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L'Ambassador et ses fonctions PDF

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L'AMBASSADEUR E T SES FONCTIONS PAR ABRAHAM DE WICQUEFORT, Conſeilleraux Conſeilsd'Etat& PrivéduDucdeBrunswic,Lunebourg&Zell,&c. Nouvelle Edition augmentée desPieces ſuivantes. MEMOIRES DE WIC QUEFORT TOUCHANT LES AMBASSADEURS ET LES MINISTRES PUBLIC S. REFLEXIONS SUR CES MEMOIRES. DISCOURS DU MEME WICQUEFORT DE L'ELECTION DE L'EMPEREUR, DES ELECTEURS DE L'EMPIRE TRAITE DU JUGE COMPETENT DES AMBASSADEURS, Traduit du Latin de M. DE .BYNKERSHOEK Preſident du Haut Conſeil de Hollande, &c. PAR JE A N B A R BE Y R A C, Profeſſeur en DroitPublic & Privé à Groningue. Seconde Edition revue & augmentée dans les Notes du Traducteur. TO ME SECOND. A AMSTERDAM , Chez les JANSSONSAW A ESB ERG E. M. D. CC. XXX. Ava Privilege de N. S. les Etats de Hollande de de Weſtfrila 2 IATAT M E M OIRES Τ ο υ C Η Α Ν Τ LES AMBASSADEURS ET LES MINISTRES PUBLICS. PAR MONSIEUR DE WICQUEFORT. TROISIEME EDITION , revuë & corrigée, & faite ſur l'Edition de 1676. AU LE C T EU R. UMNe Nouvelle Politique a vouluſoutenir,depuis quelque tems,que laJuſticedu lieu de la reſidencedesMiniſtres Publicspouvoit eten dre ſa juriſdiction ſur les Perſonnes privilegiées &facrées,de ceux quiyfont nez: nonobſtantmêmes que le Souveraindumêmelieu l'eûtcedé àſesalliez, pour y recevoir les Ambaſadeurs,Reſidents & Agents des Princes, leurs amis communs,& pour les y faire jouirdesdroitsSdesa vantages inſeparables de leurqualité deleur caractere. Ce Paradoxe ayantobligé unMiniſtrepublicàconfrontercesnouvellesMaximesavecce quiaétédetout temspratiquéparles Souverains, quionteuquelqueref peet pourleDroitdesgens, il yatrouvédesexemplesſidirectementoppoſez à cette Politiquemoderne,qu'ila crú lespouvoirproduire,àl'occaſionde l'Aſemblée,dont l'ouverture fo vu fuireàNimegue. Ceux qui lesontvus lespremiers,faventque cen'eſtqu'un ouvragededeuxmois,&qu'il yades confiderations particulieres & très-fortes,quiontconviél'Auteur,s'ileſt permis de l'appeller ainſ,àmettre au jour cetteproductionimparfaite,en I 'attendant qu'ilpuiſſe donner aupublic quelquechoſedemieuxdigeré&de plus achevé. Ilnedoutepoint,quecequ'ilvous ſupplied'agréer preſente ment,neſerveàdétromperceux,quiaïantjuſqu'iciſuivilesmeteoresd'une erreurfoutenueparune autoritéextraordinaire,trouveronticides lumie 1 resplusnettes& plusnaturelles. Cen'eſtquel'eſſai d'un Traitéplusmetho ha dïque,que vous vouspouvezpromettre de la ſatisfaction &dudivertiſe mentquevoustrouverezencesMemoires,ſi vousvousdonnezleloiſir deles lire ſansprejugé, avecquelqueapplication. to Μ Ε Μ Ο Ι Ν Ε S TOUCH A N T LES AMBASSADEURS ET LES MINISTRES PUBLICS , & c. LES L y a aſſés longtems, que conſiderant,qu'il y a peu de perſonnes qui s'appliquent àl'étude duDroit public, & qui entendent le fait des ceremonies, j'avoisfait deſſein de mettre ſur le Papier quelques pen ſées, touchant les Ambaſſadeurs & les Ambaſſades. J'avois pour cet effet fait un recueil deMemoires, &j'avois marquédansmes livres dequoifai reun volumeraiſonnable lur ce Tujet. "Mats me trouvant, depuisquelque temps, depoſſedé des uns & des autres , j'en avoistout-à-fait perdu l'idée&lavolonté, quand