à l’humour le plus souvent décapant. LA CUISINE D’ELVIS LEE HALL Traduit de l’anglais par Frédérique Revuz et Louis-Charles Sirjacq THÉÂTRE HONGROIS L’Arche CONTEMPORAIN 88 pages, 9,50 e PÁL BÉKÉS/LÁSZLÓ DARVASI KORNÉL HAMVAI/FERENC MOLNÁR Lee Hall est né en 1967 à Newcastle- KATALINTHURÓCZY Éditions Théâtrales upon-Lyne. Il a reçu plusieurs prix pour 448 pages, 30e ses pièces radiophoniques. Scénariste du film Billy Elliot, il vit aujourd’hui à L’écrivain le plus historique du recueil est l’un Hollywood. Billy Elliotest ce film truf- des premiers à avoir connu une renommée inter- nationale. Ferenc Molnár est présenté comme fé de bons sentiments où le jeune héros, l’une des figures dominantes du théâtre hongrois de famille très modeste, va devoir se du XXesiècle. Il est surtout connu pour sa pièce battre contre son propre père pour faire Liliom. Deux nouvelles traductions, Dent pour dent et Un, deux, trois! nous permettent de mieux le découvrir. Elvis à la sauce Ferenc Molnár est né en 1878 à Budapest. Jour- naliste, il quitte la Hongrie pendant la montée du ménagère fascisme. Il va en France puis s’installe à Holly- ©D.R. wood où il devient scénariste. Il meurt à New László Darvasi signe Helga la folle York en 1952. Molnár est présenté comme le maître du vaudeville à la hongroise. Ses pièces de bourreaux. Roch, bourreau lui aussi, obtient accepter son rêve: devenir danseur. sont très bien construites, avec des dialogues une promotion à Longwy. Mais dépassé par l’his- Dans La Cuisine d’Elvis, tout se passe brillants et rapides. Un, deux, trois! traite de la toire, il va perdre la vie, non sans avoir traversé dans la maison de Jill, une jeune fille de transformation d’un chauffeur de taxi en chef d’en- toute une série d’aventures incroyables, comme la 14 ans qui adore cuisiner. Son père, treprise milliardaire. La toute puissance du milieu rencontre avec Bonarparte, l’exécution de Lavoi- Dad, est paralysé suite à un accident de financier est évoquée avec un brin de cynisme par sier... Là encore, l’humour de l’écrivain est redou- voiture. Sa mère, Mam, décide de ne pas le biais de Norisson, le directeur de banque. Gérant table d’efficacité avec un curieux mélange de naï- arrêter de vivre pour autant et impose son personnel comme les rouages d’une machine, veté et de cynisme, de bon sens et de folie, de son amant, beaucoup plus jeune qu’elle, il met «de l’huile en permanence», avec une déma- sang et de sexe. gogie sans mesure… Pourtant, malgré une critique Helga la folleest le personnage inventé par László à la maison. L’amant en question, sociale et une mécanique bien huilée, cette pièce Darvasi. Helga est accusée d’un meurtre, la pièce Stuart, plutôt sexy, est superviseur de en un acte reste convenue et sans grande surprise. raconte son procès. Un procès troublé par le fait gâteaux pour Marks & Spencer. Il faut Notre préférence va donc à Dent pour Dent, qu’Helga est enceinte. Et que la plupart des no- ajouter, pour compléter le tableau, que conçue comme une opérette, avec une mise en abî- tables de la ville pourraient bien avoir une paterni- le père, avant son accident, avait troqué me assez virtuose. La première scène débute par té à se reprocher. Tous ces petits pouvoirs feront son emploi d’expert géomètre pour re- un long silence. Trois personnages, dont deux au- obstacle à l’établissement de la vérité… vêtir chaque soir le costume d’Elvis teurs dramatiques, s’interrogent sur la difficulté de Jeudis festifsde Katalin Thuróczy provoque moins Presley, son idole. En résumé, tout bien commencer… une pièce de théâtre. Un im- d’intérêt. C’est une œuvre plutôt bavarde qui se tourne autour du sexe, de la bouffe, de broglio amoureux va conduire l’un d’eux à écrire déroule tout au long d’un repas réunissant une ma- la mort, du bonheur et d’Elvis Presley. une pièce de