Si on demande à un adolescent : Qu’est-ce que la Morale ? Il vous répondra généralement : C’est un système d’interdits qui tombent, soit du Mont Sinaï, soit du Vatican, soit de la Préfecture de Police, et qui ont pour raison d’être de m’empêcher de faire ce que j’ai envie de faire, un système répressif et donc haïssable.
Dans la grande tradition du monothéisme hébreu, l’Univers est un processus qui est en train de se faire et qui est inachevée. Lorsque apparaît dans l’univers — il y a très peu de temps, quelques centaines de milliers d’années — un être qui a franchi le seuil de la connaissance réfléchie, un être inachevé lui aussi, la question posée est de savoir s’il va consentir ou non, coopérer activement et intelligemment ou non, à sa propre création, à son propre achèvement.
Il existe des normes objectives pour que l’humanité, l’espèce humaine, l’Homo sapiens sapiens, apparu il y a si peu de temps par rapport aux durées cosmologiques, se développe, ne se détruise pas, ne régresse pas, ne se décompose pas. Ces normes objectives que toute intelligence normalement constituée peut discerner dans l’expérience et à partir de l’expérience, ne nous tombent pas d’en haut sur la tête. Elles sont inscrites dans la réalité elle-même, dans la création en train de se faire et inachevée.
L’idée que se font les adolescents de la Morale, idée qui provient de Nietzsche, de Kant et de quelques autres, est donc absolument à côté de la question.
La question des rapports entre le Christianisme et la politique est faussée à cause de cette conception fantastique et irréelle d’une Morale qui tombe et qui n’est pas inscrite dans le Réel.