COUR SUPREME REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE CHAMBRE ADMINISTRATIVE Union - Discipline - Travail « LE JUGE ADMINISTRATIF ET LE CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITE EXTRA CONTRACTUELLE DE L’ADMINISTRATION IVOIRIENNE» 1 I. PREFACE …………..……………………………………………………..……………..….….page 3 II. INTRODUCTION ……………………………………………………………………………… page 5 III. Communications ……………………………………………………………………….……. page 8 a. Leçon inaugurale…….…………………………………………………………….…. Page 9 « Le Conseil d’Etat français et le contentieux de la responsabilité administrative » b. « Le juge ivoirien et le contentieux de la responsabilité extra contractuelle de l’administration ivoirienne ».………………………………………….. Page 16 c. « Responsabilité du fonctionnaire et sanctions disciplinaires : évolution de la jurisprudence »……………………………………….... page 23 d. « Droits et obligations du fonctionnaire ivoirien : modalités de mise en œuvre des sanctions disciplinaires et des voies de recours »…………………………………………………….. Page 33 IV. RAPPORT DE SYNTHESE …………………………………………………………….. page 55 V. CONCLUSION ………………………………………………………………………..…….. page 60 VI. RECOMMANDATIONS…………………………………………………………………… page 62 VII. ANNEXES ……………………………………………………………………..………………. Page 64 1. Allocutions ……………………………………………………………………………. Page 65 2. Sommaire de quelques arrêts en matière de responsabilité administrative …………………………………….…….. page 72 2 3 3 PREFACE Le droit administratif ivoirien cherche encore sa voie ; la reprise du modèle français doit être considérée comme une première démarche, conservatoire qui ne peut cependant le confiner ni le limiter. Il apparaît inévitable que peu à peu, l’écart se creuse entre le modèle et son application en Côte d’Ivoire en fonction de la réalité historique et sociologique. Cela doit conduire à un autre équilibre de la construction de l’ensemble de l’édifice juridique pour le rendre cohérent. L’apport de la Côte d’Ivoire à la jurisprudence administrative française est éloquemment illustré par un arrêt célèbre qui éclaire encore aujourd’hui, l’œuvre architecturale accomplie. C’est l’arrêt Société Commerciale de l’Ouest Africain, dit arrêt du Bac d’Eloka en Côte d’Ivoire, rendu par le Tribunal des Conflits le 21 janvier 1921 qui a introduit la notion de service public à caractère industriel et commercial. Cet arrêt a considéré qu’un bac n’était pas un ouvrage public et a exclu la compétence de la juridiction administrative pour connaître du contentieux de la responsabilité en découlant. Rompant avec cet arrêt et affirmant sa spécificité, la Chambre Administrative dans l’arrêt du bac de Moossou ou arrêt Société des Centaures Routiers C/ Etat de Côte d’Ivoire du 14 janvier 1970, a considéré le bac de Moossou comme un ouvrage public dont le mauvais entretien engage la responsabilité de l’Etat. Si elle s’est bien inspirée et ne manque pas de le faire, à l’occasion, du modèle français, force est d’admettre que la Chambre Administrative affirme et affine de plus en plus, les principes d’une jurisprudence déliée plus encline à fonder son emprise sur les réalités socioéconomiques propres. Sans prétendre avoir atteint la perfection dans cette entreprise, elle n’entend pas moins progresser pour l’avènement d’une jurisprudence administrative conforme aux aspirations des gouvernants et qui répond pleinement à l’attente des administrés. La Chambre Administrative vise, par ce séminaire, à montrer certains aspects de l’œuvre réalisée afin de s’inscrire dans le débat, toujours d’actualité, d’une autonomie plus grande de cette juridiction administrative dans l’environnement institutionnel de la Côte d’Ivoire. Le Président de la Chambre Administrative AMANGOUA Georges 4 5 5 INTRODUCTION Dans le cadre des sessions internes de perfectionnement de ses membres, la Chambre Administrative de la Cour Suprême, a organisé, à l’initiative de son Président Monsieur AMANGOUA Georges et sous la présidence effective de Monsieur TIA KONE Président de la Cour Suprême, un atelier de renforcement des capacités sur le thème : « Le juge administratif et le contentieux de la responsabilité extra contractuelle de l’administration ivoirienne », les 12 et 13 février 2009 à Grand-Bassam (N’SAHOTEL) après le séminaire interne des 30 et 31 juillet 2008 à Grand-Bassam sur le cadre juridique de la gestion foncière en Côte d’Ivoire. Après les mots de bienvenue à l’adresse des personnalités, invités et participants, le Président de la Chambre Administrative a justifié ce séminaire à un double niveau : D’une part, il était nécessaire, comme le précédent, de marquer une pause dans le tumulte du traitement des dossiers pour convier les conseillers à la réflexion sur un thème saillant de leurs activités afin de mieux le maîtriser. D’autre part, le choix du thème s’est imposé en ce que l’administration, comme une entité regroupant des hommes, peut voir sa responsabilité engagée lorsque, dans ses activités quotidiennes, elle commet des fautes ou pose des actes qui causent des préjudices