boulevard tellement médiocre qu’elle jorité de personnages âgés, ressassant leur passé. en devient hilarante. Un plaisir divertissant Les perspectives d’avenir, symbolisées par les Les dialogues sont saignants. Les per- brouillant les frontières entre l’art et la vie. quelques personnages plus jeunes, semblent toutes sonnages sont assez cruels les uns avec Le Froussardde Pál Békés est également une piè- figées par ce passé trop lourd à porter... Mais la les autres et se disent des vacheries ce drôle, avec une métaphore sur la montée de la pièce, empreinte elle aussi de lourdeur, devient par comme mots d’amour. Et surtout, les peur tout à fait d’actualité. Une petite forêt résiste moment indigeste. situations sont provocatrices juste ce à l’envahissement de monstres, grâce à la biblio- Cette plongée dans le théâtre hongrois est tout à qu’il faut. Ainsi, Stuart, l’amant de la thèque que possède un certain Froussard. Les per- fait passionnante. Ces auteurs, dans des styles très mère, va devenir celui de la fille pour fi- sonnages semblent tous sortis d’un conte ou d’un différents, dénoncent certaines formes de violence nir par masturber le père, une marque dessin animé. Une vraie fantaisie se dégage de ou d’oppression avec le plus souvent un humour pour lui de profond respect. Tout ceci l’ensemble. Le Froussard place la littérature et très particulier. Un mélange entre violence et déri- se déroule allégrement, sans en fait lais- donc la culture au centre du combat contre ceux sion qui dégage une belle vitalité. qui veulent régner par la peur. Cette pièce mérite- ser de trace en profondeur. Une provo- rait d’être jouée le plus possible en France au- L. C. cation de superficie au bout du compte, jourd’hui, pour un public jeune ou adulte. assez lisse, qui laisse le lecteur assez dé- Le Bourreaude Longwyde Kornél Hamvai se dé- * Pièces traduites du hongrois par Françoise Bougeard, taché de ce qu’il lit. roule pendant la Révolution française et met en jeu Balázs Gera, Delphine Jayot, Sophie Képès, Anna Lakos plus de cinquante personnages, dont une confrérie et Jean-Loup Rivière L. C. 07 LE MATRICULE DES ANGES N°39 www.Lematricule.net JEUNESSE Un frérot pour Léo PIGEONS: MODE D’EMPLOI TRAN QUOC TRUNG L’École des loisirs (Neuf) MARABOUT D’FICELLE père assez violent et dépressif, Amédée en- 102 pages, 7,30 e SÉBASTIEN JOANNIEZ combré d’une ribambelle de frères et sœur), Le Rouergue on échappe aux violons grâce à la voix juste Adrien a deux phobies dans la vie: sa 90 pages, 6 e du petit Léo, le narrateur. Ses phrases disent grand-mère et les pigeons. Il a quelques bien la misère humaine dans laquelle il se amis qui ont le même genre de problèmes Comédien et dramaturge, Sébastien Joanniez débat mais ne s’y appesantissent jamais, pré- dont Julie qui déteste, on la comprend, les a écrit un premier roman pour la jeunesse férant l’humour ou le rêve. C’est un enfant filles qui font les filles. Comme Adrien est après avoir rencontré Guillaume Guéraud, un un peu perdu, timide au point d’avouer que très intelligent, il sait que Freud a sûre- des auteurs phare des éditions du Rouergue. si Nora et lui se sont embrassés, «C’est un Son Marabout d’ficelleévoque avec beau- peu par hasard. Mais elle a pas dit non et ment un truc à dire là-dessus, mais comme coup de tendresse les difficultés d’existence moi j’ai dit oui alors…» Léo n’est pas un hé- l’inventeur de la psychanalyse «voyait du cul du petit Léo. Le garçon habite chez ses pa- ros, pas une victime non plus, juste un enfant partout», Adrien n’a pas envie d’en savoir rents et «pense qu’ailleurs, c’est mieux, mais qui ne met pas bien encore les mots sur ce plus sur son «moi profond». Alors il a monté bon.»Dans l’appartement de l’HLM où ils qui le tarabuste. Sa maladresse permet à une association avec ses amis phobiques, vivent, la