on m'a apporté le Traité curieux ſur l'enlevement du Prince de Furſtem berg. J'avoue que cescurioſités à la tête d'un livre n'excitent beaucoup pas la mienne, & jemedéfie extremément de toutes les productions de l'air & du terroirqui ontfaitnaître celle-ci,mais m’imaginant quel'Auteur diroitau moins quelquechoſe deplus que cequi s'en étoit déja publié, j'eſperois y voir la queſ tion fi bien decidée, qu'il n'y refteroitplus de repliqueà la France. Pour dire la verité, je n'y ai trouvé autre choſe, ſinonun engagement,ſans neceſſité,dans un paradoxe, dont l'Auteur ſe démêle ſi mal, qu'il fait pitié. Peut-être ne me démêlerai-je pas mieux de ce que j'entreprens ; mais auſſi ne pretens-je pas de couvrir denouvelles routes , ni remplirlepapier de raiſonnemens en l'air , qui font la plus grande partie des Ouvrages de l'Auteur du Traité curieux. Je ne mets la main à la plume, que pourme donner de l'occupation, & pour charmer, par ce divertiſſement innocent, l'ennui & la dureté d'une très-cruelle perſecution , m’abftenant d'y mêler mon raiſonnement, & laiſſant au Lecteur la libertéd'en faire l'application à ce que l'on a vu depuis quelque tems, en la perſonne d'un MiniſtrePublic, reconnu pour tel par le même souverain, du nom duquel l'on s'eſt ſervi, pour lui faireſon proces. Ceuxqui ont fait des Traités formels , & qui ont écrit des volumes entiers, pour former un parfaitAmbaſſadeur , les ont remplis de lieux communs, & fe lontétendus ſur des qualités, qui neſont pas particulieresà l'Ambaſſadeur, mais quiſont neceſſaires à tousceux, qui font dans les Emplois publics, quels qu'ils puiſſent être, & même à tous ceux que l'on appelle dans le monde bonnêtes gens. A 2 L'a 4 MEMOIRES TOUCH A N T L'avantage de la naiſſance, les biens de la fortune, & les vertus & habitudes ac quiſes aident à former un Ambaſſadeur; mais il faut avouer auſli, que ſans cela on fait une très-méchante figure dans leMonde , & que ces qualitésne ſont pas moins neceſſaires à un Conſeiller & Miniítre d'Etat, comme aufliàun Magir trat de Ville , qu'à un Ambaſſadeur. Il eſt vrai , qu'après la dignité dePrince iln'y en a pointdeplusrelevée que celle-ci; maisil eſt vraiauſſi, qu'il n'y en a point de plus difficileà ſcûtenir , & que pour bien s'acquitter d'une fonction ſi éclatante, il faut auſli poſſeder un merite fort extraordinaire. Ce n'eít pasmon intention d'obſerverunordre fortexact dans ces Memoires; tant parce que j'écris pourme divertir plûtôt que pour donner du plaiſir à au trui,que parce qu'à lareſerve dequelques reglesgénérales, que l'on peut tirer de la Morale & de la Politique, il eſt auſſi difficile d'en donner de certaines, & une methode exacte à un diſcours de cette nature, qu'il a été impoſſible à nos Maîtres d'établir des aphoriſmes infailliblesen laSciencedumondelaplusincertai ne& la plus trompeuſe. Au lieu de faire unedefinition pertinente du mot d'Ambaſſadeur, je dirai,que j'y comprens tous les Miniſtres,queles Princes Souverains envoyent àdesCours étrangeres, pouryfaire leurs affaires, envertu de leursLettres de creance , ſous la foi publique,établie par le Droit desgens. Tellement que donnant, enquel que façon, à ce mot la même étendue, que les Romains donnent à celui deLe