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Le Déchiffrement du Sens : Études Sur L’herméneutique Chrétienne D’Origène à Grégoire de Nysse: Gregory of Nyssa PDF

244 Pages·1993·32.256 MB·French
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~s Augustiniennes Universitatsbibliothek Wien FB Kath. und Evang. Theologie lité _ 135 KG-5153 Ge HARL 11111111111 LE DÉCHIFFREMENT DU SENS Études sur l'herméneutique chrétienne "d'Origène à Grégoire de Nysse Institut d'Études Augustiniennes PARIS 1993 PUBLICATIONS DE L'INSTITUT D'ÉTUDES AUGUSTINIENNES COLLECTION DES ÉTUDES AUGUSTINIENNES Liste en fm de volume . .. BmLIoTHÈQUE AUGUSTINIENNE (Titres récents) Œuvres de saint Augustin, vol. 13, Les Confessions, Livres I-Vll. Réimpression avec addenda et corrigenda de l'édition de 1980, 1992, 694 p. Œuvres de saint Augustin, vol. 14, Les Confessions. Livres VITI-XIII. Réimpression avec addenda et corrigenda de l'édition de 1980, 1992, 713 p. NOUVELLE BIBLIOTHÈQUE AUGUSTINIENNE Saint Augustin, vol. 1, Le bien du.mariage, traduction de G: Combès ; La virginité consacrée. Traduction de 1. Saint-Martin. Avant-propos de M. Dulaey. Introduction de G. Madex, 1992, 170 p. Saint Augustin, vol. 2, Le maître .. Le libre arbitre. Introduction et traduction de Galven Madec, 1993, 301 p. PÉRIODIQUES Revue des Etudes augustiniennes, tome 28, 1992. Recherches augustiniennes, tome 26, 1992. Ouvrages publiés par Marguerite Hari Origène et la fonction révélatrice du Verbe incarné, Paris, Seuil, Patristica Sorbonensia, 1958. Clément d'Alexandrie, Le Pédagogue, livre l, Traduction (Introduction et Notes d'H.-I.Marrou), Paris, Cerf, Sources chrétiennes 70, 1960. Philon d'Alexandrie, Quis rerum divinarum heres sit, Texte grec, Traduction, Introduction, Notes, Paris, Cerf, Les œuvres de Philon d'Alexandrie 15, 1966. Ecriture et culture philosophique dans l'œuvre de Grégoire de Nysse, édition des Actes du Colloque de Chèvetogne, Leyde, 1971. La chaîne palestinienne sur le Psaume 118, Texte grec, Traduction, Notes, Paris, LE DÉCH IFFREMENT DU SENS Sources chrétiennes 189 et 190, 1972. Origène, Traité des principes (Peri Archôn), Traduction de la version latine de Rufin, en collaboration avec Gilles Dorival et Alain Le Boulluec, Paris, Etudes Augustiniennes, 1978. Origène. La Philocalie 1-20. Sur les Ecritures. Introduction, Texte, Traduction et Notes (suivi de la Lettre à Africanus sur l'histoire de Suzanne, par Nicholas de Lange), Paris, Cerf, Sources chrétiennes 302, 1983. , La Bible d'Alexandrie 1. La Genèse. Traduction du texte grec de la Septante, Introduction et Notes, Paris, Cerf, 1986 (ouvrage couronné par l'Institut de France, prix Osiris, 1987). ' La Bible grecque des Septante. Du Judaïsme hellénistique au christianisme ancien, en collaboration avec Gilles Dorival et Olivier Munnich, Paris, Cerf CNRS, Initiations au christianisme ancien, 1988. La Bible d'Alexandrie 5. Le Deutéronome. Traduction du texte grec de la Septante: Introduction et Notes, en collaboration avec Cécile Dogniez, Paris, Cerf,1992. La langue de Japhet. Quinze études sur la Septante et le grec des chrétiens, Paris, Cerf, 1992. Collection des Études Augustiniennes Collection des Études Augustiniennes Série Antiquité - 135 Fondateurs: F. CAYRÉ t et G. FOLLIET. Directeur : J .-Cl. FREDOUILLE. Marguerite HARL Conseil scientifUjue : M. ALEXANDRE, H. BÉRIou, N. DUVAL, J. FONTAINE, L, Cl. LEPEILEY. G. MADEC, P. PETITMENGIN. LE DÉCHIFFREMENT DU SENS Études sur l 'herméneutique chrétienne d'Origène à Grégoire de Nysse DIFFUSION : ÉDITIONS BREPOLS Institut dtÉtudes Augustiniennes France: 23, rue des Grands Augustins, 75006 Paris PARIS Autres pays: Steenweg op Tielen 68, B-2300 Turnhout 1993 Avertissement Le présent volume regroupe un choix de vingt-et-une études de patristique grecque, actuellement dispersées dans les revues ou recueils où elles ont d'abord été publiées. On trouvera à la fin du volume une Table des matières avec les références bibliographiques à la première parution des articles. Ces articles sont ici reproduits sans modification. En guise d'introduction, quelques pages rappellent à grands traits le milieu intellectuel où se sont situées mes premières recherches à partir de 1950, à Paris, dans la tradition scientifique de mes maîtres, d'Henri-Irénée Marrou à la Sorbonne, d'Henri-Charles Puech et du Père Festugière à l'École Pratique des Hautes