EDITO Driss Ksikes L’ appel pour la construction urgente moyenne pour créer de la plus-value en interne. d’une classe moyenne pourrait devenir Pour nous au Maroc, l’intérêt pour la classe moyen- une nouvelle doxa religieuse, cen- ne est double. D’abord, dépasser les disparités im- sée en renforcer les corollaires, la productives d’aujourd’hui et se doter d’une locomo- démocratie et le libéralisme. Mais tive économique et sociale, voire politique à terme. il a très peu de chances d’accéder à Ensuite, renforcer le potentiel national de production ce rang, faute de “chapelles” et surtout de lobbies et de croissance pour que le choix d’ouverture éco- pouvant plaider sa cause et drainer les fonds qui nomique tous azimuts ne fragilise pas le pays outre vont avec. Mais qu’est-ce qui fait renaître aujourd’hui mesure (lire notre dossier). la cause “classe moyenne” de ses cendres ? Le bon sens aiguisé par la crise A chacun sa crise, au fond, La classe moyenne dans les pays riches, et et tout semble converger le sentiment d’aller dans aujourd’hui pour faire de la le mur dans les pays qui contre la crise ? classe moyenne le sauveur s’en sortent à peine, le des nations. Ce n’est pas Maroc y compris. nouveau. Le welfare state s’est construit, au milieu du XXème siècle, sur le Quel rapport entre la crise économique qui se mon- même mode de raisonnement. A cette différence dialise et la classe moyenne ? Prenons le cas des près qu’à l’époque, l’Etat providence finançait l’éclo- Etats-Unis. Si le nombre d’emprunteurs précaires, sion de la classe moyenne. Aujourd’hui, les Etats ont appâtés par des crédits bon marché et le rêve de la subi une cure d’amincissement et ne pensent qu’à propriété, n’y était pas si élevé, l’avalanche subpri- maintenir la sainte finance en bonne santé, le privé mes n’aurait peut-être jamais pu se déclencher. Si pense moins aux salaires moyens qu’aux dividendes le creusement injuste des écarts entre les classes des patrons, et les bailleurs de fonds préfèrent plai- (sans filets sociaux, ni allocations de ressources der la cause charitable des pauvres, plutôt que celle, prioritaires au logement, à la santé et à l’éducation) impopulaire, des classes moyennes. Autant dire que n’y avait pas créé des frustrations et des désirs si le gouvernement marocain veut sérieusement s’y immodérés, la descente aux enfers n’aurait pas été mettre, il devra faire des choix budgétaires doulou- aussi démentielle. Allons à l’autre extrême avec la reux, repenser dans les faits ses priorités - mettre Chine, qui subit un effet boomerang imprévisible. Il y le savoir, la justice et l’investissement créateur de a dix ans, incapable d’écouler sa surproduction, elle valeur et d’emploi au centre de la société - puis s’est mise à exporter massivement vers le marché repenser le lien avec cette classe moyenne réelle des hyper-consommateurs américains. Maintenant mais volatile que constitue la diaspora. Sinon, il que cette machine à consommer est en panne, la n’aura même pas de quoi amortir le choc … de crises Chine pense sérieusement à consolider sa classe à venir. 6 Qui contrôle les finances 70 Les migrants, publiques ? une classe moyenne … Kamal Mesbahi Michel Péraldi 10 Carnet de bord Agenda, colloques, études… Adil El Mezouaghi 12 Le point sur Sur la couverture la conjoncture 72 Quels choix Par Ismaïl Zaghloul En partant d’une étude qualitative, 16 Leçons d’une querelle économiques sur les chiffres et les valeurs, ce pages 18-34 travail d’équipe entamé en mai 2008 de chiffres face à la crise ? tente de répondre, en tenant compte Driss Ksikes Coordonné et préparé Développer la valeur de la marge d’erreur possible, à par Mouna Cherkaoui économique des régions la question que se pose tout le et Adil El Mezouaghi passe par la qualité des monde : qui appartient à la classe 73 Reconstruire un ordre moyenne ? Combien dépensent les infrastructures, la modernisation ménages ? Quelles conceptions de équilibré des modes de gestion et une la société charrient celles et ceux 18 Le casse tête de par Quentin Peel prise de décision plus rationnelle qui appartiennent à cette catégorie 76 Envisager et efficace. Etat des lieux d’un l’aménagement sociale ? S’agit-il d’un groupe une solidarité régionale chantier cahoteux et exposé des homogène ? du territoire Par Abderrahmane Hadj Nacer solutions préconisées. Ilham Lahreche 79 Impact incertain et in- et Laetitia Grotti certitude problématique 28 Et l’aménagement par Mouna Cherkaoui du rural ? 