Le cauchemar immigré : dans la décomposition de la France.

67 Pages·1986·19.714 MB·French

by  Mezioud Ouldamer

MEZIOUD OULDAMER
LE CAUCHEMAR
IMMIGRÉ
DANS LA DÉCOMPOSITION
DELA FRANCE
LE CAUCHEMAR IMMIGRE/
DANS LA DÉCOMPOSITION
DE LA FRANCE
MEZIOUD OULDAMER
LE CAUCHEMAR
IMMIGRÉ
DANS LA DÉCOMPOSITION
DE LA FRANCE
. .
.· •.:.
ÉDITIONS GÉRARD LEBOVICI
27, rue Saint-Sulpice, Paris VI•
1986
A la mémoire
de Gérard Lebovici
© Éditions Gérard Lebovici, Paris, 1986.
« Elle est devenue ingouvernable,
cette • terre gâtée • où les nouvelles
souffrances se déguisent sous le nom
des anàens plaisirs ; et où les gens ont
si peur. Ils tournent en rond dans la
nuit et ils sont consumés par le feu.
Ils se réveillent effarés, et ils cherchent
en tâtonnant la vie. Le bruit court que
ceux qui l'expropriaient l'ont, pour
comble, égarée. »
Guy Debord, In Girum imus nocle et
consumimur igni (1978).
AVANT-PROPOS
J'aurais pu, comme certain conseiller présiden
tiel le fit il y a peu, écrire ce livre en pillant les
travaux des autres, en modifiant légèrement mes
emprunts pour donner l'impression d'une œuvre
totalement originale. Qu'aurais-je risqué, sinon le
sourire de quelques rares lecteurs qui n'auraient
sans doute pas poussé le blâme plus loin, étant
donné tout ce que 1' époque endure par ailleurs et
qui est si peu blâmé? De fait, l'imposture du
malheureux conseiller n'est pas isolée : avec peu
d'effort, on découvre à peu près dans n'importe
quelle publication cette sorte de pratique; et par
exemple, les auteurs de tous les écrits présentés à
grand bruit d'être entièrement neufs dans le style,
le contenu ou la forme, sont forcés de puiser dans
les rares travaux théoriques des dernières années
qui ont effectivement été neufs.
Sur cette société, les immigrés, etc., je ne crois
pas apporter autre chose que mon point de vue,
que je me suis fait par ce que j'ai pu vivre et
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observer, et aussi en écoutant quelques amis avenis
de la question. Pour le reste, je me suis servi de
tout ce qui m'a paru utilisable. J'ai choisi de ne
pas citer toutes mes sources, la plupan ne méritant
INTRODUCTION
aucune espèce de publicité plus précise. ]'indique
simplement que j'ai puisé principalement dans le
domaine français - journaux, périodiques, livres
et autres parutions. C'est ce qu'on appelle une
bibliographie sommaire.
Cela blessera sans doute le bon goût de ceux
qui aimaient dans ce pays ce qui méritait de l'être,
mais il faut le dire : on n'y trouve plus, ou
presque plus, quelque chose d'encore estimable;
les faux excès du vingtième siècle, qu'on appelle
autrement « progrès moderne » ou réussite amé
ricaine, y ont également triomphé, et, là aussi,
uniquement pour eux-mêmes. Depuis la seconde
grande guerre, la France n'a pas seulement perdu
ses meilleures colonies; elle a aussi cédé sa propre
libené dont elle ne gère plus aujourd'hui que le
vague souvenir. Contre quoi le parapluie atomique
de Mururoa est-il censé encore la protéger? Elle
est devenue, et très vite, une province du mode
de vie américain. C'est un autre excès, qu'on
n'avoue pas pour taire tous les autres.
