Le cèdre de France Étude approfondie de l'espèce Biologie, Ecologie, Agronomie Collection dirigéepar Richard Moreau professeur honoraire à l'Université de Paris XII, correspondant national de l'Académie d'Agriculture de France Cette collection rassemble des synthèses, qui font lepoint des connaissances sur des situations ou des problèmes précis, des études approfondies exposant des hypothèses ou des enjeux autour de questions nouvelles ou cruciales pour l'avenir des milieux naturels et de l'homme, etdes monographies. Elle est ouverte àtous les domaines des Sciences naturelles etdelaVie. Déjà parus France Pologne pour l'Europe, Les enjeux de la Politique agricole commune après l'élargissement du rr mai 2004,2005. Louis CRUCHET, Le ciel en Polynésie. Essai d'ethnoastronomie en Polynésie orientale, 2005. Hemi LOZANO, Le sens des choses. une logique d'organisation de l'univers,2005. Pierre PIGNOT, Europe, UtopieouRéalité?, 2005. Pierre DE FELICE, L'image de la terre: les satellites d'observation, 2005. André NEVEU, Les grandes heures de l'agriculture mondiale, 2005. Philippe PREVOST (Sous la direction de), Agronomes et territoires, 2005. Claude MONNIER, L'agriculture française en proie à l'écologisme, 2005. Arnaud MAUL, Approche évolutionniste de la sexualité humaine, 2005. Laurent HERZ, Dictionnaire des animaux etdes civilisations, 2004. Michel DUPUY, Les cheminements de l'écologie enEurope, 2004. René MONET, Environnement, l'hypothèque démographique, 2004. IgnacePITTET, Paysan dans la tourmente.Pour une économiesolidaire, 2004. Ibrahim NAHAL, La désertification dans le monde. Causes - Processus - Conséquences - Lutte, 2004. Paul CAZA YUS, La mémoire et les oublis, Tome LPsychologie, 2004 Paul CAZAYUS, La mémoire et les oublis, Tome II, Pathologie et psychopathologie,2004. PREVOST Philippe, Uneterre àcultiver, 2004. Jean TOTH Le cèdre de France , Etude approfondie de ['espèce Préface de Richard MOREAU L'Harmattan 5-7,ruedel'École-Polytechnique; 75005Paris FRANCE L'Harmattan Hongrie Espace L'Harmattan Kinshasa L'Harmattan ltalia L'lIarmattan Bnrkina Faso Konyvesbolt Fac..desSc.Sociales,Pol.et ViaDegliArtisli,15 1200logementsvilla96 Adm.;BP243,KINXI 10124Torino 12B2260 Kossoth L.u.14-16 1053 Budapest Univ=ité deKinshasa-RDC ITALlE Ouagadougou 12 www.1ibrairieharmattan.com e-mail: [email protected] cgL'Harmattan, 2005 ISBN: 2-7475-9264-2 EAN :9782747592642 DÉDICACE A Gisèle, ma femme, pour le soutien moral qu'elle m'a toujours donné dans les moments difficiles et qui de plus m'a apporté l'aide d'une efficace collaboratrice, et à mes deux fils, Patrick et Pascal, pour leur amour de la nature. REMERCIEMENTS Tout d'abord je remercie très chaleureusement Monsieur le professeur Richard MOREAU qui a accepté de lire mon manuscrit, de l'inclure dans la collection qu'il dirige et d'en faire la préface. La réalisation de cet ouvrage n'a pu se faire que grâce à la collaboration de tous ceux qui de loin ou deprès sont intéressés par le Cèdre. Je tiens à remercier M. Jean PARDÉ, Directeur de Recherches au CNRF, qui m'a initié à cette essence et qui, durant mes années de recherches, m'a patiemment conseillé sur l'ensemble de mon travail, ainsi que M. Maurice TURREL, technicien à l'époque de la réalisation de la plupart des recherches. Son infatigable énergie et sa volonté d'aboutir dans mes analyses et mes observations, quelquefois très longues et très fastidieuses, son esprit de collaboration et son dévouement sans faille méritent d'être soulignés. Il ne faut pas oublier tous ceux qui, avec une remarquable abnégation et un souci très haut de bien servir la science, ont renforcé la certitude des résultats obtenus par leurs observations personnelles sur le terrain, observations dont ils m'ont fait part. Je ne puis pas tous les citer ici mais qu'ils soient assurés de ma gratitude. 7 PRÉFACE Quand on dit cèdre, on dit Liban et on pense à la Bible: le Cantique des Cantiques évoque en effet le bois du Liban (cèdre ou cyprès d'ailleurs, tous deux étant les bois nobles par excellence) avec lequel le roi Salamon construisit un pavillon nuptial. Plus loin, la bien-aimée laisse éclater son amour pour son roi dont elle compare le visage au mont Liban et dont elle dit qu'il est distingué comme les cèdres. Les grands cèdres font maintenant la gloire des parcs. Le genre Cedrus se répartit en quatre espèces montagnardes, l'une en Asie mineure (Liban), l'autre dans le Nord de l'Afrique (Atlas), la troisième dans l'Himalaya et la quatrième à Chypre. Le cèdre du Liban est leplus connu des quatre pour son