82 Améliorer la Entretien gouvernance, surtout avec Abdeslam La Revue Economia est éditée par HEM, par Françoise Clottes à travers le Centre d’Etudes Sociales, Dahmane Saîdi Economiques et Managériales (CESEM) 32 La gestion chaotique 83 Mettre en place des crues de nouveaux leviers Directeur de la publication pages 72-103 Abdelali Benamour Laetitia Grotti et Ilham par Mohamed Soual Directeur de la rédaction Lahreche 94 Enjeux nationaux d’une Driss Ksikes crise globale La première session du Collectif Comité scientifique de lecture stratégie de l’année 2009 Fouad Ammor - Mohamed Bouslikhane Omar Aloui répond à la question que se Noureddine Cherkaoui – Abdelmajid 100 Que deviennent posent les décideurs au Maroc: Ibenrissoul – Jamal Khalil – Abdellah Labdaoui - Halima Ouzzif – Ali Serh- les règles prudentielles ? quels choix économiques rouchni Ismaïl Zaghloul Hicham Benjamaâ face à la crise ? En proposant Comité de rédaction 36 LA CLASSE de nouveaux leviers et une Fadma Aït Mous - Hicham Benjamaâ MOYENNE, 104 La crise et la tentation redéfinition des priorités et Karima Mialed - Laetitia Grotti Sara Khalladi - Adil El Mezouaghi C’EST QUI ? protectionniste du mode de gouvernance, les Chroniqueurs Invisibles, discrètes Par Alfredo Valladao articles proposés identifient les Omar Aloui - Mouhcine Ayouche et méconnues issues possibles et souhaitables. Alfredo Valladao Par Driss Ksikes, Elsa Coslado Réécriture et éditing : Catherine Alix-Mascart 39 & Michel Peraldi Correction et relecture : Habib El Amrani Plus un sablier Conception maquette : Tristan Lastennet qu’une montgolfière Directeur artistique : Hicham Zemmar Mise en page : Amine Khalil Par Michel Peraldi, Photo couverture Driss Ksikes, Ahlame Rahmi Hicham Zemmar / Hydrogene Studio 48 et Adil el Mezouaghi Photos presse : AFP et AIC press L’inversion des mythes Abonnements : Zineb Ziadi Assistante : Selma Bouazzaoui Par Michel Péraldi Documentation : Khadija Boutaleb 55 & Pierre Vergès Impression : Idéale Classe mondialisée Distribution : Sochepress Adresse et ignorée pages 116-119 2, Rue Jaafar Essadik – Agdal, Rabat 62 par Shana Cohen (Maroc) Tél : 00 212 37 673746 L’autre sexe Dans son dernier livre, Myriam Catusse analyse les Fax : 00 212 37 670422 par Fadma Aït Mous transformations du capitalisme au Maroc et la trajectoire http://www.cesem.ma & Ahmed Bendella politico-économique du pays à l’ère de la vague néo-libérale. Dépôt légal : 2007 / 0137 67 L’image façonnée L’ouvrage retrace la logique historique, finement décrite, à travers laquelle l’entrepreneur devient une figure nodale, sans ISSN et Dossier de presse : En cours par la publicité Ce numéro a été tiré à 3000 exemplaires Par Elsa Coslado que l’esprit d’entreprendre soit pour autant dominant. La revue ECONOMIA n°4 / octobre 2008 - janvier 2009 106 Ressources humaines, 122 Gouvernance locale : quel désespérément partenariat public-privé ? Par Noureddine Cherkaoui Coordonné 112 Quelle performance par Adil El Mezouaghi sociale pour la micro finance ? Karima Mialed 116 Le Maroc au temps des entrepreneurs 134 Grand entretien avec Noureddine Cherkaoui Halima Ferhat 120 Manager tout court «Il y a confusion entre Mouhcine Ayouche histoire et théologie» pages 130-137 142 Israël, acteur et narrateur pages 122-130 Chers lecteurs Bishara Khader Historienne, prolixe et discrète, Parce que nous ne sommes pas les 146 Dernier mot rigoureuse et pudique, Halima A l’approche des échéances seuls à observer, réfléchir et proposer, Pas d’ascenseur Ferhat est une citoyenne qui électorales, les collectivités La Revue Economia, soucieuse pour les nilingues s’insurge contre l’à peu près territoriales sont confrontées à d’interactivité avec ses lecteurs, vous Catherine Alix et milite pour une grande une nécessaire auto-évaluation oapupvorer tseers vcootlroen pnreosp. rVeo cuosn storiubhua-itez place de la culture. Dans cet de leur gouvernance, tion à notre travail, manifester vos entretien, nous revisitons avec notamment en ce qui concerne remarques, vos suggestions, vos elle l’histoire, sa place dans la l’implication du secteur privé attentes ? Vous pouvez le faire dès ©copyright. société, la place de l’archive, dpaubnsli qlau eg,e ls’oticocna dsieo nla d c’huon sbei lan de mepcoaosintnaotleemn :ia aCn@tE càSe Els’eMamd –r.em Lssaae, Romeuav iuàl els ’uEaidcvorae-nstsee : Tpoayuss. dTroouittse rréesperrovdéus cptioounr, tmouêsm e lb’iimenp od’ratauntrcees dqeu elas tmioénms oeinre l ieetn ces mariages de raison que sont nomia/courrier des lecteurs, 2, rue partielle, doit être soumise à avec le pouvoir et la violence. les partenariats public-privé Jaafar Essadik, Agdal, Rabat, Maroc. l’accord préalable de l’éditeur. Kompass 2009 en bouclage Avez-vous réservé votre place ? 