Le contrôle international des agences de notation financières Charles Bergier To cite this version: Charles Bergier. Le contrôle international des agences de notation financières. Droit. Université Côte d’Azur, 2018. Français. NNT: 2018AZUR0014. tel-01863563 HAL Id: tel-01863563 https://theses.hal.science/tel-01863563 Submitted on 28 Aug 2018 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. 1 Le contrôle international des agences de notation financière Charles BERGIER Laboratoire de Droit International et Européen EA 7414 (LADIE) Présentée en vue de l’obtention Devant le jury, composé de : du grade de docteur en droit Louis Balmond, Professeur, Université de Tou- d’Université Côte d’Azur lon Dirigée par : Jean-Christophe Martin/Louis Thierry Garcia, Professeur, Université Grenoble Balmond Alpes Soutenue le : 2 juillet 2018 Patrick Jacob, Professeur, Université de Ver- sailles Saint-Quentin-en-Yvelines Jean-Christophe Martin, Professeur, Université Côte d’Azur 2 Le contrôle international des agences de notation financière Jury : Président du jury Thierry Garcia, Professeur, Université Grenoble Alpes Rapporteurs Thierry Garcia, Professeur, Université Grenoble Alpes Patrick Jacob, Professeur, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines Examinateurs Louis Balmond, Professeur, Université de Toulon Jean-Christophe Martin, Professeur, Université Côte d’Azur 3 Résumés et mots clés Titre : Le contrôle international des agences de notation financière Alors qu'il ressort de la volonté de contrôler les agences de notation financière des initiatives nationales et régionales concrètes, elles ne restent toutefois pas harmonisées. Cette situation n'est cependant pas rédhibitoire. A titre d'exemple, alors que l'UE et les États-Unis disposent tous deux d'un système d'enregistrement distinct des agences afin qu'elles puissent exercer sur leur territoire, il apparaît logique de penser, et donc à terme d'envisager, qu'un enregistrement ou une agrégation universelle constituerait un premier pas fort vers l'harmonisation des réglementations. Il est dans ce cadre possible d'affirmer que l'harmonisation des réglementations américaine et européenne pourrait constituer un premier pas vers un cadre supra-étatique de réglementation des agences de notation financière. Il resterait dès lors à définir si ce sont les standards européens qui s'appliqueraient, ou ceux de la réglementation américaine potentiellement moins ambitieuse. Et encore, cette piste de réflexion serait parfaitement juste si il ne fallait pas également prendre en compte la montée des économies des pays émergents qui souhaitent changer la donne. Il serait donc nécessaire de s'accorder avant tout sur un système convenant à tout un chacun, hypothèse fort difficile mais qui mérite des questionnements. En outre, pour contrôler les agences de notation financière de manière efficace et contraignante (ce que n'est malheureusement pas le Code de bonne conduite de l'OICV), il ne faut pas non plus négliger la possibilité de voir émerger un droit international économique issu de standards financiers. Ce processus ne serait ainsi pas seulement bénéfique dans le cadre de la création d'un contrôle international des agences de notation, il le serait également dans le développement d'un droit international financier contraignant. Dans le cadre des agences de notation, le développement des standards financiers s'est fait en réponse aux besoins des autorités de régulation nationales à la recherche d'un équilibre entre le maintien de la compétitivité de leur place financière et la nécessité d'une stabilité du système financier. Ces standards permettent aux institutions de coopération de se positionner comme des autorités internationales de standardisation pour les secteurs concernés. Ils constituent indubitablement la piste de réflexion la plus sérieuse pour un contrôle international efficace des agences de notation financière. Mots clés : Agences de notation financière, notation financière, contrôle international. Title : The international control of credit rating agencies To control credit rating agencies, some national and regional initiatives are concrete, but they do not are harmonized. This situation is not, however, prohibitive. For example, while the EU and the US both have a separate registration system for credit rating agencies to exercise on their territory, it makes sense to think, and therefore ultimately consider, that a universal registration or aggregation would be a strong first step towards regulatory harmonization. It is in this context that the harmonization of US and European regulations could be a first step towards a supra-state regulatory framework for credit rating agencies. It remains to be defined whether European standards would apply, or those of the potentially less ambitious American regulation. And this line of thought would be perfectly fair if it was not also necessary to take into account the rise of emerging countries that want to change the situation. It would therefore be necessary to agree first and foremost on a system that is suitable for everyone, a very difficult hypothesis that deserves questioning. In addition, in order to control credit rating agencies in an effective and binding manner (which is unfortunately not the case for the IOSCO Code of Conduct Fundamentals for Credit Rating Agencies), the possibility of emerging international economic law made from financial standards. This process would thus not only be beneficial in the context of creating international control for credit rating agencies, it would also be beneficial in the development of a international financial law. In