Description:Si tout change, il n'y a pas de traduction, et il n'y en a pas non plus si rien ne
change. Les problèmes que pose la traduction peuvent se résumer en deux questions
principales: il s'agit de déterminer, d'une part, ce qui doit changer et ce qui, au contraire,
doit rester inchangé pour qu'il y ait traduction; d'autre part, dans quelle mesure
ce qui doit rester inchangé peut effectivement demeurer tel après que ce qui doit
l'être a été changé. Répondre à la première de ces questions équivaut, en dernière
analyse, à établir la définition même de la traduction. Avec la seconde nous posons
en définitive la question de la possibilité de la traduction ou, du moins - puisque,
des traductions, il s'en fait de toute façon en grand nombre chaque jour—, celle de
la possibilité de sa fidélité.La traduction
Le changement que suppose la traduction a lieu pendant l'exercice d'une pratique
et consiste évidemment à changer le moyen de cette pratique pour atteindre un
but qui doit cependant rester le même. La pratique dont il s'agit est bien entendu lacommunication et, avec la traduction, ce qui change est donc le signal dont on se sert
pour transmettre un sens, lequel doit au contraire rester inchangé. L'évidence de ces
observations dissimule toutefois plusieurs problèmes. Si quelqu'un dit, par exemple,
Pierre arrive aujourd'hui et, remarquant que le récepteur ne réussit pas à comprendre,
essaie de le faire y parvenir en disant ensuite Mon frère Pierre arrive aujourd'hui,
il y a bien changement de signal pour transmettre le même sens, mais il n'en
est pas moins patent qu'il n'y a pas de traduction. Les raisons pour lesquelles on n'a
pas, en pareil cas, affaire à une traduction sont au nombre de deux (au moins) et toutes
deux méritent un examen détaillé.