6 ÉVÈNEMENT Qui contrôle dépenses publiques ? les La publication du rapport de la Cour des comptes : à grand tumulte, (730 pages sur les heurs et malheurs Par Kamal Mesbahi, des deniers publics), petits, tout petits effets ! Voilà économiste qui nous amène à nous interroger sur le contrôle de nos finances publiques : ses structures, ses métho- des, son fonctionnement, mais aussi son efficacité, L e dernier rapport de son suivi… Un tour d’horizon édifiant. la Cour des comptes portant sur l’exercice «continueront à privilégier le contrôle sans support juridique valable. Une 2007 a remis sur la place intégré portant aussi bien sur la lecture qui interpelle également sur publique la question régularité et la conformité que sur certains modes de gestion ou de fondamentale du contrôle, celle du la performance et le rendement des programmation, voire d’exécution de suivi des recommandations qu’il organismes contrôlés.»(…) Pour eux, la dépense publique dans son sens le contient, ainsi que des décisions cette approche permettrait de «relever plus large. à venir relevant des autorités le défi de l’application d’un contrôle En tout cas, l’intérêt pour le contrôle compétentes sur les corrections à efficace et pertinent». des dépenses publiques tombe à apporter, voire les sanctions à prendre point nommé. La crise économique Le rapport de la Cour et concernant les mauvaises pratiques et financière est partout synonyme de le besoin de contrôler les avérés et documentées. Il y va de la ressources encore plus contraintes. dépenses publiques crédibilité des conclusions émises par Elle pose avec une acuité renforcée l’instance de contrôle. Le rapport est Il n’est pas aisé de commenter dans le problème de la qualité du contrôle globalement de bonne facture. Dans ce bref papier les 730 pages de ce de la dépense publique et inter- la conclusion générale, les magistrats rapport. Nous nous limiterons juste à pelle l’efficacité de l’administration, à notent que les juridictions financières dire que sa lecture donne un aperçu travers le prisme du rapport efficacité/ de certains des grands problèmes et coût de la décision, l’objectif étant L’objectif est de dysfonctionnements minimes ou gra- de savoir comment et pourquoi vissimes qui traversent la gestion des dépenser l’argent public et, surtout, savoir comment établissements, services, organismes savoir en rendre compte. En d’autres et pourquoi ou collectivités territoriales qui ont été termes, comment rendre les finances analysés. Un exemple représentatif, le publiques plus performantes. Souvent, dépenser l’argent cas d’Autoroutes du Maroc (ADM) : en- le contexte de crise est propice à dettement excessif et risque financier l’engagement de réformes passant public et de savoir élevé ; absence de concurrence dans notamment par l’amélioration de en rendre compte le domaine du contrôle technique; la gestion de l’Etat, c’est-à-dire du application de méthodes comptables service rendu aux citoyens. Hélas, La revue ECONOMIA n°5 / février - mai 2009 7 les «réformes» engagées dans des le développement de certains Une certaine expérience contextes de crise restent souvent secteurs. Leur champ d’action s’est du contrôle en interne circonscrites à des «objectifs comp- accru et s’est diversifié avec celui de tables», certes nécessaires, alors l’intervention publique. Les finances Dans un récent passé, un certain qu’elles devraient aboutir prioritaire- publiques concernent aujourd’hui tous systématisme du processus de ment à des objectifs de gestion. les domaines de l’action publique. contrôle faisait courir le risque que C’est à ce niveau précis que la qualité Parallèlement, la nécessité de les l’énergie des administrations – pé- du contrôle se mesure : le but est de