Études. La plupart de ces études sont issues des Séminaires que je dirigeais à mon tour à partir de 1959, après mon élection à la Sorbonne. Je réunissais des étudiants avancés qui préparaient des thèses sur les écrivains chrétiens de langue grecque. Ces "anciens étudiants" retrouveront ici le souvenir des travaux que nous menions avec ardeur et qu'ils ont souvent poursuivis avec leur propre projet. D'autres pages ont été publiées à l'occasion de colloques internationaux, depuis la toute première Conférence Internationale des Études patristiques à Oxford, en 1951, le premier colloque sur Philon d'Alexandrie à Strasbourg en 1966, sur Grégoire de Nysse à Chèvetogne en 1969, sur Origène à Montserrat en 1973. Mes auteurs de prédilection me firent voyager à travers l'Europe auprès des collègues patrologues qui nous recevaient à Cambridge, à Vienne, à Mayence, à Milan, à Leyde, à Gottingen, à Münster, à Bruxelles. .. , ou au-delà de l'Océan, à Yale. Lorsque je lançai, en 1981, la vaste entreprise de traduction annotée de la Septante, La Bible d'Alexandrie, ce furent d'autres collègues, d'autres lieux de rencontre. Fragments de travaux plus vastes qui ont également pris la forme d'ouvrages, les contributions que j'ai retenues pour les quatre parties de ce recueil visaient toutes à préciser la manière dont les Pères grecs, principalement Origène et Grégoire de Nysse, s'efforçaient de comprendre les Sources bibliques en conjuguant 'Écritures divines et culture grecque. Le titre donné à ce recueil, Le déchiffrement du sens, veut évoquer l'immense effort des Pères pour découvrir le sens des textes sacrés comme aussi celui de l'histoire du monde et des hommes. ISSN 1158-7032 ISBN 2-85121-129-3 Le texte placé à titre de liminaire est celui que )'ai adres~é aux patrologues réunis à Oxford, en 1975, pour la Septzeme Co.nfe~ence Internationale des Études Patristiques: il correspond encore assez bzen a mon propos d'aujourd'hui. . " .. Mes remerciements chaleureux vont à tous ceux quz mont accuezllze a~ cours de ces années de travail, maîtres et collègues, élè~es et. collaborateurs, a la Sorbonne et au Centre Lenain de Tillemont. Je n o~b.lze pas ceux sans lesquels nos recherches ne seraient jamais connues: nos edzteurs. Introduction Paris, janvier 1993 Autour d'Henri-Irénée Marrou à la Sorbonne en 1945. Histoire ancienne du christianisme et patristique. A la fin de la seconde guerre mondiale, en 1945, la Sorbonne obtint le rétablissement d'une chaire d'Histoire ancienne du christianisme. Henri-Irénée Marrou (1904-1977) fut appelé à l'occuper. Il en fit, pendant trente ans, le lieu d'un rayonnement remarquable. Son enseignement et ses recherches allaient renouveler ce qui avait été en France l'enseignement des origines chrétiennes au temps de la crise du modernisme et de son souvenir dans une Sorbonne sanctuaire de la laïcité. Alfred Loisy (1857- 1940) avait enseigné à l'École Pratique des Hautes Études, puis, après son excommunication, en 1908, au Collège de France jusqu'en 1932. Le prédécesseur d'H.-I.Marrou à la Sorbonne, Charles Guignebert (1867-1939), avait des positions plus modérées. Il comptait parmi ses élèves plusieurs historiens du christianisme, dont Jean-Rémy Palanque et Marrou lui- même; mais il se réclamait encore de la tradition positiviste et traitait le problème de Jésus en historien rationaliste. H.-I.Marrou évoquait parfois le contraste entre ses prédécesseurs et lui-même. Il se situait loin du modernisme, dont les méthodes critiques n'avaient pas encore pénétré de façon fructueuse dans l'Église romaine, et, philosophiquement, il ne pouvait se définir par le strict rationalisme : il affirmait sa foi dans le Christ. L'ironie de l'histoire fit cependant que la salle de la Sorbonne dévolue au Séminaire de Marrou, la Bibliothèque d'Histoire des Religions, fût précisément dominée par le buste de Loisy. Marrou siégeait en présence de cette haute figure, non sans un sourire d'amusement. Cette Bibliothèque résultait d'un don de Loisy. L'étiquette collée sur les ouvrages porte la mention: "Historien des religions, Exégète de l'Ancien et du Nouveau Testament, Novateur religieux, ce savant, forcé par l'âge d'interrompre son œuvre, offrit ses livres à la Sorbonne pour permettre aux jeunes de la continuer (Nov.1938)". Le fonds était principalement consacré à la Bible, au Judaïsme, aux religions orientales. Il