télévision fonctionne à plein régi- l’auteur de faire de belles trouvailles dont histoire de ne pas se sentir seul. Tran Quoc me: le père, au chômage, cherche ainsi du celle qui clôt l’attente de la venue d’un petit Trung joue de l’humour pour raconter cette travail… Dans le voisinage, il y a Amédée, frère: «Mon frère est né, il s’appelle Nina. histoire initiatique qui verra Adrien et Ju- petit Sénégalais avec lequel Léo va au foot et C’est ma sœur.» lie repousser leur phobie pour s’accepter surtout «Ingrid et Nora, elles sont copines. Le livre doit beaucoup aussi aux illustrations tels qu’ils sont. Et accepter les autres. Ingrid, c’est la moche.»Léo fait part aux joyeuses et ironiques de Régis Lejonc qui ap- deux filles de son désir d’avoir un jumeau. porte sa fantaisie dans la mise en page. Le On sourit beaucoup à lire ce roman qui Ingrid, qui est intelligente mais peu sensible père est ainsi représenté avec une tête de… souffre cependant de trop de laisser-aller. se moque de lui. Pas Nora qui va, dans la ca- téléviseur, la nuit envahit toute la page et La psychanalyse et l’étymologie sont des ve où il vit, lui présenter un marabout. oblige la typographie à se vêtir de blanc. Sur- plats difficiles à avaler quand on a moins de Sébastien Joanniez parvient à éviter les tout, l’illustrateur a su jouer sur les mots forts treize ans. écueils de la veine réaliste dans laquelle il a du récit: ceux sur lesquels Léo glisse pour ne inscrit cette histoire. Si les personnages pas s’enliser dans la tristesse. T. G. obéissent un tantinet aux clichés du genre (le T. G. Charmants mensonges LA BELLE VITESSE ARIANE DREYFUS/VALÉRIE LINDER Le Dé bleu (Le Farfadet bleu) LE CHAT BOTTÉ Charles Perrault: me chez La Fontaine, l’essentiel réside 51 pages, 7,50 e CHARLES PERRAULT 1628-1703. dans le plaisir du récit. Du reste, à quelle Casterman Membre de l’Aca- édification citoyenne pourraient prétendre La poésie c’est ouvrir une fenêtre. Pas be- 23 pages, 12,5 e démie française, les mensonges d’une bête inventant à son soin de tout connaître du paysage avant instigateur de la meunier de maître le titre de marquis de de le contempler. C’est déjà de l’oxygène querelle des Anciens et des Modernes, Carabas, les terres et le domaine qui vont de le découvrir. La poésie d’Ariane Drey- grand fonctionnaire du Roi-Soleil, accablé avec, jusqu’à duper le roi et sa fille… On fus n’est pas toujours simple pour les d’honneurs et de charges, publiant abon- en retire en tout cas bien du plaisir, d’au- adultes qui veulent à tout prix mettre des damment. Autant dire rien, c’est-à-dire tant qu’ici, si certains passages ont été pas grand-chose qui nous dise encore supprimés «pour des commodités de lectu- noms sur les paysages. Pour les enfants, quelque chose hors des murs universi- re» , ce qui reste du texte original -l’es- elle doit avoir un goût d’évidence. Au- taires. Et puis à 69 ans, voilà qu’il publie, sentiel- est respecté, et qui plus est agré- tant dire d’interrogations. Dans ses si- et encore sous le nom de son fils (alors menté de notes éclairant le sens: un lences, elle appelle à construire des his- âgé de 10 ans), un mince volume intitulé bambin déluré pourrait s’inquiéter des toires. Il y a deux sortes d’évidences dans les Contes de ma mère l’oye. On dira alors «caresses» prodiguées par le roi au mar- La Belle Vitesse: les claires comme «Un qu’il a inventé un genre, le conte de fées, quis de Carabas, et vous de rester interdit. coussin devant,/ un oreiller derrière,/ Paul qu’il a donné une forme littéraire aux Enfin et surtout, le plaisir est revivifié par grossit»et les obscures comme «Le lit est contes traditionnels et du naturel au mer- la grâce des illustrations de Jean-Marc gonflé de peluches. La vie s’appuie dans les veilleux. C’est resté. Relire ces histoires a Rochette (qui, dans la même