gatus, quand ils parlent deceux quiſontemployezà des negotiations d'Etat, je ne dirairien de l'Ambaſſadeuren général, qui nepuiſſe être appliqué aux Én 3 voyés , Reſidents , Agens, Deputez , Commiffaires , & pour dire cn un mot, àtous ceuxqui comme Miniſtres publics, font les affairesd'un Princeoud'un Etat dans une Courêtrangere, auſſi bien qu'aux Legats, Nonces, & à ceux qui ont proprement le caractere d’Ambaſſadeur, tant ordinaire qu'extraordinaire. La raiſon eft, parce que le Droit des gens étendſaprotection également ſur les uns & les autres : même ſuivant les fentimens de Meſſieurs les Etats de Hol lande, bien nettement exprimez en leur reſolution du 29.Mars 1651 , que nous mettrons ici, comme une despieces les plus eſſentielles, dont ce petit ouvrage ſera compoſé. Elle parleen cestermes. Les Chevaliers, Nobles & Villes de Hollande & Weft-Friſe, repreſentans „ Pes Etatsde la même Province : A tous ceux qui cespreſentes Lettresverront, » ou lire orront : Salut. Commeainſiſoit que ſuivant leDroit des gens, &même desNationsbar bares , les perſonnes des Ambaſadeurs, Reſidents, Agens& des autres ſembla » bles Miniſtres publics,de Rois, Princes &Republiques, ſoient tenues par tout » en une li hauteconſideration , qu'il n'y a perfonne, quelle qu'elle puiſſe êrre, »5 quiles ofe offenſer , leſer ouendommager: mais au contraire, qu'ils ſont en » poffeffion d'être reſpectez , hautement conſiderez , & honorez d'un chacun. Neanmoins d'autant qu'ileſt parvenu à nôtre connoiſſance, que quelques „ gens inſolents, emportez & diftolus ont bien oſé faire & entreprendre le con > traire de ce que derius, à l'égard de quelques Miniſtres publics, qui ont été » envoyez à cet Etat,, &qui reſident ennôtre Province: Nous, voulanty » pourvoir, avons trouvébon, d'ordonner bien expreſſément, parcette nôtre declaration, de fatuer & de defendre bicn ſeverément, ainſi que nous ordon 92 99 nons , DES AMBASS A D E U R s. 5. „, nons, ſtatuons & defendonsbien ſeverément, par les preſentes:Queperſonne, de quelque nation, état, qualité oucondition qu'ellepuiſſeêtre , n'offenſe, endom mage, greve, ou faſſe inſulteou injure ,directement ou indirectement, en quelque 35 façonoumaniere que cepuiſſe être,les Ambaſadeurs, Reſidents g.Agents,ou au tres Miniſtres de Rois, Princes, Republiques, ou autres aians laqualitéde Miniſ 5 trepublic,en aucune maniere: en leursperſonnes, Gentilshommes,Valets, mai %95; fons, caroſſes , ouautres choſes, qui leur puiſſentappartenir, ou dépendred'eux, de parole", defait ou de mine, à peine d'encourir nôtre derniere indignation, & d'être punis corporellement, comme violateurs du Droit desgens , & pertura ) bateurs du repos public : Le tout ſelon l'exigence & la conſtitution des cas. Ordonnant à tous les habitans de cetteProvince, & à tous ceux qui s'y trouveront, qu'au contrairede ce quedeffus , ils aientà faire tout honneur, & à rendre toutreſpect àcette ſorte de Miniſtres : mêmes de leurdonner, commeaufli à leurs domeſtiques, & à ceux de leur ſuite , touteaide , & à contribuertout ce qui pourra ſervir àleur honneur , & aider à leur ſervice & commodité. Ordonnant & commandant au premier & aux autres Conſeillers » de la Cour de cette Province, comme auſſi,à tous