comprenait aussi des ouvrages hérités d'Ernest Renan (1823-1892) et un fonds de Théodore Reinach (1860-1928). Marrou eut le souci de préserver les MARGUERITE HARL INTRODUCfION archives de Loisy et d'entretenir la bibliothèque. Il enu:eprit de la compléter créée en 1932 par Emmanuel Mounier (1905-1950) regroupait principalement par l'acquisition des grandes collections des Pères de l'Eglise, les Patrologies les chrétiens "personnalistes" qui tentaient une critique de la société capitaliste grecque et latine de l'Abbé Migne, les corpus plus récents de Vienne et de libérale aux profits d'une recherche communautaire. A Lyon, la revue Jeunesse Berlin. Les premiers collaborateurs de Marrou en assurèrent le soin : Annie de l'Église, fondée en 1942 et tournée vers l'action sociale, manifestait d'une Jaubert, Jean-Marie Leroux, Marie-Louise Guillaumin et, pour une longue autre manière ce renouveau chrétien. A Paris, l'une des plus prestigieuses période, Anne-Marie La Bonnardière. publications de cette période, la revue Dieu vivant, paraissait à partir de 1945 aux éditions du Seuil: elle réunissait des savants et de grands spirituels, H.-I.Marrou attachait beaucoup d'importance à l'intitulé de sa chaire; il religieux comme les Pères H.U.von Balthasar, M.D. Chenu, Jean Daniélou, était chargé, disait-il, de façon spécifique, de l:"histoire ancienne du Henri de Lubac, ou laïcs cOlnme Maurice de Gandillac, Vladimir Lossky, christianisme" : non pas de l'histoire ancienne "de l'Eglise" qu'avait illustrée Louis Massignon, Marcel Moré ... Les jeunes catholiques avaient un grand en d'autres temps Mgr Duchesne (1843-1922), admiré par Marrou, ni du désir d'acquérir une formation de haut niveau. christianisme replacé au sein d'une histoire générale "des religions". L'une, l'histoire "de l'Eglise", s'était surtout attachée au cadre institutionnel, aux Venant de Lyon, H.-I.Marrou avait participé en 1943 à la création de la acteurs qualifiés et aux grandes crises, alors que l'histoire "du christianisme" collection des Sources chrétiennes: elle avait été lancée par les Pères jésuites devait être aussi celle du peuple chrétien, de la masse des croyants, de leur Henri de Lubac (1896-1991) et Jean Daniélou (1905-1974), sur l'initiative de mode de vie concret, de leur spiritualité. L'autre, l'histoire "des religions", l'helléniste le P.Fontoynont, et eut le Père Claude Mondésert (1906-1990) traite du christianisme selon la méthode comparative, comme une religion comme cheville ouvrière. Les ,Éditions du Cerf des Pères dominicains, repliées parmi d'autres. L'objectif de Marrou était de prendre le christianisme comme en zone libre sous le nom d'Editions de l'Abeille, accueillirent la collection. objet central de son travail, en le considérant dans son développement propre, D'abord refuge modeste et prudent de théologiens qui ne pouvaient s'exprimer avec sa théologie, ses règles morales, la vie spirituelle de ses adeptes, ses autrement (Rome jugeait alors leur théologie trop audacieuse), la collection innovations littéraires et esthétiques. Marrou cherchait le sens de ces évolua rapidement vers plus de science et de technique universitaire et devint manifestations d'abord à l'intérieur de la religion qui les inspirait, sans le complément, pour les auteurs chrétiens, de ce qu'était, pour les auteurs négliger de les situer dans la culture de leur époque. Il était convaincu que le classiques, la collection des Universités de France publiée par les Éditions des christianisme avait apporté un mode de vie nouveau, spécifique, marqué par Belles Lettres. Ce renouveau scientifique de la pensée catholique était reçu l'exigence de sainteté., Dans son commentaire sur l'un des plus anciens avec estime dans le milieu intellectuel où il jouissait d'un prestige certain. ouvrages chrétiens, l'Epître à Diognète, il soulignait fortement l'idée de A la Sorbonne, ce furent tout naturellement surtout des catholiques qui l'auteur selon laquelle les chrétiens sont "le sel de la terre", "l'âme" du monde 1. fréquentèrent le Séminaire d'histoire ancienne du christianisme et, dans le On pouvait ne pas partager son optimisme. Mais un tel enthousiasme domaine de la patristique, assurèrent le premier recrutement des élèves ou correspOndait, il faut le rappeler, à un ensemble plus vaste de convictions qui collaborateurs de Marrou3• Il faut cependant récuser