contrôler, de les évaluer et d’en rendre chant par excès de légalisme - soit mettre une organisation publique de compte en constitue le pendant, d’où trop tournée vers le système lui- nature financière dans un dispositif le rôle éminent des institutions de même, au détriment de l’action. Cette satisfaisant de maîtrise des risques perception était coûteuse, au point que qui peuvent compromettre les objec- des données officielles ont confirmé tifs assignés à sa dépense ou à son son aberration, notamment lorsqu’on champ d’action. Une telle démarche constatait que le coût du contrôle était passe par la clarification des rôles beaucoup plus élevé que le montant de chaque étape de contrôle. Il ne de la dépense contrôlée ! s’agit pas ici d’une simple question Dans certaines structures de contrôle, de modernisation de la gestion les aménagements apportés ces publique. Il s’agit surtout de revisiter dernières années ont relativement fait les pratiques quotidiennes et la nature prendre conscience que le contrôle des relations entre acteurs. devait être recentré, afin de considérer l’acte de la dépense publique, non Les finances publiques, pas exclusivement comme un acte un champ de plus juridique, mais plutôt comme un en plus large acte économique. Certains heureux Rappelons que les finances publiques regroupements de structures ont sont au cœur de la décision politique. été effectués. Des départements se Elles constituent le principal levier sont dotés de systèmes d’information de l’action publique et expriment des performants, qui ont amélioré la choix politiques, des choix de société. contrôle, censées accompagner et traçabilité de la dépense ; un débat Elles sont couramment définies consolider le système d’une dépense a été enclenché sur la relation entre comme l’étude des ressources, publique transparente, mesurable, contrôle a priori et a posteriori, sur des charges et des comptes des utile et efficace. la rationalisation des procédures… collectivités publiques, c’est-à- Vouloir recenser toutes les institutions Ce sont là autant de signes encoura- dire principalement de l’État, des de contrôle existant au Maroc serait geants. Il s’agit aujourd’hui d’amplifier collectivités locales, des organismes fastidieux. Elles sont multiples et et de consolider ces avancées. Il y va de Sécurité sociale, de ceux qui variées. Certaines sont liées à de la qualité du contrôle lui-même, dépendent étroitement de l’État et l’organigramme politique (le cas de son efficacité et, surtout, de la des collectivités. Il existe plusieurs des structures internes de contrôle, perspective de le considérer avant tout façons de les définir. Les finances comme les Inspections générales comme un processus devant éclairer publiques relèvent du droit public. de ministère –IGM-, l’inspection des et améliorer la chaîne de prise de Des règles précises encadrent les collectivités locales), d’autres dis- décision budgétaire et financière, actions financières et comptables des posent d’une autonomie relative (ex: pour une meilleure valeur ajoutée acteurs publics (établissement des l’Inspection générale des finances); nationale. Il y a encore du travail à budgets et des comptes, perception voire, pour le cas de la Cour des faire et des mentalités ou comporte- des impôts, exécution des dépenses, comptes, d’un statut constitutionnel ments à changer. L’accompagnement contrôles). Que ce soit par l’impôt qui l’autorise à juger les comptes en matière de renforcement des (fiscalisation ou défiscalisation) ou des comptables publics, contrôler la capacités de gestion des ordonnateurs les dépenses (achats, subventions, gestion et assister le Parlement et le représente un enjeu majeur qui recrutements,…), les acteurs publics gouvernement dans leurs missions. constitue le soubassement nécessaire pèsent sur la croissance économique, C’est du moins ce que précise son aux différents aménagements enga- la répartition des ressources et statut. gés. C’est un facteur clé de succès de 8 Qui contrôle les dépenses publiques ? la réforme de la dépense publique. évaluer, bien en amont de la dépense, et «encourage» la non-reddition des Ce renforcement des capacités est l’utilité et l’efficacité de celle-ci. Cela comptes. C’est une situation écono- également synonyme de responsabili- inciterait nécessairement la puissance miquement néfaste, surtout lorsque sation et de reddition des comptes. publique à ne pas naviguer à vue. de larges champs de cette dépense ont longtemps échappé au contrôle: Beaucoup de bruit Le benchmarking pour des établissements publics, des pour presque rien rationaliser le contrôle offices, des régies, des établissements Les institutions de contrôle produisent Cette logique est mise en œuvre financiers, certains comptes spéciaux, des rapports circonstanciés, à la de- depuis quelque temps dans certains des associations bénéficiant de mande, ou de manière aléatoire, et ont pays, notamment en France. Depuis l’argent public, des collectivités… La pour mission de contrôler l’opportuni- 2006, à travers la Loi organique liste n’est pas exhaustive. té, la légalité ou l’utilité de la dépense relative aux lois de finances (LOLF), Le CIH, un cas d’école publique, voire son efficacité. Elles est prévu l’octroi de moyens, sous sont également chargées de présenter le contrôle des parlementaires, en A ce propos, le cas du CIH est des recommandations aptes à éclairer fonction de résultats évalués selon symptomatique et plein d’enseigne- la décision budgétaire publique… Or, des indicateurs de performance : il ments1. Nous le rappelons juste pour les processus de contrôle existants s’agit, en principe, d’agir en fonction mémoire. Certaines des conclusions ont, il faut bien le reconnaître, une d’objectifs concrètement définis, et du rapport de la Commission par- efficacité toute relative. Les rapports non de la seule application de textes lementaire2 ainsi que celui de l’IGF3 des différents corps de contrôle ou réglementaires. Cela ne peut que concernent les dysfonctionnements de la Cour des comptes fournissent rendre le contrôle plus performant et du système de contrôle, dont certains des éléments précieux pour analyser donc plus efficace. La loi organique est aspects ont été corrigés depuis. En l’action de l’État, encore faut-il qu’ils donc censée bouleverser totalement effet, et à la suite de la publication du soient publiés, ce qui n’est pas les procédures d’attribution des rapport de la Commission parlemen- toujours le cas. Plus grave encore, ressources et de dépenses de l’Etat, taire, le gouverneur de BAM a publié aucun dispositif ne permet qu’ils ainsi que leur contrôle. Il est vrai que un communiqué de presse dans lequel soient suivis d’effet. Ajoutons à cela comparaison n’est pas raison. Mais il affirme que son institution effectue les difficultés dans la circulation de rien n’empêche la puissance publique «un contrôle sur place lorsque la l’information, les analyses contra- d’«emprunter» les pratiques qui situation nous paraît grave et cela peu dictoires d’un service à l’autre, le réussissent dans d’autres contextes. importe si le capital appartient à l’Etat retard dans le traitement et le partage Autrement dit, une dépense ou au privés»4. Or, d’après le rapport des informations administratives, la publique transparente, conforme aux de l’IGF, ce n’est qu’en 1998 que BAM faible circulation des dossiers entre règles en la matière, mais à utilité va effectuer son intervention la plus les services concernés, l’opacité qui caractérise certains rapports, leur La BAM veut «un contrôle sur place enchevêtrement... quand la situation est grave, que le capi- Autant de facteurs qui amoindrissent l’effet escompté et créent des tal appartiennne à l’Etat ou au privé» doublons coûteux entre différentes instances de contrôle, alors que ledit contrôle devrait avoir pour fonction économique nulle, n’a pas de sens. importante, à la demande d’ailleurs la réduction du coût et l’amélioration Son contrôle n’a pas lieu d’être. Ce de la présidence du CIH, concernant de l’efficacité. Fonction démocratique sera juste un coût supplémentaire et l’audit du portefeuille de prêts, soit indépassable, le contrôle est néces- donc des ressources en moins ! Par plus de dix ans après l’apparition des saire. Cependant, il serait plus utile contre, le défaut de transparence et premières difficultés financières. s’il s’intégrait durablement dans un d’évaluation qui caractérise parfois Est-ce à dire que les responsables processus qui consiste à identifier et à la dépense publique pose problème de BAM ont estimé, avant 1998, que La revue ECONOMIA n°5 / février - mai 2009 9 la situation