autresOfficiers,Juſticiers وو ,, & Magiſtrats, & à tousceux qu'il appartiendra,de proceder contre les tranſ » greſſeurs, par execution des peines ci-deſlus mentionnées, ſans connivenceou diffimulation aucune. Fait à la Haye , fous nôtre grand feel le 29 Mars » ور .1651 Après avoir donné cette grande étendue aumotd'Ambaſſadeur, je dirai, que je demeure d'accord avec tousceux, qui ont traitécettematiere , qu'il faut ne ceſſairement,quecestrois qualitez ſerencontrent au Miniſtre public: lanaiſance, l'etude & l'experience. La premiere rend ſon ſujet ſuſceptible d'inſtruction , la ſeconde l'inſtruit en effet, & latroiſiéme achevede le former. Maisje ne ſuis pas d'accord aveceux dela fignification , qu'ils donnent aux deux premieresde ces trois qualitez. Ils entendentpar la premierel'avantage de l'extraction ou de la Nobleſſe, & moij'eſtime que la naiſance icin'eſt autre choſe, que l'excellen cedu naturel, & laforce dugenie; àl'égard duquelon dit , Gaudeant bene nati: Carencoreque la naiſſance noble de l'Ambaſſadeur donnequelqueluſtreà l'Am baſfade, il faut avouer pourtant, que ce n'eſt qu'un faux éclat , fi le.Miniſtre ne laſoûtient par ſonmerite. Lesplusgrandes Maiſons ne produiſentpastoll jours les plus grandshommes. Ceux-là le font veritablement qui ſefont eux mêmes, & quinedoivent rien à la fortuneni à leurspredeceſſeurs. La plupart des grands Seigneurs ſont plus propres pourune Ambaſſade de ceremonie, que pour la negotiation. Dans uneAmbaſſade d'obedience, où un Orateur em pruntéporte la parole, pour une folemnité de baptême ou demariage, dans l'occaſion d'une mort ou d'une naiſſance , ou pour voir jurer l'obſervation & l'execution d'un Traité, c'eſt-là où ils triomphent. Ils ne ſont nez que pour les complimens , & neſe donnent pas leloiſir nila peine de ſe faire aux affaires. Le MaréchaldeBiron,le Pérep,arloitdes Princes du fangde ſon tems, comme degens, quinefe pouvoient faireconſiderer,que parla ſeule qualitéde leur nail fance. Comme en effet Antoine, Roi deNavarre, & le Comte de Soiſſons étoient deux perſonnages fort mediocres', &il s'en falloit peu, que lesCardinaux de Bourbon & de Vendôme ne fuſſent ridicules. Je ne parle point de Henri IV A 32 qui 6 M E MOIRES TOUCH A N T qui devint un des plusgrands Rois, qui aïent jamais regné en France ; mais je dirai ſeulement qu'aprèslui iln'y eut que Louis , Prince de Condé, qui fuậtine. la reputation de la Maiſon. De tous ceux qui ontécrit l'Hiſtoire de cetems-là, il n'y en apas un qui ne die, que le dernier poſſedoit la vaillance , la liberalité, la generoſité, l'amour de la juſtice, la courtoiſie & l'affabilité en telle perfec tion, que l'on ne pouvoit pas dire laquellede toutescesvertusétoit la dominante. Le RoiLouis xi, qui avoit l'ame plus intereſſéeque grande , ſi ce n'elt que l'on veuille dire , que l'interêt fait la veritablegrandeur des Monarques , pour vu qu'ils ne s'y trompent pas,ſe plaiſoit àemploïer des gens, qui avoient beau coup d'eſprit, & peu de naiſſance. Ilſe fervit utilement, endesnegotiations importantes, d'Olivier Daim , ſon Chirurgien , & il ne craignit point de faire traveſtir en Herault le Palefrenierd'un des Gentils-hommes dela Maiſon , qu'il envoya au camp des Anglois, où il fitles affaires