l'accusation de "clan" animaient alors le public français, au sortir de la deuxième guerre mondiale. parfois proférée contre l'équipe de Marrou par une partie du corps professoral En cette période d'après-guerre, la France connaissait un renouveau du de la Sorbonne réticente, ou même inquiète, à l'idée que les Pères de l'Église catholicisme particulièrement intense dans les milieux intellectuels. Ce allaient devenir objets d'enseignement. En réalité, bien des chercheurs du renouveau contrastait, il est vrai, avec un tableau plus sombre: la France groupe de Marrou se situaient hors de toute confession (certains veOaient de se était pe\lt-être encore "un pays de mission"2. Chez les chrétiens cultivés, se dégager de leurs liens ecclésiastiques) et nul n'avait de projet apologétique4. La développait une vive activité de réflexion, qui avait pOur pendant l'activité non pratique rigoureuse des techniques de l'histoire et de la philologie devait moins vive des communistes: christianisme et marxisme représentaient les prémunir contre toute dérive idéologique. deux grands courants de pensée, les deux forces principales issues de la . La Sorbonne dispensait déjà quelques enseignements portant sur la Résistance. Maisons d'édition, Revues, colloques, conférences, cercles p~nsée chrétienne, notamment en p~ilosophie dans la tradition d'Étienne bibliques, théologiques, patristiques; notamment dans les Ecoles Normales ~tlson (1884-1978) pour le Moyen Age. De même, le christianisme et la Supérieures, s'affichaient comme animées par des catholiques. Des professeurs lIttérature chrétienne ancienne n'avaient pas réellement cessé d'être pris en de la Sorbonne fréquentaient la Paroisse universitaire. Un public important ~ompte par les historiens de Rome, plus encore par les historiens des suivait les conférences du Centre catholique des intellectuels français. Des l~ttératures grecque et latine, dans la tradition d'Aimé Puech au début du XXe étudiants militaient pour développer l'action de la Jeunesse Etudiante SIècle et de Pierre de Labriolle (1874-1940). Dès 1943, Pierre Courcelle Chrétienne (JEC) qui av'ait été lancée avant la guerre; d'autres fondaient, pour (19~2-1980~ av~t été élu dans une chaire de latin chrétien. Cependant, une les étudiants de l'U.niversité de Paris, le Centre Richelieu. La revue Esprit, Partie des hlstonens, des latinistes et des hellénistes de la Sorbonne auraient INFRODUCIION MARGUERITE HARL cependant à ces jeunes élèves des collèges catholiques des années 30, et même préféré laisser à d'autres institutions l'ét~de ,du chri~tia,~is~e et de~ Pè~es ~~ plus tard, qui ne se croyaient pas autorisés à lire la Bible, livre réputé l'Église: la Sorbonne s'ouvrait avec peme a ce qUI n ~tait plus 1 Al}tIqmte "protestant" et que l'on croyait être "à l'index", selon une réputation fausse classique. Dans la tradition françai~e de séparati~n de l'Eglis~ et de l'Etat, les mais tenaces. En 1945, une nouvelle traduction française de la Bible, préparée études portant sur la religion de l'Eglise cathohque ne devaIent-elles pas se depuis longtemps, fut établie par l'École Biblique de Jérusalem, sous faire ailleurs ? l'impulsion du Père Chifflot et des Pères dominicains. Elle parut en fascicules Marrou avait choisi de centrer son enseignement non p~ sur le premier de 1948 à 1954 et en volume en 1956. Cette "Bible de Jérusalem" reçut un siècle de notre ère mais sur la période des "Pères" de l'Eglise (IIe- VIe bon accueil : c'était une réconciliation de la foi et de la science historique. siècles) : l'étude du Nouveau Testament et des origin~~ chrét~enne~ relevaient Marrou se félicita de voir une de ses plus proches élèves, Annie Jaubert de disciplines autres que les siennes5. Dans les pre~Ieres decenme.s du XXe (1912-1980), se donner une formation de bibliste, aller travailler en 1951- siècle ces domaines avaient été ébranlés par la cnse du modermsme. Les 1952 à IÉcole Biblique de Jérusalem, être capable de donner en Sorbonne des méth~des hypercritiques des études sur le Nouveau Testament, 9ue l~exégète cours d'hébreu et d'exégèse du Nouveau Testament. La compétence de cette catholique Loisy avait apprises de la science allemande,.elle~meme ISSU~ de helléniste, devenue exégète et historienne du judaïsme ancien, compléta de l'Aufkliirung, av~ient contribué. à distingu~r un. Jésus ~I~ton~ue ~'un Jesus façon heureuse