collection, formes.»On suit dans de courtes notes d’ailleurs aujourd’hui quelque vertu: le donne encore corps au Petit Poucet). docte Perrault ne s’imaginait pas œuvrer Plumes et aquarelles alternent pour que la deux enfants, Paul et Anne, dans des mo- dans le cadre d’une «littérature de jeunes- friponnerie du chat, et son délicieux souri- ments volés au bonheur. Les illustrations se», il ne catéchisait pas. Forcément, Le re, éclatent avec force sur le fond des cos- à la peinture et au collage de Valérie Lin- Chat botté n’apprend pas à digérer le di- tumes Grand Siècle. der sont lumineuses comme des soleils vorce des parents, pas plus qu’il n’indique Pour le dire vite: un ravissant album, par- colorés. Ce n’est pas un livre à lire, mais comment devenir un bon républicain ou ticulièrement soigné. un livre à rêver. rester roide devant la mort. Bien sûr, il y a deux moralités, mais qui est dupe? Com- Gilles Magniont T. G. 08 LE MATRICULE DES ANGES N°39 www.Lematricule.net JEUNESSE Ce soir-là CRAPOU DOUDOU re; ils s’appliquent maintenant à la petite fille. HELEN COOPER Qu’on se rassure: la maman d’Anna, bien que Kaléidoscope non paginé, 12,50e triste et en colère d’abord, comprend ce qui s’est passé. Si elle revient dans la chambre, ce Qu'advient-il quand un enfant perd son n’est pas pour la gronder mais pour clore le doudou? Crapou doudou(lapin blanc ici, pe- livre sur «un gros câlin». Cette histoire est aus- si une histoire de consolation pour le jeune lec- luche préférée ou objet transitionnel selon teur qui pourra relire l’album juste pour appré- les spécialistes de la petite enfance) de l'an- cier ce moment où l’on retrouve un être qu’on glaise Helen Cooper, en mettant les person- avait cru perdre par sa propre faute. nages (petite fille, papa, maman) en situa- On regrettera juste le choix des illustrations qui tion, apporte sinon une vraie solution viennent atténuer l’émotion du texte. En choi- (l'histoire se termine dans un magasin de sissant d’incarner Anna et ses parents en re- jouets ou des lapins en série attendent leur nards, Michel Backès met une distance qui tour), du moins une tentative d'apaisement n’était pas nécessaire. Son trait, volontairement face à cette catastrophe familiale. naïf, semble vouloir désamorcer le drame qui Avec l'aide de son imagination, de celle de se joue. Une façon de dire par avance que tout C’EST MON PAPA! va s’arranger. Heureusement son travail sur le ses parents et des illustrations très british NADINE BRUN-COSME/MICHEL BACKÈS cadre fait un écho juste au texte, notamment d'Helen Cooper (univers guimauve garanti), L’École des loisirs lorsqu’il montre la mère rejetée au pied de l’es- Marie imagine le merveilleux voyage de son non paginé, 11 e calier qui conduit à la chambre d’Anna, dans Crapou doudou pas si perdu que ça. Une jo- laquelle, à contre-jour le papa et sa fille s’ap- lie histoire pour les enfants et peut-être le Il est des écritures qui prennent peu de volume, prêtent à pénétrer. Il est vrai qu’il ne doit pas moyen pour certains parents de dédramati- qui s’effacent d’elles-mêmes à peine tracées. Il être simple d’illustrer le travail d’un écrivain ser des situations moins désespérées qu'elles s’agit de laisser le plus de place au lecteur, ne qui compose avec le silence. n'en ont l'air. pas le diriger mais seulement l’accompagner dans sa lecture. Dans ce registre, on connaît de- T. G. M.