the context of credit rating agencies, the development of financial standards has been in response to the needs of national regulatory authorities seeking a balance between maintaining the competitiveness of their financial centers and the need of stability for the financial system. These standards allow cooperation institutions to position themselves as international standardization authorities for the sectors concerned. Keywords : Credit rating agencies, rating, international control 4 REMERCIEMENTS A tous ceux qui m’ont aidé et soutenu durant la rédaction de ce travail. Je tiens à exprimer en premier lieu au Professeur Louis Balmond, Directeur de ma thèse, mes sincères remerciements, pour la confiance qu'il m'a accordée en acceptant de diriger et d'encadrer mes recherches, pour ses précieux conseils, sa gentillesse, sa disponibilité et sa bienveillance à l'égard de mon travail mais aussi de moi-même. Qu’il veuille bien trouver ici toute l’expression de ma sincère reconnaissance. Je remercie également le Professeur Jean-Christophe Martin, co-Directeur de ma thèse, pour ses conseils et sa supervision ; mais aussi pour m'avoir permis d'affronter certaines difficultés administratives avec facilité et bonne humeur. Je remercie le Professeur Thierry Garcia, pour avoir accepté d'être co-Directeur de ma thèse pendant une année, avant son départ pour Grenoble. Je remercie le Professeur Patrick Jacob et les membres du jury d’avoir accepté d’évaluer mon travail, ainsi que d’honorer de leur présence la soutenance de cette thèse. Je remercie tous ceux qui m’ont aidé lors de la rédaction de ma thèse ainsi que ceux qui m’ont accompagné au quotidien, que ce soit les personnes présentes depuis le début de mes études ou celles m'ayant rejoint à la fin. Je remercie enfin ma famille. Ma gratitude va avant tout à mes parents, qui nous ont toujours soutenus avec bienveillance ma sœur et moi, qui nous ont accompagnés avec force et n'ont jamais jugé nos choix. Je remercie ma sœur pour son soutien et son écoute dans les moments de remise en question. J'adresse également mes remerciements à mes grands parents pour le temps passé à la relecture de mon travail, pour les conseils donnés et pour les attentions qu'ils m'ont portées. Trouvez ici l’expression de mon attachement et de ma gratitude, en espérant pouvoir vous rendre fiers. 5 Liste des abréviations OMC : Organisation Mondiale du Commerce FMI : Fonds Monétaire international S&P : Standard & Poor's SEC : Securitites and Exchange Commission NRSRO : Nationally Recognized Statistical Rating Organizations ACRA : Analytical Credit Rating Agency UE : Union Européenne OPCVM : Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières AMF : Autorité des Marchés Financiers CBCB : Comité de Bâle sur le Contrôle Bancaire BRI : Banque des Règlements Internationaux OEEC : Organismes Externes d’Évaluation de Crédit OICV : Organisation Internationale des Commissions de Valeurs AEMF : Autorité Européenne des Marchés Financiers CRARA : Crédit Rating Agency Reform Act CSF : Conseil de Stabilité Financière OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économique HHI : Herfindahl-Hirschman Index CPDO : Constant Proportion Debt Obligation FED : Federal Reserve System (Réserve Fédérale américaine) CDO : Collateralized Debt Obligation (obligation adossée à des actifs) CDS : Credit Default Swap CE : Commission Européenne CNUCE : Conférence des nations-Unis pour le Commerce et le Développement BRICS : Acronyme désignant le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud IFOP : Institut Français d'Opinion Publique COFACE : Compagnie Française d'Assurance pour le Commerce Extérieur AAI : Autorités Administratives Indépendantes GAO : United States Government Accountability Office CRI : Credit Research Initiative PIB: Produit Intérieur Brut 6 CERVM : Comité Européen des Régulateurs des marchés de Valeurs Mobilières SESF : Système Européen de Surveillance Financière CERS : Comité Européen du Risque Systémique ABE : Autorité Bancaire Européenne AEAPP : Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles CJUE : Cour de Justice de l'Union Européenne CEREP : Central Repositoy/Registre central de statistiques sur les performances des notations OPCVM : Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières AES : Autorités Européennes de Surveillance AECRA : European Association of Credit Rating Agencies PESF : Programme d’Évaluation du Secteur Financier GAFI : Groupe d'Action Financière CIJ : Cour Internationale de Justice CDI : Commission du Droit International SFP : Statistiques de Finances Publiques 7 SOMMAIRE Introduction générale TITRE I : Les limites de la régulation internationale des agences de notation financière par les instruments universels Chapitre I : L'activité de notation : un contrôle difficile Chapitre II : Une évolution vers une régulation internationale des agences de notation financière TITRE II : La contribution de systèmes juridiques partiels à la construction d'une régulation internationale des agences de notation financière Chapitre I : Le contrôle européen des agences de notation financière : une évolution progressive vers l'exemplarité Chapitre II : L'évolution significative de la réglementation américaine Chapitre III : Vers un meilleur contrôle international des agences de notation financière Conclusion générale 8 INTRODUCTION GENERALE Le droit international économique trouve sa source dans le droit international du commerce. Toutefois, étant un droit marqué par son évolution, comme le soulignent les Professeurs Jourdain- Fortier et Micklitz, il dépasse aujourd'hui les grandes institutions économiques mondiales que peuvent