l'éventail des disciplines regroupées autour de Marrou9• johannique mystIque, ou du C~st.de la th~logie p~uhme~ne . Resolument Si la science historique et philologique allemande de la fin du XIXe historien Marrou ne s'était senti m la competence m le gout pour reprendre siècle avait suscité en France des remous violents dans le domaine de l'exégèse ces déba~s désormais estompés. En 1941, Jean Guitton venait de publier son néo testamentaire , dans celui de la patristique, en revanche, elle avait eu une Portrait de M.Pouget qui opposait à Loisy l'extraordinaire. ~igue~r de. cet heureuse influence. Marrou aimait à rappeler le rôle de l'abbé Paul Lejay exégète catholique (1847-1921), à la fois bi~n !nf~rmé de ~a.cntlque h~stonque (1861-1920) : ce philologue et lat,iniste, formé à la critique, historique et et philologique du Nouveau Testament et fidele a la tradItIon cathohq~e, -ce philologique à la Sorbonne et à l'Eole Pratique des Hautes Etudes, fut un qui ne l'empêcha pas d'être interdit d'enseignement lors de la cnse du précurseur des études patristiques modernes. Dans la Revue d'histoire et de modernisme. littérature religieuses, fondée par Loisy, il avait été un recenseur éclairé des Si tout au long de la première moitié du siècle, la figure de Loisy grands travaux allemands sur la littérature chrétienne ancienne, aussi bien de apparais~ait encore comme celle d'un "destructeur", au milieu du XXe si~le il l'œuvre monumentale du protestant libéral Harnack que de celle du catholique n'en était plus de même: la page était tournée. Avec du recul, les catho~Ique~ Bardenhewer, du moins jusqu'au jour où les autorités ecclésiastiques lui découvraient les bienfaits de la méthode critique. Marrou eut l'occaslOn, a ordonnèrent en 1907 de cesser cette collaboration. En 1904, il avait lui-même Bologne, en 1960, de préciser les relations ,qu~ la phil~l~gie et l',histoire lancé avec l'abbé Hemmer la collection des Textes et documents pour l'étude avaient entretenues dans l'étude des textes sacres des le pontIfIcat de Léon XIII historique du christianisme, dont 18 volumes parurent jusqu'en 1914. Sur un (de 1878 à 1903) : la ~rontière était sinue.use, ~disa~t-il, Ae?~e le~. de~~ arrière-plan moderniste, Paul Lejay avait ainsi contribué, cinquante ans avant positions et l'on ne poUVaIt opposer de façon simphste d un cote la c~tIque , la collection des Sources chrétiennes, à la résurgence, en France, d'une libre de l'autre "la tradition"; l'Encyclique Providentissimus Deus de Leon XIII recherche pour l'antiquité chrétienne, répondant aux exigences rationnelles des avait dès 1893, réellement lancé le mouvement biblique; le travail exégétique méthodes modernes et gardant une distance critique à l'égard d'une cath~lique pouvait être mené avec une vision large d~ l'histoire des textes, tels historiographie ecclésiastique et d'une patristique encore soumise à des qu'ils ét,aient reçus dans la continuité de la ~ie de l'Eglise. "Nous n~ passons présupposés théologiques. plus notre temps à nous dema!1der: y a-t-Il des erreurs dans la BIble? En L'œuvre personnelle d'H.-I.Marrou avait engagé d'autres débats, non présence d'un texte de la sainte Ecriture n?us nou}') d~mand~ns: qu'est-ce qu~ ce plus théologiques ou exégétiques, mais proprement historiques. En consacrant texte a représenté et représente dans la VIe de l'Eghse, qu est- ce que la samte SOn premier grand ouvrage à Saint Augustin et la fin de la culture antique (sa Église en a fait ?"7. thèse principale, parue en 1939) puis en préparant sa fameuse Histoire de Le renouveau du catholicisme s'accompagnait donc d'un renouveau des l'éducation dans l'Antiquité (parue en 1948), il contribuait à la réhabilitation études bibliques, une véritable révolution. En 1943, l'Encyclique du papt: Pie d'une période longtemps négligée dans la recherche universitaire française, les XII Divino afflante spiritu, pouvait mettre fin à une longue per!ode siècles du Bas-Empire, al1rès la conversion de Constantin au christianisme, d'in~ulture biblique chez les catholiques. Certes, il existait bien des BIbles siècles qui étaient aussi l'Age d'or de la littérature chrétienne. Historien de la traduites en français: par exemple la traduction de ~e M~istre de S.acy, de culture, Marrou soulevait une double question: cette période avait-elle vu la 1672, avait été sans cesse rééditée et les catholiques