-L. P. puis Alex et le silence(Milan, 1990), le talent de Nadine Brun-Cosme, cette façon avec la- quelle elle entrouvre la porte des grands senti- ments, tout doucement, pour qu’aucun courant d’air ne les chasse. Il y a là une délicatesse qui a tout à voir avec l’efficacité: un cadeau sincè- Un pur régal re emballé dans un simple carton sera toujours plus beau qu’un cadeau de circonstance enrobé de papier doré. Et c’est cadeau que cet album C’est mon papa! qui instaure une relation L’OGRE MAIGRE ET L’ENFANT FOU moyen d’accélérer la croissance des Enfants en tendre avec son lecteur. SOPHIE CHÉRER les parquant dans des cages et en leur donnant L’histoire est minimaliste: Anna revient pleine L’École des loisirs (Neuf) des médicaments pour qu’ils grossissent plus d’enthousiasme de l’école. Mais sa maman, qui 78 pages, 8 e vite. Plus d’amour ni de promenade pour les est dans un mauvais jour, dit non à toutes ses enfants, plus de caresses et même plus de envies. Anna boude. Son papa rentré, la gamine Sous la forme d’un conte rondement me- noms. D’ailleurs, précise l’auteur, les Enfants refuse que sa mère participe aux rituels rassu- né, Sophie Chérer explique à ses lecteurs ne sont plus des Enfants mais des «produits». rants de la famille. Elle exclut sa maman de la maladie de la vache folle, et au-delà, Hélas pour les Ogres, les Enfants se mettent à toutes les relations affectives. Nadine Brun- les dégâts que cause le profit mondialisé. trembler, baver et mourir de la maladie de Cosme tourne le dos à des explications psycho- L’Ogre maigre et l’Enfant fou est drôle l’Enfant fou. Une maladie qu’attrapent les logiques trop didactiques. Elle se contente de (d’autant plus que les petits dessins de Ogres qui ont mangé de cette viande malade… dire des faits: Anna refuse que sa mère lui cou- Véronique Deiss sont cruellement co- Il faut ordonner «l’abattage systématique des pe la viande, «Non! Pas toi! Ce soir c’est mon miques) et intelligent. troupeaux dans lesquels ne fût-ce qu’un Enfant papa!». La phrase cruelle reviendra trois fois, Dans les premiers temps de la civilisa- était tombé malade. Par précaution». Et Véro- jusqu’au coucher. Il y a ça et juste ça: à travers tion, les Ogres chassaient les Enfants nique Deiss de dessiner un rouleau compres- le rituel du repas, du coucher et du bisou, Nadi- pour les manger. Il fallait courir les bois seur qui passe sur de mignons petits bambins… ne Brun-Cosme montre le paradis duquel est et les forêts, c’était fatiguant et les Ogres L’Ogre maigre du titre est un résistant: il aime chassée la maman. n’avaient pas d’Enfants à tous les repas. tant les Enfants qu’il ne veut plus en manger. Il Le tour de force consiste ensuite à faire com- Un jour, un Ogre plus malin eut l’idée de est horrifié par le mal qui leur est fait. Mail il prendre que, chassant sa mère de son affection, capturer des Enfants, de ne pas les tuer est seul… C’est avec une colère sincère et c’est elle-même qu’Anna chasse de l’amour fa- tout de suite mais de les conserver, leur beaucoup d’espièglerie que Sophie Chérer a milial. Au moment de dormir, «Anna se retrou- donner à manger, les promener, bref, écrit ce conte où le mal fait aux mots poursuit ve seule avec la petite lampe et son bisou de nous dit Sophie Chérer, les «élever». Et le parallèle entre l’élevage et l’éducation. À papa. Mais ce soir, ça ne suffit pas.» Voilà, le d’en tuer un de temps en temps, un bien méditer. retournement est opéré : les deux mots «ce bon. Mais les ogres n’aiment pas at- soir»annonçaient jusqu’alors le rejet de la mè- tendre. Aussi, l’un d’eux trouva-t-il un T. G. 09 LE MATRICULE DES ANGES N°39 www.Lematricule.net REVUES Tout de traviole f La livraison printanière de La Polygraphe TRAVIOLES N°6 Superbe revue d’art, de littérature et de philosophie, Travioles, sous son e présente un dossier conséquent sur 146 pages, 17 e grand format d’album, se présente, derrière un dispositif classique, comme l’œuvre de Jean-Louis Baudry, romancier (9, rue Lesage 75020 Paris) une sorte de collage collectif sur lequel interviendraient librement les col- r et essayiste discret, compagnon de route laborateurs. Si l’on imagine, dans l’ombre, un chef d’orchestre -Antoine B de la revue Tel quel. L’auteur, dans Le Gallien-, quelques