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Le guerrier de l'Antiquité classique : De l'hoplite au légionnaire PDF

248 Pages·2004·9.9 MB·French
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GIOVANNI BRIZZI ÉDITIONS DU ROCHER La collection L'Art de la Guerre publie les textes essentiels des cultures stratégiques de tous les continents. J ' "Cl ~.. Cii "S ~ ! ... •! !! ] < ;;~;;';~~~~;; 111111111111111111111111111111 ISBN 2 268 05267 2 9 782268 052670 Giovanni Brizzi LE GUERRIER DE L'ANTIQUITÉ CLASSIQUE De l'hoplite au légionnaire Préface et traduction de Yann Le Bohec L'Art de la Guerre ÉDITIONS DU ROCHER Jea!H'aul Bertrand Préface Le lecteur comprendra que je ne m'attarde pas sur les qualités du Guerrier de Giovanni Brizzi, un livre nouveau, original et intéressant; elles justifient bien évidemment l'entreprise de traduction qui lui est proposée. Dans ces conditions, il sera plus utile de présenter les principales caractéristiques de l'ouvrage. Ce livre est d'abord, fondamentalement, un livre d'his toire, d'histoire générale, d'histoire tout court. Ainsi, l'on y trouvera des paragraphes qui traitent de l'économie, d'autres qui concernent la société, la culture, les mentalités, la reli gion, etc. Rien n'y manque. Mais il prend comme point de départ l'histoire militaire et, dans cette discipline, ce qu'elle a de plus important et de plus négligé par les érudits, la tac tique; aucune enquête de ce genre n'avait jamais été menée avec tant de précision pour l'histoire grecque et romaine, et c'est là une innovation fondamentale qui fait qu'on lit ce livre, page après page, sans jamais s'ennuyer. L'auteur montre comment évolue la bataille en rase campagne, toujours en relation avec l'armement. Mais ces deux données, tactique et équipement, s'expliquent par des considérations éminem ment historiques, celles qui ont été mentionnées. Quelques exemples montreront comment sont établis les liens qui unissent les différentes parties de notre discipline. 10 LE GUERRIER DE L'ANTIQUITÉ CLASSIQUE Première question: qu'est-ce qui caractérise le guerrier grec des origines, celui de la guerre de Troie ou des grands conflits avec la Perse? C'est qu'il est partagé entre l'ivresse extatique provoquée par le combat et la froide raison qui le conduit à inventer le stratagème. Interviennent ici les mentalités et la psychologie collective. Autres temps, autre interrogation: comment est née la célèbre phalange macé donienne? Deux ambitieux, le père et le fils, Philippe et Alexandre, voulaient mettre sur pied une armée avec des paysans si pauvres qu'ils ne pouvaient même pas se payer une panoplie. Ils les dotèrent alors de la sarisse, cette longue lance qui les protégeait tout en les dotant d'une puissante force de destruction. Là, c'est l'économie qui fournira l'ex plication attendue. Autre étonnement encore: comment Hannibal a-t-il fait pour atteindre un tel niveau de génie dans le domaine de la guerre? La réponse est plus complexe, parce qu'il faut d'abord prendre en considération, bien évi demment, les qualités individuelles du personnage. Mais il y a plus. Le général carthaginois, après avoir suivi les leçons de son père, s'est mis à l'école de la Grèce: c'est un phéno mène de contact de civilisations que le lecteur pourra voir à l'œuvre. Venons-en, maintenant, à ce qui fut le meilleur ins trument de guerre de tous les temps, la légion. Il n'y eut pas de miracle romain, et la naissance de ce corps s'explique par l'histoire sociale: riches, moins riches et pauvres n'avaient pas le même armement, puisque chacun devait s'équiper à ses frais; les hommes furent donc répartis sur trois lignes. Puis, au cours de guerres contre les montagnards samnites, le terrain imposa de scinder chaque unité en des corps plus petits, les manipules et les cohortes. Ils permettaient aux généraux de déplacer leurs soldats dans des espaces étroits : en grande partie, la légion manipulaire et la tactique en cohortes sont filles de la géographie. Enfin, et ce n'est pas le moins étonnant, on apprendra que, contre