à des tiers. Faire le point de la jurisprudence ivoirienne et de l’expérience française sur cette matière importante qui contribue à garantir l’Etat de droit, était indispensable pour déterminer les règles applicables afin de mieux les appliquer. A la suite, le Président de la Cour Suprême a relevé l’intérêt et l’actualité du thème, salué l’initiative d’organiser ce séminaire et souhaité, compte tenu de l’importance du sujet, que le champ des participants fût élargi. Après l’ouverture des travaux par le Président de la Cour Suprême, les contributions ont été apportées successivement par : - Monsieur TERRY OLSON Conseiller d’Etat français sur « Le Conseil d’Etat français et le contentieux de la responsabilité administrative ». - Monsieur AMANGOUA Georges, Vice-président de la Cour Suprême sur « Le juge ivoirien et le contentieux de la responsabilité extra contractuelle de l’Administration ». - Monsieur BOBBY GBAZA sur « La responsabilité du fonctionnaire et sanctions disciplinaires ». - Monsieur SANOGO Mamadou sur « Les droits et obligations du fonctionnaire ivoirien modalités de mise en œuvre des sanctions et voies de recours ». 6 Les travaux, commencés dans la matinée du 12 février 2009, se sont bien achevés le 13 février 2009 après une visite faite aux autorités de l’administration traditionnelle royale de Moossou et la lecture du rapport final par Monsieur GAUDJI KOUDOU Désiré. 7 8 8 Intervenant : Monsieur le Conseiller d’Etat TERRY OLSON 9 Le Conseil d’Etat français et le contentieux de la responsabilité administrative Je souhaiterais tout d’abord souligner qu’en France la reconnaissance de la responsabilité administrative est intervenue dès 1873 par l’arrêt Blanco du Tribunal des Conflits, soit au cours de l’année ayant suivi la loi Gambetta instaurant la « justice déléguée » et faisant du Conseil d’Etat non plus seulement le conseiller écouté et le plus souvent suivi de l’Exécutif, mais bien un juge souverain rendant ses décisions « Au nom du Peuple français » selon la formule consacrée. Cette concomitance n’est, à mes yeux, nullement une coïncidence. Le passage à la justice déléguée et l’affirmation de la responsabilité de la puissance publique ont mis fin à deux postulats séculaires : - le premier selon lequel les actes pris en application de prérogatives de puissance publique sont par essence inséparables de la souveraineté qui, elle-même, doit échapper à tout contrôle du juge ; - le second selon lequel « le Roi ne peut mal faire », la puissance publique ne pouvant par construction porter tort à qui que ce soit. Depuis près de 140 ans toute la jurisprudence administrative française s’emploie pour une bonne part à creuser ces deux sillons pour améliorer le contrôle de légalité des actes administratifs et améliorer les conditions d’indemnisation des personnes pouvant à juste titre rechercher l’indemnisation de préjudices que l’action de la puissance publique a pu leur causer. Toujours dans le cadre de ces quelques remarques introductives, il me semble intéressant de souligner que la manière dont la responsabilité de la puissance publique est conçue et organisée constitue à certains égards une exception française. En effet, dans certains pays, il y a bien dualisme juridictionnel, ou tout au moins, il existe un ordre juridictionnel administratif autonome, mais ce juge-là n’est précisément pas le juge de la responsabilité de la puissance publique. On peut à cet égard mentionner l’exemple allemand : le juge administratif est un juge de la légalité des actes administratif – un juge réputé et respecté – mais il est juge de la légalité et non juge de la responsabilité. Dans ces pays, lorsqu’on poursuit la réparation du préjudice qu’un acte administratif a pu vous causer, il convient normalement d’obtenir dans un premier temps du juge administratif qu’il annule l’acte litigieux avant, dans un deuxième temps, d’aller devant le juge civil. A cette division des compétences est souvent associée une absence de spécificité de la responsabilité administrative. Ainsi, lorsque la responsabilité de la puissance publique est recherchée, elle est mise en œuvre dans les conditions du droit commun. En d’autres termes, la question est traitée par le juge comme si la responsabilité de la personne publique pouvait être recherchée dans les conditions du droit commun, en réalité comme si la personne publique devait être traitée dans les mêmes conditions que celles qui seraient observées s’il s’agissait d’une personne privée. Le juge civil a la plénitude de compétence en matière de responsabilité, et il fait tout naturellement application des règles dont il est le plus familier. La conséquence en est que l’existence même d’une responsabilité administrative en tant que corpus juridique autonome est d’une certaine façon niée. Telle n’est clairement pas la conception du juge administratif français. S’il admet que, pour des raisons tenant à la simplification de certaines instances, des blocs de 10
Description: