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Le genre de la nouvelle dans le monde francophone au tournant du XXIe siècle : actes du Colloque de l’Année Nouvelle à Louvain-la-Neuve, 26-28 avril 1994 PDF

180 Pages·1995·2.317 MB·French
by  EngelVincent
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Preview Le genre de la nouvelle dans le monde francophone au tournant du XXIe siècle : actes du Colloque de l’Année Nouvelle à Louvain-la-Neuve, 26-28 avril 1994

VINCENT ENGEL  L IMINAIRES Il y avait quelque folie, sans doute, à prétendre traiter, neuf mois durant, un sujet aussi maudit de la critique littéraire que l’est la nouvelle francophone. Double malé- diion au demeurant : d’abord, le genre, on le sait, a toujours été boudé, tant par les auteurs et les éditeurs que par les critiques, mais qui plus est, centrer le corpus et le champ d’investigation sur l’ensemble de la francophonie contemporaine constituait un double défi. D’abord, déborder du champ sacré de la France tout en évitant le na- tionalisme belge étroit, ensuite, travailler sur de la “matière vivante”. Pire : travailler avec cette “matière”, puisque les auteurs furent partie prenante au projet. Ce n’est plus le temps de détailler les spécificités de l’nnée ouvelle. Inutile également de s’étendre sur le succès que ce projet a rencontré, sinon pour nous en réjouir. Le moment est venu de conclure, de synthétiser tout ce que ces mois de rencontres ont apporté, en l’occurrence, de voir comment l’objeif scientifique du projet a été réalisé. Ces Aes regroupent les interventions qui ont eu lieu durant le Colloque- Festival d’avril  à Louvain-la-Neuve (vingt-quatre très précisément). Elles ont été regroupées dans des chapitres qui ne correspondent pas exaement, pour des questions de cohérence scientifique, aux sessions du colloque : . État de la question en francophonie et ailleurs ; . Question de genre : définitions induives ; . Question de genre : définitions déduives ; . Enseignement de la nouvelle. Ceux qui pensaient qu’une rencontre scientifique, même d’une telle ampleur, pourrait mener à une définition exhaustive et définitive du genre de la nouvelle en seront pour leurs frais ; on le pressentait en débutant ce projet, on en a la confirmation en faisant le bilan : il n’est ni possible ni souhaitable de tenter rencontrer un tel objec- tif. Parce qu’avant tout, la nouvelle est mouvement. Elle est par excellence un genre qui répond aux attentes du moment, de l’urgence ; un laboratoire d’écriture(s) aussi, où s’élaborent les formes de demain. Elle est la liberté même de la prose. Diversité d’approches théoriques multipliées par celle des sensibilités ; sensibili- tés des individus, d’une part, sensibilités nationales d’autre part. La nouvelle ne se vit et ne se défend pas de la même manière au Québec, en Europe ou en Afrique, les approches théoriques ne venant ici que confirmer, à leur manière, ce que le leeur a déjà ressenti à la leure du recueil qui a servi de base à toute l’nnée ouvelle. Ces Aes se veulent être un outil pouvant servir à différents types de leeur. Tout d’abord, le scientifique. Mis à part quelques approches trop rares, telles 1, le genre de la celles, principalement, de René Godenne ou de Daniel Grojnowski nouvelle francophone contemporaine nʼa fait lʼobjet dʼaucune étude systémati- que. Trop souvent, pour définir ce genre, on recourt soit aux préjugés, soit aux  LIMINAIRES VINCENT ENGEL  e définitions héritées de la pratique du XIX siècle. Il nʼest que de lire, cependant, pour sʼapercevoir que le genre sʼest considérablement modifié depuis Maupassant — et peut-être grâce à lui —, autant quʼil sʼest diversifié en dehors de la France. Il était donc temps et nécessaire de mettre en route une recherche scientifique systématique sur la question, sous peine de tomber dans lʼabsurdité ou dans la pétition de prin- cipe. Ensuite, lʼenseignant. La nouvelle, en effet, est un outil privilégié du professeur, et pas seulement du professeur de français. Elle permet de nombreuses approches diversifiées sur des problèmes plus larges que ceux appartenant au champ strict de la littérature. Là aussi, plusieurs approches modernes seront ici proposées aux en- seignants, dans le prolongement du remarquable travail déjà entrepris par dʼautres, notamment Pierre Yerlès et son équipe. Le lecteur, enfin, qui ne doit plus savoir que penser : la plupart des personnes qui sʼy sont frottées nʼont pu quʼapprécier le genre de la nouvelle, chacun y trouvant son content. Mais par ailleurs, on entend sans cesse quʼil sʼagit dʼun genre qui ne marche pas, qui ne se vend pas… Voilà donc le lecteur surpris en flagrant délit de plaisir, en contradiction avec la Loi du critique qui lui apprend quʼil nʼaime pas la nouvelle ! Certaines approches théoriques apporteront, au lecteur qui ne sʼen laisse pas conter aussi facilement, des éclaircissements intéressants, et des arguments de réfutation. Bien entendu, le travail de définition dʼun genre contemporain ne peut se conclure si rapidement. Ces Actes ne constituent quʼun point de départ ; dans les mois pro- chains, un centre dʼétude devrait se mettre en place à Louvain-la-Neuve, et dʼautres recherches et colloques seront organisés, pour avancer dans cette recherche, toujours en collaboration avec les différents acteurs de lʼAnnée Nouvelle : les scientifiques, bien sûr, mais aussi les écrivains, les enseignants et les lecteurs. Lors du Colloque-Festival, il avait été annoncé que ces Actes comprendraient dʼautres travaux que ceux concernant directement le colloque scientifique. À part les quatre nouvelles primées dans le cadre du concours de nouvelles interfacultaire orga- nisé par le Cercle étudiant de la faculté de philosophie et lettres de lʼUCL, ces autres documents ne seront pas publiés ici : en effet, la cohérence scientifique sʼopposait à cette intention. Il nʼétait pas possible dʼarticuler logiquement des réflexions sur la nouvelle et une approche de la francophonie. Le projet nʼa pas, pour autant, été abandonné. En effet, un volume à part, qui sera prochainement publié aux éditions des Éperonniers, à Bruxelles, reprendra les dif- férents documents que nous avons rassemblés sur cette question de la francophonie, rassemblés sous le titre : La francophonie : réalité culturelle ou illusion politique ? Vincent E, Université catholique de Louvain. (Footnotes) 1 Nous renvoyons également à lʼexcellent numéro que La revue des deux mondes a consacré à la nouvelle contemporaine, sous le titre : La nouvelle, cʼest lʼurgence (juillet-août 1994, n°2486).  LIMINAIRES VINCENT ENGEL  L 90 ES ANNÉES DE LA NOUVELLE FRANÇAISE ET SUISSE RETOUR À LA CASE DÉPART La crise de la nouvelle est une tarte à la crème dont se servent les animateurs de revues pour dire que leurs revues ne se vendent pas ; et ça sert beaucoup les mauvais auteurs qui disent ne pas être édités parce qu’ils font des nouvelles. Martine Delort, direrice de la revue rèves, . Depuis une dizaine d’années, si pas plus, il est de bon ton de parler de renouveau de la nouvelle, de renaissance, etc. — déjà en  le Suisse J. Chesse écrivait l faut attendre ces toutes dernières années pour assister à un nouveau printemps de la nouvelle. Il est un fait que le monde de la nouvelle a été gagné par une effervescence sans pré- cédent dans l’histoire du genre au XXe siècle. À envisager les cinq dernières années qui viennent de s’écouler, soit la période -, on observe principalement en France une série de signes qui attestent, en tout cas extérieurement, de la bonne santé d’une forme de récit qui fut, et est, toujours taxée de sous-produit du roman. La produion est considérable, en progression constante :  titres français,  suisses pour les seules années , ,  (à titre de comparaison,  français,  suisses pour les années , , ) — il va de soi que ces chiffres ne sont en rien définitifs, et que de nouveaux ne feraient que les confirmer. Avant de trouver éditeur, des nouvellistes, débutants ou peu connus, ont la pos- sibilité de placer leurs textes dans des revues, dont la particularité est d’être dévolue de bout en bout à leur genre préféré. On n’en recense pas moins de neuf, aux côtés de la première en date, rèves, aualité de la nouvelle, née en  : a rance (en ), aille réelle, le trimestriel de la nouvelle (en ), ouvelles nouvelles (en ), , ernières lettres avant la nuit (en ), ouvelles vagues (en ), ’encrier renversé, la revue du texte court (en ), ouvelles uits, la revue de la nouvelle policière (en ), argo (en ), arfang, la revue de la nouvelle (en ), ol’ir (en ). Régulièrement, ces revues publient des numéro spéciaux : pécial oir (aille réelle, ), pécial antastique (rèves, ), ncestes (ouvelles nouvelles, ), etc. Le monde de l’édition n’est pas en reste. Sept colleions de nouvelles ont été lancées : es ouvelles rançaises aux Presses de la Renaissance (en ), ouvelles ayot (en ), ouvelles des Éditions de l’Aube (en ), ibre court, chez Syros Alternatives (en ), ’atelier ulliard (en ), ouvelles et contes aux Éditions Alfil (en ), olleion ouvelles à l’Encrier/Éditeur (en ). À l’initiative de maîtres d’œuvre sont constitués soit des colleifs de nouvelles de toutes sortes (trente et un), organisés ou non autour d’un thème : ouvelles noires, douze auteurs, douze nouvelles fantastiques (), ’atelier imaginaire. ouvelles (, , , , ), i ozart m’était conté, neuf nouvelles (), soit des bilans des années en cours ou plus généraux sous forme d’anthologies (huit) : es meilleures nouvelles de l’année , /, /, / aux Éditions Syros Alternatives, ’anthologie de la science-fiion française (-) au Livre de Poche (-). Et la Fureur de  LES ANNÉES 90 DE LA NOUVELLE FRANÇAISE ET SUISSE RENÉ GODENNE  Lire est à l’origine d’heureuses initiatives en édition de poche : a ureur de ire en poche (Presses Pocket, ), lace d’talie (Presses Pocket, ), alon du ivre (Presses Pocket, ). D’autres manifestations sont à inscrire dans cette volonté du monde littéraire de valoriser la nouvelle, de lui offrir l’occasion de se faire reconnaître par le grand public (songeons déjà à des éditeurs comme B. Campiche en Suisse, Aes-Sud qui ouvrent leur catalogue sur une nouvelle, à ces deux gendas de la nouvelle conçus en  et  par la revue aille réelle). Plusieurs académies ou associations littéraires se met- tent à décerner des prix de la nouvelle. Cela va du prestigieux, l’Académie française, l’académie Goncourt, la Société des Gens de Lettres, au confidentiel, grand prix de la Nouvelle ferroviaire, prix Pégase de Maison-Laffitte. Depuis , le festival de la Nouvelle à Saint-Quentin est un lieu de rencontres habituel ; ont suivi en  le fes- tival de la Nouvelle de langue française à Dijon, en  les Journées de la Nouvelle à Nantes. Des concours de nouvelles sont instaurés à travers la France, et leur nombre ne cesse de croître (en , aille réelle en annonce , en , ’encrier renversé,  !) — même France-Loisirs a emboîté le pas : a plus belle histoire d’amour,  nouvelles en . Concours qui débouchent volontiers sur la publication des textes primés, telle la série des concours de ’encrier renversé depuis . Et les ateliers d’écriture de nouvelles rencontrent le plus grand succès. C’est une sorte de consécra- tion que connaissent des nouvellistes importants du XXe siècle : P. Morand entre dans la Pléiade, M. Aymé devient une référence, réédition de recueils de qualité, tels ceux de P. Boulle, M. Brion, J. Green, J. Perret, Cl. Seignolle, M. Béalu, des Suisses Ramuz et S. Corinna Bille, etc. Les nouvellistes contemporains, eux, ont la possibi- lité de s’exprimer dans des ouvrages critiques colleifs : our la nouvelle (),  nouvellistes contemporains par eux-mêmes (). Le monde universitaire n’est pas en retard : colloques à Lille (), à Groningue (), à Poitiers (). Que tout converge dans le sens d’une reconnaissance de la nouvelle se traduit d’autre part dans cet accord délibéré des auteurs, des éditeurs, des critiques, des journalistes à se fixer davantage que par le passé sur le terme de “nouvelle” comme terme générique pour nommer toute forme de récit court : pas moins ainsi de  “nouvelles” sur un total de  titres répertoriés, sans compter ces autres recueils désignés par le terme en page de titre ou en quatrième de couverture. Devant ces signes extérieurs de bonne santé de la nouvelle, il ne faudrait pas croire que sa situation en ces années  soit aussi florissante qu’il le paraît. Il suffit de reprendre un à un ces signes, de les confronter à la réalité éditoriale, commerciale, littéraire pour s’apercevoir (très) vite qu’ils masquent une série d’autres de la quasi inexistence de la nouvelle dans le paysage littéraire français (et suisse) auel. C’est le chiffre global de  titres qui doit être interprêté exaement. Seuls , soit un peu plus de  , ont été publiés chez les “grands” éditeurs (Gallimard, Denoël, L’Âge d’Homme, etc.), le reste, , paraissant chez les “petits”, je leur demande pardon (Le Dilettante, Syros Alternatives ; en Suisse : Éd. Zoé, B. Campiche ; etc.), quand il ne s’agit pas de maisons à compte d’auteurs comme La Pensée Universelle, l’Académie Européenne du Livre, etc., ou d’auto-éditions (). Et tout laisse supposer que la tendance ne fera que s’accentuer. Je ne peux m’empê-  LES ANNÉES 90 DE LA NOUVELLE FRANÇAISE ET SUISSE RENÉ GODENNE  cher de citer à nouveau cet extrait d’une lettre qui me fut adressée, fin , par les éd. Gallimard : “… les services de diffusion et de distribution continuent d’estimer extrêmement difficile de sensibiliser le grand public aux nouvelles, qui font partie d’un genre tout à fait délaissé.” Que pèsent en effet en  les   exemplaires vendus des recueils de G.O.Châteaureynaud ou de A. Absire en face des   du Goncourt de J. Vautrin ? À moins d’être un auteur connu, à la mode (  pour M. Tournier en ,   pour Ph. Djian,   pour Le Clézio en ), le nouvelliste n’a aucune chance d’atteindre de forts tirages, même moyens. Il est éclai- rant que l’homme de télévision, le dessinateur de bandes dessinées qu’est J. Teulé ait vendu   exemplaires de son recueil paru à ’atelier ulliard, qui tire d’ordinaire à  -  exemplaires. ’argent ne passe pas par les textes courts, soutient sagement P. Fournel, ancien éditeur et nouvelliste. La nouvelle a d’autant moins de probabi- lités d’être connue, lue, achetée que la diffusion, la promotion des petits éditeurs sont inexistantes, pour ne pas dire nulles. La grande presse n’y fera jamais allusion, déjà qu’elle rend compte à peine des autres à moins d’être signés par des “vedettes” de l’édition auelle — ne parlons pas de la nouvelle suisse, inconnue en France. Le chasseur de nouvelles que je suis ne prendra connaissance d’une produion que par la leure — fastidieuse ! — de la Bibliographie de la France, ou en les dénichant à  F dans les bacs de bouquinistes parisiens ! Il n’est pas question d’avancer ce lieu commun si exploité par les défenseurs de la nouvelle, savoir que les éditeurs n’aiment pas publier des nouvelles (ce qui est faux, même dans le cas des “grands”), mais force est de constater que le dépouillement de leurs catalogues prouve qu’ils en publient peu : début , les éd. Alinéa annoncent  titre français pour  recueils étrangers ; en , les éd. Chambon,  pour  ; Belfond,  pour  ; le bulletin Gallimard de mai-juillet ,  pour , etc. — déjà en  ivres ebdo donne le chiffre de  pour . On le sait, un des faeurs du succès commercial d’un livre est la parution en édition de poche. Or le nouvelliste contemporain, à moins d’être connu autrement que par un recueil de nouvelles, a très peu d’éventualités d’y figurer. Le bilan de  est terrible, non seulement pour les titres récents, mais pour l’ensemble des recueils du XXe siècle :  en Folio,  en Livre de Poche,  en Presses Pocket,  en J’ai Lu et en Points Roman,  en Poche Suisse,  en /. C’est la disparition de quatre revues de nouvelles : en , aille réelle, en , ouvelles nouvelles, , en , .ouvelles vagues et argo ayant une diffusion confidentielle (on ne les découvre pas dans certains festivals !), ’encrier renversé et arfang, se cantonnant dans une région (l’ouest et le sud-ouest de la France), il ne reste que rèves à être implanté dans les circuits nationaux… comme au moment de sa naissance. Cet échec d’une politique de promotion, de diffusion de la nouvelle illustre l’état auel de la nouvelle : les rédaeurs ont commis l’erreur de ne pas pren- dre en compte ce postulat que j’ai toujours avancé et contre lequel on ne peut rien : il y a en rance moins de leeurs de nouvelles que d’auteurs de nouvelles. Ainsi ouvelles nouvelles, qui avait un chiffre de vente moyen de  exemplaires (la misère) et béné- ficiait de  abonnements (combien d’auteurs parmi eux, puisqu’il fallait souscrire un abonnement pour voir son texte soumis au comité de leure ?), a reçu en six ans   manuscrits ! Il faut avouer que la qualité des textes de ces nouvellistes poten- tiels en surnombre n’est pas souvent au rendez-vous : trop de brouillons de nouvel-  LES ANNÉES 90 DE LA NOUVELLE FRANÇAISE ET SUISSE RENÉ GODENNE  les, trop de laissés-pour-compte de l’édition (trop de revues donnent la désagréable impression d’avoir été fondées parce que leurs rédaeurs s’étaient vu refuser leurs textes), et je ne saurais oublier que la plupart d’entre elles n’ont pas accepté la — belle — nouvelle de Maupassant que je leur avais proposée sous un autre nom… Il faut savoir enfin que les revues, dans un esprit de chapelle plutôt exacerbé, se sont livré une concurrence aussi sotte que stérile. N’empêche : les conséquences sont fâcheuses puisqu’elles étaient les seules à recenser la produion des petits éditeurs. La situation n’est pas meilleure en ce qui concerne les colleions de nouvelles. S’il est trop tôt pour préjuger des deux dernières, le sort des quatre autres est scellé : les ouvelles ayot, les ouvelles des Éditions. de l’Aube (avec un et deux titres) n’ont jamais démarré, existent-elles encore ? ibre court avec six titres n’a pas tenu un an (en ), es nouvelles françaises avec six titres en - ont cessé en , bien avant la disparition de la maison d’édition en  — déjà  avait vu l’arrêt des ouvelles d’leï (), en outre, la colleion oméron (Traitement de textes, ,  titres) a été interrompue en . ’atelier ulliard est l’exception qui confirme la règle : dix-neuf titres en  (avec quatre traduions et une réédition), une excep- tion dont on se réjouit mais qui appelle des réserves : son direeur, qui n’hésite pas à sacrifier à la couverture racoleuse, recrute surtout parmi ses familiers, qui sont loin d’être les meilleurs contemporains (pourquoi G.O. Châteaureynaud, qui en est un, a-t-il publié deux recueils chez l’éditeur en dehors de la colleion ?). Depuis , il ne paraît plus d’anthologies. Sur les  colleifs répertoriés,  datent des années -. Soutenus par les médias de leurs régions, les festivals de Saint-Quentin et de Dijon n’ont jamais atteint au rayonnement national, le public n’a pas répondu vraiment à l’appel (je parle en habitué de ces manifestations), le premier est d’abord suivi par les nouvellistes, et encore certains ; le second est bien suivi… par les organisateurs. La politique des prix majeurs réservés à la nouvelle a changé, s’est ralliée à celle des grands prix littéraires : on ne récompense pas la nouvelle, mais un écrivain, une maison d’édition (point de chance donc en dehors des grands cir- cuits) — ex-membre du jury du prix Nova à Dijon, je raconterai un jour, avec plaisir, certaines délibérations… Il a été prouvé qu’un prix ne fait pas vendre un recueil de plus — il est assez révélateur que la FNAC ait supprimé après trois ans (-) l’organisation de son prix de la Nouvelle, que L’Âge d’Homme ait cessé en  de prendre en charge le prix Prométhée de la nouvelle qu’il éditait depuis . Laisser la parole aux nouvellistes dans des ouvrages colleifs qui se voudraient comme les manifestes de la nouvelle de la fin du siècle est une bonne chose (our la nouvelle a dû être toutefois édité en Belgique), mais quand on s’aperçoit — avec effarement — que