les Parthes, les habitants de l'Iran actuel, les Romains ne pouvaient pas PRÉFACE 11 perdre sauf si le commandement commettait de grosses fautes, comme firent à Carrhae les Crassus, le père et le fils. Ce déséquilibre prend sa source dans l'histoire sociale. L'Iran était un État féodal qui, face à la meilleure infanterie de l'époque, ne pouvait aligner que la cavalerie lourde, cui rassée, fournie par la noblesse, et la cavalerie légère des archers montés, recrutée chez leurs vassaux (ce sont eux qui lançaient la célèbre «flèche du Parthe»). Leurs charges pouvaient au mieux entamer la première ligne romaine. Alors comment se fait-il que Trajan ait été mis en difficulté en 117 ? La réponse, aussi étonnante que la démonstration est convaincante, se trouve dans des affaires de mentalités collectives et de religion: ce furent les Juifs qui, par leurs révoltes, ébranlèrent l'armée romaine. Les Juifs qui furent, pour elle, «l'autre menace», comme les appelle Giovanni Brizzi. C'est ainsi que ce petit livre, en apparence sans préten tions, se hisse au niveau des plus grands. Il fait de l'histoire «totale» et les personnes qui s'intéressent aux questions économiques, sociales, culturelles, religieuses et aux autres problèmes, ne peuvent plus l'ignorer. Il fait aussi et surtout de l'histoire militaire, ce qui est d'autant plus méritoire que le chemin n'est pas facile, et il nous prouve que c'est une discipline d'une passionnante modernité. Pour le lecteur, le moment de la découverte est main tenant arrivé. Il me pardonnera, je l'espère, de retenir son attention encore un bref instant, pour remercier deux amis: Christine Lorin de Grandmaison, qui a accueilli ce livre dans la collection qu'elle dirige, «L'art de la guerre», et le Recteur François Hinard qui, malgré de lourdes tâches, m'a beaucoup aidé. Yann Le Bohec, Université Paris IV-Sorbonne Introduction Et les deux sauvages peuples du Nord se dressaient face à face, dans le crépuscule. Et chacun entendit et reconnut dans son cœur un grand coup sonore mêlé au vent. C'étaient les murs vivants qui entouraient les humains, les murs de Rome qui étaient en marche. G .K. Chesterton L'idée que j'avais eue au départ - rédiger un manuel d'histoire militaire romaine - m'apparut bien vite trop ambitieuse, en raison des dimensions qui m'avaient été imparties pour cet ouvrage. Il aurait fallu étudier l'armée des origines et ses liens avec les structures gentilices, la réforme servienne et le développement de la formation hoplitique, la légion manipulaire et la conquête de l'Italie, les pièges du Samnium et les conflits avec les Celtes, avec Carthage, avec Hannibal, et aussi les réformes militaires en Occident, l'empire du monde et la professionnalisation de l'armée, les mutations de l'époque impériale, les grands ennemis de Rome et l'âge des cavaleries, la crise et la déca dence; et puis, encore, les grands hommes et les grandes batailles, l'armement et les machines de guerre, la poliorcé tique, le lt'mes et les camps militaires; et, tout du long, la hiérarchie, les grandes notions stratégiques, les mentalités et 14 LE GUERRIER DEL' ANTIQUITÉ CLASSIQUE leur évolution, et mille autres questions encore. C'étaient là des sujets trop nombreux et trop vastes pour qu'on puisse faire à peine mieux que résumer. Il vaut mieux, dans ces conditions, procéder en quelque sorte par échantillons et suivre un fil rouge 1 c'est-à-dire , nous limiter à isoler des données partielles. Il faut donc chercher, depuis l'archétype homérique, la trace du guerrier des origines, qu'il soit grec ou occidental, ce qui au fond fait peu de différence, et celle de l'hoplite, pour suivre ces deux combattants jusqu'au terme de leur évolution dans la per sonne du légionnaire romain. Ce dernier, en fait, et plus que tout autre peut-être, synthétise et résume les deux premiers protagonistes de la guerre ancienne. On cherchera ensuite, pour finir, les correspondances étroites qui unissaient ce modèle et les conceptions tactiques élaborées par Rome, par l'Urbs. Ce projet nous