habitués des colonnes de la revue agissent à découvert, qu’ils soient collaborateurs fi- Pressentiment(Seuil, 1962), précisait: dèles -Dominique Noguez, Valérie Rouzeau…- ou membres du comité éditorial -Valérie Grall, Christian «doit son goût à Racine, à Rimbaud. À Jambet, Pierre Dumayet, Sacha Ketoff, Louis Pons. La dernière livraison s’ouvre et se clôt par quelques Proust, surtout.» C’est un peu cet éclaira- petits gribouillages de Valérie Mréjen, légers, enjoués, pleins de laisser-aller, comme le dialogue de char- ge que révèlent les différents intervenants retier qu’échangent un œuf et une poule -qui pourrait être sa mère, non mais! Une manière, peut-être, de de cet ensemble: Jean Thibaudeau, Jean- mettre des parenthèses préventives pour déjouer le délicat «ton compassé»qu’interroge plus loin Jean Michel Rey ou Gérard Titus-Carmel -su- Rouaud dans un petit texte manifeste assumant sa «langue de vieux», puisque «l’écriture a tout son perbe texte par la rêverie réflexive et la temps». Une manière de mieux ancrer, aussi, une suite de fantaisies, une fatrasie, qui n’exclut ni le précé- juste distance qu’il trouve pour approcher dent, ni la réflexion philosophique de Christian Jambet autour du mal, du crime terroriste, qui peut se l’ombre portée par les récits de Baudry. «réclamer de la guerre juste» mais n’est que la «grimace de ce qu’il croit réaliser». Pas de chapelle, ici, Signalons aussi: des textes de l’auteur, mais une revue-étape, un relais, de guingois, qui fait s’interroger, se répondre, textes et illustrations. Des une belle approche de son essai L’Effet ci- dessins de Michel Nedjar en regard des poèmes drus de Valérie Rouzeau errant de la «solitude à toujours néma (1976) par Jean Durançon, des des- où monte le vieux désir»au «sentiment à pleines mains directement d’amour». Des photos du désert de sins en couleur de Maurice Roche, etc. À Florence Dugowson ponctuées par les oasis minimaux d’une petite anthologie de citations poétiques et cela, il faut ajouter le cahier de création spirituelles de Char, Paz, Michaux ou celle de Castaneda «Ton idée du monde est tout. Lorsqu’elle chan- habituel: Arthur Cravan nous dit com- ge, le monde change.»Ou encore, les textes et photos de Macha Makeïeff, attentive aux pouvoirs poé- ment être ou pas américain (ce qui vaut le tiques de «la moindre des choses»-jouets, poupées, petites figurines-, qui se voudrait «l’hagiographe détour). fantaisiste de ces petites saintes, les choses»et «part vers les choses désolées». Du brut, du merveilleux, La Polygraphe N°22/23 que côtoient les poèmes de Jean-Luc Sarré, un abécédaire incorrect signé Turlupin, le très actuel Avenir 270 pages, 16 e de la Corsed’Allais -«Hélvétisons la Corse, telle était ma devise!». Pour conclure bouche bée, on déta- (157, carré Curial 73000 Chambéry) chera une voix nouvelle, un grand zébré d’écriture, rude, direct, qui surprendra plus d’un lecteur. Sofia Queiros. «bande à 40 au moins filles garçons/ mon petit copain 1er/ embrassées techniquement nos Les Moments littérairesont bien délimi- bouches/ bel exercice/ surtout éviter la bave/ bien aspirée la bave/ en embrassant tenir un maximum de té leur champ. Les auteurs ne publient que temps collées/ “bien embrasser”/ interdiction de toucher le corps/ rien à toucher/ une gamine j’te dis/ des textes à la première personne, et larguée en pleurs: petits copains 1errevient après autres petits copains après/ parce que “bien embras- chaque parution comporte un dossier sur ser”/ trop tard trop pleuré». Être de traviole, c’est la richesse. un écrivain reconnu, suivi de textes d’au- teurs inconnus. Le dossier de ce N°7, ou- Pierre Hild vert par Dominique Noguez, est consacré à Gabriel Matzneff, un diariste qui allie le sens du religieux au désir d’honnêteté Litterall Le Magazine du bibliophile dans le récit de ses