plusieurs des  nouvellistes contemporains par eux-mêmes déclarent n’être pas nou- velliste, écrire plutôt des “petits romans”, etc., on s’interrogera sur le mauvais service que rendent de tels livres à la nouvelle, si ce n’est de reprendre l’idée commune, déjà si répandue, que la nouvelle est un genre mineur. Mauvais service aussi que cette multiplication des concours, nantis par ailleurs de noms ronflants comme le prix Gérard-de-Nerval, le prix Stendhal de la nouvelle, le Pentaméron de l’Albret, etc., qui rencontrent un succès incroyable (celui de ’encrier renversé :  textes reçus en ,  en ,  en ,  en , celui d’Évry  : , déjà en  celui de Palaiseau atteignait un chiffre record :   !). C’est là accréditer l’idée qu’écrire  LES ANNÉES 90 DE LA NOUVELLE FRANÇAISE ET SUISSE RENÉ GODENNE  une nouvelle est chose facile, encourager tout le monde, c’est-à-dire hélas n’importe qui, à se croire nouvelliste — et les ateliers d’écriture de conforter outrageusement les esprits dans ce sens. C’est constituer peu à peu un circuit parallèle au monde de l’édition traditionnelle : le circuit fermé des nouvellistes de concours (combien d’exemplaires du même texte ne doivent-ils pas circuler de l’un à l’autre ?), avec ses vedettes (les personnes couvertes de prix, de médailles de toutes les couleurs), et les autres, les déçus de la nouvelle, viimes des illusions que l’on propage, qui prennent leur revanche dans ce circuit, où ils s’enferment avec satisfaion (mon expérience de juré me l’a assez appris). Même s’il n’a jamais paru autant de “nouvelles”, le mot fait toujours peur au monde de l’édition. Dans un bulletin des éditions Gallimard en , des rééditions de P. Mac Orlan sont présentées comme des “courts romans ou longues nouvelles”, celles de H. James comme “trois nouvelle du grand romancier” ; des nouvelles de la colleion L’Instant Romanesque (-) ressortent avec l’étiquette de “roman” (textes de G. Perec, Cl. Delarue, D. Decoin, F. Vitoux) ; début  vient de paraître en Points Roman es athlètes dans leur tête de P. Fournel, bourse Goncourt de la nou- velle , avec le terme de “roman” en couverture, et celui de “nouvelle” en page de titre ! Que la grande presse, les grandes revues littéraires, les émissions T.V. n’infor- ment presque jamais sur la nouvelle (les  ouvellistes contemporains par eux-mêmes n’ont pas donné lieu à la moindre recension selon les dires de son maître d’œuvre, D. Zimmermann), que les manuels d’histoire littéraire du XXe siècle ne lui consacrent que quelques lignes à elle et aux nouvellistes, (quelle équivoque n’y a-t-il pas à ranger ces derniers dans le chapitre des “Romanciers de l’insignifiant  ”?) que la publication de nouvelles ait quasiment disparu des pages des hebdomadaires ou des quotidiens, qu’on préfère publier, rééditer des nouvellistes étrangers, que ceux-ci envahissent les éditions de poche (je ne suis pas contre), que, point de détail significatif, l’agrégation  en France ait inscrit à son programme la nouvelle mais étrangère, sont d’autres signes que, privée de toute une série de supports essentiels de diffusion et de pro- motion, la nouvelle ne connaît pas l’état de grâce qu’on voudrait nous faire croire, puisqu’en dehors des aficionados personne ne s’intéresse à elle. Était-il opportun d’asséner autant de remarques désolantes en ouverture à un colloque sur la nouvelle ? Oui, parce que ce sont des vérités que l’historien de la nou- velle que je suis se doit de dire pour remettre les pendules à l’heure. Quelqu’un un jour m’a surnommé l’abbé Pierre de la nouvelle : je crains qu’il n’ait pas tort… Trop de choses encore aujourd’hui se retournent contre la nouvelle. Ce sont les déclarations de certains, unanimes à assurer que la nouvelle n’a pas la place qu’elle mérite, mais qui s’obstinent à véhiculer tellement l’idée que la nouvelle est un genre difficile, exigeant, élitiste en somme (’esprit cartésien des rançais n’admet pas les non-dits, édie J. Vautrin dans ivres ebdo du ..) que je doute qu’on gagne ainsi