n’était pas suffisamment approfondie des dossiers, absence de le sens défini par l’Exécutif. Le déficit grave pour mériter de la regarder de certification des comptes…? en compétences constitue également plus près ? L’histoire le dira. un sérieux frein à la qualité et à la En fait, les autorités de BAM savaient Ces questions et bien d’autres ne pertinence du contrôle parlemen- dès 1993, que le CIH ne respectait pas sont relatées ici que comme une taire, ce qui pose sérieusement la les nouvelles règles prudentielles étude de cas censée montrer l’aber- question de sa capacité à pouvoir et que les agios correspondant aux ration de l’existence de structures exploiter l’expertise des rapports de créances en souffrance étaient comp- de contrôle lorsque leur mode de contrôle dont il pourra être demain tabilisées à tort dans les produits»5. le destinataire. Or, le Parlement BAM a en effet attiré l’attention sur ne peut assumer ce rôle que si les certains aspects défectueux de la élus savent ce qui se passe dans gestion, mais ses observations et les administrations, organismes et recommandations n’ont pas été services publics. Il faut admettre que suivies d’effet. Selon le rapport de la réalité n’a que de lointains rapports l’IGF, «la présence de BAM dans le avec une telle ambition. Les raisons conseil d’administration du CIH a en sont multiples. Le temps consacré apparemment été perçue par les res- par le Parlement à la discussion du ponsables de l’établissement comme budget est beaucoup plus important un moyen de cautionner un certain que celui consacré au contrôle de son état de fait en matière d’application exécution. Si on ajoute à cela le retard des règles prudentielles»6. On ne peut accumulé depuis plusieurs années s’empêcher de penser, avec l’IGF, que fonctionnement est défaillant. Le bon dans le vote des lois de règlement, si la banque centrale était totalement sens voudrait que l’acte de contrôler on peut légitimement se poser des désengagée du capital social du CIH, un établissement au bord du gouffre questions quant à l’efficacité du rôle elle aurait certainement disposé de soit un acte non économique, dans du Parlement dans le processus de davantage de marge de manœuvre la mesure où le mal est déjà fait. contrôle. pour l’amener à observer de manière La non-application des directives La vraie question aujourd’hui dans scrupuleuse l’application des règles contenues dans les rapports conforte notre pays, c’est que la dépense prudentielles7. l’impunité des personnes mises en publique et son contrôle restent entre cause, qui continueront d’agir sans les mains de l’Exécutif. Le rôle du Réactivité et vigilance pouvoir être inquiétées. Le manque Parlement demeure marginal. Cette des structures de diffusion des rapports destinés aux situation n’est ni normale, ni bonne de contrôle en question seules autorités administratives de pour la démocratie. Vouloir y remédier Plusieurs questions s’imposent : ces tutelle favorise l’opacité des travaux et passe par un renforcement du rôle du arguments sont-ils recevables, ou le non-accès du public à l’information. Parlement. Encore faut-il que les élus en tout cas suffisants, pour justifier Le cas du CIH et ceux d’autres soient demandeurs. Or la persistance l’inaction des autorités monétaires? établissements ont montré le coût de fortes doses de clientélisme et la Quel a été, dans ce cas particulier, que la collectivité supporte comme forte accentuation des conflits d’in- le rôle des missions d’assistance conséquence de systèmes de contrôle térêts sont des obstacles fréquents à technique diligentées par BAM ? défaillants et de la persistance de la mission du contrôle parlementaire. Pourquoi ce retard dans la commu- l’impunité érigée en mode de gestion. C’est là une autre histoire ! nication des rapports des auditeurs Un contrôle externes ? N’y avait-il pas urgence? parlementaire en panne Pourquoi ces rapports n’ont-ils pas été communiqués aux membres Au Maroc, l’efficacité du contrôle du CA, comme l’ont affirmé des parlementaire est sérieusement mise témoins lors des auditions de la CEP ? à l’épreuve du fait d’une série d’obsta- Pourquoi, pendant des années, a-t-on cles et de contraintes. L’indépendance toléré les mêmes faiblesses dans les et l’objectivité du contrôle parlemen- rapports d’audit, provenant toujours