être l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), le Fonds Monétaire International (FMI) ou encore la Banque mondiale, pour trouver sa place auprès des grandes institutions mondiales non économiques comme l'Organisation Mondiale de la Santé ou le Programme des Nations-Unies pour l'Environnement qui se sont retrouvées confrontées progressivement à des questions d'ordre économique1. Cette évolution est également soulignée par les Professeurs Carreau et Juillard affirmant que « […] le perfectionnement du droit international économique l'amène, dorénavant, à pénétrer en des domaines qui n'étaient pas les siens »2. De plus, en observant l’émergence de nouvelles institutions régionales, voire d'instruments bilatéraux, qui multiplient les acteurs institutionnels opérant dans le domaine du droit international économique, on observe également, phénomène plus important peut-être, que la mondialisation a promu une nouvelle méthode législative : l’État n’agit plus seul, mais s'inscrit dans un réseau de coopération. Ainsi, la concurrence internationale est réglementée par les accords OMC, certains secteurs ou activités économiques sont encadrés par des accords internationaux spécifiques, par tout un réseau de règles établies par diverses organisations d’intégration régionales ou encore par d’innombrables accords bilatéraux. Le Professeur Ullrich affirme ainsi qu'« […] il y a toute une superstructure de droit économique international. Elle ne se réduit pas à un « droit international du commerce », mais constitue un droit international du marché »3. De cette vision de droit international du marché, qui peut s'entendre comme le droit régissant le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande, ne peut être écartée une part importante, à savoir le droit financier international. En effet, l'activité financière est un des vecteurs du développement de l'économie puisqu'elle permet notamment d'assurer son financement à travers l'endettement ou les marchés financiers. S'il est difficile de donner une définition exhaustive de la finance, il est possible de la désigner comme les activités liées à la monnaie et à ses représentations4. Alors que les activités financières n'ont fait que 1 JOURDAIN-FORTIER C., MICKLITZ H-W., « La transformation du droit international économique », Revue internationale de droit économique, 2012/2 (t. XXVI), p. 127. 2 CARREAU D., JUILLARD P., Droit international économique, 5ème édition, Dalloz, 2013, p. 4. 3 ULLRICH H., « La mondialisation du droit économique : vers un nouvel ordre public économique. Rapport introductif », Revue internationale de droit économique, 2003/3 (t.XVII), p. 294. 4 BISMUTH R., La coopération internationale des autorités de régulation du secteur financier et le droit international public, Bruylant, 2011, p. 5. 9 s'internationaliser durant les dernières décennies, de nouveaux risques sont apparus. Afin d'y répondre, deux options sont envisageables, à savoir des réponses strictement nationales ou des réponses à caractère international à travers le développement d'un cadre juridique multilatéral. Or, il apparaît que chacune de ces deux possibilités sont soumises à des contraintes importantes de la part du droit international5. Pour ce qui est des limites posées par le droit international aux réponses strictement nationales, elles se caractérisent par l'immatérialité des activités financières et leur décomposition spatiale entraînant des difficultés d’articulation des compétences étatiques reposant essentiellement sur une approche territoriale. Dès lors, et avec la non reconnaissance en matière de droit de la concurrence et des marchés financiers de la théorie des effets en droit international6, « […] lorsque l'activité est difficilement objectivement localisable, l'assise essentiellement tellurique du droit international apparaît inadéquate » 7 . Concernant les contraintes au développement d'un cadre multilatéral, Régis Bismuth est là aussi très clair, affirmant que « […] aucune obligation internationale de dimension globale ne lie les États en matière de contrôle et de surveillance des activités financière »8. Cette situation est notamment due à la difficulté pour le droit international de s'adapter aussi rapidement que ce que les activités financières l'exigent. Le droit financier international, composante du droit international économique, est donc un droit peu développé. Or, ce phénomène de difficulté de réglementation internationale se trouve aggravé dans le cadre des agences de notation financière puisque celles-ci cumulent la nature financière avec la problématique toujours complexe du contrôle sur le plan international. Ainsi, le 8 novembre 2008, Pascal Lamy, alors Directeur général de l’OMC, déclarait : « je remarque qu'il y a des organisations mondiales pour le commerce, la santé, l'environnement, les télécommunications, l'alimentation. Il existe deux "trous noirs" dans la gouvernance mondiale : la finance, […], et les migrations, […] »9. Pour ce qui est de la finance, près de 10 ans plus tard, et même si de nombreuses initiatives nationales ou régionales ont été prises, aucune initiative d'ordre international n'a vu le jour. Or, puisque les agences de notation financière agissent à l’échelle planétaire, il est impératif que la communauté internationale, par l’entremise du droit international public, se donne des outils de régulation et de réglementation supra-étatiques pour les agences. 5 Ibid., p. 15. 6 Ibid., p. 18. 7 Ibid. 8 Ibid., p. 19. 9 FAUJAS A., LEMAÎTRE F., « Pascal Lamy : "Il faut une régulation contraignante" », Le Monde, 9 novembre 2008.
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