à sa cause les leeurs familiers du roman. Dans le même temps on ravalera au contraire la nouvelle à un pur produit de fast-food (lle correspond admirablement à notre mode de vie comprimé et à notre civilisation télévisée, estime M. Brandeau dans e onde, ..). Tant que courront de tels clichés, de tels malentendus dont se  LES ANNÉES 90 DE LA NOUVELLE FRANÇAISE ET SUISSE RENÉ GODENNE  fait l’écho la critique journalistique (car il est évident que la nouvelle n’est ni élitiste ni un “produit” réservé aux seuls gens pressés), la situation de la nouvelle ne s’amé- liorera pas. C’est à ne plus s’y retrouver en ces années où l’on voit — la tendance est nette chez les Suisses : Ch. Gallaz, A.L. Grobéty, etc. — le terme de “nouvelle” recouvrir des textes qui sont tout sauf des nouvelles au sens générique et traditionnel le plus large : textes à la limite du récit vécu, où se côtoient réflexions, souvenirs personnels, textes à la limite du poème en prose, où descriptions et évocations deviennent une fin en soi sans le moindre encadrement narratif, textes composés, en partie ou intégralement, de vers (un recueil de ce genre, a nuit des hespérides de A. Bernard a reçu le prix Max-Pol-Fouchet  !), textes destinés à la scène, textes à la limite du conte popu- laire, etc. Que doivent penser les leeurs d’un Maupassant ou d’un Marcel Aymé ? C’est aussi, au nom d’un discours formaliste, établir une distinion entre texte bref et nouvelle : … la maîtrise de la forme brève n’est pas l’apanage des seules nouvelles. (e serpent à plumes, n°, ) ; e texte bref, qui n’obéit pas aux lois de la nouvelle et “ne tient que par le style” est un genre difficile. (note de ’xpress, reprise dans le service de presse du iseur de riens de J.M. Magnan, ). De là à ravaler d’autre manière la nouvelle : e n’aime pas le mot nouvelle : j’ai l’impression qu’il est devenu chez les contem- porains la revendication agressive de textes relevant de valeurs non littéraires : le naturel, la spontanéité, la quotidienneté … Quelle confusion détestable fondée sur une con- ception des choses élitiste, qui ne reflète en rien la réalité des faits, cela n’entraîne-t-il pas ? C’est enfin l’envahissement de la nouvelle du XIXe siècle en colleion de poche, en rééditions de toutes sortes (je ne suis pas contre non plus, mais je regrette que ce soient toujours les mêmes noms qui soient mis à contribution), qui a cette consé- quence paradoxale : c’est que la nouvelle contemporaine vit non seulement à l’ombre du roman mais encore à l’ombre de la nouvelle du XIXe siècle. Tant qu’il en sera ainsi, rien ne changera. Les années - ont cherché à sortir la nouvelle du “ghetto” où elle est confi- née depuis le début du siècle, mais elles sont arrivées à en édifier un autre, qui ravit — malheureusement — tout son monde : les nouvellistes, car, grâce à lui, ils ont l’impression d’exister, les “grands” éditeurs débarrassés en cela d’un problème. N’est- ce pas, par exemple, donner l’impression — fâcheuse — d’une sorte de corporatisme myope, que de faire obtenir souvent aux mêmes les prix de la Nouvelle ? (Il va de soi que d’aucuns le méritent, mais quelle manière d’occulter la création des autres qui existent en marge.) Quelle chance tous ces nouvellistes prolixes auront-ils un jour d’être connus, tels J. Ch. Aschero ( recueils), M. Villard (), G Ferdinandy (), J.P.Pellaton (), Y. Frontenac (), J.J. Kihm (), M. Best (), R. Rossille (), etc., et cet auteur, G. Lévy, qui a obtenu trente-huit prix pour son recueil de dix-neuf textes (n soupçon de paradis, nouvelles, ) ? Quelle tristesse de songer au peu de mani- festations qu’a engendrées la mort de P. Gripari (en ), de J. Perret et de M. Béalu (en ), tous nouvellistes majeurs du XXe siècle ! Quel leurre d’avoir cru pouvoir tirer la nouvelle de l’ombre du roman. Quant à cette crise de la nouvelle dont on nous rebat les oreilles depuis si longtemps, je dirais pour ma part qu’il n’y a jamais eu de

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