dIspoSaIent, depms 1904, fin de la culture classique? et, au sein de cette période, quelle était la relation de l'édition manuelle de la Bible d'Auguste Crampon. Que l'on songe ,., MARGUERITE HARL INI'RODUCIION de la culture chrétienne au monde classique? L'ouvrage de Marrou donna lieu intermédiaire de l'Antiquité tardive (fin du Ile siècle-fin du VIe siècle) avait eu à un débat, chez les historiens des Annales, qui reconnurent l'importance de la sa vitalité et sa culture propres1 0• Les historiens de la littérature chrétienne thèse (Marc Bloch, dans la Revue Historique) et chez les spécialistes de la devaient avoir le souci de lire en même temps, et sans les dissocier, les période tardive parmi lesquels Marrou trouva. deux interlocl}teurs œuvres chrétiennes et leur contemporaines encore purement antiques, de noter particulièrement compétents. Dans une longue recenSIOn (Revue des Etudes rencontres et mutations dans le commun héritage du classicisme. La littérature Grecques, 1939), AJ.Festugière approuvait la thèse de Marrou tout en patristique et même la pensée des Pères n'apparaissaient. désormais énumérant un grand nombre de textes tardifs analogues aux textes d'Augustin; intelligibles qu'en les situant dans le développement cohérent et l'unité de la certains traits religieux de la pensée augustinienne se rattachaient en fait à la culture antique. Jacques Fontaine formulait ainsi récemment les nouvelles culture classique encore présente à l'époque tardive et n'étaient spécifiquement manières d'aborder l'Antiquité tardive et la patristique: "On ne peut plus ni aU$ustiniens ni même chrétiens. Un ,~u plus ~d, Pierre .Boyancé (Revue concevoir de la même manière une histoire de la création littéraire aux derniers des Eudes Anciennes, 1945) montra qu Il ne fallaIt pas retemr ce que Marrou siècles de l'Empire romain, dès lors qu'on reconnaît l'autonomie culturelle et avait trop vite concédé aux adversaires de l'Antiquité tardive et qui dénaturait esthétique de cette dernière phase des civilisations classiques que nous son véritable propos sur la culture d'Augustin: au service de sa foi nouvelle, appelons à présent Spiitantike ou Antiquité tardive. On ne peut davantage Augustin gardait les éléments de l'antique humanisme. envisager l'histoire de la création littéraire chrétienne comme un simple savoir annexe des sciences sacrées, dès lors que l'on a reconnu comme un domaine de Marrou reconnut alors, dans sa belle Retractatio de 1949, qu'il avait recherche à part entière celui d'une patristique libérée d'attaches porté des jugements erronés, notamment en qualifiant Augustin de "lettré de la confessionnelles trop étroites" (Chantilly, 1992, colloque franco-allemand). décadence". Humaniste de formation classique, il avait interprété ("en barbare!", écrivit-il) comme des faits de dégénérescence les nouveautés et les Faisant appel aux Pères de l'Église, H.-I.Marrou, lui-même bon transformations "qui sont en réalité des manifestations de la vitalité latiniste et spécialiste de saint Augustin, ouvrait son enseignement non vigoureuse de cette civilisation". La culture littéraire, philosophique et seulement aux historiens et aux archéologues mais aussi aux "littéraires", chrétienne d'Augustin présentait avec la culture classique une continuité qui latinistes et hellénistes du monde "post-classique". Bien avant la mode de la devait être affirmée. C'est ce que montrait de son côté, notamment pour la "pluridisciplinarité" et du travail en équipe, son séminaire favorisait les culture grecque, Pierre Courcelle (Les lettres grecques en Occident de Macrobe échanges entre disciplines et invitait historiens et philologues à travailler à Cassiodore, 1943). Marrou lui-même étudiait la survie de la culture antique ensemble. Marrou demandait à ces derniers des textes bien établis, bien dans son Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, survie qui s'accompagnait de traduits, et reconnaissait la valeur de leurs techniques propres. Il se félicitait phénomènes de mutations. La culture grecque, celle dont Werner Jaeger (1888- des travaux d'éditions ou de commentaires de textes grecs chrétiens 1945) venait de donner une belle étude (Paideia. The Ideals of Greek Culture, qu'entreprenaient des hellénistes, généralement sous la direction de Robert traduction anglaise 1943-1945; original allemand, Berlin 1933), n'était