port majestueux et son feuillage toujours vert qui le rendent très ornemental. Sur le plan écologique, d'après les études et les observations effectuées, il est plus rustique que le Cedrus atlantica, originaire des montagnes de l'Algérie et du Maroc où cette espèce vit à des altitudes comprises entre 1.200 et 2.000 mètres, sous un climat de montagne de type méditerranéen, lumineux et sec, avec des hivers longs, mais sans froid excessif, et des étés courts et chauds. Supportant la sécheresse, il forme de beaux peuplements sur des sols variés, surtout au Maroc. Dans ces conditions, on comprend que les forestiers français l'aient introduit dès 1860 dans nos montagnes méridionales où il forme, sur le mont Ventoux et ailleurs, de beaux peuplements qui se régénéraient naturellement, voire puissamment, et qui s'installaient facilement dans les clairières. Le cèdre de l'Atlas fut donc rapidement naturalisé dans le Midi. Les circonstances lui sont tout aussi favorables plus au nord et en général partout où le chêne pubescent domine franchement. Une essence aussi plastique était donc une bénédiction pour repeupler des milieux difficiles, reprendre des plantations d'essences ayant souffert du froid ou de la chaleur et surtout faire réinvestir par la forêt les milliers d'hectares incendiés du Midi de la France. Or, le cèdre est lui-même peu inflammable et élimine le sous-étage herbacé. Cette belle essence a donc tout pour plaire et peut être considérée comme une panacée. C'est pourquoi il était plus qu'utile de lui consacrer un ouvrage d'ensemble. Jean TOTH était le plus qualifié pour le rédiger. En effet, ingénieur de recherches forestières à la Station forestière de l'INRA d'Avignon, il a consacré près de trente ans de sa vie à des travaux sur trois essences principales: le chêne vert, le pin noir et le cèdre, mais c'est ce dernier qui l'a leplus occupé. 9 En 1978, il lui a d'ailleurs consacré sa thèse de docteur-ingénieur soutenue devant la Faculté des Sciences de Marseille. A ce sujet, je tiens à rappeler que la thèse de docteur-ingénieur, malheureusement supprimée avec celle, ancienne, d'Université qui était ouverte à tous, représentait l'équivalent pour les ingénieurs du doctorat ès-Sciences d'Etat. C'est dire l'importance du travail de Jean TOTH. Sa vaste connaissance sur le cèdre passa bien sûr par un long séjour en Algérie qui lui donna l'occasion de sillonner les cédraies parfois très anciennes de l'Atlas algérien. Auparavant, à ses débuts comme ingénieur- forestier en Hongrie, il avait dirigé une pépinière d'essences exotiques, parmi lesquelles se trouvaient des exemplaires du cèdre de l'Atlas et surtout de l'Himalaya. Curieux retour des choses, la révolution hongroise, à laquelle il participa très activement, décida de la carrière de ce forestier débutant, en le contraignant à quitter le pays; il eut alors l'opportunité de s'installer en France où il allait s'occuper... du cèdre. Je l'associe aux jeunes Hongrois réfugiés en France quej'ai connus en 1956 à la suite de la révolution de Budapest et dont l'un est devenu mon ami. C'est une des nombreuses raisons qui me rendent heureux de l'accueillir comme auteur dans cette collection. Le livre de Jean TOTH est une somme sur le cèdre: tout y est, la botanique, la génétique, la biologie, l'écologie de l'essence, sa foresterie bien sûr et la technologie du bois. La bibliographie est bien entendue à la hauteur. Enfin, point essentiel pour un aussi bel arbre, l'aspect esthétique n'a pas été oublié. Au total, c'est un livre très complet et bien illustré que l'auteur offre à un public qui n'a pas besoin d'être averti pour y trouver son grain. Bonne route donc à cet ouvrage qui devrait être utile à des générations de forestiers et d'amateurs de beaux arbres et de vastes futaies. Professeur Richard MOREAU 10 INTRODUCTION La région méridionale de la France, compte tenu de son climat, de son sol et de sa végétation, occupe une place privilégiée dans l'ensemble du pays, avec une surface totale boisée de 2 549 000 ha. Ses arbres et ses forêts sont spécifiques à la région tels que le chêne vert, le chêne pubescent, le micocoulier, lepin d'Alep, lepin parasol, le pin de Salzmann comme essences autochtones et le pin maritime, le pin noir d'Autriche, les cèdres (Atlas, Liban, Chypre, Himalaya), les sapins méditerranéens, les cyprès et les eucalyptus comme essences introduites. De par leur résistance vis-à-vis des agressions diverses, les arbres, les bosquets ou les massifs forestiers ont présenté, au cours des décennies, une sorte de