auſſi adroitement , ou heureu ſement, que le Roi pouvoit deſirer. Etcommeil prenoit plaiſir à ſeſervir de cette forte degens , ainſi ne dédaignoit-il point de recevoirdes Miniſtres de la même étoffe,quand les autres Princes luien envoyoient. Galeas,Duc de Milan, lui envoya unMarchand de la même Ville, en qualité d'Ambaſſadeur. Louis le fit tâter par Phil. de Commines, &l'ažant goûté , il negotia, & renouvella le Traité d'alliance avec lui. Les Hiſtoires ſont remplies d'exemples d'une infinité de gens defortune, que le merite , ou le capricedes Princesa élevez aux pre miers emplois, tant chez eux, que dans les Cours étrangeres. Je n'aigarde de mettre dece nombre Pierre Paul Rubens . car outre que fa naiſſance n'étoit ni vile niabjecte , étant le premier de fa profeſſion , il enrele voit l'excellence par ſa belle Litterature, &par un eſprit très-capabled'affaires. Ilavoit été employé en Angleterre avant qu'ilfût envoyé en Hollandeenl'an 1633, pour y pourſuivre la negotiation de la Trêve : mais le Ducd' Arſchot & l'Archevêque de Malines, qui en avoient fait la premiereouverture , ne pouvant ſouffrir , qu'un homme qui étoit d'unequalité ſi loin au deſſous dela fien pas ne, ſe mêlât de ſa negotiation , n'eut pas beaucoup de peine à ruïger ſes eſpe rances, puis qu'ildeseſperoit lui-mêmedu ſuccès des intentions de ſes Commit, tents. Je dirai àcette occaſion , que cette forte de gensde baſſecondition, comme auſti les Miniſtres du ſecond ordre , c'eſt-à-direlesEnvoyez & les Reſidents, qui ne ſe trouvent point revêtusde cet embaraſſant caractere repreſentatif, s'il eſt permisde parlerainſi , ſontà mon avis bienplus propres pour la negotiation que les Ambaſſadeurs. On s'imaginera peut-être, quej'avance ici un paradoxe: mais ſi l'on conſidere , que les uns peuventaller & venirfans façon , qu'ils ſe peuvent trouver à laporte du cabinetd'unMiniſtre,ſans faire tort à la grandeur de leur maître , qu'ils peuvent faire leurs intrigues ſansſoupçon, & rendre leurs viſites fans donner ombrage : aulieu que l'Ambaſſadeur eitobligé de concerter toutes ſes actions, de demanderſes audiances ,tant au Prince qu'aux Miniſtres, defepayerdedelais & de remiſes , & deménager toutes ſes démarches i qui plusellesſont ſecretes plus elles ſontépices&obſervées, &qu'il ne peutpas re cevoir le moindre rebut, quel'outrage ne paſſe juſquesà laperſonne duPrince ſon maître: Si l'on veut conſiderer tout cela , dis-je, je m'ature, que l'on de meurera d'accord de la verité, queje viens de poſer. II E ES AMBASSADEUR S. 7 1 Ileſt bien certain , que c'eſt une très grandeaide que l'étude; mais il eſt très certain aufli , que les plus ſavans ne ſontpastoûjours les plus ſages, ni les plus habiles negotiateurs. Etcommedesmeilleures choſes les corruptions ſont les plus mauvaiſes, ainſi un homme de robbe,qui tient bien ſon poſte dans le Con feil quand il eſt homme de bien , eſt très-dangereux quandil ne l'eft pas. Il eſt vrai auffi , que les livres ſont propres à former un homme à la contemplation, aulieu que l'Ambaſſadeur doit être dans une activité perpetuelle , & qu'il eſt difficile , que ceux qui ſont continuellement dans les livres,ne contractent quel que choſe, qui tienne du pedant, c'eſt à dire une