pas Flacelière (André Méhat, Anne-Marie Malingrey, Annie Jaubert, moi-même). morte après le classicisme. La culture du Bas-Empire n'était pas décadente, on Mais, parfois, les exigences de la philologie paraissaient trop minutieuses aux ne devait plus parler de Dark Ages. A la suite des périodes hellénistique et yeux des historiens ("à force de gratter le papier, disait Marrou, on le romaine, cette" Antiquité tardive" s'inscrivait dans la culture antique, avec ses troue !"), et l'établissement des textes, trop lent. A l'inverse, aux yeux des caractères propres. Les Pères de lÉglise, dès la fin du second siècle, attestaient philologues, les hypothèses de certains historiens semblaient hasardeuses, l'intégration de la culture classique au sein du christianisme: des écrivains résultant d'une lecture fragmentaire et rapide des textes. Ce n'était pas le cas de comme Clément d'Alexandrie, Tertullien, Origène, leurs successeurs, avaient Marrou, soucieux de tenir compte des aspects proprement littéraires des assimilé la culture intellectuelle de leur temps. Le concept de "décadence" œuvres, de leur mode de composition, des lieux communs, de la rhétorique. utilisé par les historiens modernes correspondait à des jugements de valeur liés Marrou réfléchissait aux méthodes de publication et à la struc~ure des livres à une époque trop sûre d'elle-même. dans l'Antiquité tardive (la Cité de Dieu) : André Méhat allait traiter cette question pour les Stromates de Clément d'Alexandrie et moi-même à propos De telles affirmations pouvaient répondre, sur de nouveaux frais, au du Peri Arc~ôn d'Origène. Nous nous méfiions d'une Quellenforschung problème de "la fin de l'Antiquité" posé il y avait fort longtemps par Edward exclusive qui aboutissait à réduire une œuvre à ses sources, alors que nous Gibbon (1737-1794) : le développement du christianisme avait-il été un intéressait surtout le projet personnel de l'auteur, quelles que fussent les élément de la décadence et de l'effondrement de l'Empire romain ? Au milieu Sources utilisées. du XXe siècle, le caractère positif et fécond de la civilisation byzantine n'était plus en cause. On ne pouvait plus parler de "décadence" et d~ "fin du m~nde Le grand bénéfice que les philologues retiraient d'une collaboration avec antique". Entre les siècles classiques et le haut Moyen Age, la pénode les historiens était la nécessité de lire et d'interroger les textes dans le cadre MARGUERITE HARL INI'RODUf!!/ON d'une large problématique. Il fallait chercher en eux des réponses aux questions à l'endroit d'un tombeau? Marrou faisait le point: on constatait à tout le que posaient les autres données historiques (les monuments, les motifs moins la permanence, en un même lieu, à partir des alentours de l'an 200, du figurés, les pratiques institutionnelles ou liturgiques, etc.), étudier les textes souvenir et de la vénération de l'Apôtre, peut-être un culte préconstantinien de en relation avec la civilisation de l'époque. Marrou mettait d'autre part en saint Pierre à Rome. C'était une position prudente, à mi-chemin entre ceux garde ses auditeurs contre une histoire trop uniquement "événementielle", qui qui allaient plus loin dans les hypothèses (on avait découvert le tombeau manque de voir les problèmes posés dans une civilisation sur une longue même de saint Pierre !) et ceux qui critiquaient les conclusions hâtives et durée, les grandes évolutions. Et il protestait contre l'excès d'hypothèses sur idéologiques issues de fouilles mal conduites 13. Marrou se montrait réservé, des détails, remarquant qu'à la différence des sciences exactes "en histoire la comme il le faisait souvent devant des interprétations trop naïvement précision s'obtient souvent aux dépens de la certitude"11. apologétiques (la vision de Constantin, le récit d'un miracle ... ). Pour prendre part à ces discussions, nous rencontrions auprès de Marrou de jeunes Les liens entre l'histoire ancienne du christianisme et la patristique archéologues et historiens qui allaient devenir ses successeurs, nos collègues grecque et latine ne cessèrent de se fortifier. La pluridisciplinarité de notre trop tôt disparus, Paul-Albert Février (1931-1991) et Charles Pietri (1932- équipe fut consacrée en 1961 à la Sorbonne: Marrou obtint la reconnaissance d'un Centre de recherche qui associait à son équipe, responsable notamment du 1992). grand