amours avec de bien jeunes filles. À retenir, les trois pages Cette livraison de Litterall présente une quinzaine Sans concurrent direct, Le Magazine du biblio- d’une belle précision d’Isabelle Buisson d’auteurs allemands venus pour la plupart à l’écri- phile et de l’amateur de manuscrits et auto- qui dit l’étrange douleur nauséeuse de ses ture après la Réunification. Son propos n’est pas graphesa été lancé en octobre 2000 à la grande règles. La peur des odeurs. Cette migraine tant de dessiner les contours d’une nouvelle «géné- satisfaction des amateurs de manuscrits, de re- du ventre a aussi pour effet d’exacerber ration» d’écrivains, mais de prendre acte de liures, de revues et livres anciens. Pour cause, on d’«irrépressibles désirs». Aristie Trendel, quelques inflexions notoires intervenues ces der- leur offre enfin un mag’ en couleur et aéré tandis de son côté, nous donne l’heureuse im- nières années dans le paysage littéraire allemand. que la manne ordinaire de cette clientèle particu- pression d’entendre une voix: sur fond de On peut constater que ces auteurs abandonnent les lière se compose plutôt de grises revues très sé- ses origines grecques, elle évoque aussi thématiques privilégiées de la seconde moitié du rieuses ou de catalogues de ventes aux enchères bien son enfance que son vieil amant. XXesiècle allemand, et tout particulièrement l’in- peu ragoûtants. Entre érudition et vulgarisation, Les Moments littéraires N°7-112 pages, terrogation critique de l’histoire et de ses spectres Le Magazine du bibliophileapporte des informa- 12 e(BP 175 92186 Antony Cedex) (à l’exception des textes de Marcel Beyer et Georg tions sur l’actualité des ventes et des expositions Klein), au profit d’une écriture du réel contempo- et des articles tout à fait sérieux rédigés par des Treizième numéro et donc treizième lettre, rain, d’une interrogation intimiste du «mainte- spécialistes. Large palette d’informations donc, c’est très scrupuleusement qu’R de Réel nant», de l’immédiateté d’un présent sans grande enrichie de portraits (Vercors), d’articles (les en- égrène son alphabet. Au menu donc il est consistance existentielle, ni peut-être non plus vois d’auteurs, une édition en héliogravure de aussi bien question de la Maladie de Mon- beaucoup d’avenir (Wladimir Kaminer, Maike Willy Ronis, les imprimeries privées d’Ancien taigne que de la Mystification du Marti- Wetzel, Tanja Dückers). Cet oubli apparent de la Régime, les fonds précieux des collections pu- chore (devinez!), ou encore du Maître et question du sens devant les effets de surface de bliques, etc.) et d’interviews (Jean-Marc Hovasse, Marguerite. Richement illustrée, ludique, l’existence s’accompagne d’un reflux notable de la biographe de Victor Hugo). Au retour de leurs la revue ne s’enferme pas pour autant dans volonté d’expérimentation formelle: les narrations quêtes papetières, les chineurs disposent désor- une érudition vaine : en témoignent cer- se (re)font simples, linéaires et chronologiques, et mais d’un nouvel organe d’information, à lire en taines analyses pénétrantes ayant trait aux la langue familière, souvent même volontiers pla- complément de la revue Histoires littéraires. Manipulations sécuritaires. R de Réel M- 64 pages- 6,40e te. Des textes pour aller avec l’air du temps… É. D. (31, rue de Saintonge 75003 Paris) N.B. Le Magazine du bibliophile N°15- 48 pages, 7 e Litterall N°12-13- 130 pages, 18 e (La Compagnie polygraphe, 36-38 rue Charlot E.L. , J.G. & G.M. (6, rue Lacharrière 75011 Paris) 75003 Paris) 10 LE MATRICULE DES ANGES N°39 www.Lematricule.net

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Gunnar Evander, Torgny Lindgren, Carl-Hen- ning Wijmark) qui dans les nique, d'Oblomov, le roman de Gontcha- rov. Cet auteur d'origine
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