qualitéincompatibleavec celle de Miniſtre , qui doittellement pencher del'autrecôté , qu'on le croye plûtôr ignorant qu'homme de lettres & plus obligé à ſon eſpritqu'aux Doc teurs. Don Diego Sarmiento d'Acugna , Comte de Gondemar , Ambaſſadeur d'Er pagne en Angleterre , avoitun genie & un merite fort ordinaire, & neaumoins il le rendit fort agreable au RoiJaques ; pas tant parcequ'il lui faiſoiteſperer le mariage du Prince de Galles avec l'Infantc d'Eſpagne, à quoiil travailloit, que parce qu'au licu de cette gravité , qui eſt fi naturelle à ceux de la Nation, il avoit une derniere complaiſance pour le Roi. Ils s'entretenoienttoûjours en Latin, &comme le Comte , qui n'en ſavoit pas beaucoup , & affectoit peut être d'en favoir encore moins , qu'il n'en ſavoit en effet , ne ménageoit pas fort Priſcian, commel'on dit, pour divertir leRoi, fa Majeſté luidit un jour, qu'il le trouvoit forthonnêtehomme, & qu'il l'aimoit, maisqu'il ne luipou voit pas celer, que ſon Latin lui écorchoir les oreilles. Le Comte , qui vivoit dansune grandefamiliarité avecleRoi, repartit , qu'il parloit mieux Latin que lui: queſon Latin étoitunLatin de Roi,& celui duRoi un Latin de pedant. J'oſe dire , que peu de ſavans ont réuſſi en cette ſorte d'emplois. Ce n'eſt pas, que la pluſpart de ceux qui y ont réuffi , n'aïent eu quelque teinture de Lettres, & n'aïent même ſu ce qu'elles ont de plus beau & depluscharmant; maisje veux dire, que ceux que l'on nommoit autrefois grands Clercs , ne font pas les plus habiles Miniſtres, & que le bon ſensa toûjours plus de part au ſuc cèsdesnegotiations que legrandfavoir. La raiſon eſt, que ce ſont deux pro feſſions differentes , dontl'une eſt capable d'occuper tout l'eſprit de celui qui s'y veut appliquer. Le Cardinal Befarion fut un deceux , qui peu de tems avant le rétabliſſementdela connoiſſance desBelles Lettres, enſeignerent la Lan gue Grecque, qui étoit famaternelle ,dans les parties les plus Occidentales de l'Europe. Le Pape ſe voulut fervirdelui, pourfaire la paix entre le Roi Louiïs XI , & Charles, dernier Duc de Bourgogne. Il favoit beaucoup de Grec ; mais il n'avoit pas appris; qu'il devoitlapremiere viſite au Roi , comme au plus grand des deux Princes, avec qui ilavoit à negotier : tellementqu'étant affez imprudent , pouraller en France , après avoir été en Flandres , le Roile traita de ridicule, refuſa long-temsdelui donner audiance, &le renvoya enfin comme il était venu. On en voit le conte dans lesMemoires de M. de Bran tome, quien parle aſſez plaiſamment, à ſon ordinaire. LeCardinaldu Perronfavoit , & ilvouloit que l'on crût, qu'ilétoit encore plus ſavant, qu'il n'étoit en effet : mais ſi on veut mettre ſes Lettresenparal. lele, avec celles du Cardinald'Oſat, à qui la Cour de Rome avoitſervid'Univer fité, & Paul de Foix , Archevêque de Toulouſe , de Precepteur, l'on ne trou vera 8 M E MOIRES TOUCHANT vera dans lesunesque des paroles , & une grande vanité, & dans les autres un eſprit ferme& folide, & desaffaires très importantes, fort prudemmentnego tiées , & très heureuſementdémêlées , Thomas Smith , que laReine Eliſabeth d'Angleterreemploya en pluſieurs Ambaſſades , & avança enfinà lacharge de Secretaire d'Etat, étoit ſavant & lespaſſages Latins, dont