gradation. Certains ont régressé par leur vulnérabilité, d'autres ont peu évolué, alors que beaucoup d'autres ont réussi àprogresser. Le fragile équilibre biologique de la forêt, surtout en région méditerranéenne, est de plus en plus menacé. Ainsi l'ensemble de la forêt, depuis de nombreuses années, y a subi des destructions importantes dans son intégrité écologique, économique et paysagère. Heureusement, il y a eu une sorte de compensation, étant donné le taux élevé de reboisements. C'est ainsi qu'en parlant de la France forestière des erreurs sont souvent commises en disant que sa surface boisée régresse au cours des années. En consultant les statistiques nous constatons que c'est le contraire qui se produit. Les grands froids de 1965, 85 et 86 ont fait souffrir de vastes peuplements de pins d'Alep (Pinus halepensis Mill.) dans plusieurs départements du Sud-Est de la France. Le froid de 1965 a déclenché l'affaiblissement des massifs de pins maritimes (Pinus mesogeensis Gaussen) de la Côte d'Azur, parure fort réputée il y a quelques décennies encore. Les insectes ravageurs tel que les cochenilles (Matsucoccus feytaudi Duc) et les pissodes (Pissodes notatus), ont profité de la vulnérabilité des arbres à la suite de ce froid et fait disparaître ainsi 60 000 hectares d'une belle forêt productive. Les plantations de pins noirs d'Autriche (Pinus nigra Am.ssp nigricans Host.) ont été très affectées par les deux années de sécheresse de 1989 et de 1990. Un peu partout, fin août 1990, nous avons remarqué une mortalité plus ou moins importante, un dessèchement de nombreuses pousses de l'année ou bien d'une partie de la cime. Il faut aussi préciser que cette essence avait déjà beaucoup souffert de défoliations successives et quelquefois massives dues à la processionnaire du pin (Thaumetopoea pityocampa Sciff.) 11 A cela s'ajoutent des incendies de forêt sur des surfaces de plusieurs dizaines de milliers d'hectares, surtout en 1989 et 90 (50 000 ha en 1990) dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var, des Alpes maritimes, du Vaucluse et du Gard. Ici, l'écosystème de la chênaie méditerranéenne fut sérieusement atteint en profondeur puisque le chêne vert (Quercus ilex L.) essence feuillue à feuilles coriaces et persistantes brûle mieux, en tout cas aussi bien, que certains résineux: ceci a été démontré par l'expérimentation de l'Institut National de la Recherche Agronomique, Recherches Forestières d'Avignon (voir photo n° 1). C'est dans ce désarroi écologique qu'on a commencé à reparler plus sérieusement de l'emploi du cèdre et de ses possibilités offertes pour combler le vide. On a fait de plus enplus appel à lui en tant qu'essence peu inflammable, pour son remarquable pouvoir d'élimination de la végétation herbacée et surtout pour sa puissance de régénération naturelle dans beaucoup de stations écologiques. Il supporte bien la sécheresse d'été puisqu'il achève la majeure partie de sa croissance annuelle finjuin. Pour mieux connaître le cèdre sur lequel nous avons mené pendant plus d'un quart de siècle des recherches biologiques, écologiques, physiologiques, sylvicoles, climatologiques, nous n'avons pas hésité à aller deplus en plus loin dans nos investigations d'études et d'observations. Il faut expliquer aussi les différentes raisons qui ont motivé la rédaction et la publication de ce livre sur le cèdre. Il y a bien des années, nous avons, au cours de nos déplacements professionnels, rencontré des profanes passionnés par la nature confondant "pin et sapin" et "cèdre et cyprès". Aujourd'hui cette erreur se fait beaucoup plus rare grâce à la vulgarisation des informations due à l'importance de plus en plus grande de l'environnement dans le quotidien. Pendant les 27 années de recherches que nous avons effectuées sur le cèdre, de très nombreuses occasions nous ont été données d'être accompagnés par les forestiers du terrain, des praticiens pleins de bon sens, de gentillesse et surtout de connaissances pratiques. Ces déplacements, appelés "tournées", étaient toujours agréables et fructueux. Un jour notre rendez-vous fut fixé près d'une maison forestière tout à fait isolée et entourée de beaux cèdres déjà âgés qui attirèrent l'admiration et les commentaires de tous et de chacun. Nous étions en septembre, époque où les cèdres sont ornés des chatons mâles. L'un d'eux se distinguait par l'abondance de ses fleurs érigées comme de petites bougies sur un arbre de Noël. Bien que très surprenant, ce spectacle reste très habituel pour les forestiers travaillant sur cette essence. 12