amènera, je l'espère, à cette conclu sion: à la base même du personnage symbolique et mil lénaire que fut le soldat citoyen, le fantassin, qui domina les champs de bataille de toute l' Antiquité, se trouvaient une série de valeurs profondes qui émanaient de l'éthique même de la cité, la polis. Ou bien, ce qui revient au même, on verra qu'elles dérivent du sens que l'on a donné au mot munus, à partir du roi Servius 2 d'après la tradition: il désigne le devoir qui engage le citoyen envers l'État. Cette disposition d'esprit transcende les limites chronologiques de la République. Elle continue à être vivante et active dans le monde romain au moins jusqu'à la période de la Tétrarchie (284-305). 1. En français dans le texte. 2. Servius Tullius, roi mythique de Rome, qui aurait vécu au vr siècle. CHAPITRE! La Grèce 1. Le guerrier des origines Pour reprendre une belle citation de Thucydide 1, nous dirons que les Grecs considéraient la guerre comme «une maîtresse au caractère emporté, qui chasse le bonheur de la vie quotidienne». Ainsi, comme l'a montré une étude récente, quand ils la faisaient, ils préféraient en atténuer la nature, se fiant surtout au «déploiement de la force» et recou rant à «une lutte ouverte, visible, loyale». Toutefois, dès les origines, ils prirent l'habitude de recourir également à «des stratagèmes, des ruses» qui les mettaient à même «d'utiliser de manière intelligente la situation du moment» et de pou voir, «de la sorte, ... l'emporter également sur des ennemis plus puissants». Certes, ils éprouvaient constamment des scrupules devant cette conduite. Mais, dans le même temps, ils y recouraient souvent, au besoin à contrecœur, parce qu'elle était une expression de la metis, de cette habile prudence qui était une de leurs caractéristiques favorites. En conclusion, quand ils faisaient la guerre, ils avaient «Achille comme modèle, mais ils se comportaient souvent comme Ulysse2». 1. Thucydide, Ill, 2, 2. 2. Bettali, Enea Tattatico, p. 43 et 84. 16 LE GUERRIER DE L'ANTIQUITÉ CLASSIQUE Néanmoins, en ce qui me concerne, je ne partage pas tota lement ce point de vue. Certes, le monde grec continua à débattre jusqu'à la fin du V siècle sur les différentes concep tions de la guerre et sur le rapport entre l'utile et l'honnête, si ce que dit Plutarque est vrai 1 D'après cet auteur, certains • Spartiates de la haute époque considéraient que les succès pourtant extraordinaires remportés par Lysandre, un des plus grands généraux de son temps, étaient indignes des Lacédémoniens, qui descendaient d'Héraklès. En effet, ses victoires étaient le fruit de la tromperie et du mensonge, en un mot du recours à toutes sortes d'actions sournoises. De là vint la réponse que leur fit ce même Lysandre. Il répliqua à ses détracteurs que, «quand on ne réussit pas à revêtir la peau du lion, on doit s'habiller avec la peau du renard». Cette réponse cache à peine sous une métaphore ironique une conception précise: elle indique que l'arete, la valeur traditionnelle, ne suffit pas en cas de guerre. Le monde spar tiate lui-même semble avoir finalement résolu ce dilemme, du moins si l'on en juge par un autre passage de ce même Plutarque2 Voulant opposer l'attitude des Spartiates à celle • qui caractérise le triomphe romain, le biographe rapporte que,« (chez eux), le général qui a remporté la victoire par la ruse ou par la persuasion sacrifie un bœuf; celui qui a vaincu en recourant aux armes sacrifie un coq. Les Spartiates, qui pourtant aiment beaucoup la guerre, considèrent que le succès est plus grand et plus honorable quand il est obtenu par l'éloquence et par l'intelligence plutôt que par la force et par le courage». Cependant, on ne portait pas un jugement aussi favorable sur tous les aspects de la metis, du moins du point de vue de l'éthique. Il est probable que quelques-unes de ses pires manifestations furent exclues ou au moins condamnées pour des raisons morales jusqu'à une époque 1. Plutarque, Lysandre, VII. 2. Plutarque, Marcellus, XXII.

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