ſes Dépêches ſont 2 remplies, font juger, qu'ilen faiſoit oſtentation : Mais il faut avouer , que les Lettres de François Walſingham , qui évite cette affectation, commes'il crai gnoit , que l'on ſûr qu'il ſavoit le Latin , portent une infinité de marques de cette fine Politique , dontla Reine, qui ſe connoiſſoit en hommes, & le Lord Burgley, ſon premier Miniſtre, faiſoient tant d’eſtime. Nous avons vu depuis quelques annéesun des grands genies de notreſiecle, & qui avoit, avec un applaudiſſement univerſel, publié un fi excellent Traité du Droit public, qu'ilpaſſepour le plus ſavant ouvrage, que nôtre temsait produit, entrer dansun lemblable emploi en France ; mais bien qu'il y ait fort bien répondu à la reputation , qu'il avoit déja, ſes amis jugeoient pourtant , qu'il auroit encore mieux réuſhi, s'il eût donné un peu plus de tems à ſon Am baſſade, & moins à ſes études. Au contraire , ſon fils , quin'a prisde l'étude que ce qu'il fautpour former un galant homme , a acquis, & avec juſtice, la reputation d'un des plus adroitsnegotiateurs , que les Provinces Unies aïenteu depuis que leur Etatſubfifte. Il en poſſede toutes les qualitez , & s'il eût été allez heureux , pour faire croire & ſuivre les avis , qu'il donnoit de tems en tems, il n'en ſeroitpasplus malheureux, nil'Etatnon plus. M. de Thou , Ambaſſadeur de France à la Haye, avoitde l'étude , mais trop Car s'y étant trop fortementappliqué pendant lavie de ſon frereaîné, comme ſi le ſavoir du Pere dût paſſerjuſqu'à lui par droit de ſucceſſion hereditaire, il n'avoit pas eu le tems de ſe donner auxaffaires. LeComted'Eſtrades, quilui ſucceda à l'Ambaſſade., avec le titre d'extraordinaire , ſavoit le Latin de ſon Breviaire. Il s'étoit des fa Jeuneſſejetté dans une profeſſion toute oppoſéeà celledesLettres;maisleCardinal de Richelieu n'eut pas fi tôt connu ſon eſprit, qu'illejugea très-capable de negotier, & dignedesgrandsemplois, oùil aété élevé depuis. L'Italie l'a vu à la têtede ſes armées& de ſes affaires : l’Angle terre s'eſt rendue à ſon adreſſe , & les Provinces Unies ont eu leloiſir d'admirer ſon courage, auſſi bien que la prudence politique. Il en ſera parlé plus d'une fois en la ſuite de ces Memoires, & particulierement àl'occaſiondesdeux ren contres, que lareſolution la plusdeterminée , & la Politique la plus raffinée ne pouvoientpas faire reuſſir à ſon avantage. On nepeutpas nier, que la lecture & la meditation ne commencent à former un Miniſtre, & que l'étude n'ackeve ce qui manque à ſon éloquence naturelle: de ſortequ'il ne ſe peut, que ce ne ſoit un très-grand avantage que de joindre l'acquis à ce que l'on tient de la nature. Aufli voit-on preſquetoujoursdans les Ambaſſades importantes , où pluſieurs perſonnes ſont employées , quelque hom me de Lettres, qui porte la parole en desactions ſolemnelles, ou qui aide à re ſoudre des difficultez, qui ſe decident par lachicane plûtôt que par le ſens com Mais comme la pluſpart de ces Meſſieurs ont de la peine àſe défaire de mun. cette humeur conteſtante ,qu'ils ont contractée dansle barreau , ſur tout s'ils y ont vieilli,aufli ſerendent-ilspluscapablesdebrouillerlesaffairesquedelesdémêler. Ceux

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