Certes, la haine et l'amour sont toujours pré
sents dans ce pays, mais comme invertis; car, au
lieu que ces passions, allant à l'essentiel, boule
versent tout et ne laissent pas pierre sur pierre de
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ce qui existe - comme elles l'ont fait par le passé et approuve toutes les sottises qu'ils peuvent sou
er avec tant de bonheur - elles s'épuisent en tenir à tout instant. Ainsi admet-il qu'ils lui parlent
bouffonneries politiques, donnent le plus pitoyable de cohabitation quand ils ne savent manifestement
speaacle de discordes feintes ou de liaisons affec plus ce qu'est une habitation; de partage du pou
tées; elles font rire en un mot, alors que la situa voir quand on ne peut plus rien gouverner; de
tion ne devrait pas prêter à rire - en tout cas pas vie communautaire lorsque cout se dilue dans
autant. « On fait encore semblant de se déchirer , l'individualisme schizophrénique, ou la commu
mais le cœur n'y est plus. Ni le cœur ni, heureu nion néomystique.
sement, la violence armée, la haine sociale, la La déraison dirigeante va maintenant plus loin :
volonté d'exclure à tout prix l'autre moitié du il ne suffit plus d' abruer le peuple pour régner sur
pays, le recours aux coups de forces, la répression, lui; il faut en outre le terroriser, et tous les jours.
la tentation totalitaire er le désir éperdu d'une Bien des sujets de terreur existent réellement : mais
sanglante revanche. » Bref, la France est pacifiée. les oubliant tous, les Français sont rameutés autour
Les protagonistes qui gèrent l'incertaine situa d'un quelque chose dont on leur dit encore et
tion où nous sommes, comme du reste ceux qui encore qu ·il les menace non seulement dans leur
attendent de le faire à leur tour, après qu'ils eurent identité et leur culture, mais même dans leur pure
cédé la place seulement la veille, tout en faisant existence physique. Quelle est cette chose?
dans leur discours un abondant usage de substan Un sujet qui «est devenu l'un des thèmes les
tifs, tels que « changement», « qualité », « trans plus centraux de la politique», pour reprendre les
formation», «réforme», - que sais-je encore - propos d'un quotidien très au fait de ce qui se
semblent s'être armés de tous les moyens que la passe et se dit dans les centres du pouvoir. Et,
tec~niq~e moderne a mis à leur disposition pour selon le même journal, sur ce sujet, on « exploite
mamtemr les choses toujours en l'état. Les mêmes la passion, la peur, les instincts >>.
se disent différents, mais ils sont les mêmes : « Il De quoi a-t-on peur aujourd'hui en France? Du
n'y a plus ni droite, ni gauche, ni prolos, ni SIDA, ce nouveau mal qui répand la terreur?
bourgeois délicats. Ils disent tous la même chose D'une catastrophe atomique? On vit avec cette
,
'
a en perdre haleine ... >> De sorte que l'alternance perspective depuis bien trop longtemps; et, accou
entre majorité et opposition n'est qu'une manière tumés à ce qu'elle soit inéluaable, découvrant un
pou.r l'une de passer la bombe à l'autre, lorsqu'elle matin devant sa porte un dépôt de déchets ato
devtent trop brûlante. Le public ne s'émeut plus miques, on irait tout juste déplorer auprès de sa
de ces apparences de changement, habitué à ce concierge la présence d'une telle incommodité. De
qu~, vo~am un changement de personne, il Three Misie Island à Tchernobyl, c'est le même
« s 1magme avoir obtenu le changement de la apprentissage de la terreur, la même accoutumance
chose». Il suit ses dirigeants dans leur propre folie progressive et plus ou moins mesurée à un monde
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qui serait immédiatement mortel à d'autres que tiques, qui ont tant de choses bien plus urgentes
les mutants de ce siècle. Quant à ce qui passionne à apprendre, comme par exemple si leur « packa
nos contemporains on sait que c'est une seule ging » est plus séduisant aujourd'hui qu'hier, et
chose : la télévision; et quoique elle aussi ait été comment l'améliorer le lendemain. Pour diriger
dénoncée comme perfide et dangereuse, on s'y est aujourd'hui on a bien plus besoin de s'en remettre
adapté si bien qu'on ne la craint plus. Au point, aux soins er aux connaissances d'une esthéticienne
dit-on, qu'il existe déjà une nouvelle espèce de qu'à la lecture d'un Machiavel. En outre, n'ayant
gens dont « l'unique but dans la vie est de regarder aucune des qualités que ce monde honore et rétri
la télévision ». bue, je m'estime alors libre de tout engagement
Lorsque le SIDA, la bombe atomique et la pour ou contre tel ou tel parti. Ceci explique du
télévision ne font plus vraiment peur, il reste un reste que mon propos reste froid; il y a bien assez
dernier sujet de terreur: les immigrés. C'est d'eux d'émotions qui font vibrer le cœur des gens pour
qu'il sera ici - entre autres choses - question. Et que je puisse espérer les émouvoir à mon tour. Et
c'est là, comme on peut s'en douter, un sujet sur non seulement je ne suis d'aucun parti, mais je
lequel il existe déjà une foisonnante littérature; à crois pouvoir dire : ni d'Orient ni d'Occident, ni
quoi bon alors y ajouter quelque chose, après que du Nord ni du Sud; et considérant l'espèce de
tant d'autres ont discouru dessus avec des fortunes nouvelle nation que j'ai dû quitter, je ne pense
er suivant des raisons diverses? C'est qu'il m'a paru surprendre personne en affirmant être de nulle part,
qu'on a glosé sans comprendre, discuté sans s'en un peu comme ces gitans qui parcourent le monde
rendre et conclu sans entreprendre. Et que loin de sans se fixer.