taire peuvent être compromises du fait des mêmes instances (et parfois des du phénomène du «bloc majoritaire» mêmes personnes) : absence d’étude qui tend à aller mécaniquement dans 10 Coordonné par Adil El Mezouaghi, Cesem-HEM RAPPORT PARUTION La bonne gouvernance Pouvoir et communication a besoin des femmes, au Maroc et vice versa Monarchie, médias et acteurs politi- Le Fonds de développement des Na- ques (1956-1999). tions unies pour la femme, (UNIFEM), Najib Mohtadi est professeur de scien- vient de publier son rapport théma- ces politiques. Il dirige un laboratoire tique 2008/2009 sur le Progrès des de recherche sur la communication femmes à travers le monde, sur le politique (labercom) et coordonne un thème «Qui est responsable envers les mastère en communication publique femmes ? Genre et redevabilité». et sociale à l’Université Hassan II – Du point de vue méthodologique, ce Mohammédia-Casablanca. Il signe rapport biennal établit des champs là un ouvrage intéressant, mêlant d’action ciblés permettant aux expérience, recul et talent. femmes d’acquérir une plus grande Selon l’auteur, le Maroc a été confron- implication et un meilleur statut poli- té à de sérieux dysfonctionnements in- tique, économique et social dans leur hérents à la problématique de répar- pays respectif. Il établit un benchmark tition du pouvoir après l’indépendance entre les pays signataires du traité urgente pour renforcer la redevabilité ; difficultés essentiellement liées au international sur le droit des femmes. envers les femmes : passage d’une monarchie autocra- Certains pays l’ont signé, d’autres • la politique et la gouvernance, tique à une monarchie constitution- ratifié, quelques uns ont émis des • l’accès aux services publics, nelle. Pour résultat, on a eu droit à un réserves envers ce texte, pourtant • les opportunités économiques, paysage médiatique miséreux, terne porteur de promesses pour l’égalité • la justice et pervers. L’Etat chantait la Dolce des droits et des devoirs entre hom- • l’accès à l’aide internationale pour le Vita sans vergogne, alors que l’oppo- mes et femmes. développement et la sécurité. sition sombrait allègrement dans une Sur le plan thématique, le nouveau Dans chacun de ces domaines, le ontologie du nihilisme… La monarchie rapport d’analyse de l’UNIFEM révèle rapport fournit le détail des moyens à ne cesse de prôner la modernité tout la nécessité de mettre en place des disposition pour renforcer les ca- en glorifiant l’héritage traditionnel, mécanismes de redevabilité plus pacités institutionnelles et la bonne poussant l’ambivalence à un point de performants, afin de permettre le suivi gouvernance en faveur des droits des non-retour. Cette dichotomie, quand des progrès effectifs dans le domaine femmes. Les auteurs du rapport expli- bien même justifiée politiquement, de l’égalité entre les hommes et les quent que la bonne gouvernance a be- renforce dans la société les risques femmes et de réaliser ainsi les enga- soin des femmes, et que les femmes de syndromes d’une schizophrénie gements nationaux et internationaux ont besoin de la bonne gouvernance. collective. Quoi d’étonnant si la presse des Etats. Il est à noter que le rapport met en comme caisse de résonnance des La redevabilité envers les femmes lumière l’état des lieux au Maroc. La instances décisionnaires, s’empêtre commence certes par l’augmentation place occupée par les femmes au Par- dans des situations de flottement et du nombre de femmes au niveau des lement demeure insuffisante, surtout d’incertitude, tout en se laissant aller postes de décision, mais elle ne s’ar- en dessous des espoirs suscités par à des débordements périodiques ! En rête pas là. Le rapport révèle que les la Moudawana et la récente levée de l’absence d’une stratégie de rupture discriminations en matière de genre réserve émise par le roi au sujet des qui affranchisse le média économique sont symptomatiques d’un déficit en conventions internationales relatives et lui accorde l’espace confortable de terme de redevabilité. aux droits de l’homme et de la femme l’application des lois de l’économie Le rapport identifie 5 champs prio- en particulier. moderne : compétitivité et concur- ritaires qui requièrent une action rence loyale. Et, sans l’ajustement en
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