Le jour où ça m'est arrivé

176 Pages·2017·20.95 MB·French

Le jour
où ça m’est arrivé
284836JHK_JOUR_cs6_pc.indd 1 13/06/2017 14:30:46
284836JHK_JOUR_cs6_pc.indd 2 13/06/2017 14:30:46
Martine Legrand
Le jour
où ça m’est arrivé
284836JHK_JOUR_cs6_pc.indd 3 13/06/2017 14:30:46
© Carnets Nord, 2017
12, villa Cœur de Vey, 75014 Paris
www.carnetsnord.fr
ISBN 978‑2‑35536‑255‑2
284836JHK_JOUR_cs6_pc.indd 4 13/06/2017 14:30:46
À la femme aux sacs au bout des bras
284836JHK_JOUR_cs6_pc.indd 5 13/06/2017 14:30:46
284836JHK_JOUR_cs6_pc.indd 6 13/06/2017 14:30:46
Préambule
Ma fille m’a acheté des carnets pour écrire ça.
Pas tellement pour écrire ça, que j’ai un cancer
d’ailleurs, est‑ce que je l’ai, je ne l’ai pas acheté,
on ne me l’a pas donné, je n’ai rien demandé
ça
ou est‑ce lui qui m’a, m’étonnerait, j’aime
beaucoup trop la liberté pour me faire avoir…
non, je ne possède ni ne me fais posséder par ça,
je n’ai pas un cancer, je ne suis pas un cancer, je
suis une femme libre ou presque de soixante et un
ans qui aime écrire rire vivre et à qui la dernière
de ses quatre enfants a offert, pour raconter ça,
des carnets à la reliure cartonnée rouge mat.
7
284836JHK_JOUR_cs6_pc.indd 7 13/06/2017 14:30:46
Aurai‑je la place, dans ces trois petits carnets,
d’écrire non pas , qui ne m’intéresse pas tant
ça
que ça, mais la façon dont on traite ça, la façon
dont une femme libre ou presque de soixante
et un ans qui se retrouve un beau jour (je me
comprends) avec une étiquette ça, est traitée,
parfois bien, et souvent mal, bien maltraitée,
la façon dont moi‑même je traite toute cette
histoire.
Ça, je le précise, n’a ici aucun sens freudien, ça
a ou pas une cédille, « ça », « ca » comme début
alphabétique, phonétique, de cancer, carcinome,
saloperie, saleté, c(r)abe, cas, calamité, calcul, cail‑
lou, carambolage, petit ou gros çaça, comment
ça va ?
Je risque de déborder, de et sur mes petits
carnets.
Ça sera détaillé, précis, sans ellipses.
Je ne sais pas par où commencer, par où conti‑
nuer, mais tant que les souvenirs de ça sont à
vif, je veux tout raconter. Jusqu’à l’écœurement,
jusqu’à la lassitude où j’ai été menée.
8
284836JHK_JOUR_cs6_pc.indd 8 13/06/2017 14:30:46
Je parlerai forcément de moi (puisque ça est
venu se cacher dans mon corps, c’est un peu mon
affaire). Pas l’intention cependant, avec l’emploi
du « je », de déballer toute ma vie. « Je » est un
autre sujet.
Ce que je relate est ma mésaventure, toute
fraîche, avec ça.
Elle est transposable à beaucoup d’autres, car
ça est très courant.
J’ai changé tous les noms, inutile d’aller cher‑
cher Kissékikiafékoi.
Dommage, car les patronymes de certains soi‑
gnants croisés dans mon parcours sont étonnam‑
ment évocateurs : imaginez un docteur Mamère
en sénologie ou une madame Caillaux infirmière
aux prises de sang...
Je ne cible ici rien ni personne.
Je parle du traitement général de ça, tel que
je l’ai éprouvé, par le grand corps médical, par
l’entourage, par moi‑même. De la façon dont on
le considère (le déni et le mépris étant des formes
de considération).
9
284836JHK_JOUR_cs6_pc.indd 9 13/06/2017 14:30:46
Si l’hôpital parisien, proche du Luxembourg et
spécialisé dans le traitement de ça, est reconnais‑
sable et nommé, encore une fois, aucune charge
particulière contre rien ni personne.
Ce récit, je l’espère à la fois subjectif et universel.
284836JHK_JOUR_cs6_pc.indd 10 13/06/2017 14:30:46