résoudre la question, les spécialistes l'ont rendu Voici donc mon sujet : si la France existe encore,
toujours plus insoluble en la détachant de route et si les immigrés lui posent un problème, pour
autre considération. A les en croire, elle n'est pour quoi ne règle-t-elle pas ce problème de manière
tant pas nouvelle, er cependant elle a été traitée de définitive, avec hardiesse, par exemple en les exter
la même manière : « Il y a cent ans le discours des minant rous? Ce ne sera pas une nouveauté dans
hommes politiques sur l'immigration était le même l'histOire qu'un peuple entreprenne de rayer de la
qu'aujourd'hui. Pourtant de nombreuses études ont carte humaine un autre peuple, quand son intérêt
été faites, capables de changer ce discours. Nous le lui commande. Et, à l'inverse, ce qui vaut pour
devons répondre à cette injonaion : à quoi bon la France vaut également pour les immigrés, pour
accumuler du savoir s'il ne sert à rien, s'il n'a pas peu qu'on regarde comme avérée leur présence et
réussi à combattre la stéréotypie er la fabrication comme intenable leur existence dans ce pays.
de fantasmes? » Je traiterai d'abord des jugements couramment
Je ne parlerai donc pas en spécialiste et n'ajou portés sur cette question, en montrant leur égale
terai certainement rien au savoir des hommes poli- vanité, quel que soit le point de vue auquel on
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air pu se placer pour les soutenir, er quel que soie
le parti qui les air soutenus. Ce sera une encrée
en matière, pour ensuite pouvoir reposer le pro
blème dans des termes plus appropriés. Après quoi
Première partie
il sera possible d'en venir au cœur du problème :
les immigrés existent-ils? Et si oui, qui sont-ils,
COMMENT ON NE DISCUTE
er que peuvent-ils devenir? On verra alors si la
QUE DE SOTTISES
France peut changer leur condition, ou si les ET QUEL INTÉRÊT IL Y A À LE FAIRE
immigrés peuvent transformer la condition de la
France.
Bien évidemment, le monde entier est comme
cette France et si je restreins mon propos à ce seul
pays, c'est, d'une part, parce que j'y vis moi
1
même aujourd'hui comme on l'a sûrement
compris; et, d'autre part, il m'a paru que cette Et d'abord une évidence frappante: le spectacle
France est un territoire où l'on voit se poser les d'une immigration cauchemardesque domine tous
principaux problèmes surgissant un peu partout les esprits; au point que des immigrés eux-mêmes
ailleurs dans le monde. en sont arrivés à céder à cette image. Xénophiles
et xénophobes s'accordent à dire que le nombre
des immigrés est inquiétant. Et les uns comme les
autres proposent ou exigent des solutions à ce
«problème ». Chez les uns comme chez les autres
il se trouve des extrémistes pour soutenir, d'un
côté, que les immigrés sont source d'avantages et
de bénéfices, et, de l'autre côté, qu'ils n'apportent
que pertes et tracas.
Le leader d'un parei néo-national, les huma
nistes catholiques, les intellectuels officiels, des
vedettes professionnelles, quelques associations
intéressées, d'autres sans intérêt, des journalistes
d'opinions diverses, des politiciens reconnus et des
personnalités rivalisent d'imagination pour trouver
une issue à ce cauchemar.
C'est par simple commodité pratique que je