programme de la Prosopographie chrétienne du Bas-Empire, celles que En 1941, avaient été découverts à Toura, près du Caire, des papyrus nous avions créées, Jacques Fontaine et moi-même, depuis nos élections en contenant des œuvres inédites, notamment d'Origène. À l'École Pratique des des chaires parallèles de latin et de grec, en 1958. Ce Centre, devenu en 1971 Hautes Études, puis au Collège de France, cet autre maître que fut pour nous un "Laboratoire associé" au CNRS, fut placé sous le patronage du grand Henri-Charles Puech (1902-1986) consacra des années, avec sa minutie et son patrologue du XVIIe siècle, ami des Jansénistes, Lenain de Tillemont (1637- érudition habituelles, à dégager les traits de la théologie trinitaire d'Origène. 1698)12. André Mandouze, spécialiste lui aussi de saint Augustin et ami Quel était le rapport entre la pensée de l'écrivain chrétien et les thèses proche de Marrou, ajouta une quatrième équipe au Centre lorsqu'il entra à la gnostiques ou plotiniennes ? Fallait-il croire que l'Origène chrétien était la Sorbonne, à son retour d'Alger. Dirigé successivement, après le départ d'H. même personne que l'Origène connu des néoplatoniciens pour avoir été le I.Marrou, par Charles Pietri, puis par moi-même, puis par Noël Duval, ce condisciple de Plotin aux cours du philosophe alexandrin Ammonius Saccas ? Centre est toujours le lieu animé de nos rencontres, de nos recherches et de Autour d'H.-C.Puech plusieurs d'entre nous devinrent des spécialistes du nos publications. néoplatonisme (pierre Hadot, Jean Pépin) ; d'autres éditèrent des œuvres d'Origène (pierre Nautin, moi-même) et poursuivirent les discussions autour du maître alexandrin, notamment lorsqu'Antoine et Claire Guillaumont eurent Nouveaux problèmes posés aux historiens du christianisme démontré que la vraie source des thèses "origénistes", condamnées en 553 par ancien : les découvertes des années 1940-1950. l'Empereur Justinien, se trouvait dans les œuvres du moine Évagre le Dans les années mêmes où l'enseignement de Marrou s'attachait à l'histoire Pontique : la préexistence des âmes, la "hénade" primitive, la chute, le salut ancienne du christianisme, plusieurs découvertes importantes vinrent enrichir par la science. Devait- on en déduire que la condamnatioR d'Origène avait été la documentation concernant le "milieu" du développement du christianisme. une erreur, qu'Origène n'avait pas été lui-même "origénisk", qu'il fallait le De nouveaux problèmes furent posés, qui allaient soulever de vives réhabiliter? Les théologiens catholiques s'attachèrent alors de préférence aux polémiques au sein de la communauté scientifique. A Paris même, -à la Homélies de l'Alexandrin. Une lecture quelque peu apologétique d'Origène Sorbonne, à l'École des Hautes Études, au Collège de France-, plusieurs convenait bien à l'intérêt que les catholiques prenaient désormais à lire les savants s'attachaient à explorer ces nouveaux documents. D'un mot, que Pères comme des maîtres spirituels : que l'on se rappelle les beaux ouvrages soient évoqués ici quelques-uns des sujets qui suscitèrent l'intérêt de Marrou et d'Hans Urs von Baltazar, d'Henri de Lubac et de Jean Daniélou. d~ ses élèves. Ne fallait-il pas, cependant, maintenir dans notre lecture d'Origène ce Les fouilles conduites dans les cryptes du Vatican, sous la Confession qui en faisait une œuvre de son époque, avec une problématique philosophique et la nef de saint Pierre (1940-1949, publiées en 1951), avaient révélé une commune à plusieurs courants religieux, répondant aux questions de cet "âge nécropole et notamment un édicule préconstantinien. Certains jugèrent que d'angoisse", qu'évoquait d'E.R.Dodds (1893-1979) dans son livre Pagan and l'on avait découvert le tombeau de saint Pierre. Les discussions portaient sur Christian in an Age of Anxiety (1965, traduction française par H.D.Saffrey, la signification d'un certain mur Rouge précieusement conservé dans 1979)? Dans mes travaux sur Origène, je soulignais la structure cohérente du l'antiquité et sur l'interprétation de graffiti. Etait-on en présence d'un Traité des principes, où sont successivement posées les questions concernant martyrium? d'une memoria Petri ? Ce "trophée de Pierre" n'était- il pas placé Dieu, le monde et l'homme, avec un système d'explication unique fourni par 16 17

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